La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011 | 19
Points forts
»
La douleur du cancer ORL est complexe : elle est le plus souvent mixte, nociceptive et neuropathique, avec
des répercussions psychologiques (anxiété et dépression).
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Les douleurs précoces sont liées à la chirurgie (exérèses extensives, prélèvement des lambeaux musculaires)
et à la radio-chimiothérapie (mucite).
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Les douleurs tardives sont liées d’abord à la récidive (80 % dans les 2ans) et aux séquelles des traitements
(atteinte scapulaire des lésions du XI, radionécrose).
»
Les opioïdes sont utiles, mais peuvent induire des effets indésirables limitants. Il faut savoir s’aider de
coantalgiques (corticoïdes, anti-infectieux, antidépresseurs, antiépileptiques).
»
La galénique doit être adaptée à la pathologie ORL (forme orodispersible, fentanyl transcutané, transmuqueux).
»
La douleur du cancer ORL nécessite une prise en charge globale (douleur, souffrance, impact psychosocial).
Mots-clés
Douleur complexe
Opioïdes
Nouvelles galéniques
Coantalgiques
Séquelle
destraitements
Highlights
»
Pain due to ENT carcinomas
is complex: most often mixed,
nociceptive and neuropathic,
with psychological repercus-
sions (anxiety, breakdown).
»
Early pains are due to redux
(80% within 2 years) and to
treatment sequelae (shoulder
disabilities due to XI lesions,
radionecrosis).
»
Opioids are useful, but may
have adverse effects. Use
co-pain killers such as corti-
costeroids, antibreakdown,
antiepileptics.
»
Galenical have to be fitted to
ENT pathology (trancutaneous
or transmucous fentanyl).
»
The management of pain has
to be global (pain, suffering,
psychosocial impact).
Keywords
Complex pain
Opioids
New galenicals
Co-painkillers
Treatment sequella pain
Les douleurs
aux différents temps
de l’évolution du cancer ORL
Les douleurs initiales dépendent de la localisation
tumorale. Les cancers de la cavité buccale et du
pharynx sont les plus douloureux, en particulier les
localisations amygdaliennes. Quasi absente dans
les cancers laryngés, la douleur peut précéder de
plusieurs mois la détection de la tumeur (6).
Les douleurs secondaires à l’évolution tumorale
sont le plus souvent mixtes, dues à l’expansion de
la tumeur au niveau des tissus et des troncs nerveux
comme le système trigéminé, le nerf facial (VII), le
nerf accessoire (XI), le glossopharyngien (IX) et le nerf
laryngé supérieur (X). Les mécanismes sont inflamma-
toires, liés a l’effet “volume” de la tumeur, mais aussi
à la destruction tissulaire, qui libère des substances
algogènes. Les douleurs sont majeures dans les formes
évoluées des tumeurs de la base de la langue (nerf
laryngé supérieur), ou dans les atteintes de la base
du crâne avec envahissement des nerfs mixtes.
La douleur “sentinelle” apparaît au décours d’un
traitement curatif et pose un problème de diagnostic
différentiel entre la récidive tumorale et une
éventuelle séquelle de traitement (radionécrose).
La réapparition d’une douleur ou sa modification
imposent une expertise clinique, endoscopique et
d’imagerie (IRM, PET scan).
Les douleurs neuropathiques, liées à l’évolution
locorégionale du cancer envahissant les troncs
nerveux ou secondaires aux traitements, sont le
plus souvent focalisées sur la région cervico-faciale ;
elles sont distales dans le cadre de la chimiothé-
rapie. Elles sont décrites comme une brûlure, des
dysesthésies, quelquefois des décharges électriques.
L’examen clinique peut retrouver une zone d’hypoes-
thésie dans le territoire du nerf concerné, parfois une
allodynie déclenchée par le frottement de cette zone.
Le caractère très névralgique (nerfs V et IX) est le
plus souvent symptomatique d’une évolution locoré-
gionale, de même qu’au niveau du plexus cervical et
brachial, lors des évolutions ganglionnaires.
Les douleurs, séquelles des traitements curatifs
du cancer, varient en fonction du type de traitement
(chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) et sont de
mécanismes divers : neuropathique ou musculoli-
gamentaire (tableau I). Les douleurs postchirurgi-
cales précoces après exérèse extensive ou lors des
prélèvements de lambeaux musculaires libres ou
pédiculés sont importantes ; les douleurs tardives
Tableau I. Principales séquelles douloureuses en fonction du traitement du cancer ORL (4, 7-13).
Type de douleur Radiothérapie± chimiothérapie Chirurgie± lambeau± curage Chimiothérapie
Oropharyngée
Dysphagie
Mucite : dès 10grays,
tGSÏRVFOUF
[7-10]
tTÏWÒSFEFHSBEF
tre semaine ➙TFN
Dysphagie
Trouble de la déglutition
Mucites
Douleur neuropathique Si > 60 grays
Nerf trijumeau, plexus cervical
(7-10)
Lésions nerveuses : nerf mandibulaire
(BPTM), plexus cervical (lambeaux)
Neuropathie distale
(mains, pieds)
Douleur musculo-
squelettique
Douleur cervico-
scapulaire sévère,
abduction<90°/chute
épaule/conflit sous-
acromial
(11, 12)
Fibrose muscles
Trismus
Lambeau musculaire
dereconstruction
Lésions nerf accessoire
(curages ganglionnaires surtout
posterolatéraux, sacrifice veine
jugulaire ± radiothérapie)
[11,12]
Douleur dentaire
Douleurs sévères tardives
(13)
os, cartilage laryngé
Radio-nécrose mandibule, articulation
costo-claviculaire
Cartilage laryngé
Articulation temporo-mandibulaire
Dysfonctions Séquelles : musculaires, cutanées,
radiodermite
Déglutition, parole, image corporelle