Prise en charge de la douleur dans les cancers ORL

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DOSSIER THÉMATIQUE
Les cancers en ORL
Prise en charge de la douleur
dans les cancers ORL
Pain treatment of head and neck cancer
M. Navez* J.M. Prades**
L
a prise en charge de la douleur a fait l’objet
d’avancées dans différents domaines comme
l’évaluation, la connaissance des différents
mécanismes et types de douleur, les thérapeutiques
médicamenteuses avec de nouvelles galéniques, et
une évolution vers une prise en charge plus globale
de la douleur et de la souffrance liées à l’impact
psychosocial et au handicap.
La prévalence de la douleur au cours du cancer ORL
est importante puisque environ 60 % de patients
vont souffrir de manière sévère aux différents stades
de la maladie (1), de la phase diagnostique à celle
des traitements curatifs, lors des évolutions et
des récidives (2). Les standards de traitement des
tumeurs pharyngo-laryngées se sont modifiés afin
d’éviter la mutilation laryngée (chirurgie partielle,
endoscopique, radiothérapie séquentielle, chimiothérapie). Les douleurs séquellaires de la chirurgie
restent fréquentes (un tiers des patients souffrent
de douleur scapulaire myofasciale ou articulaire) et
celles induites par la radio-chimiothérapie, si elles
ont une prévalence moindre, sont plus sévères (3).
La douleur du cancer ORL
est complexe
* Centre d'évaluation
et de traitement de la douleur
(CETD), CHU de Saint-Étienne.
** Service d’ORL,
CHU de Saint-Étienne.
Les patients souffrant de cancer ORL ne décrivent
pas “une douleur, mais des douleurs”, qui vont
dépendre de mécanismes différents : nociceptifs,
neuropathiques, myofasciaux… Elles sont donc
le plus souvent mixtes, associées à la souffrance
globale d’ordre émotionnel, social et au handicap (4).
La douleur nociceptive est liée aux excès de
stimulation des récepteurs périphériques par
l’envahissement tumoral, avec des mécanismes
inflammatoires, infectieux, compressifs, ischémiques,
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et répond volontiers aux traitements antalgiques.
La douleur neurogène est liée à des altérations,
partielles ou totales, du système nerveux périphérique (envahissement tumoral des troncs nerveux
ou lésions secondaires au traitement curatif) et
nécessite des traitements à visée neuropathique :
antiépileptiques, antidépresseurs, anesthésiques
locaux, etc.
Évaluation
et diagnostic de la douleur
L’évaluation de la douleur et sa traçabilité sont
obligatoires. L’évaluation est bien codifiée et validée
(Recommandations de la Haute Autorité de santé
pour l’évaluation de la douleur). Ses objectifs sont
de quantifier, par une mesure globale, l’intensité de
la douleur (échelle d’autoévaluation visuelle analogique : EVA, numérique, etc.) et son retentissement
fonctionnel (sommeil, activité…), et d’analyser les
composantes sensorielles et émotionnelles. Elle
peut être difficile à réaliser en ORL chez des patients
présentant des difficultés de langage. Elle permet
d’adapter le traitement antalgique en fonction de
l’intensité de la douleur, en situation de repos ou
lors de mobilisations ou d’efforts de déglutition.
Elle permet également de contrôler l’efficacité du
traitement par des mesures répétées.
L’analyse séméiologique et les outils diagnostiques
permettent d’identifier certains types de douleurs,
en particulier les douleurs neuropathiques, avec un
questionnaire simple (DN4) comportant 4 séries de
questions et 10 items au total (brûlures, décharges
électriques, fourmillements, troubles de la sensibilité, etc.). La valeur seuil est de 4/10 avec une
sensibilité de 83 % et une spécificité de 87 %) [5].
Points forts
» La douleur du cancer ORL est complexe : elle est le plus souvent mixte, nociceptive et neuropathique, avec
des répercussions psychologiques (anxiété et dépression).
» Les douleurs précoces sont liées à la chirurgie (exérèses extensives, prélèvement des lambeaux musculaires)
et à la radio-chimiothérapie (mucite).
» Les douleurs tardives sont liées d’abord à la récidive (80 % dans les 2 ans) et aux séquelles des traitements
(atteinte scapulaire des lésions du XI, radionécrose).
» Les opioïdes sont utiles, mais peuvent induire des effets indésirables limitants. Il faut savoir s’aider de
coantalgiques (corticoïdes, anti-infectieux, antidépresseurs, antiépileptiques).
» La galénique doit être adaptée à la pathologie ORL (forme orodispersible, fentanyl transcutané, transmuqueux).
» La douleur du cancer ORL nécessite une prise en charge globale (douleur, souffrance, impact psychosocial).
Les douleurs
aux différents temps
de l’évolution du cancer ORL
Les douleurs initiales dépendent de la localisation
tumorale. Les cancers de la cavité buccale et du
pharynx sont les plus douloureux, en particulier les
localisations amygdaliennes. Quasi absente dans
les cancers laryngés, la douleur peut précéder de
plusieurs mois la détection de la tumeur (6).
Les douleurs secondaires à l’évolution tumorale
sont le plus souvent mixtes, dues à l’expansion de
la tumeur au niveau des tissus et des troncs nerveux
comme le système trigéminé, le nerf facial (VII), le
nerf accessoire (XI), le glossopharyngien (IX) et le nerf
laryngé supérieur (X). Les mécanismes sont inflammatoires, liés a l’effet “volume” de la tumeur, mais aussi
à la destruction tissulaire, qui libère des substances
algogènes. Les douleurs sont majeures dans les formes
évoluées des tumeurs de la base de la langue (nerf
laryngé supérieur), ou dans les atteintes de la base
du crâne avec envahissement des nerfs mixtes.
La douleur “sentinelle” apparaît au décours d’un
traitement curatif et pose un problème de diagnostic
différentiel entre la récidive tumorale et une
éventuelle séquelle de traitement (radionécrose).
La réapparition d’une douleur ou sa modification
imposent une expertise clinique, endoscopique et
d’imagerie (IRM, PET scan).
Les douleurs neuropathiques, liées à l’évolution
locorégionale du cancer envahissant les troncs
nerveux ou secondaires aux traitements, sont le
plus souvent focalisées sur la région cervico-faciale ;
elles sont distales dans le cadre de la chimiothérapie. Elles sont décrites comme une brûlure, des
dysesthésies, quelquefois des décharges électriques.
L’examen clinique peut retrouver une zone d’hypoesthésie dans le territoire du nerf concerné, parfois une
allodynie déclenchée par le frottement de cette zone.
Le caractère très névralgique (nerfs V et IX) est le
plus souvent symptomatique d’une évolution locorégionale, de même qu’au niveau du plexus cervical et
brachial, lors des évolutions ganglionnaires.
Les douleurs, séquelles des traitements curatifs
du cancer, varient en fonction du type de traitement
(chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) et sont de
mécanismes divers : neuropathique ou musculoligamentaire (tableau I). Les douleurs postchirurgicales précoces après exérèse extensive ou lors des
prélèvements de lambeaux musculaires libres ou
pédiculés sont importantes ; les douleurs tardives
Tableau I. Principales séquelles douloureuses en fonction du traitement du cancer ORL (4, 7-13).
Type de douleur
Radiothérapie ± chimiothérapie
Chirurgie ± lambeau ± curage
Chimiothérapie
Oropharyngée
Dysphagie
Mucite : dès 10 grays,
tGSÏRVFOUF
[7-10]
tTÏWÒSFEFHSBEF
tre semaine ➙TFN
Dysphagie
Trouble de la déglutition
Douleur neuropathique
Si > 60 grays
Nerf trijumeau, plexus cervical (7-10)
Lésions nerveuses : nerf mandibulaire Neuropathie distale
(BPTM), plexus cervical (lambeaux) (mains, pieds)
Douleur musculosquelettique
Fibrose muscles
Trismus
Lambeau musculaire
de reconstruction
Douleur cervicoscapulaire sévère,
abduction < 90°/chute
épaule/conflit sousacromial (11, 12)
Lésions nerf accessoire
(curages ganglionnaires surtout
posterolatéraux, sacrifice veine
jugulaire ± radiothérapie) [11, 12]
Radio-nécrose mandibule, articulation
Douleur dentaire
Douleurs sévères tardives costo-claviculaire
(13) os, cartilage laryngé Cartilage laryngé
Articulation temporo-mandibulaire
Dysfonctions
Séquelles : musculaires, cutanées,
radiodermite
Mots-clés
Douleur complexe
Opioïdes
Nouvelles galéniques
Coantalgiques
Séquelle
des traitements
Highlights
» Pain due to ENT carcinomas
is complex: most often mixed,
nociceptive and neuropathic,
with psychological repercussions (anxiety, breakdown).
» Early pains are due to redux
(80% within 2 years) and to
treatment sequelae (shoulder
disabilities due to XI lesions,
radionecrosis).
» Opioids are useful, but may
have adverse effects. Use
co-pain killers such as corticosteroids, antibreakdown,
antiepileptics.
» Galenical have to be fitted to
ENT pathology (trancutaneous
or transmucous fentanyl).
» The management of pain has
to be global (pain, suffering,
psychosocial impact).
Keywords
Complex pain
Opioids
New galenicals
Co-painkillers
Treatment sequella pain
Mucites
Déglutition, parole, image corporelle
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011 |
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Les cancers en ORL
Prise en charge de la douleur dans les cancers ORL
Accès douloureux paroxystiques
Exacerbation transitoire d’une douleur cancéreuse par ailleurs contrôlée par le traitement de fond (de 51 à 90 % des cas)
Survenue rapide < 10 mn
Courte durée < 1 heure
Sévère (38 %), modérée (46 %)
Étiologie : nociceptive (de 53 à 75 %), neuropathique (de 10 à 27 %), mixte (de 16 à 20 %)
Douleur de fin de dose
Insuffisance du traitement de fond
Douleur prévisible
(déglutition, pansement, mobilisation…)
Augmentation du traitement de fond,
du nombre d’interdoses d’opioïdes LI
LI : libération immédiate.
Douleur imprévisible spontanée,
sans cause décelable
Traitement préventif impossible
Opioïdes LI, dont fentanyl transmuqueux
Traitement préventif 30 mn avant
ou traitement immédiat
avec prise d’opioïdes LI
Figure. Analyse temporelle des douleurs et conséquences thérapeutiques (14, 15).
restent fréquentes (1/3 des patients souffrent de
douleurs scapulaires myofasciales ou articulaires).
Les douleurs induites par la radio-chimiothérapie sont
moins fréquentes, mais plus sévères (douleurs des
mucites, des nécroses post-radiothérapiques, etc.). La
souffrance et le handicap liés aux perturbations des
fonctions essentielles (langage, déglutition, atteinte
de l’image corporelle…) sont omniprésents (4, 7-13).
L’analyse temporelle des douleurs de fond et
des douleurs paroxystiques (figure) permet de
distinguer une douleur de fond présente quasi continuellement des accès douloureux paroxystiques
(ADP), représentés par des exacerbations transitoires
de l’intensité douloureuse (14, 15).
Traitement de la douleur
du cancer ORL :
les particularités
Les données de la littérature dans ce domaine
sont limitées ; en pratique, les recommandations
utilisées sont celles communes à tous les types
de cancer (15). Cependant, des particularités
existent. Les troubles de la déglutition, la présence
de sondes nasogastriques ou de gastrostomie font
privilégier des galéniques autorisant d’autres voies
que la voie orale. La richesse de l’innervation faciale
explique la fréquence des douleurs mixtes et la
nécessité, souvent, de traiter à la fois les compo-
20 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011
santes nociceptive et neuropathique. La fréquence
des mécanismes inflammatoires, infectieux,
œdémateux au niveau cranio-facial et oropharyngé
justifie les coprescriptions de corticostéroïdes et
d’anti-infectieux.
Traitements de la douleur :
recommandations
et choix des médicaments
Les paliers de l’Organisation mondiale de la santé
(OMS) stratifient les antalgiques en fonction de
leur puissance d’action (tableau II), et les stratégies
thérapeutiques des douleurs par excès de nociception
liées au cancer ont fait l’objet de recommandations (15).
Tableau II. Paliers antalgiques de l’OMS.
Niveau 1
Antalgiques
non morphiniques
Niveau 2
Antalgiques
opioïdes faibles
Niveau 3
Antalgiques
opioïdes forts
Paracétamol
AINS
Néfopam
Codéine
Tramadol
Morphine
Oxycodone
Fentanyl
Hydromorphone
Douleur faible
Douleur modérée
Douleur sévère
Association aux coantalgiques : corticoïdes, antidépresseurs,
antiépileptiques
DOSSIER THÉMATIQUE
La prescription est faite à intervalles réguliers, en
respectant les données pharmacocinétiques des
produits, choisis en fonction du niveau d’intensité
de la douleur. La prescription doit être écrite et
expliquée au patient (ordonnance sécurisée en
ambulatoire ou protocoles signés dans les services).
Le traitement doit anticiper les accès douloureux et
les effets indésirables. Il est réévalué régulièrement
et doit savoir associer les coantalgiques (corticothérapie, anti-infectieux, médicaments à visée neuropathique) [15].
Opioïdes forts :
quelles nouveautés,
quid en douleur du cancer ORL ?
Dans le cadre du cancer, le principe du traitement
par les opioïdes forts est d’augmenter les doses tant
que le résultat n’est pas satisfaisant, à condition de
corriger les effets indésirables. Le traitement est
jugé efficace (15) si la douleur de fond est réduite
à une intensité faible (4/10), le sommeil respecté,
les activités possibles, si le patient ne présente pas
plus de 4 ADP par jour soulagés dans au moins 50 %
des cas, et si les effets indésirables sont absents ou
minimes.
Les ADP ne présentent pas les mêmes caractéristiques temporelles que la douleur de fond et justifient un traitement spécifique morphinique alliant
des qualités pharmacocinétiques de puissance, un
délai d’action rapide et une durée d’action limitée
à l’ADP (16).
Au cours du cancer ORL, le choix des opioïdes
forts est fonction de la galénique (tableau III) :
la morphine sous forme de gélules (Skenan®,
Actiskenan®) peut être utilisée ouverte dans les
sondes nasogastriques et de gastrostomie (hors
autorisation de mise sur le marché). Le fentanyl
transcutané (encadré 1, p. 22) est recommandé en
titration initiale dans les situations de douleur stable.
Il est préféré aux autres opioïdes en cas d’insuffisance rénale, car il ne libère aucun métabolite
Tableau III. Antalgiques dont la galénique est adaptée à la pathologie ORL.
DCI
Paracétamol
Forme à libération immédiate
ORL
1BSBDÏUBNPMPSPEJTQFSTJCMFFGGFSWFTDFOUøËøøHK
Forme à libération prolongée
ORL
+
Toxicité hépatique + ( quid chez les patients ORL à risque ?)
AINS
–
Douleur inflammatoire +++
Tolérance gastrique (? SNG)
Toxicité rénale ++ si association aux sels de platine,
protecteurs gastriques +++
Codéine
Paracétamol codéine®øËøDQK
+
Tramadol
Ixprim orodispersible®QBSBDÏUBNPMUSBNBEPM
K
+
Tramadol LP (100, 150, 200 mg)
Biodalgic®
+
Topalgic®
Contramal® gouttes
+
Contramal®
Tramadol voie parentérale
1PTPMPHJFøøËøNHK
Morphine
Oxycodone
Fentanyl
–
Efficacité sur la douleur mixte
Actiskenan® gélule ouverte hors AMM : 5, 10, 20, 30 mg
+
Sevredol®
–
Oramorph® 10, 20, 30 mg
%ÏMBJNO%VSÏFI
+
Oxynorm® (5, 10, 20, 30 mg)
–
Oxynorm®
orodispersible (5, 10 mg)
%ÏMBJNO%VSÏFI
+
Transmuqueux voie buccale : Effentora®, Abstral® 100, 200,
400, 600, 800 μg
+
Transmuqueux voie nasale : Instanyl® 50, 100, 200 μg
+
Skenan® gélule ouverte hors AMM : 10, 30, 60,
100, 200 mg
+
Moscontin®
Durée d’action : 12 h
–
Oxycontin® (10, 20, 40, 80, 120 mg)
Durée : 12 h
–
Transcutané : Durogesic®, Matrifen® (12, 25,
50, 75, 100 μg) prescrit avec un maximum
EFøøQBUDITøI
+
PecFent® 100, 400 μg
%ÏMBJøËøøNO%VSÏFøøËøI
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011 |
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Les cancers en ORL
Prise en charge de la douleur dans les cancers ORL
Règles : traitement avec des opioïdes forts LP depuis 8 jours
et dose ≥ équivalent de 60 mg de morphine.
Titration obligatoire pour chaque fentanyl transmuqueux, pas d’équivalence de dose
Dose la plus faible :
fentanyl buccal (Effentora Abstral® 100 μg)
fentanyl nasal (Instanyl® 50 μg, PecFent® 100 μg)
Si soulagement suffisant,
EPTFBEÏRVBUFSÏQÏUÏFKVTRVËøøGPJTK
avec un intervalle de 4 heures
entre 2 prises
Si soulagement insuffisant, administrer
une dose supplémentaire 15 mn après si
voie buccale, 10 mn après si voie nasale
(et dans l’autre narine) ;
le prochain ADP sera traité avec 200 μg
buccal et 100 μg Instanyl® ou 200 μg
PecFent® nasal
Si le patient a besoin de traiter plus de 4 accès douloureux par jour, il faut augmenter la dose
totale d’opioïdes de fond (LP) sur 24 h
Admis comme traitement de la douleur aiguë lors des soins douloureux dans le cadre
du cancer (recommandation d’experts)
LP : libération prolongée.
Encadré 1. Prescription de fentanyl transmuqueux.
Tableau IV. Équivalence des principaux antalgiques utilisés en douleur chronique.
DCI
Coefficient
Estimation de la dose de morphine orale
Codéine
60 mg de codéine ≈ 10 mg de morphine
Tramadol
50 mg de tramadol ≈ 10 mg de morphine
Morphine
1
= opioïde étalon
Oxycodone
2
10 mg d’oxycodone ≈ 20 mg de morphine
Fentanyl
50
˜HIóNHEFNPSQIJOFPSBMFQBSI
Hydromorphone
7,5
4 mg d’hydromorphone ≈ 30 mg de morphine
Morphine intraveineuse
EFMBEPTFEFNPSQIJOFPSBMF
Morphine sous-cutanée
EFMBEPTFEFNPSQIJOFPSBMF
Initiation par opioïde LP
&YNPSQIJOFNHINHK
Fentanyl possible si la douleur est stable (12,5 ou 25 μg)
Si la douleur est mal soulagée, recours éventuel à des interdoses de morphine LI
toutes les heures jusqu’à 4 interdoses successives
Les interdoses représentent environ 10 % de la dose totale sur 24 h
La titration est assurée uniquement avec des opioïdes LI (voie orale)
Traitement efficace = douleur soulagée
avec le traitement de fond
FUøJOUFSEPTFTK
Si besoin de plus de 4 interdoses,
les interdoses supplémentaires sont
intégrées dans la dose totale quotidienne
d’opioïdes LP
Titration et équilibration du traitement obtenues en 3 à 4 jours
LI : libération immédiate ; LP : libération prolongée.
Encadré 2. Comment mettre en place un traitement de fond à libération prolongée (LP)
dans le cadre des douleurs cancéreuses ? (Standards, options et recommandations) [15].
22 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011
actif. Ses facteurs limitants sont l’œdème diffus,
les sueurs profuses, et un maximum de 4 patchs de
fentanyl 100 μg toutes les 72 heures. Les formes de
fentanyl transmuqueux au niveau de la muqueuse
buccale (Effentora®, Abstral®) ou nasale (Instanyl®,
PecFent®) existent depuis peu et leur utilisation est
intéressante en ORL. Cependant, la voie buccale
transmuqueuse peut être gênée par une bouche
sèche ou ulcérée (mucite) ; la voie nasale est contreindiquée en cas de radiothérapie de la face. Leur
règle d’utilisation est stricte.
L’instauration d’un traitement opioïde fort est
adaptée au traitement antérieur ; elle tient compte
des coefficients de conversion de doses équiantalgiques (tableau IV). On choisit la valeur la plus faible
des coefficients.
La titration est l’ajustement des doses antalgiques,
réalisée soit par une forme à libération prolongée (LP)
associée à une forme à libération immédiate (LI), soit
par une forme à LI seule. Seuls les opioïdes par voie
orale permettent cette instauration (encadré 2) [15].
Les formes de fentanyl transmuqueux réservées aux
ADP bénéficient d’une titration propre et répondent
à des règles strictes de prescription (encadré 1) [15].
Les effets indésirables des opioïdes, s’ils varient
d’un patient à l’autre, sont similaires quel que soit
le type d’opioïde, et ne sont pas synonymes de
surdosage. Les plus fréquents sont la constipation,
les nausées et la somnolence (15). Ils doivent
être traités. Fréquents lors de l’instauration du
traitement, ils tendent progressivement à disparaître ; seule la constipation persiste. Ils nécessitent
l’adjonction de traitements : laxatifs, antiémétiques
sous forme buvable ou lyoc, et des mesures hygiénodiététiques (15). Si les effets indésirables sont
sévères et rebelles au traitement, le changement
de molécule (rotation des opioïdes, Sophidone®)
ou de mode d’administration (voie parentérale et
antalgie autocontrôlée) s’imposent.
Les coantalgiques participant
au traitement de la douleur
La corticothérapie est largement prescrite en
ORL pour son action anti-inflammatoire (mucites,
douleur pharyngée de déglutition), anti-œdémateuse
(compression des nerfs et plexus, céphalées). Les
schémas thérapeutiques sont variés : dose au long
cours, doses d’attaque de courte durée. Les effets
indésirables sont essentiellement les problèmes
gastroduodénaux, la rétention hydrosodée et les
candidoses digestives. Les corticoïdes prescrits sont
DOSSIER THÉMATIQUE
la prednisolone (forme orodispersible) ou méthylprednisolone. La dose moyenne est de 3 mg/kg/j (15).
Le traitement des douleurs neuropathiques a
fait l’objet de recommandations françaises et
européennes (17). Les schémas thérapeutiques
associent en première ligne les antiépileptiques
(gabapentine et prégabaline), les antidépresseurs
tricycliques (amitryptiline). Sont également utilisés
hors AMM, car validés dans d’autres types de douleur
neuropathique, les inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine et de la noradrénaline (duloxétine) pour la
neuropathie diabétique, les topiques locaux anesthésiques pour la douleur post-zostérienne. L’efficacité
de ces traitements est modeste, au prix d’effets
indésirables parfois importants grevant beaucoup
le taux d’observance de ces traitements au long cours.
équivalents au placebo (18). Les opioïdes forts et la
morphine restent le traitement de référence de la
douleur des mucites (18). Les formes transcutanée et
transmuqueuse du fentanyl sont proposées avant le
mode d’analgésie autocontrôlée, réservé aux formes
sévères comportant des facteurs limitants liés à
l’état buccal.
Les traitements des autres douleurs séquelles
du traitement curatif associent des antalgiques,
des médicaments à visée neuropathique, la
physiothérapie (neurostimulation transcutanée),
les techniques de rééducation (4, 5). La prise en
charge globale de toutes les dimensions psychoaffectives, handicap et difficultés sociales, demeure
essentielle (4).
Que proposer en cas de douleur
rebelle ?
Prise en charge des douleurs
des séquelles du cancer
Le traitement des mucites a fait l’objet de plusieurs
études, souvent non contrôlées et avec de petits
effectifs de patients. Des protocoles variés sont
proposés, comportant pour la plupart des bains
de bouche (chlorhexidine, polividone iodée), de
la lidocaïne, des boissons glacées, des lasers basse
fréquence, des topiques locaux (benzydamine,
sucralfate) ; les résultats sont mitigés et souvent
Certaines douleurs deviennent rebelles, en particulier
lors des évolutions terminales. Elles nécessitent
l’utilisation de voies parentérales comme l’analgésie autocontrôlée (morphine ou plus volontiers
oxycodone), de techniques radio-interventionnelles ou de neurochirurgie fonctionnelle (blocs
anesthésiques ou neurolytiques, radiofréquence,
cimentation des métastases osseuses, injections
intraventriculaires de morphine).
■
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La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale ̐ n° 326 - juillet-août-septembre 2011 |
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