Les marqueurs tumoraux • Dr Abaza Hajer : Service de biologie Clinique Institut Salah Azaiz Introduction généralités sur le cancer Epidémiologie des cancers • • • Première cause de mortalité pour l’homme depuis 1989 Deuxième cause de mortalité chez la femme Responsable de 28% des décès – 1 décès sur trois chez l’homme – 1 décès sur cinq chez la femme • Au total, on estime que: – 1 personne / 2 sera touchée par le cancer – 1 personne / 4 va en mourir….. Epidémiologie des cancers • Les 10 cancers les plus fréquents: – Chez l’homme • • • • • • • • • • Prostate Poumon Colon-Rectum Bouche-Pharynx Vessie LMNH Rein Foie Estomac Larynx Chez la femme Sein Colon-Rectum Utérus (corps) Poumon Ovaire LMNH Mélanome-Peau Utérus (col) Rein Thyroïde Epidémiologie des cancers • Chez l’homme: importance des cancers liés au tabac et à l’alcool • Au total, incidence des cancers chez l’homme > la femme Variations selon: • – L’âge – La répartition géographique Les cellules malignes • • • • La cellule cancéreuse perd progressivement les capacités de régulation inhérentes aux cellules normales Elle devient « immortelle » et se multiplie de façon anarchique Elle donne une lignée cancéreuse appelée clone Elle présente une instabilité génétique qui est à l’origine d’une hétérogénéité tumorale phénotypique et génotypique Chronologie de l’évolution tumorale (1) • • • • C’est un élément essentiel à l’élaboration de toutes les stratégies thérapeutiques La croissance tumorale est généralement de type exponentiel: temps de doublement constant Le temps de doublement (Td) est la mesure la plus objective de la vitesse de croissance d’une tumeur Le Td tumoral moyen est de 2 mois, avec des extrêmes allant de moins d’une semaine à plusieurs années Les marqueurs tumoraux sériques Marqueurs tumoraux plasmatiques • • • • Un marqueur tumoral est une molécule exprimée par une tumeur et libérée dans un liquide de l’organisme (sang, urine, liquide d’ascite, LCR…) où sa concentration peut être mesurée. La présence de cette molécule , détectée par différentes approches, va servir d’indicateur, de « marqueur » de la tumeur cancéreuse. Ils sont connus depuis 15 à 25 ans. Domaine en constante évolution. Marqueurs tumoraux plasmatiques (2) • Origines: – Reprise de synthèse normalement réprimée après la naissance – Nécrose cellulaire – Sécrétion inappropriée d’hormones ou d’immunoglobulines – Protéines onco-induites – Relargage d’enzymes ou de composants cellulaires dans la circulation Marqueurs tumoraux plasmatiques (3) • Nature: – Marqueurs sécrétés par les tumeurs • Hormones ou dérivés: hCG dimère et sous unité β libre, calcitonine, catécholamines • Enzymes (NSE), autres (PSA) • Antigènes de différenciation : CA 15.3, CA 19.9, CA 125, CA 72.4 (CA: Carbohydrates Antigènes)…. • Immunoglobulines monoclonales • Antigènes oncofoetaux: AFP, ACE – Marqueurs témoins de l ’envahissement tumoral • Ferritine, thyroglobuline, β2 microglobuline Marqueurs tumoraux plasmatiques (4) • Un marqueur tumoral idéal: – Libéré dans un liquide biologique facilement accessible (sérum par exemple) – Sensible, spécifique – Permettrait de localiser la tumeur, prévoir son extension – Evaluer l’efficacité thérapeutique – Surveiller les populations à risque – Son dosage devrait être fiable, sensible, facile à mettre en œuvre, rapide et peu onéreux Marqueurs tumoraux plasmatiques (5) • Description théorique: ça n’existe pas!!!! – En général pas de spécificité d’organe – Un même marqueur peut être exprimé par différents types de cancers – En général pas de spécificité tumorale – L’expression tumorale n’est pas systématique – Il n’existe pas de marqueurs pour tous les cancers – Le taux sanguin peut être influencé par beaucoup d’éléments indépendants de la pathologie tumorale • bien connaître les limites Marqueurs tumoraux plasmatiques (6) • • Un marqueur tumoral n’est pas une constante biologique « traditionnelle » Interprétation à partir de la notion de seuil de décision – Sensibilité: probabilité que le test soit + dans la maladie – Spécificité: probabilité que le test soit – chez les sujets sains – VPP: probabilité qu’un sujet a de présenter la maladie si le résultat du test est positif – VPN: probabilité qu’un sujet a de ne pas présenter la maladie si le résultat du test est négatif Marqueurs tumoraux plasmatiques (7) • • Seuil décisionnel: compromis entre sensibilité et spécificité Il varie avec: – Les techniques de dosage – Les circonstances physiologiques (âge…) – La situation clinique: • Diagnostic • Pronostic • Suivi Marqueurs tumoraux plasmatiques • Le dosage des marqueurs tumoraux s’inscrit dans une démarche globale de diagnostic (bilan clinique, radiologique, endoscopique, histologique, biologique): la prise en charge du cancer est multidisciplinaire • Eviter de doser plusieurs marqueurs. Lors du diagnostic: – rechercher les principaux marqueurs pouvant être libérés – identifier le marqueur le plus sensible et le mieux corrélé au type histologique •→ retenu pour la surveillance Indications et prescription des dosages des marqueurs tumoraux (MT) dans la pathologie tumorale Dépistage • On ne peut utiliser les marqueurs tumoraux dans la population générale asymptomatique pour le dépistage sauf…. – Cancer médullaire de la thyroïde (forme familiale): calcitonine – Cancer de l’ovaire dans les familles à risque : CA 125 – Carcinome hépatocellulaire (porteurs chroniques VHB, VHC): AFP – Cancer de la prostate: PSA Aide au diagnostic • Chez des malades symptomatiques – Cancer de la thyroïde: calcitonine – Tumeurs germinales et trophoblastiques: hCG dimère et sous unités β libres – Hépatocarcinome: AFP • Dans des situations évocatrices de cancers – Amaigrissement, anorexie: ACE, CA19-9 – Douleurs osseuses: CA 15-3, PSA – Atteinte hépatique: AFP, ACE • A la recherche d’un néo primitif Mais…. • • • Il est totalement inutile de faire une batterie de différents marqueurs tumoraux La prescription doit être guidée par la clinique et le type histologique de la tumeur Le marqueur s’intègre dans un faisceau d’arguments cliniques, histologiques, radiologiques, … Suivi cinétique des MT (1) • Lors du bilan initial valeur initiale , de « référence » – Le suivi, ensuite, de la variation du marqueur sera un des éléments d’appréciation de l’efficacité du traitement et de l’évolution de la maladie – Valeur pronostique possible – Peut être un élément de choix de la stratégie thérapeutique Suivi cinétique des MT (2) • Suivi thérapeutique – Abandon de la référence aux valeurs seuil – Profil évolutif du marqueur – Intégration des données cliniques et thérapeutiques – Paramètres cinétiques: Temps de demi-vie (T1/2): efficacité thérapeutique Taux minimal (nadir): maladie résiduelle Suivi cinétique des MT (3) • Temps de ½ vie apparente = temps nécessaire au marqueur pour diminuer de moitié (dépend de la nature du traitement et de la sensibilité de la tumeur) indicateur d’efficacité thérapeutique • Nadir = concentration du marqueur la plus faible mesurée après l’institution du traitement indicateur de la maladie résiduelle Suivi cinétique des MT (5) • Détection des récidives – Une ré-ascension du marqueur, confirmée sur plusieurs dosages (au moins 3) et exponentielle après une phase de rémission signe une récidive • Temps de doublement : renseigne sur l’agressivité et la nature de la récidive • « lead time » (avance au diagnostic de récidive): = délai d’élévation du marqueur précédant les signes cliniques ou radiologiques de récidive Suivi cinétique des marqueurs tumoraux Interprétation des résultats des marqueurs tumoraux Interprétation des résultats des MT (1) • • Toujours interpréter le résultat avec les données cliniques, radiologiques, etc … Attention au moment du prélèvement – Juste après une chimiothérapie ou un intervention chirurgicale: effet « pointe » , augmentation transitoire par cytolyse tumorale – ex PSA après toucher rectal, cystoscopie, sondage vésical… – ex Thyroglobuline après palpation de la thyroïde Interprétation des résultats des MT (4) • Élévations non spécifiques – Tumeur bénigne de l’organe considéré – Diminution du catabolisme Insuffisances hépatiques ou rénales – Pathologies inflammatoires et/ou infectieuses de l’organe considéré – Épanchements +++: pleural, ascite, péritonéal, péricardique – Causes propres à chaque marqueur Prélèvement et dosage Dosage • • Grande variabilité structurelle entre les tumeurs: difficultés de dosage des marqueurs et réactivité variable selon les techniques Grandes disparités inter-techniques suivi par la même technique et le même laboratoire • • Dosages chers Obligation de conserver une fraction de sérum congelé pendant un an Le prélèvement • • • Sang (urines, LCR, liquides…) Tube sec Attention au moment du prélèvement: – Chimiothérapie – Intervention chirurgicale (ne pas prélever juste après) – PSA et toucher rectal…… Rythme des prélèvements • Variable selon – la tumeur – le traitement – la demi-vie du marqueur… • Variable selon le contexte: – surveillance thérapeutique simple – phase de rémission – phase de récidive • Lors de chimiothérapie: – au minimum avant chaque cure Cancers gynécologiques Cancer du sein • CA 15.3 seuil: 25 Uarb/ml – Valeur initiale: facteur pronostique – Suivi: dépistage des récidives et surveillance thérapeutique • • Marqueur associé: ACE Élévations non spécifiques – Pathologies bénignes (sein, foie) – Pathologies cancéreuses: ovaires, poumon, utérus, colon, rectum…(métastases) Cancer de l’ovaire Tumeurs séreuses (les plus fréquentes) • CA 125 seuil: 35 U/ml ( ou OVCA) • • Marqueurs associés: CA 19.9, ACE Élévations non spécifiques – Valeur initiale – suivi: détection des récidives – Pathologies inflammatoires des séreuses (taux très élevés): ascites, épanchements pleuraux, péritonites… – Pathologies cancéreuses: autres cancers gynéco, pancréas, foie, poumon…. Cancer de l’ovaire Tumeurs germinales • hCG totale + sous unité β libre, AFP Tumeurs mucineuses • CA 19.9 Autres cancers gynécologiques • Cancer de l’endomètre CA 125, CA 19.9, CA 15.3 • Cancer du col de l’utérus Cyfra 21.1 (ACE, CA19.9) • Cancer du placenta hCG totale + sous unité β libre Cancers bronchopulmonaires Cancers à petites cellules • • Hormones: ex: ADH, ACTH… NSE (seuil: 12.5 ng/ml) Surveillance thérapeutique et suivi • • Marqueurs associés: ACE Élévations non spécifiques – Pathologies pulmonaires – Tumeurs neuroendocrines: neuroblastome, phéochromocytome, insulinome Cancers non à petites cellules (1) cancers épidermoïdes • Cyfra 21.1 (seuil: 3.3 ng/ml) – Facteur pronostique – Surveillance thérapeutique et suivi • • Marqueurs associés: ACE Élévations non spécifiques – Pathologies pulmonaires, digestives, insuffisances rénales…. – Pathologies cancéreuses: col utérin, ORL vessie, poumon (à petites cellules)… Cancers digestifs Cancers colo-rectaux • ACE (seuil: 3.4 ng/ml) (seuil: 4.3 ng/ml pour les fumeurs) – Facteur pronostique – Surveillance thérapeutique et suivi • Élévations non spécifiques – Variations physiologiques: sexe, âge, grossesse, tabagisme – Pathologies intestinales, digestives (pancréas, foie…) pulmonaires…. – Pathologies cancéreuses: sein, ovaire, poumon, thyroïde… Hépatocarcinomes • AFP (seuil: 5.8 UI/ml) – Dépistage, diagnostic – Facteur pronostique – Suivi • Élévations non spécifiques – Pathologies hépatiques: hépatites (aiguës, chroniques, cirrhoses…. – Marqueur de dépistage de la trisomie 21 et de la non fermeture du tube neural (2ème trimestre de la grossesse) – Pathologies cancéreuses: métastases hépatiques, tumeurs testiculaires germinales non séminomateuses Adénocarcinomes du pancréas • CA 19.9 (seuil: 27 U/ml) – Facteur pronostique – Surveillance thérapeutique et suivi – Intérêt dans les liquides de ponction kystique • Élévations non spécifiques – Pathologies digestives (pancréatites aiguës, cholécystites…), pulmonaires… – Pathologies cancéreuses: voies biliaires, colon, rectum, estomac (marqueur associé: ACE) • Non sécrétion chez les sujets Lewis a- et b- Adénocarcinomes de l’estomac • CA 72.4 – Facteur pronostique – Surveillance thérapeutique et suivi – Intérêt dans les liquides de ponction kystique • Élévations non spécifiques – Pathologies digestives bénignes (augmentations rares) – Pathologies cancéreuses: autres cancers digestifs (colo-rectaux….) ovaires, col, endomètre, sein (exceptionnel) Cancer de la prostate Cancer de la prostate • • PSA (seuil: 4 ng/ml, à moduler en fonction de l’âge) Marqueur du tissu prostatique, très sensible – Dépistage, diagnostic – Facteur pronostique – Surveillance thérapeutique et suivi • Élévations non spécifiques – Variations physiologiques (âge) – Manipulations prostatiques, manœuvres endourétrales – Pathologies prostatiques, rétentions vésicales aiguës Cancer de la prostate (2) • Détection à un stade précoce asymptomatique et curable) – Hommes de plus de 50 ans et jusqu’à 75 ans • espérance de vie > 10 ans • bénéfice +++ du traitement d’un cancer dépisté tôt – Hommes à partir de 45 ans si facteurs de risque (familiaux, ethniques..) Toucher rectal (TR) et dosage du PSA: fréquence annuelle Si anomalies → biopsies Cancer de la prostate • Pour le dépistage et le diagnostic de cancer – le dosage du PSA libre – et le calcul du ratio PSA libre sur PSA total – améliore la spécificité tumorale • intérêt pour de faibles augmentations de PSA: – • entre 2 et 10 ng/ml Interprétation: – < 0.10 : suspicion de cancer +++ – > 0.25: probabilité de pathologie bénigne +++ – entre 0.10 et 0.25: zone « grise » Cancer du testicule Cancer du testicule Tumeurs germinales non séminomateuses • AFP, hCG dimère, sous unités β libre de l’hCG Tumeurs germinales séminomateuses • • hCG dimère, sous unités β libre de l’hCG Intérêt de ces marqueurs: – Diagnostic – Facteur pronostique – Surveillance thérapeutique et suivi Cancer du testicule • Élévations non spécifiques (hCG): – Grossesse – tumeurs trophoblastiques (môle hydatiforme, choriocarcinome..) – carcinome de l’ovaire, (pancréas, colon, sein, estomac, vessie) Cancers thyroïdiens Cancers thyroïdiens Cancers différenciés: • Thyroglobuline seuil: < 4 UI/ml – Excellente valeur prédictive négative – Surveillance thérapeutique et suivi – Élévations non spécifiques • Pathologie thyroïdienne • Palpation de la thyroïde • Cytoponction de nodules Attendre plusieurs jours Cancers thyroïdiens Cancers médullaires • Calcitonine – – – – – Dépistage, diagnostic Pronostic Surveillance thérapeutique Marqueur associé: ACE Élévations non spécifiques • Non tumorales – éthylisme, grossesse, thyroïdites, IR, atteintes hépatiques • Tumorales – sein, prostate, tumeurs neuroendocrines Cancers des tissus lymphoïdes Cancers des tissus lymphoïdes Syndromes lymphoprolifératifs malins: lymphomes, myélome multiple, LLC… • β2 microglobuline : 0.8 - 2.4 mg/L – Facteur pronostique – Surveillance thérapeutique et suivi – Élévations non spécifiques • • • • Maladies inflammatoires chroniques hépatite virale mononucléose infectieuse insuffisances rénales Conclusions • • • Bien connaître les limites des marqueurs et les utiliser à bon escient Il existe beaucoup d’autres marqueurs Nouvelles technologies: cytogénétique, biologie moléculaire, protéomique…. → émergence de nouveaux outils, très performants, de dépistage et de prise en charge de la pathologie cancéreuse. Cas clinique N°1 • Mme D âgée de 65 ans, traitée pour K du sein. Elle a bénéficié il y a 2 ans d une mammectomie droite avec curage ganglionnaire axillaire et radiothérapie. Le taux initial de CA15-3 était de 15U/ml. • Maintenant elle consulte pour des lombalgies insupportables, fatigue, amaigrissement et perte d’ appétit. • Quels examens réalisez vous? Un bilan biologique standard • Dosage de la CA 15-3 • Puis scanner thoraco abdominal • Une scintigraphie osseuse • A quoi devez vous attendre? • Un taux de CA 15-3 augmenté • Des signes d’hyperfixation au niveau du rachis en rapport avec une dissémination métastatique • Une récidive de néoplasie mammaire • Apres consultation, elle débute un nouveau traitement. Le taux du CA15-3 est de 170UI/ml • Le suivi va être subordonné au dosage du CA 15-3. le rythme est 3 mois. Apres 6 mois le taux est redescendu à 70UI/ml. Donc la diminution du taux de CA15-3 révèle une bonne réponse au traitement Cas clinique N°2 • Mr T âgé de 62 ans sans ATCD vient vous consulter pour la première fois parce qu' il vient de lire un article concernant le dépistage du cancer de la prostate. Il souhaite faire un dosage de PSA. • Malgré un examen clinique normal, vous avez répondu à sa demande et vous lui avez prescrit un dosage de PSA. • • PSA total = 5,5ng/ml • CAT? • Refaire un autre dosage DE PSA+/- PSA libre et la détermination du rapport / PSA total • Refaire le dosage dans le même labo. • Apres 48 d abstinence sexuelle • Le toucher rectal, l’echo prostatique endorectale, les biopsies prostatiques et les prostatites augmentent le PSA