Afssa – Saisine n° 2003-SA-0193 Maisons-Alfort, le le 27 janvier 2004 Maisons-Alfort, AVIS LE DIRECTEUR GÉNÉRAL LE DIRECTEUR GÉNÉRAL de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relatif à une demande d’évaluation de la composition d’un aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales pour nutrition orale destiné aux patients présentant une perte de poids d’origine essentiellement métabolique Par courrier reçu le 4 juin 2003, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) a été saisie le 30 mai 2003 par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'une demande d'évaluation de la composition d’un aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales pour nutrition orale présenté comme destiné aux patients présentant une perte de poids d’origine essentiellement métabolique. Après consultation du Comité d'experts spécialisé « Nutrition humaine », le 20 novembre 2003, l’Afssa rend l'avis suivant : Considérant que le produit est présenté comme un aliment diététique destiné à des fins médicales spéciales ; que l’article 2 de l’Arrêté du 20 septembre 2000 relatif aux aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales stipule que la composition de ces produits doit être adaptée aux besoins nutritionnels particuliers des personnes auxquelles ils sont destinés ; que le produit présenté sous forme liquide est délivré dans des Tétra briks de 240 ml apportant 301 kcal sous trois variétés de parfums (vanille, banane, orange) ; que le produit est composé de protéines, de lipides, de glucides et de micronutriments (vitamines et minéraux) ; que la consommation préconisée par le pétitionnaire est de 2 à 3 briks par jour ; Considérant que les teneurs en micronutriments et en particulier phosphore, magnésium, zinc, vitamines E, C et B9 dépassent les seuils réglementaires ; que l’étiquetage mentionne les allégations suivantes : « produit de complémentation orale complet et équilibré, hyperprotéiné et hypercalorique », « pour les besoins nutritionnels des patients présentant une perte de poids d’origine essentiellement métabolique » ; « nutriments spécifiquement adaptés aux besoins de ces patients : teneur élevée en phosphore, magnésium, zinc, vitamines E, C et B9 » ; que le dossier mentionne également l’allégation « prise en charge nutritionnelle spécifique du patient cancéreux en situation de perte de poids » ; 2237, - 3a 1v ,e n uaev ednuu e Gdéun éG r aélndéer aG l a Lu e lcl lee r c BBPP 1199, , 9944770011 Maisons-Alfort Maisons-Alfortcedex cedex Tel Tel 01 01 49 49 77 77 13 13 50 50 Fax Fax 01 01 49 49 77 77 90 26 05 13 ww w w .wa. fa sf ss sa a. .f f rr En ce qui concerne le contexte scientifique de la demande : Considérant que la réduction des apports alimentaires (due à un obstacle à l’alimentation orale, troubles digestifs… et surtout anorexie) induit une dénutrition, qui est particulièrement fréquente chez les patients cancéreux ; que d’autres facteurs produits par la tumeur ou liés à la réaction de l’hôte et conduisant à des désordres métaboliques (surtout métabolisme énergétique, azoté, lipidique, glucidique) contribuent également à cette dénutrition ; que son incidence variant selon les tumeurs (type, localisation, stade…) peut mener à la cachexie, qui est considérée comme un facteur de mauvais pronostic ; RR EE PP UU BB LL I I QQ UU EE FF RR AA NN ÇÇ AA II SS EE DERNS/Enr.22/Ind.G 1/3 Afssa – Saisine n° 2003-SA-0193 LE DIRECTEUR GÉNÉRAL le Considérant que la prise en Maisons-Alfort, charge nutritionnelle du patient cancéreux doit être adaptée aux différentes étapes de la maladie (traitement en cours, récupération, rémission, soins palliatifs), aux différents traitements (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie) et à l’état du patient (modérément à sévèrement dénutri, immunodéprimé) ; que l’utilisation de compléments nutritionnels hyperprotéinés et hypercaloriques permet souvent de normaliser l’apport nutritionnel et de maintenir l’état nutritionnel des patients sans avoir recours aux techniques de nutrition artificielle ; que ces compléments, délivrés sur prescription médicale, peuvent être remboursés au titre du LPPR (Liste des produits et prestations remboursés) pour les patients atteints de différentes maladies, en particulier les « patients atteints de tumeur ou d’hémopathie maligne présentant une dénutrition caractérisée par une perte de poids supérieure à 5 % du poids habituel ». Considérant que le produit revendique les vertus nutritionnelles de l’EPA (acide eicosapentaénoïque) qui est un acide gras polyinsaturé à longue chaîne de la série n-3 et précurseur de synthèse des eicosanoïdes ; que les eicosanoïdes (prostaglandines et leucotriènes) issus de l’EPA ont une activité pro-inflammatoire modérée par comparaison à celles issues du métabolisme de l’acide arachidonique ; que par ailleurs, en agissant directement sur la production et l’activité des cytokines, l’EPA modère également la réponse inflammatoire ; que le contrôle de la réponse inflammatoire paraît intéressant dans les états cataboliques puisque les médiateurs de l’inflammation (cytokines ou autres) sont directement responsables des réactions métaboliques et de la dénutrition qui s’en suit ; En ce qui concerne la composition du produit Considérant que la composition en lipides est déséquilibrée avec un apport insuffisant en acides gras essentiels ; que les teneurs en antioxydants ont été renforcées dans l’objectif de limiter la peroxydation de l’EPA ; que de plus pour garantir la stabilité de certains micronutriments (à savoir la vitamine C) jusqu’à la date limite de consommation, la teneur initiale dans le produit a été multipliée par deux ; Considérant par ailleurs que pour le cas particulier des micronutriments (phosphore, magnésium, zinc, vitamines E, C et B9) dont les teneurs dépassent les seuils réglementaires, plusieurs arguments ont été avancés par le pétitionnaire ; que cet argumentaire reprend dans chaque cas soit une revue de la littérature sur les relations entre micronutriments et épidémiologie des cancers (dans un contexte de prévention primaire des cancers) soit une comparaison par rapport aux apports recommandés chez le sujet sain ; que ces deux situations sont fort éloignées du contexte de dénutrition chez le patient cancéreux ; que de plus, dans ce contexte d’apports alimentaires, le risque hypothétique du syndrome de « renutrition » (hypophosphorémie…) pouvant justifier un apport supplémentaire en phosphore est quasiment nul chez ces patients ; que certains dépassements de la limite de sécurité (pour le zinc et le magnésium) peuvent avoir des effets indésirables ; 23, avenue du Général de Gaulle BP 19, 94701 Maisons-Alfort cedex Tel 01 49 77 13 50 Fax 01 49 77 90 05 w w . a f s s a . f r REPUBLIQUE F R A N Ç A I S E En ce qui concerne les allégations revendiquées Considérant que le dossier comporte des publications portant sur l’intérêt de l’EPA chez les patients cancéreux, sur la justification des doses préconisées par le pétitionnaire et sur le produit lui-même ; que parmi ces études, trois ont montré qu’un apport de 2 à 3 g d’EPA par jour était suffisant pour réduire voire stopper la perte de poids chez les patients ayant un cancer du pancréas ; que le niveau de consommation préconisé par le pétitionnaire (2 à 3 briks par jour à raison de 1,1g d’EPA par brik) paraît donc licite ; que par ailleurs, d’autres études (ouvertes et non contrôlées) ont montré que ce niveau de consommation permet de réduire la perte de poids de patients atteints de cancer du pancréas non réséquable chirurgicalement et diminue la réponse biologique inflammatoire ; qu’il faut cependant souligner qu’une étude récente (randomisée et en double aveugle) ne montre 2/3 Afssa – Saisine n° 2003-SA-0193 Maisons-Alfort, pas d’effet supérieur du produit enrichile en EPA par rapport au placebo, hormis l’amélioration de la qualité de vie ; LE DIRECTEUR GÉNÉRAL Considérant donc que pour l’allégation « prise en charge nutritionnelle spécifique du patient cancéreux », les données de la littérature permettent de justifier cette allégation ; que pour l’allégation « pour les besoins nutritionnels des patients présentant une perte de poids d’origine essentiellement métabolique », de nombreux cas de figures peuvent entrer dans cette catégorie et les besoins nutritionnels de ces patients sont probablement différents ; Considérant, par ailleurs que la principale lacune de ce domaine scientifique est le manque de données précises dans la littérature sur les besoins nutritionnels des patients cancéreux, tenant compte du degré de dénutrition, du stade de la maladie et des traitements ; qu’il serait important d’évaluer l’adéquation de ce type d’aliment aux patients cancéreux pédiatriques (âgés de plus de 1 an) qui sont également ciblés par le produit ; que les modalités d’utilisation mériteraient d’être précisées et enfin que les contreindications figurant dans le dossier (patients présentant une galactosémie, allergie aux protéines du lait ou aux protéines de soja) devraient figurer sur l’étiquetage, L’Afssa estime que : • La composition du produit associée au fait qu’il est adapté aux besoins nutritionnels des patients ayant une perte de poids permet d’accepter les allégations « hypercalorique », « hyperprotéiné » ; • Les données de la littérature permettent d’accepter l’allégation « prise en charge nutritionnelle spécifique du patient cancéreux » ; • Le produit n’est pas « équilibré » et en l’absence d’une évaluation clinique approfondie, il ne peut être considéré comme « complet » ; • L’état actuel des connaissances et l’argumentaire avancé par le pétitionnaire ne permettent pas de justifier le dépassement des seuils réglementaires pour les teneurs en phosphore, magnésium, zinc, vitamines E, C et B9 ; • L’allégation « pour les besoins nutritionnels des patients présentant une perte de poids d’origine essentiellement métabolique » n’est pas acceptable. Martin HIRSCH 23, avenue du Général de Gaulle BP 19, 94701 Maisons-Alfort cedex Tel 01 49 77 13 50 Fax 01 49 77 90 05 w w . a f s s a . f r REPUBLIQUE F R A N Ç A I S E 3/3