Comment corriger la dénutrition

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*ACTU PSII 49
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Cancer et cachexie
Comment corriger la dénutrition
L’amaigrissement au cours de la maladie cancéreuse peut avoir
plusieurs causes. Lorsqu’il est d’origine tumorale, les conseils
diététiques sont généralement insuffisants. On connaît mieux
aujourd’hui le rôle des médiateurs de l’inflammation dans la perte
du poids liée à une tumeur.
O
n connaît mieux également l’action des acides gras oméga 3 sur
les cytokines pro-inflammatoires.
Un nouveau complément diététique oral permet de réduire l’intensité de la réponse inflammatoire
aiguë et d’améliorer l’état nutritionnel des patients cancéreux.
Une dénutrition rebelle
Les interventions nutritionnelles
font partie intégrante de la prise
en charge globale des patients atteints de cancer pendant les périodes d’hospitalisation et en pratique ambulatoire. L’amaigrissement
du malade cancéreux est une source
d’inquiétude pour le patient et son
entourage et il s’est révélé que la cachexie est un facteur indépendant
de morbidité et de mortalité. La dénutrition peut être responsable directement ou indirectement de près
de 20 % des décès. Elle est présente
chez 20 à 30 % des patients cancéreux, sa prévalence étant variable en
fonction du type de tumeur, de sa
localisation, de son évolution, de
l’âge du patient et de l’agressivité des
traitements mis en œuvre (de manière générale, les cytostatiques aggravent la dénutrition). Le problème
de l’amaigrissement le plus fréquemment rencontré concerne les
cancers digestifs (80 %), suivis par
le cancer du poumon et le cancer
du sein.
Chez le patient cancéreux, la perte
de poids peut résulter de la diminution des apports alimentaires,
conséquence des effets secondaires
des traitements (nausées, vomissements, perte de l’appétit) ou d’obstacles mécaniques liés à la localisation de la tumeur. Les conseils
diététiques et la prise en charge nutritionnelle conventionnelle sont
susceptibles de corriger la dénutrition, mais pas toujours quand
cette dernière est d’origine tumorale.
Dans ce cas, les perturbations métaboliques sont entraînées par l’action
des sous-produits d’origine tumorale sur le système endocrinien et ce
sont les médiateurs de l’inflammation qui jouent un rôle essentiel dans
l’érosion de la masse maigre. En effet, au cours de ces dernières années,
la recherche a mis en lumière le rôle
des médiateurs de cachexie cancéreuse, tels que les cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF-), les
hormones augmentant la perte musculaire (cortisol, glucagon), le facteur protéolytique (PIF) et le facteur
de mobilisation des lipides (LMF).
Autrement dit, la réponse inflammatoire aiguë apparaît au cœur de
la balance énergétique, qui reste
constamment négative dans la mesure où les dépenses énergétiques
de base sont augmentées tandis que
des apports alimentaires spontanés
sont diminués (les patients ayant
un cancer du pancréas inflammatoire consomment 50 % d’énergie
en plus). Par ailleurs, l’intérêt porté
aux acides gras oméga 3 va croissant
depuis une vingtaine d’années, vu
l’abondance de la littérature scientifique sur les grands espoirs qu’ils
suscitent dans la réduction et la prévention de nombreuses maladies.
Les oméga 3 regroupent l’acide alpha-linoléique (ALA), l’acide eicosapentanoïque (EPA) et l’acide docohéxanoïque (DHA) que l’on trouve
dans les végétaux à feuilles vertes et
dans la chair des poissons sauvages
d’eau froide (très riche en EPA et
DHA). A la suite des travaux démontrant l’effet inhibiteur de l’EPA
sur les cytokines pro-inflammatoires (d’où une diminution de
l’anorexie et de la réponse inflammatoire aiguë s’accompagnant d’une
baisse de la dépense énergétique de
repos) est née l’idée d’élaborer un
aliment diététique à des fins médicales spéciales, enrichi en EPA. Cette
formule vise une synergie des apports énergétiques et de l’EPA (1,1 g
pour 240 ml) afin de favoriser la reprise de la courbe pondérale et de
modifier l’évolution de la cachexie
cancéreuse.
Un complément oral
La source lipidique de ce produit
est un mélange breveté d’huile de
sardine raffinée et désodorisée, de
triglycérides à chaîne moyenne,
d’huile de colza, d’huile de soja et de
lécithine. Une étude clinique pilote
ouverte chez des patients atteints
d’un cancer du pancréas non résécable a montré que ceux qui ont reçu
ce complément nutritionnel en plus
de leur alimentation avaient un gain
pondéral médian de 1 kg à 3 semaines, de 2 kg à 7 semaines, et qu’il
s’agissait de la masse maigre car la
masse grasse n’a pas augmenté significativement. A noter que, après
3 semaines de supplémentation, la
dépense énergétique de repos a
diminué, les apports alimentaires
quotidiens ont augmenté d’environ
400 kcal/j et l’appétit des patients
s’est accru ainsi que leurs capacités
fonctionnelles (mesurées par l’index
de Karnofsky). Une deuxième étude
a mis en évidence une diminution
de la proportion des patients excrétant le facteur PIF (facteur tumoral
principal responsable des cachexies
néoplasiques) ainsi que les concentrations sériques de marqueurs d’inflammation tels que IL-6 et le cortisol. D’autres travaux sont en cours
pour confirmer si les actions inhibitrices de l’EPA sur des cytokines médiatrices de l’inflammation permettent d’inverser la chute de la courbe
pondérale chez les patients atteints
de ce type de dénutrition.
Ludmila Couturier
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 49 - octobre 2003
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