*ACTU PSII 49 26/11/03 14:09 Page 11 Cancer et cachexie Comment corriger la dénutrition L’amaigrissement au cours de la maladie cancéreuse peut avoir plusieurs causes. Lorsqu’il est d’origine tumorale, les conseils diététiques sont généralement insuffisants. On connaît mieux aujourd’hui le rôle des médiateurs de l’inflammation dans la perte du poids liée à une tumeur. O n connaît mieux également l’action des acides gras oméga 3 sur les cytokines pro-inflammatoires. Un nouveau complément diététique oral permet de réduire l’intensité de la réponse inflammatoire aiguë et d’améliorer l’état nutritionnel des patients cancéreux. Une dénutrition rebelle Les interventions nutritionnelles font partie intégrante de la prise en charge globale des patients atteints de cancer pendant les périodes d’hospitalisation et en pratique ambulatoire. L’amaigrissement du malade cancéreux est une source d’inquiétude pour le patient et son entourage et il s’est révélé que la cachexie est un facteur indépendant de morbidité et de mortalité. La dénutrition peut être responsable directement ou indirectement de près de 20 % des décès. Elle est présente chez 20 à 30 % des patients cancéreux, sa prévalence étant variable en fonction du type de tumeur, de sa localisation, de son évolution, de l’âge du patient et de l’agressivité des traitements mis en œuvre (de manière générale, les cytostatiques aggravent la dénutrition). Le problème de l’amaigrissement le plus fréquemment rencontré concerne les cancers digestifs (80 %), suivis par le cancer du poumon et le cancer du sein. Chez le patient cancéreux, la perte de poids peut résulter de la diminution des apports alimentaires, conséquence des effets secondaires des traitements (nausées, vomissements, perte de l’appétit) ou d’obstacles mécaniques liés à la localisation de la tumeur. Les conseils diététiques et la prise en charge nutritionnelle conventionnelle sont susceptibles de corriger la dénutrition, mais pas toujours quand cette dernière est d’origine tumorale. Dans ce cas, les perturbations métaboliques sont entraînées par l’action des sous-produits d’origine tumorale sur le système endocrinien et ce sont les médiateurs de l’inflammation qui jouent un rôle essentiel dans l’érosion de la masse maigre. En effet, au cours de ces dernières années, la recherche a mis en lumière le rôle des médiateurs de cachexie cancéreuse, tels que les cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNF-), les hormones augmentant la perte musculaire (cortisol, glucagon), le facteur protéolytique (PIF) et le facteur de mobilisation des lipides (LMF). Autrement dit, la réponse inflammatoire aiguë apparaît au cœur de la balance énergétique, qui reste constamment négative dans la mesure où les dépenses énergétiques de base sont augmentées tandis que des apports alimentaires spontanés sont diminués (les patients ayant un cancer du pancréas inflammatoire consomment 50 % d’énergie en plus). Par ailleurs, l’intérêt porté aux acides gras oméga 3 va croissant depuis une vingtaine d’années, vu l’abondance de la littérature scientifique sur les grands espoirs qu’ils suscitent dans la réduction et la prévention de nombreuses maladies. Les oméga 3 regroupent l’acide alpha-linoléique (ALA), l’acide eicosapentanoïque (EPA) et l’acide docohéxanoïque (DHA) que l’on trouve dans les végétaux à feuilles vertes et dans la chair des poissons sauvages d’eau froide (très riche en EPA et DHA). A la suite des travaux démontrant l’effet inhibiteur de l’EPA sur les cytokines pro-inflammatoires (d’où une diminution de l’anorexie et de la réponse inflammatoire aiguë s’accompagnant d’une baisse de la dépense énergétique de repos) est née l’idée d’élaborer un aliment diététique à des fins médicales spéciales, enrichi en EPA. Cette formule vise une synergie des apports énergétiques et de l’EPA (1,1 g pour 240 ml) afin de favoriser la reprise de la courbe pondérale et de modifier l’évolution de la cachexie cancéreuse. Un complément oral La source lipidique de ce produit est un mélange breveté d’huile de sardine raffinée et désodorisée, de triglycérides à chaîne moyenne, d’huile de colza, d’huile de soja et de lécithine. Une étude clinique pilote ouverte chez des patients atteints d’un cancer du pancréas non résécable a montré que ceux qui ont reçu ce complément nutritionnel en plus de leur alimentation avaient un gain pondéral médian de 1 kg à 3 semaines, de 2 kg à 7 semaines, et qu’il s’agissait de la masse maigre car la masse grasse n’a pas augmenté significativement. A noter que, après 3 semaines de supplémentation, la dépense énergétique de repos a diminué, les apports alimentaires quotidiens ont augmenté d’environ 400 kcal/j et l’appétit des patients s’est accru ainsi que leurs capacités fonctionnelles (mesurées par l’index de Karnofsky). Une deuxième étude a mis en évidence une diminution de la proportion des patients excrétant le facteur PIF (facteur tumoral principal responsable des cachexies néoplasiques) ainsi que les concentrations sériques de marqueurs d’inflammation tels que IL-6 et le cortisol. D’autres travaux sont en cours pour confirmer si les actions inhibitrices de l’EPA sur des cytokines médiatrices de l’inflammation permettent d’inverser la chute de la courbe pondérale chez les patients atteints de ce type de dénutrition. Ludmila Couturier Professions Santé Infirmier Infirmière - No 49 - octobre 2003 11