ECOLOGIE Listeria monocytogenes est un bacille à gram positif. Cette bactérie se multiplie de +3°C à +45°C (conditions optimales : 30-37°C) et survit à la congélation. Toutefois, elle ne résiste pas à une pasteurisation bien conduite. Elle peut vivre sur une zone de pH étendue (de 5 à 9,6). Enfin, elle tolère des concentrations salines élevées y compris celle des saumures. Du fait de ses propriétés, Listeria monocytogenes est une bactérie ubiquitaire largement répandue dans l'environnement : sol et eau (résistance de 1 à 2 ans), plantes, matières fécales, produits d'origine animale. Cette bactérie contamine fréquemment les aliments sans causer d'infection clinique. Ainsi, selon les études et les populations étudiées, 2 à 20% des sujets hébergent Listeria monocytogenes en petit nombre au niveau de la flore digestive, de façon permanente ou intermittente. Ces porteurs sains peuvent excréter des bactéries durant des mois, voire des années. Remarque: le qualitatif "monocytogenes" provient du fait qu'initialement Listeria monocytogenes fut isolée au cours d'infections chez des lapins qui présentaient un monocytose sanguine. Cette monocytose n'est pas retrouvée chez l'homme. EPIDEMIOLOGIE La listériose est une infection relativement rare atteignant préférentiellement les femmes enceintes, les nouveaux-nés, les personnes âgées et les sujets immunodéprimés. C'est une maladie a déclaration obligatoire (arrêté du 10/04/1998). La listériose humaine évolue principalement sous forme sporadique avec une plus grande fréquence de mai à septembre. Ces cas sporadiques sont parfois amplifiés de petites bouffées épidémiques, voire de véritables épidémies. En France, l'incidence des formes foeto-maternelles est de l'ordre de 30 cas/100 000 naissances. Les femmes enceintes constituent une cible privilégiée pour Listeria monocytogenes ; elles ont un risque de développer la maladie multiplié par 40 à 75 par rapport au reste de la population. L'incidence des formes non foeto-maternelles est inférieure à 1 cas/100 000 habitants (de l'ordre de 300 cas par an en France). Elle est particulièrement élevée chez les sujets ayant un terrain qui favorise l'immunodépression. POUVOIR PATHOGENE Sept espèces de Listeria ont été identifiées mais seule Listeria monocytogenes est pathogène pour l'homme. Listeria monocytogenes a la propriété de se multiplier dans certaines cellules de l'organisme, en particulier dans les macrophages. Cette multiplication intracellulaire est très rapide. La bactérie envahit les capillaires sanguins et passe dans le sang, atteignant ainsi le placenta ou l'encéphale. La virulence est liée à la sécrétion d'une toxine, la listériolysine, qui entraîne la destruction des cellules infectées et contribue donc à la diffusion rapide des bactéries dans les tissus. Les principaux antibiotiques actifs contre Listeria monocytogenes sont les pénicillines, les aminosides et le triméthoprime-sulfamétoxazole. Cette bactérie est résistante aux céphalosporines et les fluoroquinolones sont peu actives. MODE DE TRANSMISSION L'infection est, dans la majorité des cas, d'origine alimentaire. De nombreuses études ont été menées afin d'identifier les aliments contaminés. Listeria monocytogenes a été retrouvée dans des aliments très variés : produits laitiers, viandes, volailles, charcuterie, poissons, végétaux. La contamination peut exister dès l'origine (lait d'une vache contaminé), survenir lors de la fabrication du produit (affinage des fromages, hachage des viandes) ou lors du conditionnement du produit. Le risque de contamination ne dépend pas seulement de l'importance de la contamination initiale mais également du mode de préparation de l'aliment . Un aliment contaminé peut être stérilisé lors de la cuisson ; en revanche, un produit peu contaminé à l'origine mais pouvant être conservé longtemps au réfrigérateur et consommé cru, présente un risque important. La contamination d'un aliment par un autre, dans un réfrigérateur ou à l'étal lors de la distribution, est également possible. Il n'existe pas de données sur la dose infectante chez l'homme, celle-ci devant probablement être rapportée à la réceptivité de l'hôte. La période d'incubation est très variable (1 à 90 jours) avec une médiane de 35 jours. D'autres modes de transmission existent mais restent peu fréquents : par contact direct avec les animaux, transmission interhumaine directe ou indirecte (infections nosocomiales dans les maternités, essentiellement infections croisées entre nouveaux-nés). MANIFESTATIONS CLINIQUES Les principales formes cliniques sont la sépticémie isolée ou compliquée de localisations secondaires et l'atteinte du système nerveux (méningite, méningo-encéphalite, abcès du tronc cérébral). L'infection de la femme enceinte est en règle générale bénigne, limitée à un épisode pseudo-grippal ou à des troubles digestifs mineurs, mais elle peut entraîner un avortement si le contage a lieu au cours des 2 premiers trimestres ou un accouchement prématuré au cours du troisième trimestre. Suivant la date de contamination, le nouveau-né peut faire une forme à début précoce, caractérisée par l'atteinte granulomateuse polyviscérale, ou une forme à début tardif, le plus souvent méningée. La listériose est donc une infection grave, mortelle dans près de 30% des cas et laissant des séquelles dans 10 à 20% des cas. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE Diagnostic bactériologique Il repose sur l'isolement et l'identification de Listeria monocytogenes à partir de produits pathologiques, les prélèvements étant effectués avant toute antibiothérapie. Suivant la forme clinique, Listeria monocytogenes peut être isolée de prélèvements variés tels que le sang, le placenta, le LCR, le méconium, et plus rarement des urines, des liquides gastrique et amniotique. Le diagnostic est fait différemment selon la présence ou non dans l'échantillon à analyser de flore associée. Les frottis effectués à partir de prélèvements monomicrobiens (sang, LCR par exemple) sont examinés directement après coloration de Gram en même temps que la mise en culture alors que les prélèvements polymicrobiens nécessitent l'utilisation de techniques d'enrichissement ou des milieux sélectifs, l'examen des frottis après coloration de Gram étant peu informatif. Les isolements par coproculture ou au niveau de la sphère génitale ne sont pas des indicateurs d'une infection en dehors d'un contexte clinique évocateur. Toute hyperthermie chez une femme enceinte nécessite la réalisation d'hémocultures, de prélèvements bactériologiques au niveau de la gorge, du canal cervical et une uroculture. Lors de l'accouchement, dans un contexte fébrile, des prélèvements bactériologiques doivent aussi être effectués non seulement chez le nouveau-né, mais aussi sur le placenta. Des systèmes de typage fiables et reproductibles ont été développés pour la caractérisation fine des souches de Listeria monocytogenes, qui est indispensable lors d'investigations épidémiologiques afin de mettre en évidence plus précisément une origine alimentaire pour les cas humains d'infection. La sérotypie, basée à la fois sur la détection des Ag somatiques et flagellaires, permet de distinguer au sein de Listeria monocytogenes 12 sérovars (40 à 70% des souches isolées chez l'homme sont du sérovar 4b). La lysotypie est l'étude de la sensibilité de la bactérie aux phages. Le lysovar constitue un marqueur supplémentaire d'identification et de typage en subdivisant un sérovar. A côté de ces méthodes utilisées en routine et afin de pallier le faible pouvoir discriminant de la sérotypie et le fort pourcentage de souches non typables par lysotypie, des méthodes de typage moléculaire ont été mise au point (profil de restriction de l'ADN, ribotypage…). La survenue rapprochée de plusieurs cas de listériose et le fait que les souches appartiennent au même sérovar, au même lysovar et présentent les mêmes caractéristiques en macrorestriction d'ADN, sont en faveur d'une origine commune, le plus souvent alimentaire. Diagnostic sérologique L'approche diagnostique par la sérologie avait été jusqu'ici très décevante, les test proposés étaient à la fois peu sensibles et peu spécifiques (L. monocytogenes possédant plusieurs Ag réagissant de manière croisée avec d'autres bactéries à Gram positif). Un nouveau test, fondé sur la détection des Ac anti-listériolysine O, est positif dans 60 à 70% des listérioses, selon la forme clinique. Cette ascension des Ac est inconstante chez le nouveau-né et l'immunodéprimé. Cette recherche peut éventuellement être utile dans les listérioses neuroméningées de l'adulte lorsque la bactérie n'a pu être isolée du LCR et du sang et/ou si un traitement antibiotique a été instauré avant le recueil de prélèvements. Des faux positifs ont été décrits, notamment lors de méningoencéphalites herpétiques. L'observation d'un second sérum à 10-15 jours reste impérative. En France, la surveillance de la listériose est assurée par le Centre National de référence des Listeria (CNR, Institut Pasteur, Paris) qui centralise et caractérise les souches de Listeria monocytogenes provenant des laboratoires de microbiologie, et par la Déclaration Obligatoire (DO), effectuée par les médecins auprès de la DDASS. Pour chaque cas déclaré, les Médecins Inspecteurs de Santé Publique (MISP) complètent systématiquement la DO par un questionnaire portant sur l'alimentation du patient au cours des 2 mois précédents le début des symptômes. La DO et les questionnaires alimentaires sont ensuite envoyés systématiquement à l'InVS (Institut de Veille Sanitaire). Jean-Pierre BOUILLOUX, Sylvie HAMON Prochain sujet : Diagnostic biologique de la maladie cœliaque