Listériose
La listériose est une maladie infectieuse de symptomato-
logie polymorphe, potentiellement grave chez les sujets
dont les défenses immunitaires sont diminuées, très
répandue chez les animaux et transmissible àl’homme.
C’est une maladie àdéclaration obligatoire chez
l’homme (décret n
o
98-169 du 13 mars 1998). La bacté-
rie incriminée, Listeria monocytogenes,est un germe
saprophyte et ubiquitaire, largement répandu dans le
sol, l’eau et les végétaux. Sa capacité àrésister àdes
conditions hostiles et àsemultiplier même àbasse tem-
pérature explique que la bactérie puisse être retrouvée
dans les aliments consommés sans cuisson, en particu-
lier lors de l’allongement de la chaîne du froid. En
France, les aliments les plus fréquemment contaminés
sont les produits laitiers, et en particulier les fromages
àpâte molle, les charcuteries et les produits de la pêche.
La transmission àl’homme est donc le plus souvent
indirecte lors de l’ingestion d’aliments contaminés, res-
ponsables d’épidémies.
La prévention de la listériose chez les sujets àrisque
consiste àéviter la consommation des aliments les plus
fréquemment contaminés et àrespecter les règles
d’hygiène lors de la manipulation et la préparation des
aliments. Plus rarement, la contamination s’effectue au
contact des animaux infectés par voie cutanéo-
muqueuse (éleveurs, vétérinaires). Des cas de contami-
nation interhumaine en milieu hospitalier (maternités)
ont été décrits sous forme de petites épidémies.
Le taux de porteurs sains intestinaux est estimé de
5%de la population française. La maladie est rare,
avec un taux d’incidence annuel en 2001 de 3,1 cas
pour 1million d’habitants, en constante diminution.
Cette baisse est liée aux mesures de contrôle mises en
place au niveau de l’industrie agroalimentaire et renfor-
cées depuis 1998 par une circulaire de la Direction
générale de l’alimentation définissant la conduite àtenir
en cas de présence de L. monocytogenes sur des pro-
duits destinés àlaconsommation. Malgré quelques épi-
démies liées àl’alimentation, la listériose est le plus
souvent sporadique, avec des formes de l’adulte dans
75 %des cas et des infections maternonéonatales dans
25 %des cas.
La durée d’incubation est variable, de quelques jours à
2mois. La porte d’entrée est digestive. Àpartir de
l’intestin, les bactéries gagnent les ganglions lympha-
tiques régionaux, puis la circulation sanguine. Les
monocytes véhiculent et libèrent les bactéries dans la
circulation. Les bactéries se multiplient dans le foie et
la rate, qui sont les organes-cibles. La plupart du temps,
Guide des analyses spécialisées
le système immunitaire contrôle l’infection chez les
sujets immunocompétents qui font une infection inap-
parente. Cependant, si l’inoculum est massif ou chez
certains sujets fragilisés, l’infection n’est pas contrôlée
dans l’intestin, la rate et le foie, et les bactéries sont
libérées dans la circulation sanguine, exposant le pla-
centa et le système nerveux central.
Les manifestations cliniques s’observent essentiellement
chez les femmes enceintes, les nouveau-nés contaminés
par leur mère, les sujets présentant un déficit du système
immunitaire cellulaire (porteur d’hémopathie maligne
ou de tumeur solide, transplanté, diabétique, éthylique,
sujet âgé…).
Chez la femme enceinte, la présentation est souvent
fruste, avec des troubles digestifs non spécifiques et un
fébricule isolé d’allure virale. Elle peut être totalement
latente, ne se révélant que par ses conséquences obsté-
tricales. En l’absence de traitement, l’infection est res-
ponsable d’avortements au premier trimestre et surtout
au deuxième trimestre, ainsi que d’accouchements pré-
maturés. La létalité est de 32 %, dépendant du terme de
la grossesse. Elle est de 64 %pendant les 27 premières
semaines de la grossesse et de 18 %àpartir de la
28
e
semaine. La contamination du fœtus se fait soit par
voie sanguine transplacentaire, soit par voie ascendante
àlatraversée des voies génitales contaminées. La listé-
riose néonatale se traduit sous deux grandes formes cli-
niques :l’infection précoce ou granulomatose septique
infantile se manifeste dès les premiers jours de la vie.
Elle correspond àune infection généralisée septicé-
mique survenue avant la naissance ;elle est associée à
des foyers infectieux granulomateux multiples. La mor-
talité est élevée. La forme tardive survient dans les
3semaines suivant un accouchement apparemment
normal et se présente sous la forme d’une méningite
aiguë. Le pronostic est moins sombre si l’anti-
biothérapie est instaurée rapidement, mais des séquelles
àtype d’hydrocéphalie peuvent être observées.
Les formes de l’adulte sont le plus souvent des atteintes
neuroméningées :méningites, méningo-encéphalites ou
encéphalites. La mortalité associée est de 25 %.
L’aspect du liquide céphalo-rachidien est très variable
et peut être trompeur :aspect trouble ou clair, pauci-
cellulaire àprédominance lymphocytaire, évoquant une
méningite virale ou une méningite tuberculeuse. Les
formes septicémiques sont moins fréquentes, accompa-
gnées ou non de localisations métastatiques pleuro-
pulmonaires, méningées, endocarditiques ou cutanées.
La mortalité est élevée, jusqu’à 70 %. Le traitement des
atteintes neuroméningées comme des septicémies et des
listérioses néonatales repose sur une bithérapie asso-
ciant amoxicilline et aminoside. La listériose de la
femme enceinte comporte cette association antibiotique
les 15 premiers jours, puis la poursuite de l’amoxicilline
en monothérapie jusqu’au terme. Le Bactrim
®
est une
bonne alternative chez les sujets allergiques aux â-lacta-
mines, notamment dans les atteintes neuroméningées,
en raison d’une bonne pénétration àtravers la barrière
hématoméningée.
Le diagnostic est avant tout bactériologique, reposant
sur l’isolement et l’identification du germe àpartir de
différents prélèvements :hémocultures, en particulier
au cours de tout épisode fébrile inexpliqué de la femme
enceinte, LCR, placenta et prélèvements périphériques
chez le nouveau-né. Àlaculture sur gélose au sang,
les colonies de L. monocytogenes sont â-hémolytiques,
translucides, de couleur gris-bleu. Àl’état frais, les bac-
téries sont mobiles àtempérature ambiante et immo-
biles à3C. Au Gram, ce sont de petits bacilles à
Gram positif isolés ou regroupés en palissade comme
les corynébactéries. Les principaux caractères biochi-
miques d’identification sont la présence d’une catalase
et surtout l’hydrolyse rapide de l’esculine, en
3heures, qui constitue un bon test présomptif, en
urgence, de Listeria.L’antibiogramme est réalisé
par la méthode de diffusion en gélose Mueller-Hinton
au sang. Les antibiotiques suivants sont àtester :péni-
cilline G, amoxicilline, gentamicine, tétracycline,
érythromycine, chloramphénicol, triméthoprime-
sulfaméthoxazole. Les Listeria sont naturellement résis-
tantes aux céphalosporines de troisième génération, à
l’aztréonam, àl’acide nalidixique et àlafosfomycine.
La place de la PCR est limitée dans le diagnostic des
infections àListeria.Elle n’est utile que si une anti-
biothérapie initiale té instaurée, car les résultats de
la culture du LCR et du sang suffisent en général à
poser le diagnostic.
Le diagnostic indirect repose sur la recherche d’anti-
corps dirigés contre les antigènes somatiques (O) et fla-
gellaires (H) des deux principaux sérovars rencontrés
en France chez l’homme, les sérovars 1et4b. L’inter-
prétation des résultats de la technique par agglutination
devra toujours tenir compte du tableau clinique et du
contexte épidémiologique car il existe des communau-
tés antigéniques entre Listeria, staphylocoques et enté-
rocoques. L’élévation du taux des anticorps
agglutinants est souvent tardive et même un taux élevé
(> 400) n’est pas significatif, des taux élevés étant
retrouvés chez des sujets sans antécédents de listériose.
La recherche des anticorps dirigés contre la listério-
lysine O(ALLO) donne des résultats encourageants,
malgré une antigénicité croisée avec la streptolysine O.
Le titrage en dot blot montre un taux d’anticorps supé-
rieur à100 chez 96 %des patients et 12 à16%des
contrôles. Le dépistage est suivi d’un western blot pour
confirmer la spécificité des anticorps. Malgré l’aide au
diagnostic que peuvent représenter les techniques séro-
logiques, la recherche de Listeria par culture devra tou-
jours être privilégiée.
(Botton E, Charbit A.
Listeria Monocytogenes.Aspects clinique et biologique.
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9:33-34.
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