Diagnostic et classification de l`hypertension pulmonaire

MISE AU POINT
24 | La Lettre du Cardiologue n° 460 - décembre 2012
Diagnostic et classification
de l’hypertension pulmonaire
Definition and classification of pulmonary hypertension
D. Montani*, M. Humbert*, G. Simonneau*
* Université Paris-Sud, DHU Thorax
Innovation, Inserm U999, service
de pneumologie, hôpital Bicêtre, Le
Kremlin-Bicêtre.
L’
année 2009 a vu la publication des premières
recommandations conjointes de la Société
européenne de pneumologie (European
Respiratory Society [ERS]) et de la Société euro-
péenne de cardiologie (European Society of Cardio-
logy [ESC]) sur la prise en charge de l’hypertension
pulmonaire (1). Parmi les nouveautés, ces recom-
mandations intègrent une nouvelle définition de
l’hypertension pulmonaire (disparition de la défini-
tion hémodynamique à l’effort) et la classification
des hypertensions pulmonaires a été modifiée afin
d’intégrer les données physiopathologiques les plus
récentes.
Définition
La définition de l’hypertension pulmonaire a beau-
coup évolué au cours de ces dernières années. Lex-
pression hypertension pulmonaire (HTP) regroupe
toutes les causes d’augmentation des pressions
artérielles pulmonaires (PAP) ; celle d’hyper tension
artérielle pulmonaire (HTAP) est réservée aux
formes idiopathiques, héritables ou associées à un
groupe d’affections bien précis. Ainsi, l’élévation
des PAP associées aux cardiopathies gauches ou
aux affections respiratoires chroniques, causes les
plus fréquentes, est appelée HTP et non pas HTAP.
D’un point de vue hémodynamique, l’HTP est définie
par une PAP moyenne (PAPm) mesurée lors d’un
cathétérisme cardiaque droit et supérieure ou égale
à 25 mmHg au repos. Dans les précédentes classi-
fication, l’HTP d’effort était définie par une PAPm
supérieure ou égale à 30 mmHg à l’effort. La défi-
nition des dernières recommandations de l’ERS/ESC
a tenu compte d’une analyse des données publiées
de cathétérismes cardiaques droits chez le sujet
sain, qui ont montré que la PAPm à l’effort pouvait
fréquemment excéder 30 mmHg, notamment après
l’âge de 50 ans (2). Par conséquent, il a été décidé
d’abandonner tout critère de définition concernant
l’HTP d’effort.
Le cathétérisme cardiaque droit permet de déter-
miner le mécanisme de l’HTP. On distingue ainsi
l’HTP précapillaire – définie par une PAPm supérieure
ou égale à 25 mmHg, par une pression capillaire
pulmonaire (PCP) inférieure ou égale à 15 mmHg et
par un débit cardiaque normal ou diminué –, et l’HTP
postcapillaire – caractérisée par une PCP supérieure
à 15 mmHg (tableau I). La définition hémodyna-
mique distingue 2 groupes d’HTP postcapillaire en
fonction du gradient transpulmonaire calculé comme
la différence entre la PAPm et la PCP. Si la PAPm
moins la PCP est inférieure ou égale à 12 mmHg,
le mécanisme de l’HTP postcapillaire est considéré
comme passif. Un gradient transpulmonaire supé-
rieur à 12 mmHg définit une HTP postcapillaire
réactive (tableau I).
Tableau I. Définition des hypertensions pulmonaires (d’après [1]).
Définition Critères hémodynamiques Groupes de la classification
Hypertension pulmonaire PAPm ≥ 25 mmHg Tous les groupes
HP précapillaire PAPm ≥ 25 mmHg
PCP < 15 mmHg
Débit cardiaque normal
oudiminué
1. HTAP
1’. MVO et HCP
3. HTP des maladies respiratoires
et/ou hypoxémies chroniques
4. HTP postembolique chronique
5. HTP de mécanisme multifactoriel
ou incertain
HP postcapillaire PAPm ≥ 25 mmHg
PCP ≥ 15 mmHg
Débit cardiaque normal
oudiminué
2. HTP des cardiopathies gauches
- Passive Gradient transpulmonaire
≤ 12 mmHg
- Réactive (disproportionnée) Gradient transpulmonaire
> 12 mmHg
D. Montani
La Lettre du Cardiologue n° 460 - décembre 2012 | 25
Points forts
»L’hypertension pulmonaire est définie par une élévation de la pression artérielle pulmonaire moyenne
(PAPm) supérieure ou égale à 25mmHg au repos, mesurée par cathétérisme cardiaque droit. La définition
de l’hypertension pulmonaire d’effort a été abandonnée.
»
L’hypertension pulmonaire est dite “précapillaire” lorsque la pression capillaire pulmonaire (PCP) est
inférieure ou égale à 15mmHg avec un débit cardiaque normal ou diminué, alors que l’hypertension
pulmonaire postcapillaire est définie par une PCP supérieure à 15mmHg.
»
Les modifications principales de cette nouvelle classification sont survenues dans le groupe des hyper-
tensions artérielles pulmonaires (HTAP). Les HTAP dites “héritables” regroupent maintenant les HTAP
“familiales” et les HTAP idiopathiques avec mutations. La bilharziose et les anémies hémolytiques ont été
incluses dans ce groupe.
Mots-clés
Hypertension
pulmonaire
Définition
Classification
Recommandations
Highlights
»
Pulmonary hypertension (PH)
has been defined as an increase
in mean pulmonary arterial
pressure (mPAP) ≥ 25mmHg at
rest as assessed by right heart
catheterization. No definition
for PH on exercise has been
retained in these guidelines.
»
Precapillary PH is defined
by an increase in mPAP
≥25mmHg and a pulmo-
nary capillary wedge pressure
(PCWP) ≤ 15 mmHg associ-
ated with a normal or reduced
cardiac output. Postcapillary
PH is defined by an increase
in PCWP > 15 mmHg.
»
The main modifications of
the classification have been
done in the group of pulmo-
nary arterial hypertension
(PAH). Heritable PAH include
sporadic cases of PAH with
germline mutations and clinical
familial cases of PAH with or
without identified mutations.
Schistosiomasis and chronic
haemolytic anaemia have been
included among the subgroup
of associated PAH.
Keywords
Pulmonary hypertension
Definition
Classification
Guidelines
Classification
Les principales modifications de la nouvelle classifi-
cation concernent le groupe 1 des HTP, qui intègre les
données épidémiologiques et physiopathologiques
récentes (tableau II).
Groupe 1 :
hypertension artérielle pulmonaire
Le groupe 1 des HTP correspond à l’HTAP, qui
regroupe différentes formes d’HTP ayant une
physiopathologie proche et caractérisées par un
remodelage des artères pulmonaires de petit calibre.
C’est uniquement dans ce groupe que les traitements
spécifiques de l’HTAP (prostacyclines, antagonistes
des récepteurs de l’endothéline et inhibiteurs des
phosphodiestérases de type 5) ont fait la preuve
de leur efficacité.
Groupe 1.1/1.2 :
HTAP idiopathique et héritable
L’HTAP idiopathique correspond à la forme spora-
dique de la maladie, c’est-à-dire sans histoire fami-
liale ni facteur de risque connu. Lorsque l’HTAP
survient dans un contexte familial, des mutations
germinales du gène du Bone Morphogenetic Protein
Receptor 2 (BMPR2) − un membre de la superfa-
mille des récepteurs du Transforming Growth Factor
Beta (TGF-β) − peuvent être retrouvées dans 70 à
80 % des cas. Récemment, il a été montré que les
patients atteints d’HTAP porteurs de mutations
de BMPR2 avaient un pronostic plus sévère que
les patients non porteurs, et qu’ils étaient moins
souvent répondeurs au test de vasodilatation en
aigu (3). Plus rarement, des mutations du gène
ACtiVin Receptor-Like kinase type 1 (ACVRL1, ou
ALK1), ou endogline, peuvent être identifiées chez
des patients ayant une HTAP et une maladie de
Rendu-Osler (4). Les mutations de BMPR2 sont
aussi retrouvées chez 11 à 40 % des cas d’HTAP
apparemment idiopathique, sans histoire familiale.
Ainsi, en présence d’une mutation de BMPR2, la
distinction entre une HTAP idiopathique et une
HTAP familiale est artificielle, puisque tous les
patients qui combinent une HTAP et une muta-
tion de BMPR2 présentent une forme génétique-
ment transmissible de la maladie. Dans la nouvelle
classification, il a donc été décidé d’abandonner la
notion d’HTAP familiale et d’intégrer celle d’HTAP
héritable (1). Le sous-groupe d’HTAP héritable
rassemble donc les HTAP sporadiques avec des
mutations et les formes familiales avec ou sans
mutations identifiées.
Tableau II. Classification des hypertensions pulmonaires
(d’après [1]).
1. Hypertension artérielle pulmonaire
1.1. Idiopathique
1.2. Héritable
1.2.1. Mutations de BMPR2
1.2.2. Mutations d’ALK1, endogline
(avec ou sans maladie de Rendu-Osler)
1.2.3. Mutations inconnues
1.3. Induite par des médicaments ou des toxiques
1.4. Associée à :
1.4.1. Connectivites
1.4.2. Infection par le VIH
1.4.3. Hypertension portale
1.4.4. Cardiopathies congénitales
1.4.5. Bilharziose
1.4.6. Anémies hémolytiques chroniques
1.5. HP persistante du nouveau-né
1’. Maladie veino-occlusive pulmonaire
et hémangiomatose capillaire pulmonaire
2. HP des cardiopathies gauches
2.1. Dysfonction systolique
2.2. Dysfonction diastolique
2.3. Valvulopathies
3. HP des maladies respiratoires
et/ou hypoxémies chroniques
3.1. BPCO
3.2. Pneumopathies interstitielles
3.3. Autres maladies respiratoires restrictives
et/ou obstructives
3.4. Syndromes d’apnées du sommeil
3.5. Syndromes d’hypoventilation alvéolaire
3.6. Exposition chronique à l’altitude élevée
3.7. Anomalies du développement
4. HP postembolique chronique
5. HP de mécanisme multifactoriel ou incertain
5.1. Maladies hématologiques : syndromes myéloprolifératifs,
splénectomie
5.2. Maladies systémiques : sarcoïdose, histiocytoseX,
lymphangioléiomyomatose, neurofibromatose,
vascularites
5.3. Maladies métaboliques : glycogénoses, maladie
deGaucher, dysthyroïdies
5.4. Autres : obstructions vasculaires pulmonaires tumorales,
médiastinites fibreuses, insuffisance rénale chronique
en dialyse
Diagnostic et classification del’hypertension pulmonaire
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26 | La Lettre du Cardiologue n° 460 - décembre 2012
Groupe 1.3 : HTAP induite
par des médicaments ou par des toxiques
Dans la classification actuelle, la liste des facteurs
de risque prouvés ou possibles ainsi que le niveau
de preuve de leur implication ont été adaptés de la
précédente classification en fonction des données
récentes (5). L’aminorex, les dérivés de la fenflura-
mine, le benfluorex et l’huile de colza frelatée repré-
sentent les seuls facteurs de risque définitivement
prouvés d’HTAP (5, 6). R. Souza et al. ont récemment
montré que les patients qui développaient une HTAP
à la suite de la prise de fenfluramine partageaient
les mêmes caractéristiques cliniques, fonction-
nelles, hémodynamiques et génétiques que ceux
ayant une HTAP idiopathique (7). Cela suggère que
l’exposition aux dérivés de la fenfluramine représente
probablement un trigger de l’HTAP qui ne modifie
pas directement l’évolution de la maladie (7). Les
autres causes prouvées, probables ou possibles sont
présentées dans le tableau III.
Groupe 1.4.1 :
HTAP associées aux connectivites
L’HTAP associée aux connectivites représente un
sous-groupe clinique important. La prévalence de
l’HTAP dans ce contexte est bien connue, unique-
ment dans la sclérodermie systémique. Deux études
prospectives, utilisant l’échocardiographie comme
examen de dépistage et le cathétérisme cardiaque
droit pour confirmer le diagnostic, ont évalué la
prévalence de l’HTAP associée à la sclérodermie
entre 7 et 12 % (8, 9). L’HTAP ne représente pas
l’unique cause d’HTP dans la sclérodermie systé-
mique ; l’HTP peut aussi être la conséquence d’une
fibrose pulmonaire, d’une dysfonction diastolique ou
d’une atteinte cardiaque spécifique justifiant l’impor-
tance d’une évaluation hémodynamique complète
par cathétérisme cardiaque droit. Dans le lupus
érythémateux disséminé et dans les connectivites
mixtes, la prévalence de l’HTAP est inconnue (10, 11).
En l’absence de pathologie respiratoire, une HTAP
peut aussi survenir dans l’évolution du syndrome
de Gougerot-Sjögren, de la polymyosite ou de la
polyarthrite rhumatoïde.
Groupe 1.4.2 :
HTAP associée à l’infection par le VIH
L’HTAP est une complication rare de l’infection par
le VIH. Les patients atteints d’HTAP associée au VIH
ont une présentation clinique, hémodynamique et
des caractéristiques histologiques similaires à ceux
qui souffrent d’une HTAP idiopathique. La préva-
lence de l’HTAP associée au VIH semble relativement
stable et est estimée à 0,5 % des patients atteints
par le VIH (12, 13). Il est intéressant de noter que les
traitements spécifiques de l’HTAP permettent parfois
de normaliser l’hémodynamique de ces patients,
ce qui est rarement observé dans les autres formes
d’HTAP (14).
Groupe 1.4.3 :
HTAP associée à l’hypertension portale
L’hypertension portopulmonaire (HTPoP) est définie
par la survenue d’une HTAP associée à une augmen-
tation de la pression dans la circulation portale. Les
études prospectives hémodynamiques ont montré
que 2 à 6 % des patients souffrant d’une hyperten-
sion portale avaient une HTAP (15). La réalisation
d’un cathétérisme cardiaque droit est indispensable
pour poser le diagnostic d’HTPoP, car de nombreux
mécanismes peuvent être à l’origine d’une augmen-
tation de la PAP en présence d’une pathologie
hépatique sévère. Lélévation de la PAPm peut être
la conséquence d’un “syndrome hypercinétique”
associé à un débit cardiaque élevé, à une surcharge
volémique ou à une dysfonction gauche diastolique.
Les résistances vasculaires pulmonaires (RVP) sont
habituellement normales dans ces situations. Une
étude cas-témoins multicentrique a montré que
l’appartenance au sexe féminin et l’hépatite auto-
immune étaient des facteurs de risque indépendants
de développer une HTPoP et que l’hépatite C était
associée à une diminution du risque de survenue
d’une HTPoP (16). Le pronostic à long terme des
patients atteints d’HTPoP est lié aux critères hémo-
dynamiques, mais aussi à la sévérité de la pathologie
hépatique.
Groupe 1.4.4 : HTAP associée aux cardiopathies
congénitales
En l’absence de traitement, certains patients présen-
tant une cardiopathie congénitale, en particulier
Tableau III. Mise à jour des facteurs de risque et des pathologies associés à l’HTAP.
Certain Possible
Aminorex Cocaïne
Fenfluramine Phénylpropanolamine
Dexfenfluramine Millepertuis
Benfluorex Agents chimiothérapeutiques
Huile de colza toxique Inhibiteurs de la recapture dela sérotonine
Probable Peu probable
Amphétamines Contraceptifs oraux
L-tryptophane Estrogène
Méthamphétamines Tabagisme
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La Lettre du Cardiologue n° 460 - décembre 2012 | 27
en cas de shunt gauche-droite, développent une
HTAP. Le syndrome d’Eisenmenger correspond à
l’évolution d’une cardiopathie congénitale avec un
shunt gauche-droite initial, qui va progressivement
entraîner des lésions vasculaires pulmonaires et
une HTAP ayant pour conséquences une inversion
du shunt (droite-gauche) et une cyanose. Il a été
montré qu’une forte proportion de patients ayant
une cardiopathie congénitale pouvaient présenter
des atteintes vasculaires pulmonaires à des degrés
différents, le syndrome d’Eisenmenger corres-
pondant à la forme d’HTAP la plus sévère dans ce
contexte. La prévalence de l’HTAP associée aux
cardiopathies congénitales est estimée en Europe
et aux États-Unis entre 1,6 et 12,5 cas par million
d’adultes, dont 25 à 50 % sont des syndromes d’Ei-
senmenger. Les lésions histologiques observées et
les mécanismes physiopathologiques, en particulier
la dysfonction endothéliale, semblent proches de
ceux observés dans l’HTAP idiopathique ou dans
les autres formes associées. Les recommandations
de l’ERS/ESC ont permis de proposer une classifica-
tion clinique des cardiopathies congénitales avec un
shunt gauche-droite individualisant 4 phénotypes
distincts (tableau IV).
Groupe 1.4.5 : HTAP associée à la bilharziose
Dans la nouvelle classification, l’HTP associée à la
bilharziose fait partie du groupe 1. Dans les précé-
dentes classifications, la bilharziose était considérée
comme une cause d’HTP “obstructive”. Il a été
montré que les patients atteints d’une HTP associée
à la bilharziose avaient une présentation clinique et
des lésions histologiques similaires à celles obser-
vées dans l’HTAP idiopathique. Le mécanisme
supposé de l’obstruction des artères pulmonaires
par les œufs de bilharziose n’a pas été confirmé. Les
mécanismes conduisant à l’HTAP dans ce contexte
sont probablement multifactoriels : l’hypertension
portale compliquant fréquemment la bilharziose
et l’inflammation vasculaire pulmonaire semblent
primordiales (17). Des données récentes hémody-
namiques ont permis d’estimer la prévalence de
l’HTAP à 4,6 % des patients ayant une atteinte
hépatosplénique de la bilharziose (17). Sur les plus
de 200 millions de personnes dans le monde infec-
tées par la bilharziose, 4 à 8 % développeront une
atteinte hépatosplénique. La bilharziose représente
donc une cause fréquente d’HTAP dans les pays
d’endémie. L’HTP postcapillaire est aussi fréquente
(prévalence 3 %), ce qui confirme l’importance de
l’étude hémodynamique par cathétérisme droit dans
ce contexte (17).
Groupe 1.4.6 : HTAP associée aux anémies
hémolytiques chroniques
L’HTAP peut compliquer l’évolution des anémies
hémolytiques chroniques acquises ou héréditaires
incluant la drépanocytose, la thalassémie, la sphé-
rocytose héréditaire, la stomatocytose et l’anémie
hémolytique microangiopathique. L’HTP est fréquem-
ment retrouvée chez les patients atteints de drépano-
cytose ; cependant, la prévalence de l’HTAP n’est pas
clairement établie. Une étude échocardiographique
a évalué la prévalence de l’HTP à 32 % des patients
atteints de drépanocytose (18). Néanmoins, une étude
récente a montré que la présence d’une HTP confirmée
par cathétérisme cardiaque droit était rare chez ces
malades (6 %), et une HTP précapillaire, le plus
souvent modérée, n’était retrouvée que chez moins
de 3 % des patients atteints de drépanocytose (19).
Groupe 1’ : maladie veino-
occlusive pulmonaire
et/ou hémangiomatose
capillaire pulmonaire
La maladie veino-occlusive (MVO) pulmonaire et
l’hémangiomatose capillaire pulmonaire (HCP)
sont des formes rares d’HTAP (20). À la différence
de l’HTAP idiopathique, caractérisée par un remo-
delage des petites artères pulmonaires avec des
lésions plexiformes, la MVO est caractérisée par
une atteinte veinulaire, et l’HCP, par une atteinte
capillaire prédominante. Dans la nouvelle classifica-
tion proposée lors du congrès mondial de l’HTAP, la
Tableau IV. Classification clinique des cardiopathies congénitales avec shunt gauche-droit
associées à l’HTAP (d’après [1]).
A) Syndrome d’Eisenmenger
Ce groupe inclut tous les
shunts
gauche-droite associés à une large communication et conduisant à
une augmentation importante des résistances vasculaires pulmonaires (RVP) et à un
shunt
droite-
gauche ou bidirectionnel. À ce stade, il y a une cyanose, une polyglobulie et une atteinte viscérale.
B) HTAP associée à une cardiopathie congénitale avec
shunt
gauche-droite
Ce groupe inclut des cardiopathies congénitales avec une communication de taille modérée ou
large. Les RVP sont légèrement ou modérément augmentées, le
shunt
gauche-droite reste prédomi-
nant et il n’y a pas de cyanose au repos.
C) HTAP associée à une cardiopathie congénitale avec petites communications
Il s’agit de petites communications, le plus souvent une communication interventriculaire de dia-
mètre inférieur à 1 cm ou une communication auriculaire de diamètre inférieur à 2 cm. La présen-
tation clinique est proche de celle de l’HTAP idiopathique.
D) HTAP survenant après une chirurgie cardiaque correctrice
Dans cette situation, la cardiopathie congénitale a été corrigée, mais une HTAP est survenue immé-
diatement ou à distance (après des mois ou des années) après la chirurgie alors que toutes les
lésions anatomiques ont été corrigées.
Diagnostic et classification del’hypertension pulmonaire
MISE AU POINT
28 | La Lettre du Cardiologue n° 460 - décembre 2012
MVO et l’HCP ont été regroupées et individualisées
au sein d’un sous-groupe des HTAP (le groupe 1’). En
effet, ces 2 pathologies partagent de nombreuses
caractéristiques (histologiques, cliniques, radio-
logiques et pronostiques), ce qui suggère qu’elles
pourraient correspondre à une même entité. Cette
hypothèse est renforcée par une analyse histologique
systématique qui a conclu que l’atteinte veinulaire et
l’atteinte capillaire étaient associées dans la grande
majorité des cas (20, 21). La MVO et l’HCP sont
classées au sein du groupe 1’, car, en dépit de leurs
différences histologiques, la présentation clinique et
hémodynamique des patients atteints de MVO/HCP
est proche de celle de l’HTAP idiopathique. De plus,
la MVO/HCP et l’HTAP partagent les mêmes facteurs
de risque, en particulier les connectivites (22),
l’infection par le VIH ou la prise d’anorexigènes. Il
existe aussi des formes familiales de MVO ou d’HCP,
et des mutations de BMPR2 ont pu être identifiées
au sein de certaines de ces familles (20).
La MVO/HCP présente des spécificités cliniques,
radiologiques, pronostiques et de prise en charge.
Il a été montré que la présence d’opacités en verre
dépoli, de lignes septales et d’adénopathies médias-
tinales sur la tomodensitométrie (TDM) thoracique
était évocatrice de MVO/HCP en cas d’HTP préca-
pillaire. De plus, la présence d’une hémorragie intra-
alvéolaire, la diminution franche de la capacité de
diffusion du monoxyde de carbone, une PaO2 basse
au repos et une désaturation importante pendant
le test de marche sont des arguments en faveur
du diagnostic (20). La confirmation du diagnostic
de MVO/HCP est anatomopathologique, mais les
biopsies pulmonaires sont à haut risque et ne sont
donc pas recommandées.
Le pronostic de la MVO/HCP est plus réservé que celui
de l’HTAP idiopathique ; l’évolution de la maladie est
marquée par une moins bonne réponse aux traite-
ments spécifiques de l’HTAP et par un risque d’œdème
pulmonaire avec les traitements spécifiques de l’HTAP
quelle que soit la classe thérapeutique utilisée.
Groupe 2 : hypertension
pulmonaire des cardiopathies
gauches
Les cardiopathies gauches peuvent entraîner une
augmentation de la pression auriculaire gauche,
à l’origine d’une élévation passive de la PAPm. Les
cardiopathies gauches représentent probablement
la première cause d’HTP (23). Dans cette situation,
les RVP sont habituellement normales, et il n’y a
pas de gradient entre la PAPm et la PCP (gradient
transpulmonaire [PAPm − PCP] inférieur à 12 mmHg).
Dans la nouvelle classification, ce groupe est divisé
en 3 sous-groupes : dysfonction systolique, dysfonc-
tion diastolique et valvulopathies. Chez certains
patients (19 à 35 %), l’élévation de la PAP semble
disproportionnée par rapport à ce qui serait attendu
par la simple augmentation de la pression auricu-
laire gauche (gradient transpulmonaire supérieur à
12 mmHg et RVP supérieures à 3 unités Woods) [23].
L’augmentation des RVP pourrait être la conséquence
d’un remodelage artériel pulmonaire. L’intérêt des
traitements spécifiques de l’HTAP dans ce contexte
n’a pas été étudié, et le rapport bénéfice/risque est
largement inconnu (1).
Groupe 3 : hypertension
pulmonaire due à une maladie
respiratoire
et/ou à une hypoxémie
chronique
La cause principale de l’HTP dans ce groupe est
l’hypoxie alvéolaire, qu’elle soit liée à une maladie
respiratoire chronique ou à l’altitude, mais sa
prévalence exacte est largement inconnue. Dans ce
groupe, l’augmentation des PAP est le plus souvent
modeste (PAPm inférieure à 35 mmHg), mais
certains patients présentent parfois des élévations
de pression disproportionnées (24). Dans une étude
rétrospective incluant 998 patients atteints d’une
bronchopneumopathie chronique obstructive et ayant
bénéficié d’un cathétérisme cardiaque droit, seuls
1 % de ces malades avaient une HTP sévère (25). La
nouvelle classification a intégré une nouvelle entité,
le syndrome emphysème-fibrose, caractérisé par
l’association d’un trouble restrictif et obstructif et
d’une forte prévalence d’HTP (50 % des cas) [26].
Lefficacité et la tolérance des traitements spécifiques
de l’HTAP nont pas été évaluées chez les malades
présentant une HTP disproportionnée.
Groupe 4 : hypertension
pulmonaire postembolique
chronique
Même si son incidence n’est pas connue avec préci-
sion, le cœur pulmonaire chronique postembolique
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