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Les régimes de substuon obligatoire pour les médicaments
génériques sont-ils idéaux pour tous les médicaments?
Les régimes de remplacement obligatoire par le médicament
générique présument que tous les médicaments de marque sont
équivalents à leur version générique, et que les deux versions
auront des résultats cliniques et des effets secondaires semblables
chez les patients. Les équivalences des médicaments génériques
sont déterminées selon les normes de bioéquivalence de Santé
Canada, ainsi que selon les lois, la réglementation et les politiques
provinciales.
Dans un régime de remplacement obligatoire, les promoteurs
ne rembourseront qu’aux pharmacies et aux membres du régime
le prix du médicament générique équivalant au médicament de
marque le moins coûteux. Les pharmaciens peuvent remplacer à
la pharmacie les médicaments de marque par des médicaments
génériques, sans consultation ni autorisation du médecin. Les
pratiques d’achat des pharmacies peuvent également influencer le
choix du médicament donné au patient, puisque les fournisseurs
de médicaments génériques peuvent changer en fonction du prix
et de la disponibilité. Cela est important puisque Santé Canada
exige qu’un fabricant de médicaments génériques démontre que
son médicament est bioéquivalent au médicament de marque ou
de référence, mais pas qu’il en démontre la bioéquivalence aux
autres versions génériques.
Les régimes de remplacement par le médicament générique, de
manière générale, atteignent leur objectif de fournir des résultats
cliniques semblables à un prix moindre pour le promoteur du
régime et le membre. Ces pratiques ont été un pilier des régimes
d’assurance-médicaments privés et publics au cours des dernières
La substuon non contrôlée de médicaments immunosuppresseurs génériques pour les greés,
comme le tacrolimus ou la cyclosporine, en raison de régimes de substuon obligatoire, peut
avoir des eets néfastes sur la sûreté des paents (membres du régime) et les résultats sur leur
santé, ce qui peut entraîner des coûts supplémentaires. Votre régime d’assurance-médicaments
ore-t-il des mesures de protecon adéquates pour éviter un tel scénario?
La substuon obligatoire des médicaments
immunosuppresseurs génériques chez les greés
Sagit-il de la politique la plus sûre et la plus
saine pour les patients?
quelques décennies. Toutefois, dans certains cas, le
changement non contrôlé d’une marque à la version
générique, ou d’une version générique à une autre,
peut donner lieu à un traitement moins efficace. Les
promoteurs de régimes doivent trouver l’équilibre
entre le besoin de limiter les coûts et celui de veiller à ce
que les membres du régime obtiennent un traitement
approprié en faisant en sorte que des procédés sont en
place pour les exceptions à la conception du régime.
Concentraon
Paramètres pharmacocinéques clés
Aire sous la courbe (ASC) → marqueur de l’exposion
au médicament
Concentraon maximum aeinte à la suite de
l’administraon d’une dose (Cmax)
(Cmax) Produit de marque
Produit générique
Diérences
Marque vs générique
ASC
Étude de bioéquivalence
SUPPLÉMENT SPÉCIAL
Temps
©iStockphoto.com/Diego Cervo/stevecoleimages
Quelles sont les excepons qui devraient être prises
en compte?
Il existe un certain nombre de médicaments immuno-
suppresseurs destinés aux greffés qui devraient être
considérés comme des exceptions dans les régimes de
substitution obligatoire des médicaments génériques. Ces
médicaments ont été désignés comme des «médicaments
à dose critique» (MDC) par Santé Canada. En 2012, Santé
Canada a publié une mise à jour à sa Ligne directrice –
Normes en matière d’études de biodisponibilité comparative :
Formes pharmaceutiques de médicaments à effets systémiques,
qui définit les normes et les exceptions en matière
de bioéquivalence. L’une des exceptions importantes
concerne les MDC, lesquels sont définis comme étant des
« médicaments pour lesquels des différences de dose ou
de concentration relativement légères peuvent entraîner
des échecs thérapeutiques et/ou des réactions indésirables
graves qui peuvent mettre la vie en danger, ou nécessiter
l’hospitalisation, entraîner une invalidité ou une incapacité
persistante, ou entraîner la mort ». Un MDC possède un
index thérapeutique étroit, où les concentrations sanguines,
la réponse clinique et la toxicité sont intimement liées.
Santé Canada a désigné plusieurs médicaments dans cette
catégorie, y compris les médicaments immunosuppresseurs
suivants, destinés aux greffés suivants : la cyclosporine
(Neoral®), le sirolimus (Rapamune®) et le tacrolimus (Prograf®).
Santé Canada n’a pas établi, dans le document Ligne
directrice, de lignes directrices ou de normes pour la
substitution des versions génériques des MDC. Toutefois,
certains organismes de réglementation européens ont créé
des exceptions pour le tacrolimus. Par exemple, en Espagne
et au Royaume-Uni, les formulations orales de versions
génériques du tacrolimus portent le nom de la marque. La
prescription et la vente doivent se faire uniquement par nom
de marque afin de minimiser le risque de changer de produit
par inadvertance, ce qui a déjà été mis en lien avec des cas
de toxicité1-4. Au Danemark, la substitution des versions
génériques de tacrolimus oral est interdite
5
. La Norvège
recommande désormais que le tacrolimus ne puisse pas être
substitué en pharmacie. L’agence italienne du médicament
a publié une déclaration selon laquelle le tacrolimus oral
n’est pas interchangeable sans un suivi thérapeutique
attentif mené sous la supervision stricte d’un spécialiste en
transplantation, et le pharmacien doit toujours dispenser
le médicament portant le nom commercial prescrit par le
médecin
6
.
Il existe également des cas canadiens, dont deux de
l’Ontario et du Québec, de procédés d’approbation des
exceptions pour les médicaments immunosuppresseurs à
dose critique destinés aux greés.
En Ontario, le Programme de médicaments spéciaux
(PMS) couvre la totalité du coût de certains médicaments
administrés aux patients en consultations externes servant
à traiter certaines maladies graves. Ce programme couvre le
Neoral® (la cyclosporine) après une transplantation d’organe
ou de moelle osseuse s’il est prescrit par un médecin faisant
partie du personnel médical d’un hôpital du groupe O, selon
la Loi sur les hôpitaux publics
7
. Au Québec, selon la Liste de
médicaments publiée par la Régie de l’assurance maladie
du Québec (RAMQ), la cyclosporine est un médicament à
index thérapeutique étroit (annexe VII). Ce médicament
est donc exempté de la politique du plus bas coût possible
de cette province, et le Neoral® est remboursé lorsqu’il est
prescrit par un médecin
8
. Les gestionnaires des régimes
d’assurance-médicament provinciaux et privés peuvent
s’appuyer sur ces expériences pour dautres médicaments
immunosuppresseurs à dose critique destinés aux greffés
lorsque des versions génériques seront mises sur le
marché. Cela est d’une importance primordiale puisque, au
moment de rédiger le présent document, il est anticipé que
Santé Canada approuve prochainement le tacrolimus oral
générique sans que de telles exceptions soient en place.
Quelles sont les considéraons propres aux paents dans
le cas de médicaments relafs aux grees?
Avec l’arrivée de nouvelles pharmacothérapies, les taux
de survie du greffon rénal après un an se sont améliorés,
passant de 65% en 1975 à plus de 97% en 2009 (Registre
canadien des insuffisances et des transplantations d’organes,
2011, RCITO). Le succès d’une transplantation dépend de
la gestion de la réponse immunitaire de l’organisme afin
d’optimiser la survie du greffon. Lapproche habituelle pour
le soutien à long terme est la «trithérapie», qui comprend
l’un des MDC suivants: le Prograf® (tacrolimus encapsulé
à libération immédiate), Advagraf® (tacrolimus encapsulé à
libération prolongée) ou le Neoral® (cyclosporine encapsulée
et en solution). Pour optimiser la thérapie chez ces patients,
l’objectif est de trouver l’équilibre approprié entre l’efficacité
et la toxicité du médicament, tout en prévenant le rejet du
greffon.
« La gestion appropriée de la pharmacothérapie
immunosuppressive est essentielle à la réussite de la
transplantation. La concentration sanguine du médicament
sert comme indicateur de substitution pour évaluer le degré
d’immunosuppression d’un patient. Les médicaments
comme le Prograf® (tacrolimus) exigent un suivi attentif des
concentrations sanguines afin de veiller à ce que la quantité
de médicaments présente dans le sang demeure à l’intérieur
Minimiser l’hypertension, les
dommages rénaux, les eets
gastro-intesnaux, le diabète,
les infecons, le cancer…
Prévenir le rejet, prolonger la
vie du greon et du paent
Opmiser l’équilibre
entre l’ecacité et la toxicité
Ecacité Toxicité
Résultats désirés pour la thérapie immuno-
suppressive dans les cas de transplantaon
2
des valeurs cibles. Comme l’index thérapeutique est étroit,
les changements dans l’exposition peuvent compromettre
les résultats pour la santé du patient », explique Jennifer
Harrison, chef du site de pharmacie clinique du University
Health Network à Toronto.
Le rejet aigu du greffon rénal peut être une conséquence
d’un dosage inapproprié, ce qui peut entraîner l’hospita-
lisation, une thérapie immunosuppressive intraveineuse
plus intensive, de l’infection, un raccourcissement possible
de la vie du greffon ou la perte de la fonction du greffon.
Le patient peut également subir dautres complications ou
événements indésirables découlant d’une thérapie intensifiée.
Les conséquences non intentionnelles pour le promoteur
d’un régime d’assurance-médicaments pourraient comprendre
une augmentation des coûts d’invalidité et de l’absentéisme
du membre de son plan.
Quelles sont les recommandaons des professionnels
des soins de santé en maère de prescripon et de
distribuon des médicaments à dose crique?
Au vu des problèmes potentiels de la substitution des versions
génériques des MDC, particulièrement en ce qui a trait aux
changements non supervisés dans le cadre d’une thérapie
immunosuppressive dans un cas de transplantation, les
Concentraon
Concentraon
Concentraon Concentraon
Temps
Temps Temps
Temps
Marque Marque
Générique A
110 %
100 %
90 %
110 %
100 %
90 %
110 %
100 %
90 %
110 %
100 %
90 %
Cas : substuon de la version générique A au médicament de marque d’un médicament à dose
crique pour le traitement immunosuppressif d’une transplantaon
Cas : substuon de la version générique A à la version générique B d’un médicament à dose crique pour le traitement
immunosuppressif d’une transplantaon (il est possible que les versions génériques ne soient pas bioéquivalentes)
À son congé de l’hôpital, le paent reçoit une réserve de
deux mois de médicaments de marque
Après six mois, le pharmacien du paent lui
vend le générique B au lieu du générique A
Prol de la concentraon sanguine du paent traité
avec le médicament de marque
Les versions génériques A et B sont toutes les deux
bioéquivalentes au médicament de marque du paent
Le générique A est bioéquivalent au
médicament de marque du paent
Le générique B n’est pas forcément
bioéquivalent au générique A
Après deux mois, le pharmacien du paent lui
vend le médicament générique A au lieu du
médicament de marque
Il se peut que le paent alterne entre des
médicaments non bioéquivalents
La bioéquivalence ne
signie pas l’équivalence
clinique
Il peut y avoir des
variaons dans
les concentraons
sanguines entre les
génériques. La variabilité
dans les médicaments
à dose crique
pour le traitement
immunosuppressif
dans les cas de
transplantaon a été
associée à de mauvais
résultats.
=
=
Générique A
Générique B
Marque
professionnels des soins de santé, par l’entremise de réunions
de consultation, de conférences de consensus et de sondages
ayant eu lieu aux États-Unis, en Europe et au Canada, ont
formulé les recommandations suivantes9-11:
1. Les immunosuppresseurs génériques doivent être utilisés
avec prudence.
2. Si un médicament générique est utilisé, on devrait le
prescrire dès le jour de la transplantation plutôt que le
substituer lorsqu’il existe un risque élevé de rejet du greffon.
3. Les changements de formulation devraient être initiés
uniquement par les médecins. Les changements répétés
(d’un médicament générique à un autre, ou entre les
versions génériques et le médicament de marque)
devraient être évités.
4. Il est essentiel déduquer le patient. Les patients doivent
être informés des changements de médicaments
lorsqu’ils surviennent.
5. À la suite d’un changement de médicament, il faut
surveiller les concentrations sanguines jusqu’à ce que
l’immunosuppression stable soit atteinte.
6. Il faudrait disposer de données plus complètes sur
l’efficacité et la sûreté des médicaments immuno-
suppresseurs génériques pour en assurer l’utilisation et
le suivi appropriés.
3
Générique A
Générique B
4
De plus, selon MmeHarrison: «Il existe un consensus
largement répandu au sein de la communauté des
professionnels en transplantation selon lequel il est
requis d’effectuer un suivi clinique et des concentrations
sanguines pour tout changement de dosage ou de produit,
qu’il s’agisse d’un changement d’un médicament de marque
à une version générique, ou d’un produit générique à un
autre. Dans un contexte de substitution obligatoire, où le
choix du médicament est imposé par l’assureur et distribué
dans une pharmacie de détail, le prescripteur peut ne pas
être informé des substitutions de médicaments, et s’il n’en
est pas avisé en temps opportun, le suivi requis ne pourra
pas être assuré, ce qui constitue un risque important pour
la sûreté du patient.»
Quels sont les nouveaux dés en maère de geson et les
plans d’acon concernant l’intégraon des médicaments
génériques desnés aux greés dans les régimes
d’assurance-médicaments canadiens?
Sachant que Santé Canada est sur le point d’homologuer le
tacrolimus oral générique, et que des versions génériques
d’autres médicaments à dose critique utilisés dans des
thérapies immunosuppressives destinées aux greffés vont
probablement être mises sur le marché dans les années à
venir, il est impératif que des lignes directrices, des normes
et des politiques (tant publiques que privées) soient établies
pour ces médicaments afin de trouver un juste milieu
relativement au coût, à la réponse clinique et aux résultats
positifs pour la santé des patients.
Les défis semblent complexes et mal adaptés aux
pratiques courantes des régimes de substitution obligatoire
de médicaments génériques, dans lesquels les exceptions
pour les médicaments à dose critique sont principalement
créées de manière réactive (c.-à-d. à la pharmacie), ce qui
peut par conséquent retarder la thérapie. Il faut que toutes
les parties intéressées comprennent que les formulations
génériques des médicaments immunosuppresseurs à dose
critique, même si elles sont approuvées et considérées
comme sécuritaires par Santé Canada, peuvent être
dangereuses si elles font l’objet d’une substitution non
contrôlée.
Voici quelques suggestions destinées aux promoteurs de
régimes, aux membres des régimes et aux professionnels
des soins de santé pour la gestion des thérapies de MDC
immunosuppresseurs dans des cas de transplantation:
1. Des politiques au sujet de la substitution des médica-
ments devraient être mises en œuvre pour ces médica-
ments dans certaines circonstances, comme le changement
de médicament une fois que le patient est stabilisé.
a. Établir une procédure proactive standardisée pour
la création d’exceptions à l’échelle de la conception
du régime pour ces médicaments (préalablement à
leur prescription par un médecin).
2. Les remplacements de formulations ne devraient être
initiés que par des médecins ayant de l’expérience avec
les transplantations. Les remplacements répétés (d’une
marque générique à l’autre) sont à éviter.
a. Après chaque remplacement de formulation, il
FAUT surveiller les concentrations sanguines
jusqu’à l’atteinte d’une immunosuppression stable.
3. Les pharmaciens doivent informer les patients et les
médecins s’il y a un remplacement de formulation.
4. Des mécanismes proactifs doivent être mis en œuvre
pour assurer le suivi des concentrations sanguines.
En raison de la complexité et de l’immédiateté de la
situation actuelle en ce qui concerne la substitution
obligatoire et non contrôlée des médicaments à dose critique
dans le traitement des transplantations, les promoteurs
de régimes dassurance-médicaments devraient mettre
en œuvre des changements proactifs à la conception des
régimes pour ce qui est des exceptions et du suivi afin de
veiller à ce que le traitement soit approprié et sûr pour les
membres de leur régime.
Steven Semelman, B.Sc.Pharm., Pharm.D., est actuellement
directeur général de Mapol Inc. Dr Semelman a plus de
25 années dexpérience dans les secteurs des soins de santé
publics et privés, et a occupé des postes cliniques et de direction.
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LE PRÉSENT SUPPLÉMENT A ÉTÉ RENDU POSSIBLE GRÂCE AU SOUTIEN FINANCIER D’ASTELLAS PHARMA CANADA, INC.
RÉFÉRENCES
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hp://laegemiddelstyrelsen.dk/en/topics/authorisaon-and-supervision/licensing-of-medicines/news/generic-substuon-terminated-for-oral--tacrolimus. 11 août 2011.
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8 Liste de médicaments - La Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ). Annexe VII. Éd. 43. Juin 2013.
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