présentait une hypertrophie débutante accompagnée de troubles mictionnels. Aussi, sans rechercher les signes d’un cancer, n’y avait-il pas lieu de s’attacher
à un traitement spécifique ? N’est-ce point là un aspect possiblement inabouti du jugement ?
Poser ces questions ne revient pas à y répondre mais il nous semble que compte tenu des contours élargis conférés depuis longtemps à l’obligation de
prudence – une composante parmi quelques autres de l’obligation régalienne de moyens – il peut y avoir matière à investigation plus large que celle focalisée
sur la seule recherche de la tumeur cancéreuse.
b. Sur les recommandations médicales : à quoi servent-elles, d’où proviennent-elles et quelle est leur force ?
Une définition…
« Les recommandations médicales se présentent comme des documents écrits destinés à aider le praticien, éventuellement le patient, à choisir la prise en
charge la plus appropriée en fonction d’une situation clinique donnée. Outil d’aide à la décision, ces recommandations visent aussi à encadrer les pratiques
professionnelles afin de réduire leur hétérogénéité. » (1)
Une histoire…
A l’origine, on est en droit de penser qu’un système de recommandations médicales est antinomique avec l’art du praticien. Cet art, parce que c’est un art
justement, méconnaît a priori tout système normatif. Quant à l’obligation de moyens dévolue au soignant elle ignore en soi la borne, la limite, la contrainte.
Voilà pour le pur concept, une sorte d’idéal…
Mais la médecine est aussi de notre monde et de notre temps et il lui faut s’y adapter. De là, naît la recommandation car il importe d’évaluer les pratiques. Les
évaluer du point de vue de leur efficacité mais aussi du point de vue de leur coût ; puis rechercher ce qui pourrait constituer le meilleur service au patient à un
moindre coût. Ce fût, au début des années 1990, l’époque des fameuses « références médicales opposables » qui n’eurent « d’opposable » que le terme et
qui constituèrent une sorte de brouillon vite abandonné.
Aujourd’hui il appartient à la HAS d’abord, aux sociétés savantes et aux agences ensuite d’élaborer et de diffuser les recommandations. Ces
recommandations sont nombreuses. Elles touchent au geste technique, au médicament. Elles visent… « à améliorer la qualité des prises en charge et les
pratiques des professionnels… Elles reflètent un état de l’art scientifique à un moment donné » (1)
La force de la référence
Eu égard à la complexité croissante de l’art mais aussi du fait d’une certaine judiciarisation, les soignants ont de plus en plus besoin de disposer d’un système
de recommandations médicales. Ces recommandations « balisent » l’action possible de l’homme de l’art confronté à une situation donnée tout en influant,
nous l’avons dit, sur le coût des soins.
Le magistrat quant à lui juge « in concreto ». En d’autres termes, il cherche à savoir si, en relation avec le dommage de responsabilité civile au titre duquel il
doit se prononcer, une recommandation existait et si elle a été appliquée ou pas par le médecin incriminé. C’est un des éléments de sa décision. Mais il
importe de conserver en mémoire un point de haute importance. Pour le praticien, le strict suivi d’une recommandation n’est pas, selon nous, nécessairement
exonératoire de toute responsabilité !