LES SYSTEMES FORMELS
1 - Qu'est-ce qu'un système formel ?
Un système formel est un quadruplet S = ( A, γ, Ax, R) où :
1 - A est un ensemble fini de symboles, appelé alphabet,
2 - γ est un procédé de construction de mots,
3 – Ax est un ensemble fini ou dénombrable de mots particuliers appelés axiomes,
4 – R est un ensemble fini de règles de déduction de la forme :
{ w1, ..., wk } { m1, ..., mn } où pour tout i, wi et mi sont des mots.
Remarques :
1- On dit indifféremment règle de déduction, ou de dérivation, ou d'inférence.
2- Il y a deux types de règles d'inférence : les règles de production, qui produisent de nouveaux mots à partir des
mots initiaux, et les règles de réécriture, qui fournissent une nouvelle forme pour le même mot.
2 - Trois exemples.
Le système (G.P.), encore appelé "axiomatique de Peano" :
- alphabet : { x, y, * }
- mots : S1 * S2 où S1 et S2 sont des suites quelconques de symboles x ou y
- un unique axiome : x * x
- une seule règle, qui est une règle de production :
w
1 * w2 y w1 * y w2 où w1, w2 sont des mots
Le système (D.H.) dû à Douglas Hoffstadter :
- alphabet : { M, I, U }
- mots : toute suite de lettres de l'alphabet
- axiome : M I
- règles de déduction :
1- w I w I U où w est un mot (production)
2- Mw M ww où w est un mot (production)
3- III U (réécriture)
4- UU (réécriture)
Le (p q -) système :
- alphabet : { p, q, - }
- mots : suites finies de symboles de l'alphabet
- axiomes : les mots x p - q x - où x est formé uniquement de -
- une seule règle de déduction (production) :
si x, y et z sont des mots formés uniquement de -,
du mot x p y q z on peut déduire le mot x p y - q z -
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3 - Théorèmes
Définition 1 :Dans un système formel, une preuve (ou démonstration) est une suite finie de mots w1 w2.... wk
où chaque wi : soit est un axiome,
soit se déduit des wj , j < i par l'une des règles d'inférence.
L'entier k est appelé la longueur de la preuve.
Définition 2 : Un théorème est un mot t tel qu'il existe une démonstration w1 w2....wk avec t = wk
On note alors | t .
Exemples :
Dans (GP), yyx * yyx est un théorème dont la démonstration est :
x * x, yx * yx, yyx * yyx
Dans (DH), MIIUIIU est un théorème, de preuve :
MI, MII (par R2), MIIU (par R1), MIIUIIU (par R2).
Dans le (p q -) système, - - - p - - q - - - - - est un théorème de preuve :
- - - p - q - - - - , - - - p - - q - - - - -
Remarque : Un axiome est un théorème; sa démonstration est de longueur 1.
Nous avons donc : {axiomes} {théorèmes} {mots} {chaînes de l'alphabet}
4 - Décidabilité
Définition : On dira qu'un système formel est décidable lorsqu'il existe une procédure de décision unique qui permet en
un temps fini de décider si un mot quelconque du système est un théorème ou un non-théorème (mot dont on peut
prouver qu'il n'est pas un théorème)
Mot du
S.F.
Non théorème
Théorème
Procédure
de
décision
Réponse en
temps fini
Un système formel qui n'est pas décidable peut être :
- semi-décidable : lorsqu'il existe une procédure qui, si une formule est démontrable, le dira en un temps fini, mais
qu'il n'existe pas de procédure capable de faire la même chose pour tous les non théorèmes.
- indécidable : dans les autres cas.
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5- Procédures de décision
Deux procédures de décision sont particulièrement simples :
1 - Si on peut construire l'ensemble de tous les théorèmes d'un système formel, les mots qui n'appartiennent pas à cet
ensemble sont des non-théorèmes et le système est décidable : pour tout mot, il suffit de vérifier s'il appartient ou non à
l'ensemble des théorèmes.
Exemple 1 :
Tous les théorèmes de (GP) sont de la forme y ... y x * y ... y x
p fois p fois
Exemple 2 :
Une procédure dérivée : soit m un mot de longueur k d'un système formel S. Si on sait construire de manière
exhaustive tous les théorèmes de longueur inférieure ou égale à k, m est un théorème de S si et seulement s'il est
l'un d'entre eux. Sinon, il est un non-théorème; et le système est décidable.
C'est le cas du (p q -) système ; la procédure est dite "de bas en haut" (ou bottom - up):
Cherchons si - - p - - q - - - est un théorème. C'est un mot de longueur 9.
1. on prend l'axiome le plus simple, - p - q - -
On lui applique la règle d'inférence, on trouve - p - - q - - - qui est un mot de longueur 8.
On applique de nouveau la règle d'inférence, on trouve - p - - - q - - - - , mot de longueur >9.
2. on prend le 2ème plus simple axiome, - - p - q - - -
On lui applique la règle d'inférence, on trouve - - p - - q - - - - qui est un mot de longueur >9.
3. on prend le 3ème plus simple axiome, - - - p - q - - - - ; il est déjà de longueur >9.
Le mot - - p - - q - - - est donc un non-théorème.
Remarque : Tout système formel dont les règles allongent les mots est décidable.
La procédure de décision précédente le prouve.
2 - Procédure dite "de haut en bas" ou (top - down):
un mot étant donné, on regarde si c'est un axiome (donc un théorème); si non, on réduit sa longueur en utilisant une
règle d'inférence. On itère le procédé jusqu'à obtenir :
soit un axiome : dans ce cas, le mot initial était un théorème
soit un mot dont la longueur ne peut plus être réduite et qui n'est pas un axiome : le mot initial était un non -
théorème.
Quoique simples et fiables, ces procédures ne sont pas forcément rapides. Il se peut même qu'elles ne permettent pas
d'atteindre une réponse :
Exemple :
le MU-Puzzle (Douglas Hofstadter)
En cherchant si le système (DH) est décidable, supposons que nous voulions tester si le mot MU est un théorème.
Comme deux des règles de (DH) raccourcissent les mots auxquels elles s'appliquent, on ne peut pas conclure en
appliquant la remarque précédente. Il reste la possibilité de construire l'arbre de dérivation du système, c'est-à-dire
de produire tous les théorèmes de (DH) en appliquant de toutes les manières possibles les règles d'inférence à partir
de l'axiome MI. Si l'on trouve MU, on dira alors qu'il est un théorème. Si on ne le trouve jamais, ce ne sera pas un
théorème.
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Cette conclusion est insatisfaisante à deux titres : comment être sûr qu'on n'obtiendra jamais MU ? ne peut-on pas
toujours se dire qu'on l'obtiendra un peu plus tard? Et si MU n'est pas un théorème, ce n'est pas forcément un non
théorème. On ne peut donc pas conclure quant à la décidabilité de (DH).
Deux notions peuvent conduire à des techniques plus efficaces, celles d'interprétation et de méta-raisonnement.
6 - Interprétation
Exemple :
Dans le (p q -) système, on peut observer qu'une chaîne de symboles est un théorème si et seulement si les 2
premiers groupes de - ont des cardinaux dont la somme est le nombre de - du 3ème groupe. On peut même faire
mieux qu'"observer" : on peut le démontrer par récurrence sur la longueur des théorèmes (exercice).
Ceci donne l'idée d'interpréter - - p - - - q - - - - - en : 2 plus 3 égale 5.
On remarquera qu'une interprétation est rarement unique : 2 égale 3 ôté de 5 est une autre idée.
Plus généralement :
Une interprétation d'un système formel S = ( A, γ, Ax, R) est le choix d'un univers U de domaine D (D est un
ensemble d'objets appartenant à U) et d'une application I : S U
qui associe :
à chaque symbole de A un élément de D
au procédé de construction de mots γ un procédé de construction d'énoncés de U
à chaque axiome de Ax un énoncé vrai de U
à chaque règle d'inférence de R un mode de déduction dans U
Les théorèmes du système formel S deviennent des énoncés de U qu'on juge VRAIS ou FAUX dans l'interprétation (ou
privés de sens).
x
I
U
SF
énoncés
Règle
d’inférence
Enoncé vrai
x
Procédé de
construction
d'énoncés
théorèmes
Règle
d’inférence
axiome
Procédé de
Construction de
mots
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7 - Preuve et Vérité
Les concepts de Preuve et de Vérité appartiennent à des univers différents.
Les notions de vérité et de fausseté sont absentes des systèmes formels.
Dans un système formel, un mot peut être prouvé par une démonstration. C'est alors un théorème.
Lorsqu'on donne une interprétation du système formel, les mots deviennent des énoncés qui peuvent être vrais, ou faux,
ou privés de sens.
Quel lien y a-t-il entre preuve et vérité ?
Tout est possible !
Exemple 1 :
Dans le (p q -) système interprété dans l'ensemble des entiers positifs ou nuls où p représente + , q représente = et
où une suite de n – représente l'entier n, les axiomes deviennent effectivement des énoncés vrais, les règles
d'inférence se traduisent par des déductions correctes (par exemple : si 2 + 3 = 5 alors 2 + 4 = 6) et les théorèmes
sont exactement les énoncés vrais de la forme a + b = c.
Exemple 2 :
Dans (GP), nous avons vu que les théorèmes sont: | y ... y x * y ... y x
p fois p fois
On introduit ce qu'on appelle une métanotation | ypx * ypx (c'est-à-dire une notation issue d'un autre contexte
que celui du système formel dans lequel on travaille).
w1 * w2 est donc un théorème SSI w1 s'écrit ypx et w2 aussi
Sinon, w1 * w2 est un non-théorème.
Première interprétation de (GP) :
Domaine: N , x : 0 , * : = , y : successeur de .
L'axiome est 0 = 0 (vrai!)
Les théorèmes sont p = p pour tout p N (énoncés vrais).
De plus, les énoncés faux sont exactement les interprétations des non-théorèmes.
bonne interprétation, correspondance parfaite entre:
théorèmes et énoncés vrais
non-théorèmes et énoncés faux
Deuxième interprétation de (GP)
Domaine : Langue française , x : "Socrate est mortel", * : identité de deux phrases , y : négation
L'axiome s'interprète comme un énoncé vrai, les théorèmes aussi.
Mais le non-théorème y y x * x s'interprète en un énoncé vrai.
La classe des non-théorèmes qui deviennent des énoncés vrais est non vide;
cependant, tout énoncé vrai est l'interprétation d'un théorème (mais aussi, en plus, de non théorèmes).
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