1 - Naissance de la Logique des Propositions 1ère étape

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LOGIQUE PROPOSITIONNELLE
1 - Naissance de la Logique des Propositions
Historique rapide
La Logique des Propositions est née de la volonté de modéliser ce qu'on appelle "un raisonnement logique", c'est-àdire, pour simplifier, un raisonnement • essentiellement déductif
et
• sans ambiguïté.
On admet classiquement qu'un tel raisonnement est fondé sur les 3 principes d'Aristote:
• identité
(une phrase est identique à elle-même)
• tiers exclu (une phrase est vraie ou fausse; il n'y a pas d'autre pos sibilité)
• non-contradiction
(on ne peut pas démontrer un énoncé et son contraire).
Le processus qui fait passer de l'observation du raisonnement logique au système formel de logique des
propositions peut être décrit en trois étapes.
1ère étape : Description du « raisonnement logique »
Il s'agit de mettre en évidence les outils qui permettent de décrire complètement un raisonnement logique et les
conditions de sa validation.
ð Les symboles et opérateurs de base (ce qui permet d'exprimer sur quoi on raisonne)
par ex. :
- non, et, ou, implique,...
- symboles représentatifs de ‘vrai’ et ‘faux’
- symboles représentant des énoncés,
- symboles permettant de séparer des énoncés
ð Les règles de fonctionnement (ce qui permet de décrire comment on raisonne)
par ex. :
- si A et B sont vrais, alors (A et B) est vrai
- nier 2 fois A revient à n’appliquer aucun opérateur
...
- la manière de construire un énoncé complexe à partir d’énoncés élémentaires
- les mécanismes de déduction
...
ð La validation des raisonnements repose ici sur le SENS des énoncés.
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2ème étape : Description d’un modèle sémantique
Il s'agit de décrire une famille de symboles et de mécanismes de déduction qui permettent de reproduire tous les
raisonnements logiques au sens précédent indépendamment du sens des énoncés.
* On garde les notions de "vrai" et "faux"
MAIS
* On ne prend plus en compte le SENS des énoncés.
ð
Dans le modèle sémantique, un raisonnement sera valide lorsque partant d'hypothèses vraies il
conduira à des conclusions vraies.
On doit à Leibniz (1646 - 1716) et Frege (1848 - 1925) les premiers modèles sémantiques déductifs COMPLETS (i.e.
dans lesquels tout énoncé vrai est démontrable) et NON-CONTRADICTOIRES (i.e. dans lesquels il est impossible de
dém ontrer à la fois un énoncé et sa négation ) :
Les symboles et opérateurs de base
. vrai 1, faux 0
. énoncés élémentaires
. connecteurs :
∧ conjonction
∨ disjonction

négation
⊃ implication
. séparateurs :
( ) ou , ou [ ]
etc...
Les mécanismes de déduction
(qui permettent de déduire des énoncés VRAIS à partir d'autres énoncés
VRAIS pour faire une théorie COMPLETE ) sont au nombre de 8 :
(R1) Si x et y sont vrais
alors x ∧ y est vrai
(R2) Si x ∧ y est vrai
alors x est vrai et y est vrai
(R3) Si x est vrai et x ⊃ y est vrai
alors y est vrai
(R4) x et   x sont interchangeables
(R5) x ⊃ y et
y⊃  x
sont interchangeables
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R6) x ∧ y et  (x ∨ y)
sont interchangeables
(R7) x ∨ y et  x ⊃ y
sont interchangeables
(R8) si en partant de x on peut déduire y par les règles R 1, R 2, ..., R 7
alors x ⊃ y est VRAI
Tables de Vérité
Pour chaque connecteur, on est capable de construire une TABLE DE VERITE qui en exprime le comportement :
Exemples :
A et B représentent des énoncés.
D'après (R1) et (R2), on peut établir la table de vérité de A ∧ B
B
Vrai
Faux
Vrai
V
F
Faux
F
F
A
Sachant que A est différent de A, la règle (R4) permet de faire la table de vérité de A :
A
A
V
F
F
V
Ayant ces tables de vérité pour la négation et la conjonction, la règle (R6) permet d'établir celle de la disjonction
AvB:
B
Vrai
Faux
Vrai
V
V
Faux
V
F
A
D’après (R7), x ∨ y et  x ⊃ y ont les mêmes valeurs de vérité. En remplaçant x par  z , on trouve que
 z ∨ y et z ⊃ y ont mêmes valeurs de vérité.
D’où la table de vérité de l’implication A ⊃ B :
B
Vrai
Faux
Vrai
V
F
Faux
V
V
A
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3ème étape : Etablir un système formel
dans lequel les théorèmes soient exactement les abstractions (*) des énoncés vrais dans le modèle sémantique
précédent.
(*) En effet, un système formel est un système syntaxique. Il ne prend en compte:- ni le sens des mots,
- ni le fait qu’ils soient vrais ou faux.
On doit donc faire une abstraction pour passer à un système formel:
* éliminer les notions de vérité et de fausseté
(et donc les symboles « vrai » et « faux » et la possibilité de faire et d’utiliser des tables de vérité)
* mettre au point un ensemble de règles d'inférence et d'axiomes qui permette de démontrer comme théorèmes
du S.F. exactement les correspondants des énoncés vrais obtenus par les règles R1 à R8 dans le modèle
sémantique.
ð Ici un raisonnement sera valide s’il est une preuve (ou demonstration) au sens du chapitre 1.
Le premier système formel répondant à cette attente est dû à Whitehead et Russel (1910).
Il a pour symboles : les énoncés,  , ⊃ , des séparateurs.
Il a 4 axiomes
et une seule règle d’inférence : MODUS PONENS
de (a et a ⊃ b) on peut déduire b
(a et a ⊃ b) → b
De nombreux autres systèmes formels, équivalents, ont été proposés par la suite (systèmes de Lukasiewicz ; de
Shaeffer ; système booléen). Celui-ci reste cependant, dans une version optimisée avec 3 axiomes, le plus utilisé
actuellement pour la Logique des Propositions, sous le nom de (LP).
2 - LE SYSTEME FORMEL (LP)
2-1- Définition :
alphabet :
lettres propositionnelles
connecteurs :  et ⊃
parenthèses : ( et )
mots :
lettres propos itionnelles
si w est un mot, (w) est un mot et  w est un mot
si w 1, w 2 sont des mots, w 1 ⊃ w2 aussi.
axiomes :
a1 - ( w 1 ⊃ (w2 ⊃ w1) )
a2 - (( w 1 ⊃ (w2 ⊃ w3)) ⊃ ((w1⊃ w2) ⊃ (w1⊃ w3)))
a3 - ( ( w2 ⊃  w1) ⊃ (w1 ⊃ w2) )
dérivation : règle de détachement ou modus ponens :
si w 1 et w 2 sont des mots, alors (w 1) et (w1 ⊃ w2) → w2.
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2-2 Remarques
1 - Les symboles  et ⊃ suffisent puisque :
A∨ B ≡  A⊃ B
où ≡ signifie "équivalent à"
A ∧ B ≡  (A ⊃ B)
2 - La règle de modus ponens a été choisie parce qu'elle formalise exactement la DÉDUCTION et
3 - Les axiomes introduits sont une base de résultats vrais dans le modèle sémantique et indémontrables sans les
valeurs de vérité au moyen de modus ponens, choisis exactement pour que :
4 - Les théorèmes démontrables dans le système formel correspondent aux déductions valides dans le modèle
sémantique.
2-3- Enrichissement de (LP)
1 - On introduit de nouveaux symboles pour simplifier l'écriture :
x ∧ y
donné par
 (x ⊃  y)
x ∨ y
"
"
 ( x ∧  y)
x ≡ y
"
"
(x ⊃ y) ∧ (y ⊃ x)
2 - On démontre des théorèmes de manière à créer de nouvelles règles de déduction qui rendront les
démonstrations plus rapides.
Par exemple : ( P ⊃ (Q ⊃ R) ) → ( Q ⊃ (P ⊃ R) )
ou encore : ( (A ⊃ B) ∧ (B ⊃ C) ) → (A ⊃ C)
3 - On formalise d'autres principes de démonstration pour ne pas avoir à en redémontrer la validité à chaque
utilisation.
Par exemple : le raisonnement par contraposition
ou encore : le raisonnement par l’absurde.
Exemple 1 :
Supposons donné un théorème  (P⊃(Q⊃R)).
Nous voulons démontrer
 (Q⊃(P⊃R)).
 (P⊃(Q⊃R))
et
(a2)
((P⊃(Q⊃R)) ⊃ ((P⊃Q) ⊃ (P⊃R))
donnent par modus ponens  ((P⊃Q) ⊃ (P⊃R))
(t1)
Avec (a1) : ((P⊃Q) ⊃ (P⊃R)) ⊃ (S⊃ ((P⊃Q) ⊃ (P⊃R)))
(t1) donne, par modus ponens,
 (S⊃ ((P⊃Q) ⊃ (P⊃R)))
(t2)
Avec (a2) : (S⊃ ((P⊃Q)⊃(P⊃R))) ⊃ ((S⊃(P⊃Q)) ⊃ (S⊃(P⊃R))))
(t2) donne, par modus ponens,
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 ((S⊃(P⊃Q)) ⊃ (S⊃(P⊃R)))
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(t3)
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Avec (a1) :
(Q⊃(P⊃Q))
et en réécrivant (t3) sous la forme :  ((Q⊃(P⊃Q)) ⊃ (Q⊃(P⊃R)))
modus ponens donne  (Q⊃(P⊃R)).
Ä
D'où la nouvelle règle : ( P ⊃ (Q ⊃ R) ) → ( Q ⊃ (P ⊃ R) )
Exemple 2 :
Soient 2 théorèmes de la forme
| A ⊃ B
et
| B ⊃ C .
|  (B ⊃ C) ⊃ (A ⊃ (B ⊃ C))
(a1) permet d'écrire
| B ⊃ C
Comme
modus ponens donne |  ( A ⊃ (B ⊃ C) )
|
(a2) permet d'écrire
(A ⊃ (B ⊃ C)) ⊃ ( (A ⊃ B) ⊃ (A ⊃ C) )
|
Comme
( A ⊃ (B ⊃ C) )
modus ponens donne | 
( (A ⊃ B) ⊃ (A ⊃ C) )
|
( (A ⊃ B) ⊃ (A ⊃ C) )
|
(A ⊃ C) par modus ponens
Finalement :
et
|
(A ⊃ B)
donnent
D'où la nouvelle règle : ( (A ⊃ B) ∧ (B ⊃ C) ) → (A ⊃ C)
Exemple 3 :
Le raisonnement par contraposition.
Nous savons que cette forme de raisonnement repose sur le fait qu’il est équivalent de montrer que A ⊃ B est un
théorème ou que  B ⊃ A en est un. Comment justifier cela ?
Supposons donné le théorème |  A ⊃ B .
Nous avons vu que   A et A (de même   B et B ) sont équivalents.
L’axiome a3 s’écrit ( ( w2 ⊃  w1) ⊃ (w1 ⊃ w2) ) . Remplaçons w 2 par  A et w 1 par  B .
L’axiome a 3 devient
( (  A ⊃   B ) ⊃ ( B ⊃  A) )
c’est-à-dire ( ( A ⊃ B ) ⊃ ( B ⊃  A) ) ;
avec |  A ⊃ B,
modus ponens donne |   B ⊃  A .
Supposons maintenant
|  B ⊃  A .
Reprenons l’axiome a 3 : ( (  B ⊃  A ) ⊃ ( A ⊃ B) ).
Modus ponens nous donne : |  A ⊃ B .
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D’où l’équivalence recherchée.
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3 - Où en est-on ?
Le processus historique de construction peut être schématisé ainsi :
Description du raisonnement logique usuel
Interprétation 1
Abstraction 1
(ajout du sens)
Modèle Sémantique
Interprétation 2
Abstraction 2
(ajout des valeurs de vérité)
Système formel (LP)
4 - Le premier théorème de GÖDEL (1930)
Nous avons vu la notion générale d'interprétation d'un système formel.
Comment se traduit-elle dans le cas de (LP)?
Nous voyons sur le schéma ci-dessus qu'il y a deux "interprétations" successives pour passer de (LP) à l'Univers du
raisonnement réel :
• dans un premier temps, on passe au modèle sémantique par un processus qui revient exactement à la
construction d'une interprétation au sens du chapitre 1,
• dans un deuxième temps, les mots prennent un sens; cela correspond à un plongement du modèle sémantique
dans un univers choisi, aucune construction nouvelle n'intervient.
D'où la définition : Une INTERPRETATION de (LP) est une application
ϕ : { mots de (LP) } → {0,1} vérifiant :
ϕ ( P) = 1 - ϕ (P)
ϕ (P ⊃ Q) = 0
ssi
ϕ (P) = 1 et ϕ (Q) = 0
Rappel : On dit qu'un mot w de (LP) est une tautologie lorsque ϕ (w) = 1
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pour toute interprétation ϕ de (LP).
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THEOREME DE GÖDEL
Un mot w de (LP) est un théorème si et seulement si w est une tautologie.
Autrement dit : Pour qu'un mot de (LP) soit un théorème, il faut et il suffit qu'il prenne la valeur de vérité 1 quelles que
soient les valeurs prises p ar les variables propositionnelles qu'il contient dans le modèle sémantique de (LP).
Ce théorème est essentiel :
• il permet de démontrer qu'un mot de (LP) est un théorème de manière extrêmement simple : en construisant
une table de vérité.
• il donne aus si un exemple de meta -raisonnement : au lieu de démontrer qu'un mot de (LP) est un théorème par
modus ponens, on étudie son comportement dans le modèle sémantique.
• il montre que (LP) est un système :
décidable
complet et correct
non-contradictoire (pour aucune formule ϕ on ne peut démontrer à la fois ϕ et ¬ϕ)
et donc consistant.
N.B.: une excellente démonstration de ce théorème de Gödel est donnée par Daniel Kayser dans son livre :
La Représentation des Connaissances (Hermès, Collection Informatique)
pages 62 & 63.
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