2Jean-Yves Rochoux
Durant les années 1970 et surtout les années 1980 l'économie réunionnaise
a connu une croissance annuelle très forte1. En effet son Produit Intérieur Brut
(PIB) marchand augmente en volume de plus de 6 % en moyenne de 1970 à 1990
et de plus de 7 % sur les seules années 1980 (Caillère, Beton et Boursoy, 1991).
Le plus souvent les commentateurs se contentent d'attribuer ce bon résultat
macroéconomique à l'importance des transferts financiers publics venant de la
métropole ou encore de l'Union Européenne2. I1 est vrai que ces transferts sont
considérables, en flux net ils représentent plus de 12,5 milliards de francs en 1990
(Marchal, 1994, p. 185) soit près de 61 % du PIB marchand réunionnais.
Ainsi la plupart des observateurs des économies d'outre-mer seraient sans
doute d'accord avec le commentaire d'un ancien fonctionnaire du Ministère
français des Départements et Territoires d'Outre-Mer (DOM-TOM) : "Le PIB de
l'outre-mer français est très largement exogène, c'est-à-dire qu'il se compose
surtout d'une part importante de services et dans une moindre mesure de biens qui
sont produits, localement, grâce à des ressources financières apportées de
l'extérieur. Le PIB de l'outre-mer dépend de leur appartenance à la République,
dont l'élément principal est la métropole" (Mathieu, 1994, p. 62).
En poursuivant l'analyse en ce sens, on peut considérer que l'économie de la
Réunion est une économie de transferts3. Reprenant une idée émise à propos d'un
autre DOM, il est alors possible de considérer qu'une partie essentielle du PIB
marchand provient de l'injection primaire des transferts nets, le reste est induit par
les effets secondaires de ces flux. I1 s'agit donc d'une économie "improductive"
pouvant être opposée à une économie de production : l'État central génère toute la
valeur économique nouvelle4.
1 Cette réussite macroéconomique s'accompagne d'un chômage très important lié à l'histoire
économique et sociale de l'Île et à son évolution démographique récente. Cet aspect essentiel de la
situation économique réunionnaise ne sera pas développé dans cet article.
2 Dans la suite du texte, pour des raisons de commodité statistique, la différence ne sera pas faite
entre les flux européens et métropolitains. L'ensemble sera intégré dans les flux financiers des
administrations publiques métropolitaines sous le terme "Transferts financiers publics centraux" ou
TFPC.
3 Ce concept est développé par Claude de Miras (1987, pp. 404-408).
4 La phrase exacte est la suivante "schématiquement et en toute hypothèse, 50 % du PIB
correspondraient à l'injection primaire des transferts nets et 50 autres pour cent à leurs effets
secondaires" (de Miras, 1987, p. 406). Elle s'applique à la Martinique.