3) La conclusion réconcilie l’individu (= l’homme Montaigne différent de tous les autres) et l’universel
(= l’Homme, l’ « humaine condition » qui rassemble tous les hommes)
On trouve ici la thèse philosophique de l’auteur : « chaque homme porte la forme entière de l’humaine
condition », [référence : « Homo sum ; humani nihil a me alienum puto » -> « Je suis homme et rien de ce
qui est humain, je crois, ne m'est étranger » = célèbre citation du poète latin d’origine berbère, Térence (-
190 -159) ancien esclave affranchi ;
En même temps Montaigne rappelle que tout individu est singulier, et que toute vie, même simple, vaut
la peine d’être décrite. Il se présente au lecteur avec modestie, mais on sait que la famille de Montaigne
était cependant illustre à son époque.
TR = La démarche de Montaigne repose donc bien sur un paradoxe : un « être » peut être à la fois unique
et universel.
II : Montaigne revendique la singularité, l’originalité de ce projet littéraire humaniste qui unit le
singulier et l’universel
1) Il oppose « Je » et les « autres » auteurs pour bien affirmer la nouveauté de son travail
- Le raisonnement s’appuie sur de nombreuses oppostions renforcées parfois par des asyndètes ( « les
autres » ≠ « je » ; « les auteurs »≠ « moi » / / « si mon âme pouvait » ... »(mais) « elle est... », etc) +
connecteurs logiques : « non pas », « mais », « quoi que »... + les mots « contredire » et « contradictoire »
qui renforcent l’argumentation : une oeuvre vraie reflète forcément les changements, les oppositions, est
faite de ruptures, de digressions. (chp lex : divers, changeants, indécises, passage...)
Les antithèses ouvrent et terminent ce texte : le projet littraire de Montaigne est inédit, singulier
2) Il fonde son projet universel sur son autoportrait, une peinture de lui-même
- Importance du champ lexical de la peinture (citer) : Montaigne se voit donc bien comme un artiste, un
peintre qui a pour outils les mots, son style. Il « récite », « représente », mais refuse de donner des leçons,
de « former » l’homme comme font d’autres écrivains. Oeuvre libre, qui respecte aussi la liberté du lecteur.
Il semble vouloir être objectif ? Mais par définition, la vision d’un homme singulier est subjective.
- Même s’il se proclame homme « universel », Montaigne se présente –indirectement, donc assez
habilement - comme « grammairien », « poète », « jurisconsulte », preuve de son goût pour la langue et
pour le droit. Poète il l’est lorsqu’il emploie par ex la métaphore : « ivresse naturelle» du monde (un monde
chancelant, voire délirant ?), ou « de plus riche étoffe » qui renforce, par opposition, sa simplicité et sa
modestie (cf. termes péjoratifs qu’il emploie pour se désigner dans ces groupes binaires : « vie basse et sans
éclat », « vie populaire et privée », comme au début « bien mal formé »
-> non pour se dévaloriser, mais pour bien montrer que toutes les vies ont la même valeur à ses yeux,
preuve de son humanisme. Dans d’autres chapitres, comme « Des cannibales » ou « Des coches », il
montrera son respect pour les Indiens d’Amérique que les Européens ont colonisés, se distinguant ainsi de
l’opinion commune qui légitimait le racisme et la barbarie des conquérants.
- En peinture, un « repentir » est une correction apportée à un tableau, ce terme pourrait s’appliquer au
travail des Essais : nous avons ici 2 couches du texte (B et C) correspondant à des ajouts successifs => œuvre
qui s’enrichit au fil du temps, pensée qui se précise constamment, sans pour autant renier ce qui avait été
énoncé auparavant.
3) Cette oeuvre, à l’image du monde, est mouvante voire parfois contradictoire ; les essais rappellent
que l’homme est toujours en apprentissage (Montaigne est l’homme du doute même si le ton de ce texte
est assez catégorique.
- Le verbe « essayer », présent dans le texte, montre bien que l’auteur définit l’originalité du genre
littéraire qu’il a choisi. Irréel du présent : « Si mon âme pouvait + métaphore « prendre pied »... « je serais
résolu » => mais ce n’est pas le cas : l’homme est un éternel apprenti (adverbe « toujours » + groupe binaire
« apprentissage » + « épreuve ») => rien n’est jamais définitivement acquis, tout est toujours à reconquérir,
telle est la « philosophie morale » de Montaigne = une forme de sagesse acquise avec le temps ; pour