LA n°1 Montaigne plan - Un pour tous tous pour un

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O d’E n° 1 : La question de l’homme dans les genres de l’argumentation
L. A. n° 1 : Montaigne (Plan détaillé)
Réf : Les Essais, III, « Du repentir » (ch. II), texte probablement écrit en 1586, publié en 1588
INTRODUCTION
Contexte : Situer Montaigne dans le contexte de la Renaissance humaniste, présenter rapidement
l’auteur, mais surtout ses Essais (-> définition de ce genre qu’il a fondé)
Références et présentation du texte : livre III des Essais = dernière partie de l’oeuvre, celle de la
maturité ; Montaigne y réaffirme la singularité de son projet déjà énoncée dans l’avant-propos du livre I = il
s’appuie sur une vision du monde inspirée par les sciences de la Renaissance et rappelle qu’il se fonde sur
son expérience personnelle pour réfléchir sur l’homme, car tout homme est à la fois unique et universel.
[LECTURE]
Question : Nous étudierons de quelle manière Montaigne définit son projet littéraire humaniste, dans
cette ouverture du chapitre 2 intitulé « Du repentir ».
Annonce du plan : Nous montrerons d’abord que Montaigne défend son projet humaniste dans un
raisonnement logique et ordonné, puis nous verrons de quelle manière il insiste sur la singularité d’une
oeuvre qui cependant acquiert une dimension universelle (il résout ainsi un paradoxe).
I : Montaigne défend son projet littéraire humaniste en s’efforçant de convaincre le lecteur, dans une
argumentation directe, ordonnée, fondée sur la science
1) Une introduction présente –rappelle- quel est le projet littéraire de Montaigne
- Marques de l’énonciation + chp lexical de la peinture / autodérision / ton un peu familier, complicité
avec le lecteur -> irréel du présent / « mes-huy c’est fait » : homme mûr, qui a acquis de l’expérience et
connaît ses défauts, ne les cache pas. « Cela dit » = transition qui introduit le thème du mouvement et
souligne un paradoxe : sa « peinture » se modifie mais ne s’égare pas. Et s’il est « mal formé » n’est-ce pas
parce que les autres auteurs s’y sont mal pris pour le former ? => Raison pour laquelle il propose un ouvrage
différent => antithèse initiale à commenter.
2) Ses arguments montrent pourquoi l’essai est la seule manière de rencontrer la vérité -> s’appuyer
sur le texte pour justifier !
- Il passe de lui (je) à l’homme (« tout homme ») et au « monde » => du microcosme au macrocosme
selon la vision des savants de la Renaissance, comme Léonard de Vinci (ex : L’Homme de Vitruve) ;
- Le ton est catégorique (nég exceptives) et Montaigne emploie des généralisations, alors qu’il se
présente habituellement comme l’homme du doute (« Que sais-je ? » est sa formule)
- La métaphore de la balançoire (« branloire ») donne une image parlante de ce qu’est le monde pour
l’homme de la Renaissance + les énumérations elles aussi sont significatives : le monde est en mouvement du
fait de la rotation des planètes (implicite) et des effets du temps (cf. champ lexical)
- On insistera sur la logique de son raisonnement (ajouter les références au texte) : enchaînement de
causes et d’effets :
ARG 1 * Si le monde bouge, l’homme qui y vit ne peut être stable (énumération d’exemples précis à
l’appui dans une gradation descendante => preuve de l’ouverture culturelle de la Renaissance : géographie,
architecture, astronomie)
ARG 2 * D’ailleurs l’homme vit dans le temps, qui lui aussi est mvt -> On ne peut donc jamais aborder un
sujet de manière définitive.
ARG 3 * L’oeuvre de tout homme sera alors le reflet du mvt général, si elle veut être sincère.
ARG 4 * Tout auteur, dans ces conditions, est un éternel apprenti, il est dans la nécessité d’évoluer avec
le monde, s’il veut se rapprocher de la vérité universelle.
3) La conclusion réconcilie l’individu (= l’homme Montaigne différent de tous les autres) et l’universel
(= l’Homme, l’ « humaine condition » qui rassemble tous les hommes)
On trouve ici la thèse philosophique de l’auteur : « chaque homme porte la forme entière de l’humaine
condition », [référence : « Homo sum ; humani nihil a me alienum puto » -> « Je suis homme et rien de ce
qui est humain, je crois, ne m'est étranger » = célèbre citation du poète latin d’origine berbère, Térence (190 -159) ancien esclave affranchi ;
En même temps Montaigne rappelle que tout individu est singulier, et que toute vie, même simple, vaut
la peine d’être décrite. Il se présente au lecteur avec modestie, mais on sait que la famille de Montaigne
était cependant illustre à son époque.
TR = La démarche de Montaigne repose donc bien sur un paradoxe : un « être » peut être à la fois unique
et universel.
II : Montaigne revendique la singularité, l’originalité de ce projet littéraire humaniste qui unit le
singulier et l’universel
1) Il oppose « Je » et les « autres » auteurs pour bien affirmer la nouveauté de son travail
- Le raisonnement s’appuie sur de nombreuses oppostions renforcées parfois par des asyndètes ( « les
autres » ≠ « je » ; « les auteurs »≠ « moi » / / « si mon âme pouvait » ... »(mais) « elle est... », etc) +
connecteurs logiques : « non pas », « mais », « quoi que »... + les mots « contredire » et « contradictoire »
qui renforcent l’argumentation : une oeuvre vraie reflète forcément les changements, les oppositions, est
faite de ruptures, de digressions. (chp lex : divers, changeants, indécises, passage...)
Les antithèses ouvrent et terminent ce texte : le projet littraire de Montaigne est inédit, singulier
2) Il fonde son projet universel sur son autoportrait, une peinture de lui-même
- Importance du champ lexical de la peinture (citer) : Montaigne se voit donc bien comme un artiste, un
peintre qui a pour outils les mots, son style. Il « récite », « représente », mais refuse de donner des leçons,
de « former » l’homme comme font d’autres écrivains. Oeuvre libre, qui respecte aussi la liberté du lecteur.
Il semble vouloir être objectif ? Mais par définition, la vision d’un homme singulier est subjective.
- Même s’il se proclame homme « universel », Montaigne se présente –indirectement, donc assez
habilement - comme « grammairien », « poète », « jurisconsulte », preuve de son goût pour la langue et
pour le droit. Poète il l’est lorsqu’il emploie par ex la métaphore : « ivresse naturelle» du monde (un monde
chancelant, voire délirant ?), ou « de plus riche étoffe » qui renforce, par opposition, sa simplicité et sa
modestie (cf. termes péjoratifs qu’il emploie pour se désigner dans ces groupes binaires : « vie basse et sans
éclat », « vie populaire et privée », comme au début « bien mal formé »
-> non pour se dévaloriser, mais pour bien montrer que toutes les vies ont la même valeur à ses yeux,
preuve de son humanisme. Dans d’autres chapitres, comme « Des cannibales » ou « Des coches », il
montrera son respect pour les Indiens d’Amérique que les Européens ont colonisés, se distinguant ainsi de
l’opinion commune qui légitimait le racisme et la barbarie des conquérants.
- En peinture, un « repentir » est une correction apportée à un tableau, ce terme pourrait s’appliquer au
travail des Essais : nous avons ici 2 couches du texte (B et C) correspondant à des ajouts successifs => œuvre
qui s’enrichit au fil du temps, pensée qui se précise constamment, sans pour autant renier ce qui avait été
énoncé auparavant.
3) Cette oeuvre, à l’image du monde, est mouvante voire parfois contradictoire ; les essais rappellent
que l’homme est toujours en apprentissage (Montaigne est l’homme du doute même si le ton de ce texte
est assez catégorique.
- Le verbe « essayer », présent dans le texte, montre bien que l’auteur définit l’originalité du genre
littéraire qu’il a choisi. Irréel du présent : « Si mon âme pouvait + métaphore « prendre pied »... « je serais
résolu » => mais ce n’est pas le cas : l’homme est un éternel apprenti (adverbe « toujours » + groupe binaire
« apprentissage » + « épreuve ») => rien n’est jamais définitivement acquis, tout est toujours à reconquérir,
telle est la « philosophie morale » de Montaigne = une forme de sagesse acquise avec le temps ; pour
réfléchir sur notre humanité, tout homme peut faire l’affaire, et c’est au lecteur de se former un jugement
à partir des témoignages de Montaigne, en le comparant ses expériences avec ce que lui-même connaît.
- Montaigne affirme : « Je ne puis fixer mon objet », « Je le prends en ce point … » et « je ne peins pas
l’être, je peins le passage » (antithèse). En cela, son oeuvre s’inscrit également dans l’esthétique baroque
qui rappelle la philosophie antique d’Héraclite (« On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve » =
le monde est en perpétuel devenir). Il se réfère aussi à l’orateur grec Démade pour montrer qu’on peut
arriver à la vérité par des moyens parfois détournés. (emploi d’une concession : « Tant y a que =
Certes »... « mais ») => érudition, qui est le propre de tout écrivain humaniste. On a le droit de « retourner
son manteau » comme Démade si c’est pour mieux se rapprocher de la vérité.
- L’auteur montre qu’il faut savoir s’adapter aux circonstances, et qu’une pensée ne peut qu’être
mouvante si elle veut rester libre et sincère. « « Soit que je sois autre moi-même…» = l’individu n’est pas
immuable, il a le droit d’évoluer et même de se contredire pourvu qu’il soit fidèle à lui-même !
CONCLUSION
Pour conclure, on peut se rendre compte que Montaigne, dans ce texte, inscrit vraiment son projet
littéraire dans la réflexion des humanistes de son temps. En effet, la définition de l’humanisme, mouvement
culturel européen de la Renaissance, est présente tout au long de son argumentation puisque l’auteur
s’intéresse avant tout à l’homme, en faisant d’abord, son autoportrait et, à partir de sa propre expérience,
et en réfléchissant sur la condition humaine en général. Selon Montaigne, qui se réfère aux sciences
astronomiques, le monde n’est pas stable, il évolue et s’agite sans cesse, tout comme l’homme, dont la vie
est tragiquement conditionnée par la fuite du temps. Il n’est donc pas étonnant que son oeuvre, les Essais,
soit le reflet de cette vision d’un monde fluctuant, et que les contradictions qu’elle contient, soient
finalement un signe de sincérité et le seul moyen d’accéder à la vérité.
Dans notre corpus, Pascal, un siècle plus tard, lui aussi replace l’homme au sein de l’univers et prend
ainsi du recul pour envisager la condition humaine, située entre le néant et l’infini. Cependant son projet
littéraire est très différent de celui de Montaigne, qu’il admirait pour son naturel, mais qu’il critiquait parce
qu’à ses yeux il parlait trop de lui.
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