Qu`est-ce qu`un "objet" ? Techniques. Sciences.

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Qu'est-ce qu'un "objet" ? Techniques. Sciences.
Écrit par Henri Hude
Mercredi, 17 Juin 2015 10:29 - Mis à jour Mercredi, 17 Juin 2015 10:54
Je continue à publier ici un article paru voici trois ans dans la RTB = Revue Théologique
des Bernardins
L’article se trouve en pages 117-141 du n°5, Juin 2012, Lethielleux Editeurs.
Si vous reproduisez cet article, merci d’en citer les références précises.
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Qu’est-ce qu’un objet ? Sur la technique
La technique contribue à ce que l’homme prenne conscience de sa dignité grâce à sa
puissance, même s’il perd cette dignité s’il mésuse de la puissance [i] . Cette technique, si nous
nous en servons « en bons pères de famille », est spirituellement très positive, et non pas une
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puissance qui déshumaniserait l’univers et notre pensée de l’univers, nous forçant à chercher
l’authenticité d’une existence humaine en dehors du cercle des étants.
D’abord, la puissance et l’intelligence techniques humaines, comme l’observe Bergson [ii] est
quelque chose de né avec la vie humaine, comme l’
instinct
technicien du castor est né avec le castor. La vie précède la technique, qui en procède et en fait
partie. L’idée que la vie serait une conception illusoire parce qu’on peut donner des vivants une
représentation technique, et croire que cette représentation en donnerait la vérité totale: c'est là
une idée très courante, mais qui me semble très absurde.
Il est vrai que la culture hypertechnique installe parmi nous une telle habitude de la
représentation technique des étants, notamment celle des vivants, et que cette image
réductionniste finit par précéder la perception des étants et par nous les dissimuler comme
vivants et comme êtres. Il en est ainsi, non parce qu’il y aurait pour l’homme dans la technique
et à cause d’elle je ne sais quel destin d’aveuglement à l’être, mais dans la mesure où nous
nous laissons fasciner par les tentations du pouvoir, du confort et de la richesse. Et quand on
met l’être hors des étants, on a cessé de lutter ; on se résigne à subir un aveuglement dont
l’origine est probablement moins intellectuelle, que morale.
Science, sagesse et imagination
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La pensée s’oppose si peu à la technique, que la représentation mécanique ou technique des
choses est une modalité très développée du phantasme, sans lequel nous ne pouvons pas
penser. Loin que les sciences fassent tort à la métaphysique, le recoupement entre des
phantasmes scientifiques de plus en plus précis et des intuitions philosophiques sagaces,
fonctionnant comme hypothèses ou conjectures, permet de donner à la philosophie quelque
chose du caractère d’une science expérimentale [iii] et à la sagesse de renvelopper les
sciences.
Technique et philosophie critique
Bergson concevait la critique kantienne comme une critique, non de la métaphysique en
général, mais plutôt des sciences. Ces formes a priori, qui construisent un objet qui n’est pas
l’être en soi, mais des "costumes de confection" dont nous revêtons les étants, comme disait
Bergson [iv] (et Husserl après lui parlera, d’un "vêtement d’idées qui nous fait "prendre pour un
être vrai ce qui n’est qu’une méthode"
[v] , ce sont les structures de notre action
technicienne sur l’univers, dont les sciences sont la représentation abstraite. Cette
représentation doit bien être adéquate en partie, puisque notre action technique réussit très
souvent. Mais la réalité en elle-même a quelque chose de vivant, que la représentation
scientifique ne laisse pas tout à fait dans l’inconnu, puisqu’elle en procède et en fait partie. Elle
est donc un phantasme précis, intégré à l’action, et qui, par ce qu’il a d’adéquat aux êtres, aussi
bien que par ce qu’il a de réducteur et d’inadéquat, nous aide à avancer vers une sagesse
moins purement intuitive et toujours plus précisément démonstrative. En étudiant, en parallèle
et à fond,
et Bergson et un gros manuel
universitaire de biologie, et en faisant entre eux un recroisement constant, je gage qu’un
étudiant peut devenir raisonnablement finaliste.
LA SUITE EN SUIVANT LE LIEN
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. RETOUR AU PRÉCÉDENT
[i] J’avoue n’avoir pu, pendant longtemps, comprendre ce qu’on pouvait bien avoir contre la
puissance, en tant que puissance. Son contraire est l’impuissance. Qu’est-ce que l’impuissance
a de bon ? Je n’ai compris cette culpabilisation de la puissance, qu’après avoir analysé le rêve
d’instaurer un « état de nature » libéral-libertaire, où l’animal humain ferait tout ce qu’il voudrait
en toute liberté, mais sans effet collatéral hobbésien, parce qu’une « culture d’impuissance »
l’empêcherait théoriquement de devenir violent et de rien faire de mal. Evidemment, celui qui ne
peut pas faire de mal n’en fera pas. Sauf si, justement, le mal consiste à tout tolérer
passivement sans rien pouvoir décider ni rien pouvoir faire. Mais une culture d’impuissance
n’est pas une culture fonctionnelle, c’est tout le problème de la démocratie postmoderne. En
outre, quels que soient un ordre social et sa loi, l’animal transgressif cherchera à les
transgresser. J’ai expliqué ces choses en détail dans
Démocratie durable. Penser
la guerre pour faire l’Europe
,
Editions Monceau, 2010, chap. 7, pp.241-249.
[ii] Henri BERGSON, L’évolution créatrice, Œuvres, Edition du centenaire (1959), PUF, 6ème
édition, 2001, pp.620-628.
[iii] Une « métaphysique positive », expression discutable, mais volontiers en usage dans
l’entourage de Bergson – par exemple, Jacques CHEVALIER,
Bergson, Plon, 1940.
[iv] Henri BERGSON, L’évolution créatrice, Edition du centenaire (1959), p.493.
[v] Edmund HUSSERL, Expérience et jugement. Recherches en vue d’une généalogie de la
logique
, traduit de l’allemand par D. SOUCHE, Paris, PUF, 1970, p.52
[43]. HUSSERL se cite lui-même, reprenant une formule de
La
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crise de la conscience européenne et la phénoménologie transcendantale
, 1936.
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