
Bull Cancer vol. 100 •N◦12 •décembre 2013 1335
Problématique des faibles doses en radiothérapie
cohortes de patients ont fait de cette maladie l’un
des meilleurs modèles d’étude du risque de seconds
cancers radio-induits [7]. La technique réalisée dans
les années 1970 et 1980 utilisait une irradiation sus-
diaphragmatique en mantelet et/ou une irradiation en
«Y inversé »(plus ou moins complet), et délivrait
une dose de l’ordre de 40 Gy à de larges volumes.
Avec un suivi atteignant 20 à 25 ans, l’observation
d’un excès de seconds cancers a conduit à limiter
les volumes de traitement [7, 8]. Un jeune âge au
moment du traitement et l’étendue des champs de
radiothérapie sont les principaux facteurs de risque [9-
13]. L’analyse du devenir des patients traités pour une
maladie de Hodgkin montre que les principaux types
de cancers secondaires sont le cancer du sein chez
la femme et de la thyroïde chez l’homme ; les deux
sexes sont touchés par les cancers des glandes sali-
vaires, les cancers pleuropulmonaires et les tumeurs
cutanées et osseuses. Ces cancers surviennent majori-
tairement dans les zones de fortes doses [9-13]. Dores
et al. ont analysé 2 153 cas de seconds cancers surve-
nant chez 32 591 patients traités entre 1935 et 1994,
et ont montré que le principal site concerné était le
poumon, avec un RR de 2,8. Il n’était pas retrouvé
d’incidence accrue des cancers touchant les organes
situés à distance des faisceaux ou systématiquement
protégés, comme le larynx [7]. Le risque de cancer
mammaire est particulièrement élevé. Pour une femme
âgée de 55 ans et irradiée à l’âge de 25 ans en man-
telet pour une maladie de Hodgkin, il atteindrait 29 %
(IC95 % : 20,2-40,1) [14]. Ces données sont à nuancer
car le risque est inférieur lorsque l’irradiation mam-
maire incidente s’inscrit dans le traitement d’autres
pathologies, suggérant l’existence d’une susceptibilité
spécifique aux seconds cancers en cas de maladie
de Hodgkin [15, 16]. Par ailleurs, certains cofacteurs
de risque, comme l’utilisation d’une chimiothérapie
à base d’agents alkykants mais surtout le tabagisme,
augmentent exponentiellement le risque de seconds
cancers [12, 17-20]. Lorigan et al. ont effectué une ana-
lyse systématique des études ayant porté sur la toxicité
tardive du traitement des lymphomes. Le RR de cancer
pulmonaire était compris entre 2,6 et 7,0. La radiothé-
rapie et la chimiothérapie contribuaient toutes deux à
cette augmentation du risque, sur un mode additif. Le
tabagisme multipliait le risque associé à chacun de ces
traitements [21]. Dans une étude cas-témoins incluant
plus de 19 000 patients traités pour un lymphome,
Travis et al. ont estimé que le tabagisme multipliait
par 20 le risque de cancer pulmonaire. Dans le sous-
groupe des patients ayant rec¸u une radiothérapie et
des agents alkylants, le RR de cancer bronchopul-
monaire était de 7,2 (IC95 % : 2,8-21,6) chez les
non-fumeurs ou lorsque le tabagisme était inférieur à
un paquet par jour. En cas de tabagisme supérieur à
un paquet par jour, le RR atteignait 49,1 (!) (IC95 % :
15,1-187) [22].
Cancers mammaires
Dans une revue extensive des seconds cancers sur-
venant après traitement d’un cancer du sein chez
322 863 femmes diagnostiquées entre 1973 et 2000, le
risque était augmenté de 18 %. La radiothérapie entraî-
nait un surcroît de seconds cancers de l’œsophage,
de cancers du poumon et de sarcomes [23]. Dans
la méta-analyse conduite en 2005 par l’Early Breast
Cancer Trialists’ Collaborative Group (EBCTCG), la
radiothérapie augmentait le risque de seconds cancers,
en particulier de cancers mammaires controlatéraux
(p= 0,002), et de cancers pulmonaires (p= 0,0007). Le
risque de cancer de l’œsophage était à la limite de
la significativité (p= 0,05) [24]. Dans l’expérience de
l’institut Curie, qui a porté sur 13 471 patientes recevant
une radiothérapie et 3234 patientes témoins, le risque
cumulatif à dix ans était significativement augmenté
pour les sarcomes (p= 0,02) et les cancers pulmonaires
(p= 0,02), sans effet sur les autres types de cancers
situés plus à distance des faisceaux de radiothérapie [4].
Récemment, Berrington de Gonzalez et al. ont évalué
le risque de second cancer chez 182 057 survivantes à
cinq ans d’un traitement locorégional pour un cancer
du sein invasif. Avec un suivi médian de 13 ans, le RR de
second cancer solide était de 1,45 (IC95 % : 1,33-1,58)
pour les régions recevant des doses supérieures à 1Gy
(poumon, œsophage, plèvre, os, tissus mous), mais de
1,09 seulement (IC95 % : 1,04-1,15) pour le cancer
mammaire controlatéral (irradiation de l’ordre de 1Gy).
Il n’était pas montré d’augmentation du risque pour les
sites recevant des doses inférieures à 1Gy [25]. Comme
pour les lymphomes, le tabagisme est un important
facteur de risque de survenue de cancers pulmonaires
après radiothérapie [26]. Il existe également des fac-
teurs de risque non liés au traitement. Ainsi, une étude
publiée en 2011 montre un excès du RR de seconds
cancers non mammaires chez des patientes préméno-
pausées, même si elles n’ont rec¸u ni radiothérapie, ni
traitement systémique adjuvant [27].
Cancers de la prostate
L’impact des irradiations prostatiques sur le risque de
second cancer est controversé et pourrait s’inscrire dans
un biais de surveillance ou de diagnostic [28, 29].
Cependant, plusieurs grandes études suggèrent une
élévation du risque de certains cancers, en particu-
lier du cancer de vessie. L’analyse du devenir de
34 889 patients traités pour un cancer de la prostate
montre que le risque de carcinome urothélial de ves-
sie n’est pas significativement augmenté après huit ans
de suivi [30]. Mais d’autres études portant sur plus de
120 000 patients montrent un excès significatif, mais
cependant faible, de la fréquence des tumeurs solides
chez les longs survivants irradiés, en particulier de car-
cinomes de vessie et du rectum, et des sarcomes dans
les champs de traitement [31]. Il semble cependant que