Analyse de Fourier et distributions
Erwan Penchèvre
1 Les séries de Fourier
1.1 Préliminaires
Soit f:RRune fonction et soit T>0. On dit que fest T-périodique si
f(x+T)=f(x)pour tout xR. On a alors f(x+kT )=f(x), pour tout xRet
kZ.
Soit f: [a,b]Rune fonction. On dit qu’elle est continue par moceaux sur
le segment [a,b]s’il existe une subdivision
[a,b]=[a0,a1][a1,a2]... [an1,an]
du segment en [a,b]et des fonctions continues
hi: [ai,ai+1]R
pour 0i<n, telles que f=hisur ]ai,ai+1[. Il revient au même de dire que f
est continue en tout point distinct des aiet que les limites lim
a
i
fpour 0<inet
lim
a+
i
fpour 0i<nexistent et sont finies. Si de plus,pour chaque i, la fonction
hiest de classe C1, on dit que fest C1par morceaux.
On considère d’abord les fonctions T-périodiques suivantes, que l’on appelle
parfois « harmoniques fondamentales » :
x7→1
x7→cos2π
Tkx(kZ
+)
x7→sin2π
Tkx
Ces fonctions vérifient certaines « relations d’orthogonalité » pour tout couple
d’entiers k,pZ
+:
T
0
cos2π
Tkxcos 2π
Tpxd x =0si k̸=p
T/2 si k=p
T
0
cos2π
Tkxsin 2π
Tpxd x =0
1
T
0
sin2π
Tkxsin 2π
Tpxd x =0si k̸=p
T/2 si k=p
T
0
cos2π
Tkxd x =0
T
0
sin2π
Tkxd x =0
T
0
1dx =T
Exercice 1.1 Vérifiez les relations d’orthogonalité.
1.2 Théorie de Fourier des polynômes trigonométriques
T-périodiques
Dans tout ce qui suit, quand on parle de fonction « intégrable », c’est au sens de
Riemann qu’il faut l’entendre (on rappelle qu’une fonction Riemann-intégrable
sur un intervalle [0,T]est une fonction bornée telle que la limite supérieure des
intégrales des fonctions en escalier inférieures à fest égale à la limite inférieure
des intégrales des fonctions en escalier supérieures à f).
Pour T>0fixé, on appelle polynôme trigonométrique T-périodique toute fonc-
tion p:RRde la forme :
p(x)=a0+
1kNakcos2π
Tkx+bksin 2π
Tkx
où les aket les bksont des coefficients réels et Nest entier 0.
Grâce aux relations d’orthogonalité, on montre que :
a0=1
TT
0
p(x)dx
et pour tout k1:
ak=2
TT
0
p(x)cos2π
Tkxd x,bk=2
TT
0
p(x)sin2π
Tkxd x.
En particulier, les coefficients du polynôme trigonométrique psont uniquement
déterminés. Autrement dit, pour Nfixé, l’application
(a0,a1, ..., aN,b1,...,bN)7−p
est un isomorphisme de R2N+1sur l’espace vectoriel de ces polynômes trigono-
métriques.
1.3 Les séries de Fourier
Définition 1.1 Soit f:RRune fonction T-périodique, intégrable sur [0,T]
(donc sur tout segment de R). On appelle série de Fourier de fla série de
fonctions :
a0+
n1ancos2π
Tnx+bnsin2π
Tnx
2
où les coefficients anet bnsont définis par :
a0=1
TT
0
f(t)d t
an=2
TT
0
f(t)cos2π
Tntd t ,bn=2
TT
0
f(t)sin2π
Tntd t .
Ainsi, on vient de voir que la série de Fourier d’un polynôme trigonométrique
T-périodique est en fait une somme finie : c’est ce polynôme lui-même. On verra
aussi que dans bien des cas, la somme de la série de Fourier de fressemble
beaucoup à f. Le problème est d’étudier la convergence de cette série. On verra
que sa vitesse de convergence dépend de la régularité (le caractère plus ou moins
lisse) de la fonction f.
1.4 Théorie de Fourier pour la somme d’une série trigo-
nométrique uniformément convergente
Rappel. Soit S(x)=+∞
k=0sk(x)une série de fonctions uniformément convergente
définie sur un intervalle [0, T]. Si, pour tout k, la fonction skest continue, alors
la somme Sde la série est aussi continue, et on a :
T
0
S(x)d x =+∞
k=0T
0
sk(x)dx
Théorème 1.1 Soit S:RRla somme d’une série trigonométrique T-périodique
uniformément convergente :
S(x)=α0++∞
k=1
αkcos2π
Tkx+βksin 2π
Tkx
Alors Sest continue, et on a :
α0=1
TT
0
S(t)dt
αn=2
TT
0
S(t)cos2π
Tntd t ,βn=2
TT
0
S(t)sin2π
Tntd t .
Autrement dit, sous les hypothèses du théorème, Sest égale à sa propre série
de Fourier.
1.5 Point de vue complexe
En pratique, on préfère souvent travailler avec des fonctions à valeur complexe
f:RC. Quitte à revenir au point de vue réel en fin de calcul. Du point de vue
complexe, les formules présentent en effet une simplicité qui, du point de vue
réel, reste cachée.
La fonction exponentielle complexe joue alors le rôle des fonctions trigono-
métriques sin et cos. Les « harmoniques fondamentales » sont (pour kZ) :
x7−e2iπ
Tkx
3
Les « relations d’orthogonalité » :
T
0
e2iπ
Tkx e2iπ
Tpx dx =0si k̸= p
Tsi k=p
La série de Fourier s’écrit : +∞
−∞
cke2iπ
Tkx
Ses coefficients :
ck=1
TT
0
f(x)e2iπ
Tkx dx
En remarquant que ei x =cos(x)+isin(x), on revient alors facilement au point de
vue réel :1
a0=c0
an=cn+cn,bn=i(cncn) (n1)
Dans tout ce qui suit, on adopte désormais le point de vue complexe.
1.6 Inégalité de Bessel et lemme de Riemann-Lebesgue
Théorème 1.2 Soit f:RCune fonction T-périodique intégrable sur [0,T].
On note cnses coefficients de Fourier. Alors la série +∞
−∞|cn|2est convergente
et on a +∞
−∞|cn|21
TT
0|f(t)|2d t
Démonstration. Pour N0, on note SN(x)les sommes partielles de la série de
Fourier de f, c’est-à-dire :
SN(x)=
n=N
n=−N
cne2iπ
Tnx
On remarque alors que :
1
TT
0|f|2=1
TT
0|(fSN)+SN|2
=1
TT
0|fSN|2+1
TT
0|SN|2+1
TT
0
(fSN)SN+1
TT
0
(fSN)SN
=1
TT
0|fSN|2+
n=N
n=−N|cn|2+1
TT
0
(fSN)SN+1
TT
0
(fSN)SN
Mais les deux derniers termes de cette somme sont nuls, alors pour tout N:
n=N
n=−N|cn|2=1
TT
0|f|21
TT
0|fSN|2
D’où l’inégalité annoncée à la limite.
1Plus facilement encore, on peut retrouver tout le contenu de ce paragraphe en partant du
point de vue réel puis en exprimant si n et cos en termes d’exponentielles complexes au moyen
des formules d’Euler.
4
Corollaire 1.1 Pour toute fonction f:RC,T-périodique intégrable sur [0, T],
on a
lim
n→±∞cn=0
On a en fait le résultat plus général suivant :
Théorème 1.3 (Lemme de Riemann-Lebesgue) Soit f: [a,b]Cune fonc-
tion intégrable. On a alors :
lim
λ→±∞b
a
f(t)eiλtd t =0
Démonstration. On se contente pour l’instant du cas particulier où fest de classe
C1par morceaux. La démonstration générale du lemme de Riemann-Lebesgue fe-
ra intervenir certains résultats de « densité » que l’on verra dans les sections sui-
vantes. Si fest C1par morceaux, il existe une subdivision [a,b]=[a0,a1]... [an1,an]
et des fonctions hi: [ai,ai+1]Cde classe C1. On a alors :
b
a
f(t)eiλtd t =
n1
i=0ai+1
ai
hi(t)eiλtdt
Une intégration par parties nous donne :
n1
i=0eiλt
iλhi(t)ai+1
aiai+1
ai
eiλt
iλh
i(t)dt
Sur chaque intervalle [ai,ai+1], la fonction h
iest continue donc bornée, et cha-
cune de ces intégrales tend donc vers zéro quand λtend vers l’infini. De même
pour les termes constants. Le lemme de Riemann-Lebesgue est ainsi démontré
dans le cas C1par morceaux.
1.7 Théorie de Fourier des fonctions C1par morceaux
Théorème 1.4 (Dini-Dirichlet) Soit f:RCune fonction T-périodique et
de classe C1par morceaux. Alors la série de Fourier de fconverge en tout point
x0Ret sa somme en x0est
lim
x
0
f+lim
x+
0
f
2:
+∞
−∞
cne2iπ
Tnx0=
lim
x
0
f+lim
x+
0
f
2
Pour démontrer ce théorème, on utilise la fonction 2π-périodique suivante, ap-
pelée « noyau de Dirichlet d’ordre N» (cf. figure où sont tracés D1,D2,D4et
D8) :
DN(x)=
n=N
n=−N
einx
Lemme 1.1 Le noyau de Dirichlet vérifie les propriétés suivantes :
(i) π
0DN(t)dt =π
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