woyzeck - Théâtre de la Manufacture

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CENT ATIQUE
DRAM
NATIONAL
WOYZECK
GEORG BÜCHNER / M. DEZOTEUX
DU 26 AU 30 JANVIER 2016
NANCY
AINE
LORR
CONTACT PRESSE NANCY EMMANUELLE DUCHESNE, SECRÉTAIRE GÉNÉRALE
[email protected] - +33(0)3 83 37 78 03
DIRECTION MICHEL DIDYM
10 RUE BARON LOUIS - BP 63349
54014 NANCY CEDEX
WWW.THEATRE-MANUFACTURE.FR
03 183 37 12 99
WOYZECK
GEORG BÜCHNER / M. DEZOTEUX
Avec ................................. Karim Barras. Azeddine Benamara. Éric Castex
............................................Inès Dubuisson. Fanny Marcq. Denis Mpunga
Création lumière........................................................ Éric Vanden Dunghen
Création costumes ...................................................................Odile Dubucq
Création maquillage ......................................................Jean-Pierre Finotto
Composition musicale ...................................................Alexis Koustoulidis
Geste ...................................................................................Claudio Bernardo
Assistanat à la mise en scène ............................................Glenn Kerfriden
Un spectacle du Théâtre Varia, en collaboration avec le centre des Arts Scéniques (CAS).
Avec l’insertion du Monologue de l’ascenseur de La Mission de Heiner Müller (traduction
Jean Jourdheuil et Heinz Schwarzinger)
Durée 1H15
Homme moderne s’il en est, Woyzeck est un homme exploité de bien des manières. Il vient de s’enrôler
dans l’armée, est sadisé par son capitaine, utilisé comme cobaye pour les expériences médicales d’un
médecin exalté qui l’exhibe à ses étudiants et il se fait piquer sa femme par le Sergent Major. “ Je crois que
si on allait au ciel, il faudrait encore qu’on aide à faire le tonnerre ! ” dit Woyzeck.
Quarante-neuf fragments de la chronologie bousculée d’un pauvre hère qui a des voix. Soumis à des accès
de schizophrénie, ces voix lui soufflent sans arrêt : “ tue, tue ! ”, ce qu’il finit par faire. Responsable ?
Irresponsable ? Est-il vraiment fou ou est-ce la société qui l’a définitivement abîmé ? Comme chez son
cousin en folie Hamlet, on ne sait pas. La pièce ne répond pas mais dit que “ chaque homme est un abîme.
On a le vertige quand on se penche dessus. ”
Que des actes, “ pas de lamentations ! ” affirme le metteur en scène Michel Dezoteux. Il agence ces
fragments avec la vigueur noire d’un thriller, comme une avancée inéluctable et fatale dans les méandres
de l’esprit aliéné de Woyzeck.
Inspirée d’un fait divers survenu le 21 juin 1821 (un perruquier coiffeur au chômage poignarde sa petiteamie), Woyzeck est une œuvre en morceaux, “ à composer ”, l’ordre n’ayant pas été fixé par l’auteur, Georg
Büchner, mort à 23 ans du typhus en 1837. Il laisse derrière lui trois pièces, dont Woyzeck, inachevée, qui
deviendra pourtant un classique absolu.
CALENDRIER
Mardi 26, Mercredi 27 et Vendredi 29 Janvier à 20h30
Jeudi 28 et Samedi 30 Janvier à 19h
TARIFS
Tarif plein 22€ / Tarif réduit 17€ / Tarif jeunes 9€
AUTOUR DU SPECTACLE
Projection de Woyzeck film de Werner Herzog (film de 1979)
Tarif réduit de 5,20$ sur présentation du billet du spectacle
Lundi 25 Janvier à 19h au Cinéma Caméo Commanderie
Rencontre avec Michel Dezoteux et les comédiens du spectacle
Jeudi 28 Janvier à l’issue de la représentation de 19h
RÉSERVATIONS
au 03 83 37 42 42 du lundi au vendredi de 12h à 19h, le mercredi de 10h à 19h, et le samedi en période de représentation.
Locations Magasins Fnac (réduction adhérents), MGEL et Digitick
Théâtre de la Manufacture CDN de Nancy - Lorraine
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Théâtre de la Manufacture CDN de Nancy - Lorraine
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LA PIÈCE
Michel Dezoteux et son équipe se lancent dans cette « quête », celle de reconstituer l’histoire, tout en
gardant cet aspect« art brut» propre à la pièce. Cette dernière va dans le sens contraire d’un monde qui
voudrait tout savoir, tout comprendre, tout expliquer. Pour écrire Woyzeck, Büchner s’est inspiré d’un fait
divers, celui d’un soldat, perruquier et vagabond, accusé du meurtre de son amante. Michel Dezoteux s’est
entouré de quelques-uns de ses acteurs fétiches (Karim Barras, Eric Castex, Fanny Marcq, Denis Mpunga) et
de nouvelles têtes d’affiche avec lesquelles il travaille pour la première fois (Azeddine Benamara, remarqué
pour son interprétation au Varia de La nuit juste avant les forêts, et Inès Dubuisson, jeune professionnel
sortant de I’INSAS). Après avoir réorganisé la matière, ils inventent un univers visuel et musical, à la
chronologie cassée, baigné d’obscurité et de fausses issues. Ils nous plongent au cœur de la pensée du hér
os, une pensée sans cesse mouvante, sans cadre et sans limites,qui finit sa course dans un trou béant: la
folie. Dans un Petit Varia totalement réinventé, Michel Dezoteux nous emmène dans les abysses noirs de
l’existence humaine tout en révélant les soubassements mystérieux de notre fragilité.
Woyzeck est soldat. C’est un homme au cœur simple, confusément hanté par l’idée d’une bonté universelle.
Il vit avec Marie, une femme légère qui a un fils qu’il prend pour sien. Pour subvenir à leurs besoins, il
devient un objet d’expérience pour la science et se met au service du capitaine de la garnison. Il se sent
humilié par l’un, rabaissé par l’autre, et lorsqu’il soupçonne Marie de le tromper avec le tambour - major
- une sorte de Don Juan du régiment sa douleur mûrit. Ilia poignarde, un soir de lune, au bord d’un étang.
Rongé par les remords, il retourne sur le lieu du crime pour tenter de se laver de la souillure, mais il se noie.
Pendant ce temps, sur la place du village, l’enfant présumée de Woyzeck joue. Lorsque la foule annonce
que sa mère est morte, il ne comprend pas, et lorsqu’elle se précipite vers le lieu du crime en laissant
l’enfant seul, celui-ci se remet tranquillement à jouer...
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ENTRETIEN AVEC
MICHEL DEZOTEUX
Pourquoi avoir choisi Woyzeck ?
Woyzeck est une grande œuvre. Elle a presque 200 ans et pourtant on pourrait croire qu’elle a été écrite
hier. Georg Büchner est mort très jeune (à 23 ans), ce qui ne l’empêche pas d’être un grand écrivain. Sa
mort est une perte énorme pour l’humanité. Sa production est malheureusement maigre (en taille), mais
très riche en idées. Le texte de Woyzeck est composé de brouillons, d’esquisses. Ce côté éclaté de la pièce,
de l’histoire qui est racontée, m’intéresse beaucoup. C’est à nous d’organiser les choses. Et le résultat
ne doit pas être forcément linéaire, car oui, on peut raconter d’une autre façon que de manière linéaire.
Dans cette pièce, il existe un fil rouge, une histoire centrale, puis des tas de trous à combler, des éléments
(d’aujourd’hui, d’hier ou de demain) que l’on peut rassembler, mettre autour, répéter ou aller rechercher.
Puis Woyzeck me touche par son histoire profondément humaine.
Quel lien existe-t-il entre Woyzeck et Hamlet, ta précédente création ?
J’ai choisi ces deux pièces pour aborder la folie. Hamlet utilise la folie pour faire éclore la vérité tandis que
Woyzeck la subit. Ce dernier ne va pas bien. Il a des idées discontinues, il entend des voix. Son discours
est fragmenté. Quand Büchner a écrit cette pièce, les sciences psychologiques naissaient à peine et on ne
connaissait pas encore la schizophrénie. Mais il est certain que Woyzeck souffre de cette maladie. Büchner
décrit des phénomènes de la schizophrénie avant la lettre. Il est évident que les schizophrènes existaient
avant qu’ils ne soient diagnostiqués comme tels.
Vous êtes partis d’une seule traduction?
Nous avons mélangé différentes traductions, ainsi que le texte original. Chaque traduction produit sa
propre version. Woyzeck est très connu des gens de langue allemande. Il fait partie de leurs traditions
théâtrales. Il est moins connu en francophonie. En général, on a du mal à se saisir des clés et des moyens
de jeu nécessaires à ce type de littérature. Dans cette pièce, on est davantage sur le rendu de l’histoire, de
la fable que sur le développement psychologique des personnages. C’est ce qui caractérise la littérature
allemande, à l’inverse de la littérature française qui travaille davantage le rendu des émotions, des
sensations (cf. le romantisme du XIXème siècle). Ici, ce sont des blocs d’histoire. C’est très moderne, il n’y
a aucune lamentation, ni intériorisation. Les francophones ont plus de mal avec Woyzeck car ils sont trop
logiques, trop romantiques...
Comment s’est déroulée l’organisation de la matière? Avez-vous sélectionné certains fragments, supprimé
d’autres passages... ?
J’ai évidemment beaucoup travaillé en amont. Après est venue la phase des répétitions, et comme souvent
tout ce qu’on avait prévu initialement a volé en éclats. Sont alors nées d’autres choses. Nous avons
réorganisé complètement la matière. Il n’y a pas nécessairement de lien chronologique ou géographique
entre les scènes. Se suivent-elles? Telle scène devait-elle précéder telle autre ? On ne sait pas. Ces scènes
se suivent sans réellement se suivre.
Y a-t-il tout de même une fable derrière ces fragments?
Oui, il y a une fable. Sinon, on ne pourrait rien bouger, rien inventer. Au théâtre, il y a toujours un récit. Que
ferait le spectateur sans récit? S’il n’y avait pas de récit au théâtre, ça serait comme s’il n’y avait pas de
toile à une peinture. Oui, il resterait le concept, l’idée. Mais, selon moi, du théâtre entièrement conceptuel
ne peut exister.
Si tu devais résumer l’histoire, que dirais-tu ?
Woyzeck, un soldat, est en couple avec Marie. Elle a un enfant. On ne sait pas vraiment si c’est Woyzeck
le père de cet enfant. Il surprend Marie en train d’avoir commerce avec un autre soldat. Commerce sexuel,
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rémunéré ou pas. C’est pourquoi il tue Marie. C’est l’éternelle histoire de tromperie et d’amour, de vengeance
et de purification à travers la mort.
Les choses prennent un certain caractère par la manière dont s’est raconté. Il n’y a pas de vraie chronologie,
ni de déroulement logique dans l’espace. Tout se passe de façon complètement désorganisée, ce qui
multiplie les sens et les possibilités d’imaginer la fable. C’est très ouvert. Il n’y a pas de sens fermé. Le
spectateur aussi peut comprendre la fable de différentes manières. Il n’est pas obligé de la lire avec des
conclusions judéo-chrétiennes : « il faut se venger des femmes volages». Il y a une fable, mais différents
niveaux de sens et de compréhension de cette fable.
Dans vos recherches, vous-vous êtes intéressés à l’art brut. Pourquoi ? Quel lien peut être établi avec
Woyzeck ?
On s’est penché sur l’art brut, « l’art des fous». Les fous produisent dans le pulsionnel. Cette pulsion
m’intéresse énormément. Comment, à partir de rien, dans une fulgurance, ces personnes inventent du
visuel, de l’auditif, de l’écrit? Je retrouve cette fulgurance chez des grands auteurs, musiciens ou acteurs.
Dans l’instant, ça s’invente ici et maintenant. On travaille sur l’art brut de manière biaisée en ayant choisi
ces deux pièces: Hamlet et Woyzeck. C’était délicat pour moi de parler de ces personnes malades. C’est
compliqué de parler de la folie au pr emier degré car c’est une véritable souffrance. Et le théâtre reste avant
tout un divertissement, même si on essaie d’être le plus riche possible.
Ce phénomène historique de la folie est très intéressant. Pendant longtemps, on a brûlé les schizophrènes
qui étaient considérés comme des sorciers. Il a fallu attendre la fin du XIXème siècle pour qu’on commence
réellement à s’intéresser à ces pathologies, à se rendre compte que ces personnes étaient traversées par
autre chose que nous « les normaux». De là, la naissance de la psychologie, de la psychanalyse, des
théories de Charcot, Freud ou Lacan. C’est une découverte importante dans l’histoire de l’humanité.
La question de la créativité m’interpelle énormément. Pourquoi, tout d’un coup, est-on créatif ? En tant
que metteur en scène, mon boulot est d’organiser les choses pour que l’acteur puisse avoir cette étincelle.
J’organise des répétitions, des scènes et tout d’un coup le comédien t’étonne car il réinvente complètement
la scène.
Est-ce que tu actualises la pièce?
Ce n’est pas une version historique, ni même allemande. Si on se limitait à une historicité des choses,
on traiterait toujours Shakespeare en culotte bouffante. Imaginez une déclaration d’amour de Roméo en
culotte bouffante avec des souliers pointus devant un public du XXIème siècle... ça serait plutôt risible. Mais
si Roméo est toujours là, c’est pour d’autres raisons. Son discours est quant à lui toujours actuel. Ces
œuvres-là sont des cadeaux incommensurables et Woyzeck en fait partie. Il n’y a pas besoin d’actualiser le
propos. Il est universel.
Les œuvres du répertoire ont donc, selon toi, encore quelque chose à nous dire ? La tendance de ces
dernières années est pourtant d’aller vers une écriture de plateau.
Je trouve les écritures de plateau inintéressantes. Le théâtre doit me présenter un simulacre de tout ce
que j’ai à subir dans la vie. Il doit pouvoir alléger mes douleurs. En tant que spectateurs, nous allons voir
des simulacres dont nous avons besoin pour nous soulever, pour continuer de nous lever le matin, de lancer
notre énergie dans la bataille qui nous attend. Les simulacres ont été créés par des grands auteurs. On
ne va quand même pas arrêter de lire Shakespeare pour se concentrer sur ce que dit Houellebecq ? Au
théâtre, nous avons l’avantage d’avoir un réservoir assez incroyable. Seule une vingtaine de pièces sont
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des chefs d’œuvre absolus. Il y a vingt Joconde dans le théâtre. Hamlet : quel cadeau! Tu peux le monter
toute ta vie. Tu feras toujours quelque chose de différent. Et les gens verront toujours quelque chose de
différent.
T’es-tu inspiré d’autres mises en scène pour cette version de Woyzeck?
Je n’en ai pas vu beaucoup. Sur Internet, on peut en voir quelques-unes. Il y en a une que j’ai vue en rêves:
celle de Matthias Langhoff. Il a transposé l’histoire dans un univers de cirque, de fantaisie, avec des
chameaux notamment. J’ai imaginé cette mise en scène à partir de photos que j’ai vues et elle m’aide
beaucoup (même si je fais tout à fait autre chose). J’ai un rapport très étrange avec ce metteur en scène
qui pourtant ne me connaît pas. Il est traversé par l’Histoire. J’ai appris beaucoup de ses mises en scène.
Un mot sur la distribution?
Il y a un noyau de comédiens (Karim Barras, Fanny Marcq et Denis Mpunga) avec lesquels je travaille depuis
longtemps et qui ont participé à la phase préparatoire des deux pièces, Hamlet et Woyzeck. Cette dernière
n’est pas une pièce facile. Il y a de quoi être déstabilisé face à elle. Son matériau n’est pas préconstitué,
comme pourrait l’être Les fourberies de Scapin par exemple.
Il y a très peu de rôles. Et j’aime que tous les comédiens travaillent. Il ne faut pas que l’un ou l’autre s’ennuie
en répétition. Je me suis donc penché en premier lieu sur les structures et les fonctions narratives
indispensables pour que l’histoire se raconte. Il y a trois« personnages» centraux : Woyzeck, Marie et
le tambour-major, auxquels s’ajoutent trois autres. Excepté pour le rôle-titre de Woyzeck qui est joué par
Karim Barras, les comédiens ont découvert le premier jour des répétitions le rôle qu’ils allaient interpréter.
Fanny Marcq ne voulait pas jouer le rôle de Marie. Nous avons donc découvert Inès Dubuisson, fraîchement
diplômée. Elle ne savait pas en arrivant qu’elle jouerait ce rôle-là. Puis, se sont joints au projet Azeddine
Benamara et Éric Castex.
Tu aurais pu imaginer un autre comédien que Karim Barras en Woyzeck?
Aujourd’hui, non. J’ai besoin de Karim pour faire du théâtre. Il arrive comme personne à rendre théâtral ce
que je dis ou pense. Il fait les gestes qui déplacent ma compréhension des choses. Il a une créativité qui
lui est propre. Si on comprend ses années d’études, ça fait 25 ans que l’on travaille ensemble. Un beau
parcours en somme.
La musique du spectacle est-elle aussi éclatée que la langue de Büchner?
La composition musicale est assurée par Alexis Koustoulidis. Il travaille comme nous. Il assiste le plus
souvent aux répétitions et improvise des structures, des montages de scènes, des interventions... Il est
très créatif et saisit rapidement les codes qui sont les nôtres. La fonction principale de la musique est
d’unifier, non d’exploser. C’est plus que de la musique, on parle davantage de décor sonore (même si parfois
les sons sont désorganisés). La musique intervient dans le récit de manière multiple. Elle est parfois
narrative, explicative, descriptive... mais elle fait toujours partie du récit.
Entretien réalisé par Émilie Gabele, en février 2015.
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BIOGRAPHIES
MICHEL DEZOTEUX - Metteur en scène
Né à La Louvière en 1949 dans une famille d’origine ouvrière, il est l’élève de Jean Louvet. Reçu à l’INSAS en
septembre 1968, il est profondément marqué par l’enseignement brechtien d’Arlette Dupont ; il passe un
an, en stage, chez Barba, à l’Odin Theater.
Au retour d’un tour du monde des grands festivals de théâtre alternatif et underground, il fonde à Anderlecht,
avec l’acteur Dominique Boisel, un lieu expérimental – un petit plateau, cinquante places – le Théâtre
Élémentaire, dont le premier spectacle, Lenz ou La Neige dans la maison (1977), d’après Büchner, tente de
concilier l’exigence littéraire avec une esthétique gestuelle inspirée de Barba et de Grotowski. Suivent, sous
l’influence de Vitez et sa proposition d’un théâtre-récit, un Crusoë Crusoë (1978) d’après Tournier et Defoe,
puis Lettres de prison (1979) d’après Gramsci – signe d’une préoccupation et d’un engagement politiques
toujours présents au cœur même de la démarche artistique –, et enfin Bovary d’après Flaubert (1981).
Parallèlement il organise en 1980 le premier festival international de Théâtre de Bruxelles qui révèle au
public belge quelques grands noms de l’avant-garde américaine : Phil Glass, Lucinda Childs, Trisha Brown,
Mabou Mines. Sur la proposition de Philippe Sireuil, en 1982, il fonde et codirige, avec Marcel Delval, le Théâtre
Varia dont il devient directeur en 1994. Ce nouveau lieu, à mi-chemin entre l’alternatif et l’institution, lui
permet d’approfondir son intérêt pour le théâtre de Brecht, dont il exalte, par des équivalents rock et punk,
la filiation avec l’esthétique expressionniste des cabarets munichois ou berlinois : Maître Puntila et son
valet Matti (1987, au Théâtre National), La Noce chez les petit-bourgeois (1988) et Brecht-Machine (1990).
Depuis, Michel Dezoteux a créé ou repris une quinzaine de spectacles, des œuvres classiques du
répertoire (Richard III, 2003, La Cerisaie, 2002, L’Avare, 2004, Le Revizor, 2007,...) comme des œuvres
contemporaines, telles que Quai Ouest et Roberto Zucco de Bernard-Marie Koltès en 1995/1996, Sauvés
d’Edward Bond en 1998, ainsi que trois pièces de Werner Schwab au milieu des années nonante, après la
mort de ce dernier en 1993 : Extermination ou mon foie n’a pas de sens – Les présidentes – Excédent de
poids, insignifiant, amorphe.
Il y a deux saisons, il a entamé un triptyque sur la folie, avec Hamlet, qu’il poursuit en 2014/2015 avec
Woyzeck et qui se terminera avec Macbeth..
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GEORG KARL BÜCHNER - Auteur
Georg Karl Büchner naît le 17 octobre 1813. Après une petite enfance dont nous ne savons que peu de
choses, il entre au lycée en 1825, pour y suivre des cours de rédaction allemande, de latin et d’histoire. En
1831, Büchner entame des études scientifiques à la Faculté de Médecine de Strasbourg.
En Allemagne, la situation politique et sociale est à cette époque de plus en plus tendue, avec une apogée en
1833. En mars 1834, Büchner écrit et fait diffuser, par l’intermédiaire de la Société des Droits de l’Homme
qu’il a fondé avec plusieurs de ses amis, un pamphlet politique visant à faire se soulever la paysannerie
allemande. Ce texte s’intitule Le Messager Hessois. Un mandat d’arrêt circule dès lors contre Büchner qui
se prépare à l’exil ; il rédige sa première pièce, La Mort de Danton.
Arrivé à Strasbourg à l’automne 1835, il rédige un mémoire sur le système nerveux du barbeau (un poisson
d’eau douce) tout en travaillant à sa nouvelle, Lenz, qui à bien des égards préfigure Woyzeck. Il rédige en
même temps un mémoire de philosophie sur Descartes et Spinoza.
En juin 1836, alors qu’il vient d’être accepté comme chargé de cours de philosophie et de sciences naturelles
à l’Université de Zürich, il écrit Léonce et Léna, sa deuxième pièce, pour participer à un concours. Durant
les mois d’automne et d’hiver 1836, il entame le travail sur Woyzeck. Le 2 février 1837, le typhus se déclare
brusquement. Büchner meurt deux semaines plus tard, à l’âge de 23 ans.
La mort prématurée de Georg Büchner ampute l’Histoire de la Littérature d’une contribution que l’on ne
peut qu’imaginer, à la lumière du génie qui se dégage de tous les travaux qu’il a pu mener à leur terme, et de
celui qu’il laisse inachevé, Woyzeck.
En 1850, le frère cadet de Georg publie toutes ses œuvres à l’exception de Woyzeck, dont les manuscrits
lui paraissent trop fragmentaires. Presque 30 ans plus tard, en 1879, un nouveau volume des œuvres
complètes de Büchner est publié par l’éditeur Franzos, dont la lecture fautive explique le titre Wozzeck de
l’opéra d’Alban Berg, créé en 1925 à Berlin.
Il faudra attendre le XXème siècle et la retentissante mise en scène de La Mort de Danton par Max Reinhardt
en 1906, à l’occasion de laquelle Bertolt Brecht découvre Büchner, pour que son œuvre phénoménale
accède à la renommée qui lui est due.
Ses textes sont aujourd’hui joués partout dans le monde, car leurs formes, leurs sujets, et l’urgence
d’écriture et de littérature, la nécessité de dire qui s’en dégagent n’ont rien perdu de leur puissance. Bien
au contraire.
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