II
LA TECHNIQUE BETTERAVIÈRE
Le modèle Sucros met en évidence une augmentation interannuelle de 60 kg/ha/an
qui résulte uniquement de l’évolution climatique sur une période de végétation
standard du 1er avril au 15 juin. Cette progression est remarquable compte tenu
de la courte période sur laquelle est faite la simulation : 75 jours sur un cycle total
de 200 jours ! Le modèle Previbet, utilisé sur la période du 15 juin à la récolte,
met en évidence une augmentation interannuelle de 34 kg/ha/an. Ces simulations
montrent que la phase d’implantation de la betterave du semis à la couverture se
fait dans des conditions climatiques de plus en plus favorables à la croissance. En
parallèle, les connaissances sur la betterave ont montré que la qualité de cette phase
d’implantation est primordiale pour atteindre des rendements élevés.
Ces simulations montrent donc qu’une large part de l’augmentation du rendement,
qui se fait essentiellement au cours de la première période de la culture, est liée au
climat. Si l’on cumule les simulations obtenues en utilisant Sucros jusqu’au 15 juin
puis Previbet jusqu’au 20 octobre on obtient une progression totale de rendement
de 94 kg/ha/an (graphique 3), à comparer aux 180 kg/ha effectivement observés.
On peut donc considérer que l’évolution climatique est responsable directement
d’une bonne moitié du progrès des rendements. Si l’on considère que, pendant la
phase d’implantation qui, on l’a vu, est déterminante, il n’y a pas de stress hydrique,
c’est alors essentiellement la température qui peut expliquer les gains. Nous n’ob-
servons pas d’augmentation du rayonnement sur la station climatique considérée.
Si l’on regarde l’évolution du cumul de température entre le 1er avril et le 15 juin
depuis 1990, on constate en effet une tendance à la hausse dans les régions bette-
ravières. En 2010, on accumule 60° jours de plus qu’en 1990. Cette augmentation
de température stimule en phase précoce la croissance du bouquet foliaire. Ainsi,
le stade “couverture du sol” est atteint plus tôt en juin, ce qui permet d’optimiser
l’interception du rayonnement lumineux converti par la plante en biomasse puis
en sucre.
L’autre moitié du progrès peut être lié à la qualité des semences, l’amélioration géné-
tique en général et aussi à l’amélioration des techniques culturales comme l’avan-
cement des dates de semis (qui n’est pas indépendante des hausses de températures
au printemps), l’effet des restructurations d’usines qui concentre les productions
dans les meilleures terres, etc…. L’avancement des dates de semis constatées est de
4 jours sur la période considérée. On peut créditer cette avance de 3 % de gain de
rendement. De même récemment (2007), la technique d’activation des semences a
permis des vitesses de levée plus rapides de l’ordre de 2 jours permettant un gain
potentiel de rendement de près de 2%.
Pour le progrès génétique, on ne sait pas le mesurer objectivement car les variétés ne
sont pas xées et qu’on a un renouvellement très rapide des variétés commerciales.
On peut remarquer que, pendant cette période, les changements de génétique ont
été très forts : basculement complet vers des variétés résistantes à la rhizomanie,
développement de variétés tolérantes au nématode. Ce développement a été dicté
par l’évolution du contexte pathologique qui est, peut-être lui aussi, le fruit du
changement climatique.
Un dernier point mérite d’être souligné : l’évolution du ratio entre le poids de feuilles
et le poids du pivot. Nous pouvons mesurer son évolution grâce aux prélèvements
réalisés par les sucreries. Ainsi, au dernier prélèvement du 1er septembre, on observe
une forte évolution en faveur des racines et au détriment des feuilles (graphique 4). Ce
résultat peut être le fruit de la sélection mais également du climat puisque la biomasse
est dirigée préférentiellement vers la racine à un stade proche de la couverture du sol.
L’augmentation des températures ayant permis d’avancer la date de couverture, il
est logique que le basculement dans l’allocation des assimilats au pro t de la racine
s’opère plus tôt.
Conclusions
Les éléments présentés sont autant d’arguments qui plaident en faveur d’un poids important des hausses des tempéra-
tures au printemps pour expliquer le progrès des rendements en sucre des betteraves enregistrés durant les 20 dernières
années.
Pourquoi la betterave profi te-t-elle du changement climatique plus que d’autres cultures ?
La betterave apparaît comme un modèle plus simple à croissance indéfi nie pendant la phase de culture et ne présentant
aucun stade critique ni vis-à-vis des températures ni du stress hydrique estival.
8
9
10
11
12
13
14
15
16
1989 1994 1999 2004 2009
Modélisation des rendements sous l'effet du climat
Rendements réels (t de sucre /ha)
Part du climat dans l’augmentation des rendements. La courbe bleue représente les rendements
modélisés avec les modèles Sucros (du 1er avril au 15 juin) et Previbet (du 16 juin au 20 octobre)
à dates de semis et de récolte constantes.
Augmentation due au climat : + 94 kg de sucre/ha/an
Augmentation réelle : + 180 kg de sucre/ha/an
Graphique 3
20
30
40
50
60
70
80
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Evolution du ratio Feuilles/Racine
Feuilles vertes SNFS du 1er septembre
Poids des feuilles (t/ha)
Poids des racines (t/ha)
Graphique 4