La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VI - mars-avril 2003
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DOSSIER THÉMATIQUE
GÉNÉRALITÉS
Il est maintenant bien connu que les médicaments peuvent entraî-
ner des lésions hépatiques recouvrant l’ensemble de la patho-
logie hépatobiliaire non iatrogène. Si les hépatites aiguës sont
représentées en grande majorité, avec plus de 90 % des cas, il
existe des expressions moins courantes, mais importantes, comme
la stéatose macrovacuolaire, la stéatose microvésiculaire et la
stéatohépatite. Il convient de distinguer ces trois formes d’ex-
pression, car elles posent des problèmes de diagnostic différen-
tiel différents et comportent des modes évolutifs particuliers.
Parmi les 1100 médicaments connus pour être hépatotoxiques,
seuls une quarantaine sont incriminés dans les stéatoses et stéa-
tohépatites. Ce nombre limité ne doit pas les faire ignorer, car ils
représentent des sources potentielles de pathologies graves du
foie. La liste en est donnée dans le tableau.
La stéatose macrovacuolaire
Elle est définie histologiquement par la présence d’une grosse
vacuole lipidique unique refoulant le noyau de l’hépatocyte à la
périphérie de la cellule. Au stade initial, il n’y a pas d’inflam-
mation associée. Dans la grande majorité des cas, il n’y a pas de
manifestations cliniques. La découverte est fortuite, à l’occasion
d’une échographie montrant un foie brillant hyperéchogène, ou
lors d’un bilan biologique révélant des anomalies minimes des
transaminases ou de la gammaglutamyltranspeptidase. Lorsque
la surcharge en graisse est très importante, une hépatomégalie
peut s’y associer cliniquement. Les anomalies des enzymes hépa-
tiques sont plus fréquentes mais restent très modérées. Cette situa-
tion clinique de stéatose pure ne comporte pas d’insuffisance
hépatocellulaire et est bénigne à court terme. Cependant, à long
terme, elle peut évoluer vers une stéatohépatite.
De nombreux médicaments sont susceptibles de générer une stéa-
tose macrovacuolaire mineure en association à d’autres lésions
hépatiques. En revanche, les agents responsables de stéatose mas-
sive isolée sont peu nombreux. En dehors de l’alcool, il s’agit
principalement de la corticothérapie prolongée, surtout à fortes
doses, et du méthotrexate.
La stéatose microvésiculaire
Elle est caractérisée histologiquement par de nombreuses parti-
cules contenant des lipides laissant le noyau au centre de la cel-
lule. Lorsque cette lésion est mineure et peu étendue, elle reste
bénigne, asymptomatique, avec peu d’anomalies des tests hépa-
tiques. En revanche, lorsqu’elle est étendue, elle représente une
maladie sévère du foie pouvant conduire à une insuffisance hépa-
tique, au coma et au décès du patient. Une trentaine de médica-
ments peuvent induire cette lésion. Les principaux sont indiqués
dans le tableau. Ceux qui sont responsables des lésions hépa-
tiques les plus sévères sont les cyclines, les antirétroviraux du
type didéoxynucléotide et l’acide valproïque.
La stéatohépatite
Elle est caractérisée histologiquement par des lésions ressemblant
à celles induites par l’alcool. Elle est souvent asymptomatique
dans la phase initiale avec des anomalies minimes ou modérées
des enzymes hépatiques. Quand l’exposition au médicament est
prolongée, l’atteinte devient plus symptomatique, avec une asthé-
nie et une altération de l’état général ou des signes d’hypertension
portale et d’insuffisance hépatocellulaire liés à l’évolution pro-
gressive vers une fibrose, puis une cirrhose. Les médicaments
incriminés sont peu nombreux (tableau). On peut distinguer ceux
qui s’associent à une accumulation médicamenteuse tissulaire
avec phospholipidose lysosomale (visible sourtout en microsco-
pie électronique). Les deux principaux médicaments responsables
en France sont actuellement l’amiodarone et, antérieurement, la
perhexiline. La stéatohépatite est aussi observée avec des médi-
caments sans phospholipidose, en particulier avec le tamoxifène.
La distinction entre ces trois types de lésion n’est pas toujours
nette. En effet, les deux formes de stéatose peuvent être asso-
ciées et constituent une étape initiale de la survenue ultérieure
d’une stéatohépatite variant d’un médicament à l’autre. Par
* Service d’hépato-gastroentérologie et transplantation, hôpital Saint-Eloi,
CHU de Montpellier.
Dix questions sur les stéatoses et stéatohépatites
médicamenteuses
Ten questions about drug-induced steatosis and steatohepatitis
●D. Larrey*