MALADIE PLUS GRAVE QU’IL N’Y PARAÎT T EXTE DE LA CONFERENCE DU DR EVELYNE MOÏSE. A la demande de notre Présidente Marie Laure Lumediluna et sous l’œil de Mr Ledavre qui reste, avec ses 92 ans, notre vitrine et témoin privilégié du fait qu’on peut vivre longtemps avec un diabète quand on sait bien s’en occuper, j’ai accepté d’intervenir sur un thème imposé qui est celui officiel de l’année de l’AFD : « Le diabète : une maladie plus grave qu’il n’y parait ». Je ne l’aurais pas choisi en raison de la connotation pessimiste qu’il véhicule. Loin de vouloir accabler un peu plus les personnes ayant un diabète qui savent déjà sa gravité et vivent au quotidien cette maladie lourde et astreignante, j’aurais souhaité porter le message positif des prouesses de ces cinquante dernières années qui ont changé le cours des choses, tant dans le DT1 que dans le DT2, face à cette maladie qui affecte 400 millions d’individus sur 5 continents et plus de 3 millions en France. Certes, toujours pas de guérison en vue, mais améliorer à ce point l’espérance de vie, la fréquence et la gravité des complications, la qualité de vie des patients constitue un bilan dont on peut être fiers. Aujourd’hui, aucun jeune DT1 ne risque la dialyse, les femmes porteuses de DT1 peuvent avoir plusieurs enfants, la cécité et toutes formes de rétinopathies, les amputations, les infarctus ont chuté spectaculairement de 30 à 70% ces 10 dernières années dans les pays développés… alors que le nombre de diabétiques ne cesse d’augmenter. On doit en effet ces « moins mauvais » résultats à la meilleure connaissance du rôle pathogène de la glycémie, à l’avènement de l’auto-mesure glycémique et de l’HbA1c, mais aussi aux grandes études phares qui forgent l’EVIDENCE BASED MEDECINE qui ont prouvé l’efficacité du bon contrôle des facteurs de risque qui conduisent aux complications des 2 types de diabète. (DCCT, l’UKPDS, STENO2) Mais, même si le paysage s’est amélioré, force est de reconnaitre que : - Les personnes ayant un diabète font encore beaucoup plus de complications que les autres (les amputations sont 7 à 8 fois plus fréquentes que chez les non diabétiques et le diabète reste la principale cause d’insuffisance rénale, d’AVC, de neuropathie et d’handicap visuel). - Par ailleurs, de nouvelles complications du diabète ont émergé comme celles du -« surtraitement » avec un risque d’hypoglycémies sévères, ou comme - Le cancer très largement favorisé par l’obésité, et donc par l’excès de production pancréatique d’insuline réactionnelle à l’insulinorésistance du surpoids abdominal. - Enfin, d’autres études plus récentes décevantes, s’adressant cette fois à des patients fragiles à haut risque cardiovasculaire ayant un diabète ancien, donnent des conclusions moins optimistes en ce qui concerne surtout la prévention de la mortalité cardiaque qui reste 1.5 à 2 fois plus élevée. (ADVANCE, ACCORD, VADT). Et que dire de la situation préoccupante de ce redoutable diabète pandémique dans les pays émergents. Cette « médecine scientifique » qui nous a fait exercer et éduquer une « médecine de la maladie » [rappelons-nous des campagnes « sous le 7 » (% d’HbA1c) à tout prix] a évolué vers une « médecine individualisée » où l’objectif d’HbA1c dépend du profil de chaque personne. La diabétologie contemporaine devient maintenant une « médecine de la personne » : cette nouvelle manière de faire de la médecine découle du constat que la vraie vie réelle ne ressemble pas au monde des essais cliniques et que la parole donnée aux personnes ayant un diabète témoigne du véritable fardeau qu’est cette maladie discriminante, vécue difficilement dans sa gestion au quotidien, pouvant générer de la culpabilité de ne pas en avoir la maîtrise, amputant la qualité de vie, source parfois de véritable dépression, inspirant de la peur des hypoglycémies et de la prise de poids, de l’anxiété face à la menace des complications de cette maladie ressentie par eux comme une maladie grave… 1 Eh bien oui, le diabète est bien une maladie plus grave qu’il n’y paraît. … Pourquoi « Qu’il n’y parait » ? Eh bien, compte tenu que malgré les considérables avancées dont on vient de parler et qui ont amélioré l’état de santé de patients diabétiques, les complications restent encore nombreuses et graves. Et puis, parce que cette maladie est silencieuse, son évolution sournoise et les complications, pourtant redoutables, s’installent tellement à bas bruit qu’on ne les dépiste pas assez tôt et surtout qu’on ne s’en méfie pas suffisamment pour tout faire pour les prévenir. COMPLICATIONS MACROVASCULAIRES RISQUE CARDIOVASCULAIRE Risque cardiaque, qui précisément concerne entre autres l’ischémie myocardique dite « silencieuse » elle aussi, complication la plus fréquente et cause principale d’insuffisance cardiaque et cause prédominante de mortalité. Sa prévention est devenue un enjeu majeur par le dépistage précoce et régulier des facteurs de risque et par une intervention multifactorielle ciblée. La relation entre la glycémie et le risque cardiaque est un continuum qui commence à des valeurs inférieures à celles définissant le diabète. Ce risque doit donc être pris en compte dès le diagnostic du diabète car il existe dès le stade de « pré diabète » ou « syndrome métabolique », stade d’ insulinorésistance et de dégradation de l’insulinosécrétion pancréatique débutant au moins une dizaine d’années avant que la glycémie n’atteigne 1.26g/l qui définit le seuil diagnostique . Comment dépister ce risque ? Prendre en compte un essoufflement à l’effort, une douleur thoracique, une claudication des jambes, une abolition des pouls périphériques à l’examen clinique, un souffle vasculaire ou cardiaque, un trouble du rythme cardiaque. Un dosage de NTproBNP, marqueur biologique d’insuffisance cardiaque. La recherche d’insuffisance rénale qui aggrave le pronostic. Le dépistage de lésions athéromateuses prédictives du risque coronarien associé (échodopplers artériels des membres inférieurs et des troncs supra aortiques mesurant l’épaisseur intima-média carotidienne, artériographie), bientôt le score calcique coronarien indicateur d’un risque sévère à court terme, et sinon les explorations classiques (Epreuve d’effort, échocardiographie, scintigraphie myocardique, coroscanner, coronarographie) identifient les lésions coronaires stables … sans , hélas, prédire des lésions instables à plus haut risque. Traitement de la complication cardiaque et des facteurs de risque . Une fois dépistée, la priorité sera d’optimiser le traitement médical (couplant BBloquants, statines, antiaggrégants plaquettaires, IEC/Sartans) et la revascularisation chirurgicale par pontage coronarien ou par angioplastie coronaire par stents actifs ( mais risque possible de resténose intrastent). Si l’hyperglycémie est un facteur important et indépendant du risque cardiovasculaire, Il est donc important de ne pas avoir qu’une vision « glucocentrique » : il y a d’autres facteurs de risque (fdr) à identifier. Certains sont non modifiables comme l’âge, les antécédents familiaux d’infarctus du myocarde IDM et d’accidents vasculaires cérébraux AVC. Beaucoup, en revanche, sont modifiables comme l’hypertension artérielle HTA, la dyslipidémie (surtout le « mauvais » LDL cholestérol), le tabac, l’atteinte rénale qui, lorsqu’ils sont cumulés définissent le « haut risque » cardiovasculaire. L’étude STENO 2 a obtenu une diminution de plus de 50% des évènements cardiovasculaires grâce à une forte prise en charge globale de tous les fdr. Il faut donc traiter tous les fdr : -par des antihypertenseurs pour l’HTA dont le contrôle réduit le plus le risque de décès CV. On doit souvent les associer en bi, tri, quadri thérapie et particulièrement prescrire ceux du système rénine angiotensine (les IEC et les Sartans ARAII) qui sont aussi indiqués pour la protection rénale et 2 cardiaque, - les statines pour la dyslipidémie - le sport et le régime amaigrissant visant surtout la réduction du tour de taille pour le surpoids abdominal et l’obésité :, - la bonne qualité de sommeil, -le sevrage tabagique. … Et bien entendu, par-dessus tout cela, on doit maîtriser la glycémie au mieux et atteindre l’objectif d’HbA1c personnalisé pour chaque patient. Qu’en est-il de la responsabilité de l’hyperglycémie dans le risque cardiaque ? Plusieurs anciennes études ont clairement montré un lien direct entre le risque de complications cardiovasculaires et l’équilibre glycémique (UKPDS, DCCT). Plus récemment, l’étude observationnelle CREDIT dans le DT2 sous insulinothérapie a montré que l’augmentation d’1% d’HbA1c est associée à un risque significativement augmenté de 25% d’évènements cardiovasculaires majeurs. Le diabète est également un facteur très péjoratif dans l’insuffisance cardiaque ischémique puisque la mortalité est augmentée de 71% par rapport aux non diabétiques ; Ce sur risque se retrouve même dans les formes d’IC les moins sévères qui sont celles à FE VG conservée. Or, force est de constater que des inconnues subsistent quant à l’importance et aux bénéfices d’un strict contrôle glycémique dans la prévention de la mortalité cardiaque, … contrairement à ce qu’il en est pour les complications micro vasculaires pour lesquelles son intérêt préventif ne fait aucun doute. L’optimisation stricte du contrôle glycémique des patients à haut risque cardiovasculaire peutelle donc prévenir la mortalité cardiaque ? C’est justement ce qui fait « la grande affaire » du diabète de ces dernières années : En fait, les principales études d’intensification du contrôle glycémique chez des patients DT2 à haut risque cardiovasculaire (ACCORD, VADT, ADVANCE) de faible durée, ont conclu qu’il n’y a pas de bénéfice de la mortalité (malgré une diminution des infarctus non fatals) à un contrôle glycémique trop intensif (voire un « sur risque » !!!) chez des patients présentant un DT2 évolué ancien de plus de 15 ans et compliqué (surtout avec score calcique élevé, marqueur du risque), du moins à court terme, … alors qu’inversement, chez les patients dont le DT2 est récent, le contrôle glycémique intensif précoce s’accompagne d’un bénéfice cardiovasculaire rémanent quoique tardif . Il existe une mémoire de l’hyperglycémie justifiant un contrôle glycémique intensif dès le début du diabète, et impliquant aussi que l’effet d’un meilleur équilibre glycémique sur les complications cardiovasculaires ne se manifeste qu’à long terme. L’étude de suivi de l’UKPDS a nécessité 1 décennie pour obtenir un résultat bénéfique significatif de l’ex groupe ayant bénéficié d’une prise en charge glycémique intensive (… alors que les valeurs d’HbA1c ne différaient plus d’un groupe à l’autre). L’étude EDIC dans les suites du DCCT a bien, lui aussi, confirmé le bénéfice cardiovasculaire tardif. Tout se passe comme si l’impact cardiovasculaire d’un contrôle glycémique intensif est fortement lié à l’équilibre glycémique passé et donc pénalisé par le mauvais équilibre glycémique initial. A l’inverse, plus le diabète est récent, plus la mémoire glycémique est courte et facile à corriger. Moins le risque est grand, plus le bénéfice du traitement de l’hyperglycémie est élevé. Il faut donc agir tôt chez le DT2 si l’on veut réduire son risque cardiaque. Il y a actuellement un vrai débat : Il ne porte pas tant sur la correction d’un équilibre manifestement mauvais (HbA1c 9% par ex) que : -sur le niveau idéal d’HbA1c à atteindre, -sur la possibilité de contrer le phénomène de mémoire glycémique, autrement dit de « rattraper le temps perdu », alors que le diabète est ancien et le patient a déjà un très haut risque cardiovasculaire, -ou encore sur l’évaluation du rapport bénéfice/risque de la stratégie de contrôle glycémique envisagée. 3 Rapport bénéfice/risque LES HYPOGLYCEMIES SEVERES HS (Définies par « nécessitant l’intervention d’un tiers ») Le bénéfice doit être mis en balance ,chez ces patients fragiles, avec le risque d’ hypoglycémie sévère: dans ces études d’intensification où il y a eu un excès d’événements cardiovasculaires majeurs 2 fois plus important chez DT2 avec antécédents d’hypoglycémie sévère, les hypoglycémies seraient plutôt un marqueur de fragilité cardiovasculaire et non un facteur de surmortalité (les décès survenant plusieurs mois après l’épisode constaté d’hypoglycémie sévère) La surmortalité est plutôt favorisée par une HbA1c >8.5% et sa persistance. ……… A noter néanmoins des anomalies cardiovasculaires au moment même d’épisodes hypoglycémiques comme les poussées tensionnelles, l’allongement du QT, une FA paroxystique ou extrasystoles ventriculaires Certains patients plus fragiles que d’autres, auraient une vulnérabilité particulière face au risque d’hypoglycémie : Ce sont les patients fragiles qui ont déjà développé une dysfonction endothéliale, une coronaropathie et donc dits en prévention « secondaire », et chez lesquels les modifications biochimiques réactionnelles à la survenue d’une hypoglycémie (hypersécrétion de catécholamines augmentant le débit et le travail cardiaque, libération de facteurs pro-inflammatoires , anomalies de la coagulation) peuvent avoir des conséquences cardiovasculaires délétères. Incident pourtant banal dans la vie des DT1, mais également DT2 qu’ils soient ou non insulinoréquérants, l’hypoglycémie, en général « bénigne » même si sévère chez ces patients en prévention primaire, peut donc devenir une complication grave : -lorsqu’il s’agit d’une hypoglycémie sévère survenant chez un patient à haut risque cardiovasculaire ayant un diabète ancien multi-compliqué. Elle est d’ailleurs pourvoyeuse d’hospitalisations. (La fréquence des hospitalisations pour hypoglycémies a dépassé celle pour hyperglycémies ; elle est deux fois plus fréquente chez les plus de 75 ans avec comorbidités associées, ou lors du Ramadan) : -parce que ces hypoglycémies sévères et répétées semblent favoriser la survenue de troubles cognitifs, voire de démence après 20 ans d’évolution, -parce qu’elles favorisent des chutes avec risque de fractures, surtout chez D âgés Les hypoglycémies asymptomatiques non ressenties favorisent le risque d’HS. COMPLICATIONS MICROVASCULAIRES Insuffisance rénale L’insuffisance rénale modérée à sévère concerne plus d’1/4 des patients DT2. Depuis les deux décennies précédentes, le diabète est devenu la première cause d’insuffisance rénale terminale IRT et de mise sous dialyse (de 5000/an en 1982 à 50000/an en 2006). Cela reflète l’augmentation de l’incidence du diabète, surtout DT2, l’allongement de leur espérance de vie, grâce au moindre risque de décès prématuré d’origine cardiovasculaire. En somme, cette complication n’a fait que croître de façon apparemment inéluctable. Or, bonne nouvelle, pour la première fois, les études ont montré une diminution de 25 à 50% de l’incidence lors de cette dernière décennie actuelle. Contrairement à ce qui est observé dans le diabète de type 1, au cours duquel une néphropathie diabétique apparaît rarement avant 10 ans d’évolution, une néphropathie constituée peut être présente dès le moment du diagnostic du DT2, en raison d’une hyperglycémie ou d’une HTA évoluant depuis plusieurs années mais restées jusque-là méconnues. La présence d’une rétinopathie associée oriente vers le diagnostic de néphropathie diabétique plutôt que néphropathie hypertensive ou vasculaire. 4 Le stade de micro albuminurie ne précède pas obligatoirement la dégradation de la fonction rénale et peut être réversible. Le dépistage ne se fait pas que par mesure de l’albuminurie (< 30mg/g de créatinine), mais doit être couplée à l’estimation du débit de filtration glomérulaire DFG (par une équation validée MDRD ou CKD/EPI >60ml/mn). Ce dépistage doit se faire dès le diagnostic du DT2 et la surveillance tous les ans. La néphropathie diabétique étant avant tout une glomérulopathie attribuable à l’hyperglycémie chronique, pour laquelle la durée et le degré sont déterminants, les grandes études DCCT, UKPDS ont montré que le contrôle intensif de la glycémie permet de diminuer le risque de micro albuminurie, de macro albuminurie et de déclin de la fonction rénale, donc le risque d’évolution vers l’IR terminale le retardant d’une dizaine d’années. La prise en charge glycémique doit être intensive non seulement précoce, mais même si elle est différée, le risque d’IRC terminale est tout de même réduit, ce qui a été prouvé par l’étude ADVANCE. La néphropathie diabétique est la plus grave des complications micro vasculaires du diabète car elle expose à un double risque d’insuffisance rénale terminale mais aussi de mortalité cardiovasculaire. Ces patients sont tous à haut risque de complications sévères du diabète, rénales bien sûr, mais également rétiniennes ou neurologiques et surtout macro vasculaires dont le risque augmente de 40% quand le DFG est entre 45 et 60ml/mn: Des processus d’athérosclérose accélérée et des calcifications artérielles dues surtout à des très précoces troubles lipidiques (hypertriglycéridémie, hypo HDL cholestérolémie, et des LDL petites et denses très athérogènes) qui nécessitent un traitement très agressif par statines visant <0.70g/l de LDL dès le tout début de l’insuffisance rénale. La micro albuminurie révèlerait autant une souffrance globale de l’arbre vasculaire que simplement des capillaires du glomérule rénal. La prise en charge est celle des patients vulnérables pour tous ces aspects simultanément, donc multidisciplinaire : traitement lipidique, traitement en bi ou tri thérapie de l’HTA visant moins de 130/80mmHg avec préférentiellement des bloqueurs du système rénine-angiotensine (IEC et ARA II ) jusqu’à la dose maximale tolérée dont l’effet néphroprotecteur est tel qu’ils sont indiqués même en absence d’HTA et à forte dose pour un effet de protection cardiovasculaire , sevrage tabagique, apport protidique limité, correction de l’anémie, des troubles phosphocalciques, du déficit en vit D dans l’insuffisance rénale. Ces patients sont également à risque iatrogène, liées aux traitements de l’HTA et de l’hyperglycémie , non pas tant le risque d’acidose lactique hypothétique de la Metformine (qui n’est plus contre-indiquée mais seulement prescrite en posologie réduite jusqu’à 30ml/mn de clearance de la créatinine.), mais plutôt les hypoglycémies plus redoutées que jamais : non seulement l’évolution de l’insuffisance rénale augmente le risque d’hypoglycémie du fait d’une réduction de la néoglucogenèse rénale , mais son impact sur l’élimination des médicaments antidiabétiques majore ce risque. Ce sont surtout les sulfamides qui sont concernés, à élimination rénale (utiliser avec précaution ceux à demi vie courte et les interdire quand la clearance de la créatinine <30ml/mn stade 4), A ce stade 4, les seules classes thérapeutiques autorisées sont l’insuline, le répaglinide (NOVONORM+), les inhibiteurs des a-glucosidases (GLUCOR°) et les inhibiteurs des DPP-4 (JANUVIA-XELEVIA-GALVUS-ONGLYZA) RETINOPATHIE Autre microangiopathie, la rétinopathie diabétique intéresse 1/3 des patients ayant du diabète. Les anomalies de la vascularisation interne de la rétine (microhémorragies, microanévrysmes, néovaisseaux,) objectivées au Fond d’œil et fluoroangiographie, ne sont que la partie émergée de l’iceberg, le reflet tardif de dérégulations bien plus précoces, inflammatoires, rupture de la barrière externe, perte d’étanchéité des vaisseaux, anomalies vasculaires. . Les progrès dans la prise en charge des rétinopathies sont majeurs : Une étude multinationale sur plus de 23000 patients soit 35 études poolées a montré une baisse spectaculaire de 50 à 60% des différentes formes de rétinopathie entre les patients pris en charge avant ou après 2000. 5 Elle a surtout montré que d’avoir une HbA1c à <7% ou entre 7et 8% ou entre 8 et 9%, change radicalement le risque de toutes les formes de rétinopathie. Les principales complications sont ischémiques et microgliales. L’œdème est le phénomène essentiel dans le DT2 alors que c’est davantage l’ischémie qui est responsable des anomalies dans le DT1. Les cellules microgliales jouent un rôle majeur de drainage des liquides, ce qui permet l’attachement de la rétine à l’épithélium. En cas de stress, ces cellules se transforment et migrent vers la rétine, produisant des cytokines pro-inflammatoires. Ces phénomènes sont très précoces. L’atteinte maculaire est la principale cause de malvoyance, responsable d’une perte de la vision centrale. L’œdème maculaire diabétique OMD touche 10% de la population diabétique, surtout DT2 et 30% après 20 ans d’évolution. . Sa prévalence est liée à la durée du diabète, à la gravité de la rétinopathie diabétique, à l’hyperglycémie chronique et à l’HTA.L’OMD correspond à l’accumulation de liquide avec épaississement de la rétine et dépôts ou exsudats. . L’angiographie à la fluorescéine reste capitale pour éliminer une composante ischémique de la maculopathie qui expliquerait que l’acuité visuelle ne s’améliore pas malgré les traitements. C’est l’OCT Optimal Cohérence Tomography qui a révolutionné le diagnostic et le suivi, en permettant de mesurer l’épaisseur de la macula avec une grande précision. Quand l’œdème est sévère, des kystes, voire tractions et décollements, peuvent apparaître. Le traitement des facteurs de risque est capital avec un contrôle au long cours le plus strict possible, et parfois suffisant : corriger l’HTA, notamment nocturne, présente chez les sujets ayant un syndrome d’apnée de sommeil SAS lequel concerne 80% sujets avec OMD. Normaliser rapidement la glycémie et toutes les études en ont bien démontré l’intérêt. La photocoagulation au laser à l’argon extra maculaire reste la méthode de référence pour les formes focales, mais, en cas d’OM diffus, les grid maculaire en quinconce sont remplacées par les injections intra vitréennes d’anti-VEGF, nombreuses et répétées les 2 premières années avec suivi mensuel ayant pris la place de choix en 1ère intention dans les OM diffus avec baisse de l’acuité visuelle. En cas de non réponse les injections intra vitréennes de corticoïdes d’action transitoire ont été remplacées par les implants intra vitréens de corticoïdes à libération prolongée dont le bénéfice visuel est diminué par la survenue d’une cataracte et d’un glaucome. La vitrectomie est réservée en cas de traction sur la rétine. NEUROPATHIE La neuropathie est l’atteinte vasculaire des nerfs périphériques qui permettent de commander les muscles et de sentir au niveau cutané, et des nerfs du système nerveux autonome qui commande le fonctionnement des viscères. L’altération peut aller de l’atteinte fonctionnelle (ralentissement de la conduction électrique) à l’atteinte structurelle du nerf, difficilement réversible. La neuropathie, liée à la durée de l’évolution du diabète, est un marqueur de la gravité, corrélée à une morbi-mortalité accrue, de diagnostic tardif car sans marqueurs biologiques . Le traitement passe par l’équilibre glycémique et le traitement douloureuses. symptomatique des formes Le pied de Charcot, ostéo-arthropathie nerveuse est une atteinte des os et tissus mous du pied, lié à neuropathie sensitive et vasomotrice, aboutissant à un état inflammatoire, à un risque de destruction osseuse et de déformation du pied. Des lésions cutanées secondaires aux esquilles osseuses apparaissent parfois malgré un chaussage adapté. Parfois un traumatisme même mineur, des troubles trophiques, parfois un antécédent de chirurgie du pied peuvent être déclencheurs. 6 Le diagnostic par radiographie, IRM, scintigraphie osseuse est important car la durée de la phase aigüe, appelée phase de destruction, est conditionnée par la persistance ou non de l’appui. L’inflammation s’auto-entretient par l’appui sur un os friable avec fragmentation osseuse : la mise en décharge est le traitement le plus important, avec immobilisation par botte plâtrée ou attelle, pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. CONCLUSIONS Le diabète n’est pas un simple facteur de risque mais une vraie maladie et les personnes ayant un diabète ne sont pas incurables et incontrôlables. Les grandes études qui ont bouleversé nos connaissances ont démontré l’effet majeur des thérapeutiques tant au plan de la micro-angiopathie que de l’atteinte des gros vaisseaux. Seulement le combat n’est pas fini. Pour prendre un exemple de complication : le domaine dramatique des amputations reste un enjeu considérable aujourd’hui encore alors que le « pied diabétique » d’origine artérielle et/ou neuropathique, représente l’un des plus grands progrès. Malgré une baisse de 50 à 70%, il reste encore 7 à 8 fois plus important que chez les non diabétiques. Donc oui, le diabète est une maladie grave avec une installation insidieuse et précoce des complications microangiopathiques spécifiques redoutables et des complications macroangiopathiques cardiovasculaires majeures et fatales qu’il faut s’attacher à prévenir le plus tôt possible énergiquement en visant un objectif d’HbA1c strict au début de la maladie de <6.5%. En revanche, chez les personnes ayant un diabète ancien, et déjà compliqué surtout par atteinte coronarienne, considérées comme des personnes fragiles, il faut abandonner le dogme « lower is better » et personnaliser l’objectif d’ HbA1 visant à rester > 7%, voire 8%. Cette préoccupation de sécurité CV domine maintenant la mise sur le marché de tout nouveau traitement qui doit apporter la preuve de son innocuité. Grave aussi parce qu’a émergé de complications iatrogènes de sur-traitement avec les hypoglycémies sévères qui conditionnent les décisions thérapeutiques. Ces hypoglycémies sévères, marqueurs de fragilité, sont des évènements ponctuels souvent causés par des erreurs alimentaires ou de traitement, donc corrigeables. La variabilité glycémique en est un facteur prédictif. La crainte et la prévention des hypoglycémies ne doit pas faire renoncer à un bon contrôle glycémique chez l’âgé ou tolérer des hyperglycémies, source d’inconfort (polyurie, soif, mycoses) et de risque de décompensation (coma hyperosmolaire). Entre l’inertie thérapeutique et le surtraitement des diabétiques vulnérables, il y a un juste milieu où le choix judicieux de thérapeutiques a sa place. 7