FAIRE VALOIR SES DROITS EN TANT QUE PATIENT 111
différentes questions et sections à remplir en tant que patient ainsi que par
les procédures précises régissant les conditions d’envoi de la demande
(«formulaire de saisine», courrier recommandé, etc.). Il ne s’agit pas
non plus d’une plainte, entendue du côté médical, comme synonyme de
symptôme sur lequel un travail et une expertise s’exercent (Dodier, 1993).
La signature de la plainte est différente en quelque sorte. Et c’est là un
des enseignements forts de ce papier : ce cadrage administratif de la
plainte, renforcé par des critères de référence et des seuils d’incapacité,
n’agit pourtant pas — pas autant que prévu sur le papier — sur l’expres-
sion de la plainte ni sur les modalités de perception et de catégorisation
de la plainte et du dispositif par les patients eux-mêmes. Certains patients
formulent des demandes et ont des attentes de réparation de nature très
variée (sanction de coupables, reconstruction de soi, etc.), qui se situent
en dehors de ce que peut le dispositif d’indemnisation. Pour le dire à
travers une formule, il y a là non pas un seul mais plusieurs types de
rendez-vous manqués entre les usagers et les dispositifs institutionnels qui
demandent à être élucidés.
Dans cette perspective, la discussion engagée par les auteurs à la fin
de leur article tire plusieurs enseignements, notamment sur les ajuste-
ments/désajustements entre les plaintes et les dispositifs liés à la respon-
sabilité médicale. Cette piste trace des chantiers de recherche novateurs
sur la critique du patient et les institutions ainsi que sur les malentendus,
équivoques, écarts entre les catégorisations du patient et les catégories
administratives et juridiques. Les auteurs soulignent, de façon pertinente,
que «pour certains, ceci témoigne d’une méconnaissance de ce que le
dispositif est effectivement capable de faire ». Cette question incite à
développer des études futures sur ce qui est fait par les institutions de
santé, par les administrations publiques et par les acteurs de la santé pour
informer pleinement le patient quand il rencontre une situation devenue
grave et pour faciliter le partage d’une perception commune du dispositif,
de ses règles, critères et procédures (« rares sont les plaignants qui s’ap-
puient sur un soutien de leur médecin pour faire valoir l’existence d’un
accident médical “non fautif” », indiquent les auteurs, ouvrant le chemin
à des études riches sur la place des acteurs et des appuis médicaux dans
le type d’opérations critiques des patients). Une telle sociologie de la
plainte réinterroge vigoureusement la capacité de l’État à favoriser pour
tous les patients un recours confortable aux droits, aux outils administra-
tifs (un formulaire d’indemnisation) et aux catégories juridiques, une
approche plus hospitalière envers l’expérience ordinaire du patient qui a
subi un problème, encaissé un choc, éprouvé une situation handicapante