Analyse, séance 8 : Cours PROBLÈMES HYPERBOLIQUES NON

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Analyse, séance 8 : Cours
PROBLÈMES HYPERBOLIQUES NON LINÉAIRES
Objectifs
Les problèmes de transport ou d’écoulement, en particulier la mécanique des fluides, sont
associés à des équations qui sont hyperboliques non linéaires ou qui en sont très proches. Nous
allons étudier le plus simple des problèmes de ce type : l’équation de Burgers. Cet exemple très
simple permet de comprendre une partie des problèmes posés par les équations de la mécanique
des fluides, tels que celles qui modélisent la dynamique des gaz.
F IG . 1 – Solution pour les conditions initiales de la question 3. Calcul par le schéma saute mouton
avec viscosité artificielle. La profondeur représente l’évolution en temps
Le problème
L’équation de Burgers est obtenue en écrivant, très formellement, les équations de Navier Stokes
en dimension 1, et en ne tenant pas compte de la conservation de la matière. Elle permet une première
approche des phénomènes d’ondes de choc, qui sont typiquement non linéaires.
Données et hypothèses
On note u(x, t) une fonction de deux variables, représentant une vitesse, définie sur R × [0, T ],
solution du problème :
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∂ 1 2
∂2u
∂u
+
( u )− 2 =0
∂t
∂x 2
∂x
(1)
u(x, 0) = u0 (x)
( est supposé ici très petit).
Remarquer que pour = 0 l’équation, appelée équation de Riemann, est simplement la formulation eulérienne du mouvement d’un fluide dans lequel chaque particule reste à vitesse constante (car
∂u
∂u
∂t + u ∂x est la dérivée particulaire de la vitesse). Si la vitesse des particules qui entrent à gauche
augmente, ces particules vont rattraper celles qui sont devant et on peut s’attendre à avoir un “embouteillage”1 : c’est ce problème que nous allons étudier en détail.
Cette équation est obtenue en réduisant formellement à une dimension d’espace les équations de
Navier Stokes modélisant l’écoulement d’un fluide compressible, en négligeant l’effet des forces de
2
pressions. Noter que le terme en ∂∂xu2 est l’analogue d’une viscosité. Mais ce n’est que dans un écoulement en dimension 2 ou 3 que ce terme prendrait sa véritable signification. Dans un fluide comme
l’air la viscosité est très faible, ce qui rend le comportement très proche du cas limite = 0, sauf dans
des zones très confinées où la viscosité empêche les discontinuités du problème limite d’apparaître,
créant ainsi des “couches limites” où certaines grandeurs varient très brutalement.
Des phénomènes (les ondes de choc) qui n’apparaissent que quantitativement dans l’équation de Burgers (par une brusque variation des grandeurs) se traduisent le cas limite = 0 par des propriétés
qualitatives (des discontinuités). Il est donc intéressant d’étudier ce cas limite = 0, dont on sait en
plus calculer des solutions explicites, même s’il présente quelques difficultés mathématiques, dues
précisément à l’existence des discontinuités.
Caractérisation des discontinuités
Nous étudions dans cette question la formulation précise du problème limite obtenu pour = 0
∂u
∂ 1 2
∂u
∂u
+
( u )=
+u
=0
∂t
∂x 2
∂t
∂x
(2)
u(x, 0) = u0 (x)
Nous verrons plus loin sur un exemple que les vitesses ne peuvent pas toujours rester continues dans
ce cas ; on ne peut pas formuler dans ce cas le problème en imposant à la solution de vérifier l’équation
sauf sur les discontinuités car le fait d’accepter des solutions discontinues dans (2) fait apparaître une
infinité de solutions, nous allons donc voir comment on peut formuler le problème pour que la solution
physique soit la seule solution.
Une solution régulière de (2) est aussi une solution au sens faible, en particulier une solution au
sens des distributions. Mais une fonction peut être solution au sens des distributions de (2) sans être
dérivable.
Soit Ω = R × R+ .
1
Ces équations servent aussi à modéliser le traffic routier...
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Définition 1 Une fonction u est une solution au sens faible de (2)si
(
R
u2 ∂φ
∀φ ∈ C01 (Ω) Ω u ∂φ
∂t + 2 ∂x dΩ = 0
(3)
u(x, 0) = u0 (x
~ = (u, u2 ),
ce qui s’écrit aussi, en posant V
2
(
∀φ ∈ C01 (Ω)
R
Ω
~ .∇φ dΩ = 0
V
(4)
u(x, 0) = u0 (x)
Nous allons caractériser les solutions au sens faible de (2) qui sont dérivables sauf sur une courbe C
où elles présentent une discontinuitéde type “saut”. On note ~n = (n1 , n2 ) le vecteur normal à C en
un point quelconque, la pente de la tangente à C en ce point est donc p = − nn12 .
Proposition 1 Une fonction qui admet une discontinuité de type “saut” sur une courbe C, est une
solution au sens des distributions de (2) si elle vérifie la condition de Rankine-Hugoniot
p=
u+ + u−
2
(5)
Preuve
En raisonnant d’un point de vue physique on montre que la condition de Rankine-Hugoniot traduit la
conservation de la quantité de mouvement. Nous donnons une démonstration qui permet d’interpréter
très généralement les conditions vérifiées par une solution au sens des distributions d’une équation.
Nous utiliserons une des formes ( on note ~n = (n1 , n2 ) la normale extérieure en un point du bord ∂Ω
de Ω) de la formule d’intégration par parties en dimension quelconque
Z
Z
Z
~
~
~n φ ds
V . ∇φ dΩ =
−∇ . V φ dΩ +
V
(6)
Ω
Ω
∂Ω
On suppose que la solution u est C 1 en dehors d’une courbe C et qu’elle vérifie alors l’équation aux
dérivées partielles (2) en dehors de C. Soit ω un domaine traversé par la courbe C qui coupe ω en
deux domaines ω + , ω − . Appliquons la formule de Stokes sur ces deux domaines, en choisissant une
fonction φ dont le support est contenu dans ω et en tenant compte de ce que la seule partie du bord de
ces domaines sur laquelle φ est non nulle est donc la courbe C, il vient
Z
Z
Z
~ . ∇φ dω + =
~ φ dω + +
~ + .~n+ φ ds
V
−∇ . V
V
(7)
+
+
ω
ω
C
Z
Z
Z
~ . ∇φ dω − =
~ φ dω − +
~ − .~n− φ ds
V
−∇ . V
V
(8)
ω−
ω−
C
où les + et − distinguent les valeurs sur la discontinuité. Les normales extérieures ~n+ et ~n− aux
domaines ω + et ω − sur la courbe C étant opposées on en déduit en additionnant les deux équations
Z
Z
Z
~
~
~+−V
~ − ).~n+ φ ds
V . ∇φ dω =
−∇ . V φ dω + (V
(9)
ω
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ω
C
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L’intégrale du premier membre est nulle puisque on suppose que u vérifie l’équation au sens faible.
~ = 0 sur les domaines où le champ V
~ = (u, u2 ) est régulier, il vient
Comme l’équation s’écrit ∇ . V
2
Z
~+−V
~ − ).~n+ φ ds = 0
(V
C
et comme la restriction de φ à C est une fonction quelconque
~+−V
~ − ).~n+ = 0
(V
Ce qui s’écrit encore, en posant ~n = (n1 , n2 )t
1
(u+ − u− )n1 + ((u2 )+ − (u2 )− )n2 = 0
2
d’où en divisant par (u+ − u− )
1
n1 + (u+ + u− )n2 = 0
2
et donc, si p est la pente de la tangente à la courbe C (donc p = − nn11 )
p=
u+ + u−
2
(10)
♦
On montre, nous l’admettrons, que la solution (au sens ordinaire) de l’équation (2), quand → 0,
converge vers une solution faible, qui vérifie la condition supplémentaire
u − > u+
(11)
sur les lignes de discontinuité (condition liée à la variation d’entropie, le sens est celui de la vitesse
u). On montre de plus l’unicité de cette solution faible sous cette condition supplémentaire.
Méthode des caractéristiques
On suppose = 0. On appelle caractéristiques les courbes d’équation
caractéristique on a
dx
dt
= u(x(t), t). Sur une
du(x(t), t)
∂u 0
∂u
∂u
∂u
=
x (t) +
=
u(x(t), t)) +
=0
dt
∂x
∂t
∂x
∂t
La fonction u est donc constante sur les caractéristiques, ce qui implique que les caractéristiques
sont des droites (ce sont tout simplement les trajectoires des particules). Connaissant la valeur de
u(x, 0) = u0 (x) on peut tracer dans le plan (x, t) la droite caractéristique (de pente u(x, 0) ) passant
par le point (x, 0), la valeur de la fonction u(x, t) sur cette droite est donc u0 (x). Pour calculer la
valeur de la solution en un point (x, t) il faut donc inversement déterminer la droite caractéristique
qui passe par le point (x, t). Deux difficultés peuvent se présentées :
− Deux droites caractéristiques peuvent se croiser ; − Les droites caractéristiques peuvent ne pas
couvrir tout le plan.
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Exemples
Nous allons étudier sur des exemples les difficultés soulevées par l’utilisation de la méthode des
caractéristiques du problème (2).
• Absence de choc
Ici la vitesse des particules entrantes décroît avec le temps. Vérifier que si :
0 si x ≤ 0
u0 (x) =
(12)
x si x ≥ 0
alors la fonction :
(
0
u(x, t) =
x
t+1
si
si
x≤0
x≥0
(13)
est une solution faible de (2).
• Ondes de détente
Dans cet exemple une discontinuité initiale des vitesses pourrait créer un “vide”, ce qui est physiquement à rejeter. Vérifier que si :
0 pour x ≤ 0
u0 (x) =
(14)
1 pour x ≥ 0
alors la fonction u(x, t) définie par :


 0
1
u(x, t) =

 x
t
pour
pour
pour
x≤0
x≥t>0
0≤x≤t
(15)
est une solution faible de (2).
Trouver une autre solution de ce problème qui admet une discontinuité, mais cette discontinuité ne
vérifie pas la condition entropique (11). (Rappelons, nous l’avons admis plus haut, l’unicité d’une
solution vérifiant la condition entropique (11)). Une solution continue , si elle existe, vérifie par
définition la condition d’entropie, c’est donc la seule solution à remplir cette condition.
Noter que si l’on résout l’équation (2) sur un intervalle avec x ∈ [ − A, A], il faut fixer une condition
aux limites sur les seuls points du bord en lesquels la vitesse est entrante pour pouvoir résoudre
l’équation.
• Apparition d’un choc On considère un exemple de condition initiale où la vitesse des particules
entrantes est croissante. Montrer que si :

pour x ≤ 0
 1
1 − x pour 0 ≤ x ≤ 1
u0 (x) =
(16)

0
pour 1 ≤ x
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alors le problème (1) n’admet de solution continue que pour t ≤ 1. Montrer que la fonction u(x, t)
définie par :

1
pour t < 1 et x ≤ t





1
−
x


 1 − t pour t < 1 et t ≤ x≤1
u(x, t) =
(17)
t+1

 1
pour t ≥ 1 et x ≤


2


t+1

 0
pour t ≥ 1 et x ≥
2
est une solution faible de (2) pour t quelconque. Cette solution représente une onde de choc, qui se
forme en t = 1 et qui se déplace ensuite à la vitesse 21 . Si la fonction u0 (x) a la même forme mais si
elle est régulière, voit-on encore le phénomène d’onde de choc ?
Systèmes hyperboliques non linéaires
(Cf. les systèmes hyperboliques à coefficients constants dans la séance 7) Dans cette question nous
donnons une définition “générale” des caractéristiques d’un système hyperbolique quasi-linéaire, i.e.
qui est linéaire par rapport aux dérivées, les coefficients pouvant dépendre de la fonction inconnue
(on montre que l’on peut ramener un système quelconque à cette forme).
On considère un système d’équations aux dérivées partielles du premier ordre pour des fonctions
vectorielles de deux variables (x, t) représentées par le vecteur u = (u1 (x, t), · · · , un (x, t)). On
notera le système :
∂u
∂u
+ A(u)
=0
(18)
∂t
∂x
Définition 2 On dit que (18) est un système hyperbolique de Friedrich si A(u) est à valeurs propres
réelles et distinctes, donc diagonalisable.
On note vk (u), λk (u) les vecteurs propres et valeurs propres de la matrice At (u) (donc At (u)vk =
λk v_k) En multipliant scalairement les deux membres de l’équation par vk (u), il vient :
hvk ,
∂u
∂u
+ λk (u) i = 0
∂t
∂x
(19)
Définition 3 On appelle caractéristiques du système (18) les courbes (xk (t), t) intégrales du système
différentiel :
dxk
= λk (u(xk (t), t))
(20)
dt
Il y a donc n familles de caractéristiques. Sur ces courbes la fonction u(x(t), t) vérifie donc la condition différentielle :
du
hvk (u), i = 0
(21)
dt
Si il existe une fonction Ψk (u) telle que vk (u) = ∇u Ψk (u) (On peut toujours se ramener à ce cas en
dimension 2) on a
d
d
Ψk (u(xk (t), t)) = h∇u Ψk (u), u(xk (t), t)i = 0
dt
dt
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la fonction Ψk (u(xk (t), t)) est donc constante sur les caractéristiques (xk (t), t) ; la fonction Ψk (u)
est appelé un invariant de Riemann.
La connaissance des invariants de Riemann sur chaque famille de caractéristiques permet de calculer
la solution u dès lors qu’en un point (x, t) il passe n caractéristiques provenant des conditions initiales. Toutes les difficultés que nous avons mises en évidence sur l’équation de Burgers se retrouvent
ici, notamment la possibilité de croisement des caractéristiques d’une même famille, qui implique
l’apparition d’un choc.
Dans le cas général ce calcul doit être numérique : on détermine de proche en proche les caractéristiques (qui dépendent de la solution) le long desquelles on propage les invariants qui permettent de
retrouver la fonction u.
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