1
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens chez les personnes âgées
Charles Emmanuel GEFFROY, Patrick FRIOCOURT
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
constituent une classe thérapeutique qui regroupe
plus de 40 molécules qui ont toutes des propriétés
communes : effet anti-inflammatoire, anti-pyrétique
et antalgique. La fréquence de certaines affections,
notamment rhumatologiques, chez le sujet âgé
explique l’utilisation importante d’AINS bien que
ces médicaments soient souvent utilisés pour leurs
propriétés antalgiques et non pour leur action anti-
inflammatoire. Aux Etats-Unis, 10 à 15 % des
personnes âgées consomment des AINS prescrits
par le médecin et on estime que la même proportion
de personnes âgées utilisent ces médicaments dans
un contexte d'auto-médication. Cette consommation
élevée est en partie responsable de l'augmentation
des effets indésirables classiques des AINS chez la
personne âgée.
PROPRIETES PHARMACOLOGIQUES
Mécanismes d'action et propriétés
pharmacocinétiques
Les AINS inhibent la cyclo-oxygénase (Cox), ce
qui entraine une diminution de la synthèse des
prostaglandines (PG). Il existe deux isoformes de la
cyclo-oxygénase : la Cox-1, isoforme constitutive
de la plupart des tissus et la Cox-2, isoforme plus
spécialement produite au niveau du site
inflammatoire. Les AINS classiques ne sont pas
spécifiques et bloquent la Cox-1 et la Cox-2.
Certains nouveaux AINS sont des inhibiteurs
spécifiques de la Cox-2 et n'agissent que sur l'excès
de PG produites au niveau même du site
inflammatoire et ont un profil de tolérance meilleur.
L'action anti-agrégante plaquettaire des AINS
s'explique par l'inhibition de la synthèse du
thromboxane A2 (TXA2), prostaglandine ayant une
action pro-agrégante sur les plaquettes. Pour les
salicylés, cette propriété apparaît à faible dose et
persiste pendant plusieurs jours en raison du
blocage irréversible de la Cox-1.
Tous les AINS sont rapidement absorbés par voie
digestive car ce sont des acides faibles, liposolubles
et de faible poids moléculaire. Les AINS se fixent
fortement à l'albumine sérique, avec pour
conséquence d'une part, l'augmentation de leur
fraction libre en cas de dénutrition et, d'autre part,
le risque d'interaction par compétition
médicamenteuse avec d'autres médicaments
fortement liés à l'albumine (ex : anticoagulants
oraux, sulfamides hypoglycémiants).
Alors que le métabolisme hépatique est variable
selon les molécules, la plupart des AINS ont une
élimination rénale, notamment pour leurs
métabolites. La demi-vie d'élimination permet de
classer les AINS en produit d'action brève (ex :
acide acétyl-salicylique, kétoprofène,
indométacine) et prolongée (ex : sulindac,
diflunisal, naproxène, piroxicam).
Apport des études pharmacologiques chez la
personne âgée
Le nombre d'études pharmacologiques sur les AINS
chez la personne âgée est limité. Sur 83 essais
thérapeutiques menés entre 1987 et 1990,
concernant 9600 patients, 2,3 % des malades
avaient plus de 65 ans et aucun plus de 85 ans. En
revanche, la plupart des effets indésirables mortels
sous AINS surviennent après 75 ans.
Les objectifs de ces études étaient parfois limités à
un aspect uniquement pharmacocinétique avec des
résultats hétérogènes. En conséquence, les
conclusions de ces travaux restent difficiles à
extrapoler aux malades âgés polypathologiques et
polymédicamentés. D'autre part, ces études
concernaient un faible effectif de malades âgés
sélectionnés souvent en raison de l'absence de co-
morbidité.
Il en résulte une difficulté d'adaptation de la
prescription thérapeutique en fonction des seuls
résultats de ces études pharmacocinétiques. A titre
d'exemple, alors que la pharmacocinétique des
oxicams apparaît inchangée avec le vieillissement,
il est établi que leur toxicité augmente avec l'âge.
Sur le plan pharmacodynamique, les AINS ont à la
fois une action locale et systémique qui s'explique
par la distribution ubiquitaire des PG. L'index de
toxicité n'est pas corrélé aux résultats
pharmacocinétiques.
AINS ET RISQUE IATROGENE CHEZ LE
SUJET AGE
Les modifications physiologiques liées à l'âge
Les modifications physiologiques liées au
vieillissement expliquent en partie la iatrogénie qui
est indépendante du type de molécule utilisée.
Au niveau gastrique, le vieillissement s'accompagne
d'une diminution des propriétés hydrophobes de la
muqueuse gastrique (encore aggravée en cas
d'infection par Helicobacter pilori), d'une
diminution de la synthèse des prostaglandines de
l'ordre de 50 % et de l'élimination des radicaux
libres ainsi que d'altérations vasculaires.
Au niveau rénal, le vieillissement s'accompagne
d'une réduction de la filtration glomérulaire, d'une
diminution du taux de prostacyclines et d'une
augmentation du thromboxane A2. Il semble, par
ailleurs, que la Cox-1, et très vraisemblablement la