La Lettre du Cardiologue - n° 361 - janvier 2003
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réactions biochimiques intracellulaires et “éliminés” par diffé-
rents systèmes de protection. Dans certaines conditions patholo-
giques, ces systèmes de défense peuvent être saturés ; les radi-
caux libres sont alors capables d’altérer les constituants cellulaires
et d’induire des lésions graves. De nombreux travaux suggèrent
qu’au cours des processus d’ischémie et de reperfusion, la pro-
duction de radicaux libres et la défaillance progressive des sys-
tèmes cellulaires de défense chargés de leur élimination pour-
raient contribuer au développement des altérations cellulaires qui
caractérisent cette séquence (4).
La toxicité des radicaux libres semble en fait être en grande par-
tie liée au radical hydroxyle, très instable et très réactif. Son pou-
voir oxydant très puissant lui permet de réagir sur son site de pro-
duction avec pratiquement tous les substrats organiques :
amino-acides, sucres, lipides, acides organiques, acides
nucléiques, etc. Son espace de distribution est faible du fait de sa
grande réactivité. En revanche, il est à l’origine d’une cascade de
réactions radicalaires (5, 6).
Le rôle des métaux de transition dans la cascade des réactions
radicalaires est très complexe, car un grand nombre de réactions
sont possibles entre les métaux oxydés ou réduits et les diffé-
rentes formes activées de l’oxygène. Le fer et le cuivre cataly-
sent la dégradation du peroxyde d’hydrogène, en présence ou non
d’anions superoxyde, en radical hydroxyle au cours de la réac-
tion de Fenton et du cycle de Haber-Weiss.
La capacité des métaux chélatés à former des complexes stables
avec l’oxygène, le superoxyde ou d’autres espèces réduites de
l’oxygène est souvent ignorée dans les milieux biologiques, mais
semble importante. Ce phénomène pourrait permettre une diffu-
sion des radicaux libres et l’induction de dommages cellulaires
à une certaine distance de leur site de production. Cela pourrait
expliquer le fait que certains phénomènes oxydatifs ne sont pas
prévenus par les piégeurs classiques de radicaux libres ; la com-
plexation “métal-forme réduite de l’oxygène” pourrait en effet
protéger les radicaux oxygénés des piégeurs endogènes.
Divers mécanismes concourent à une augmentation de la pro-
duction de radicaux libres durant les phénomènes d’ischémie et
de reperfusion cardiaque (7). Durant l’ischémie, l’apport en oxy-
gène réduit perturbe le fonctionnement de la chaîne respiratoire.
La réduction monovalente de l’oxygène est favorisée, ainsi que
la libération de composés tels que les flavoprotéines, les ubiqui-
nones, ce qui induit une production de radicaux libres. Il est alors
facile d’envisager qu’une altération du métabolisme oxydatif de
la cellule s’installe, ce qui favorise la détérioration des mito-
chondries, créant ainsi un cercle vicieux qui précipite le dys-
fonctionnement cellulaire.
Parmi les autres processus mis en jeu et qui participent à la géné-
ration des espèces radicalaires, l’activation des oxydases occupe
une place majeure ; ainsi, la xanthine oxydase constitue une
source de radicaux libres. Dans les tissus, l’enzyme est présente
en grande partie sous la forme xanthine déshydrogénase, qui ne
peut réduire l’oxygène moléculaire, mais une activité xanthine
oxydase existe cependant. Durant l’ischémie, la conversion de la
xanthine déshydrogénase en xanthine oxydase peut être réalisée
par une protéase activée par l’accumulation de calcium cytoso-
lique ou par l’oxydation des groupements thiols. Les NAD(P)H
oxydases se trouvent également activées, soit de manière directe,
soit de manière indirecte (par exemple, après stimulation de récep-
teurs tels que les récepteurs à l’angiotensine II [8]).
Rappelons également que l’acidose qui se développe au cours de
l’ischémie peut favoriser :
✔la formation de la forme protonée du superoxyde, avec accé-
lération de la dismutation du superoxyde en peroxyde d’hydro-
gène ;
✔la libération du fer de complexes inactivateurs et la formation
de radical hydroxyle par diverses réactions, dont les réactions de
Haber-Weiss et de Fenton et la production de radicaux libres.
L’activation des phospholipases par l’accumulation de calcium
cytosolique peut induire une dégradation des phospholipides
membranaires et la libération d’acide arachidonique, ce qui sti-
mule le métabolisme de l’acide arachidonique et la formation
concomitante de radicaux libres par la cyclo-oxygénase.
Une production radicalaire importante au cours d’un épisode
ischémique suivi d’une reperfusion est liée au processus inflam-
matoire (9). Le processus inflammatoire a fait l’objet de très nom-
breux travaux cherchant à définir des stratégies qui inhiberaient
la voie du complément (10).
In vivo, les leucocytes qui envahissent la zone ischémiée consti-
tuent une source extracellulaire de radicaux libres selon les méca-
nismes décrits précédemment. L’ischémie et l’inflammation agis-
sent en synergie. La production de radicaux libres peut induire la
formation de facteurs chémotactiques – dont certains sont déri-
vés de la peroxydation lipidique – qui provoquent un afflux de
neutrophiles activés par les composés issus de la dégradation cel-
lulaire induite par les radicaux libres. Par formation d’agrégats,
ils vont modifier la microcirculation, ce qui exacerbe le phéno-
mène ischémique. Par ailleurs, l’augmentation de la perméabi-
lité vasculaire induit la formation d’un œdème qui perturbe éga-
lement la microcirculation et favorise le processus ischémique.
La lyse des hématies présentes dans les capillaires libère des déri-
vés du fer, qui favorisent, par auto-oxydation ou catalyse de la
réaction de Fenton, la production de radicaux libres, et partici-
pent ainsi au développement d’altérations cellulaires (11).
Les radicaux libres oxygénés sont des agents chémotactiques pour
les plaquettes et les PNN, qui adhèrent à l’endothélium et for-
ment des thrombi, et constituent une composante supplémentaire
des effets délétères des radicaux libres oxygénés à la reperfusion.
L’ensemble de ces altérations pourrait être à l’origine du “stun-
ning” myocardique et, indirectement, du phénomène de “no-
reflow”. Le NO est également un radical libre, mais il tient une
place à part dans la séquence ischémie-reperfusion. Il existe une
production basale de NO par les cellules endothéliales jouant un
rôle physiologique de vasodilatateur. Après une séquence isché-
mie-reperfusion, la relaxation endothéliale-dépendante des artères
coronaires à la plupart des agonistes vasoactifs est altérée, bien
que les propriétés contractiles des cellules musculaires lisses
soient intactes. La dysfonction endothéliale due à la reperfusion
pourrait alors en partie expliquer le stunning microvasculaire et
contribuer au vasospasme coronaire. Ce phénomène pourrait être
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