« L`après-REGARDS » en USLD Dr. Delphine Thorez, USLD

« L’après-REGARDS » en USLD
Dr. Delphine Thorez, USLD, Chardon-Lagache, Paris (75)
Présentation de la structure :
L’hôpital Chardon Lagache est une structure de soin gériatrique, sécurisée et fermée qui
appartient au Groupe Hospitalier Sainte Perine- Rossini- Chardon Lagache, situé à Paris dans
le 16° arrondissement.
C’est une unité fonctionnelle à part entière dont l’orientation des soins n’est que psycho-
gériatrique. Nous accueillons donc uniquement des patients déments à un stade sévère avec
des symptômes comportementaux et psychologiques liés à la démence (SCPD) dits
« envahissants ».
Ces patients sont répartis sur 97 lits d’hospitalisation : 10 lits de Soins de suite et réadaptation
(SSR) et 87 lits de soins de Longue Durée (USLD).
Ces lits d’USLD sont répartis sur 5 unités d’hospitalisations réparties sur 3 niveaux : rez-de-
jardin, premier et deuxième étage, qui communiquent toutes entre elles et les patients
circulent librement, 24 h sur 24.
Notre activité est en cours de restructuration avec la création de 30 lits d’Unité
d’Hébergement Renforcé (UHR) et de 10 lits d’Unité Cognitivo Comportementale (UCC).
L’existence de l’Equipe Mobile de Psycho Gériatrie (EMPG) complète notre champ d’activité
soignante en nous permettant de répondre aux demandes d’avis spécialisé des différents sites
du groupe. Nous intervenons donc en gériatrie aiguë, du SSR, en USLD et parfois sur l’unité
de soins palliatifs.
L’équipe qui prend en soin ces patients se compose d’un gériatre temps plein, d’un psychiatre
mi-temps, d’un psychologue temps plein, d’un cadre de santé, de rééducateurs
(ergothérapeute, psychomotriciennes), d’infirmières, d’aides soignantes, et d’aides médico-
psychologiques.
Les soignants sont tous formés à la spécificité de la prise en soin des patients déments,
déambulants, qui présentent des troubles de compréhension, des troubles du jugement, des
troubles phasiques, gnosiques, praxiques avec des troubles du comportement dits envahissants
(agitation, agressivité, désinhibition, hallucinations, délires …).
Déroulement de l’étude :
L’étude « REGARDS » n’a concerné que les patients hospitalisés en unide soins de longue
durée. L’infirmière coordinatrice et le médecin coordinateur se sont chargés du travail de
formation des équipes de jour et de nuit, aux différents outils de l’étude. Par ailleurs, ce
binôme a dû s’attacher à trouver une organisation simple et sécurisée du recueil de données,
dans une structure de soin complètement ouverte (seuls accès refusés : la rue et les zones
soignantes), qui accueille des patients majoritairement déambulants.
Résultats :
Description de la population concernée par le recueil de données :
Nous avons inclus 78 patients, d’âge moyen 78 ans [66-100]. Ces patients étaient
majoritairement des femmes (70,5%). Deux tiers étaient en GIR 1 et un tiers en GIR 2. Les
trois quarts de nos patients ont été dits « fragiles » selon les critères définis par le protocole de
l’étude. L’évaluation de la douleur par auto-évaluation du patient n’a été possible que dans 1
cas sur 4.
Les patients qui recevaient un traitement antalgique de fond représentaient 43% de notre
population. Des antalgiques de paliers 1 et 3 étaient surtout administrés.
Nous avons recensé 6794 gestes pendant les cinq jours de recueil ; ces gestes étaient
majoritairement réalisés en journée (67%), par les aides-soignantes (91%).
Le nombre de gestes réalisés par patient au total, était en moyenne de 87,1 [0-120].
Ces gestes étaient très majoritairement (89,9%) des soins d’hygiène, d’aide et de confort à la
personne.
Lors d’un acte de soin, on retrouvait dans un peu plus de 50% des cas, entre 5 et 7 gestes
différents pour ce même acte de soin. Au maximum, une toilette pouvait se décomposer en 9
gestes à évaluer.
La durée moyenne de chaque geste était de 3,2 minutes [0-40].
L’auto-évaluation de la douleur de chaque geste :
L’évaluation de la douleur par le patient (ENp), n’a pu être réalisée que pour 0,6 % des gestes
de soin, soit pour 40 gestes sur les 6 794 réalisés. Deux de ces 40 gestes ont été évalués
douloureux (Enp4) selon l’évaluation du patient.
L’hétéro-évaluation de la douleur :
L’hétéro-évaluation des gestes de soin par le soignant avait été faite avec, d’une part, l’échelle
numérique et d’autre part l’Algoplus.
L’échelle numérique a été utilisée pour 93,7 % des gestes. Sa valeur moyenne était à 0,62
[0-9]. Les gestes étaient estimés douloureux dans 6 % des cas, très douloureux dans 0,5 % des
cas.
Les gestes réalisés au cours d’un soin de plaie ou pansement étaient ceux qui étaient évalués
par les soignants comme étant plus douloureux.
L’Algoplus
a été faite pour 96,6 % des gestes. Sa valeur était dans 49 % des cas nulle. Sa
valeur moyenne était de 1,2.
Répercussions de l’étude REGARDS:
La mise en place de l’étude au sein de l’établissement avec les nombreux temps de formation
des soignants a permis de renforcer les liens entre les équipes, la qualité et la quantité des
transmissions, l’écoute et les échanges inter professionnels et inter équipes. Chaque soignant
s’est senti investi d’une nouvelle responsabilité, celle de réussir ce challenge, certes pour la
qualité des recueils de données, mais au-delà de ça, responsabilité vis-à-vis du patient qui
redevenait le centre de toutes les préoccupations du quotidien, au-delà des difficultés
professionnelles.
Nous avons décomposé tous les actes de soins en de multiples gestes de soin à évaluer, et
nous avons ainsi pu trouver « qu’une simple toilette » est la succession de 13 gestes de soins
potentiellement douloureux, angoissants ou stressants. Ce geste « anodin » de toilette, a pris
alors une toute autre importance.
Pendant l’étude, il y a eu une vigilance accrue lors des soins réalisés, les soignants observant
de très près le patient et se questionnant eux-mêmes lors de l’hétéro-évaluation. Nous avons
pu observer un regain de l’attention portée au patient, de réflexion sur celui-ci, d’échange
entre professionnels, de questionnement sur la qualité du soin et sur le confort du patient.
Par ailleurs, les liens entre les équipes étaient très forts, avec une entraide et une prise de
plaisir réelle dans la participation au recueil des données. Chacun s’est senti valorisé dans son
travail et dans le regard porté sur son travail.
A distance de l’étude, nous avons conservé l’usage quotidien de l’échelle Algoplus dans les
évaluations soignantes de nos patients. Les initiatives soignantes sont nombreuses, lors de
modifications de présentation du patient, de SCPD « inhabituels ». Les soignants ont
désormais l’initiative de mettre en place un recueil de l’Algoplus sur 3 jours pour que l’on
puisse discuter, lors de nos réunions soignantes, des orientations diagnostiques et
thérapeutiques à donner pour le confort du patient. L’outil a été adopté par l’ensemble des
équipes.
Cependant, il faut souligner les limites de cet outil chez nos patients très déments avec de gros
troubles du comportement. En effet, pour certains de nos patients, observés en dehors de tout
geste soignant, au repos, l’évaluation de l’Algoplus est déjà positive.
Il est donc essentiel de pouvoir utiliser des outils d’évaluation qui sont une aide au diagnostic
et à la thérapeutique ; mais seule une parfaite connaissance de la singularité du patient par le
soignant, permettra que la pertinence de cette évaluation soit réelle.
Comme le disent souvent les équipes depuis la fin de l’étude : « notre regard a changé », il est
vrai que le regard porté sur nos patients et les gestes que nous faisons pour eux, avec eux, ont
changé après l’étude.
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