Chirurgie du cancerpulmonaire à petites cellules de stade précoce

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mise au point
Chirurgie du cancer pulmonaire
à petites cellules de stade précoce :
doit-on réévaluer son rôle ?
Suite à deux essais randomisés historiques, la combinaison de
chimio et radiothérapie s’est imposée comme le traitement de
choix pour le cancer pulmonaire à petites cellules (CPC), ne
laissant qu’une place exceptionnelle à la chirurgie thoracique.
Toutefois, la généralisation du scanner thoracique entraîne la
découverte de CPC à des stades toujours plus précoces. De ce
fait, la classification traditionnelle en limited et extensive disease
n’est plus suffisante et doit dorénavant être complétée par la
classification TNM (Tumor-Node-Metastasis). En l’absence
d’essai randomisé interventionnel, des séries de cas rétrospec­
tives et l’analyse de registres suggèrent un bénéfice de la chi­
rurgie pour les stades les plus précoces. Prenant en compte
ces nouvelles données, les sociétés savantes recommandent
désormais d’intégrer le rôle de la chirurgie dans la discussion
du traitement multimodal des stades précoces de CPC.
Rev Med Suisse 2013 ; 9 : 2170-4
M. Clemente
P. M. Soccal
T. Rochat
W. Karenovics
N. Mach
D. Adler
The role of surgery in early stage small cell
lung cancer : should it be re-evaluated ?
Two historical randomized controlled trials
have demonstrated that chemo-radiotherapy
offers the best survival advantage over surgery
in small cell lung carcinoma (SCLC) and led to
abandon surgery for the treatment of SCLC.
Yet, widespread use of CT scanning increases
the detection of early and very early stage
SCLC. Therefore, the traditional 2 stages clas­
sification scheme – namely limited and extensive stage disease – is no longer sufficient for
such early stage disease and must be com­
pleted by the TNM classification. Although
randomized controlled trials are lacking, retro­
spective case series and large population
data­bases suggest a beneficial role of surgery
for the earliest SCLC stages. It is thus currently
recommended to consider surgery in the multi­
modal treatment of stage I SCLC.
introduction
Avec une incidence d’environ 3800 cas/an et 3000 décès/an, le
cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer
chez l’homme et la deuxième chez la femme en Suisse.1 Envi­
ron 15% de tous les cancers pulmonaires sont représentés par
des cancers pulmonaires à petites cellules (CPC) avec un comportement agressif
et une survie médiane de 18 à 24 mois. Les recommandations thérapeutiques pour
le CPC non métastatique reposent actuellement sur deux essais randomisés his­
toriques ne montrant, en comparaison à une prise en charge associant le plus sou­
vent chimio et radiothérapie, aucun bénéfice de la chirurgie.2,3 La chirurgie n’a
donc jamais trouvé sa place dans la prise en charge du CPC. Or, la généralisation
du scanner thoracique pour le suivi des nodules pulmonaires 4 et l’avènement du
dépistage du CPC chez le fumeur 5 nous confrontent de plus en plus fréquem­
ment à des CPC de stade précoce (figure 1), que ce soit après un diagnostic
histologi­que par biopsie ou après une résection chirurgicale d’un nodule pulmo­
naire solitaire sans diagnostic histologique préalable. Afin de nous guider dans la
prise en charge de ces cas particuliers, notre article a pour but de revoir les prin­
cipales limites des deux essais historiques, les données plus récentes de registres,
ainsi que les recommandations des sociétés savantes quant au rôle de la chirurgie
dans la prise en charge des CPC de stade précoce.
bilan d’extension d’un cancer pulmonaire à petites
­cellules
La décision d’une éventuelle chirurgie dans le CPC dépend de la certitude
qu’il s’agisse bien d’un stade précoce après un bilan d’extension exhaustif préopé­
ratoire fiable. Le tableau 1 résume le bilan d’extension proposé aux patients can­
didats à une chirurgie. On insistera sur la nécessité d’un examen cyto-histologique
(cytoponction sous échographie endobronchique complétée par une médiastino­
scopie en cas de négativité) de toute adénopathie médiastinale suspecte en image­
rie (CT et PET-CT). En effet, malgré des techniques d’imagerie de pointe, le curage
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E132, E133. 1 Lactab® (rainure de fractionnement, permet de diviser les Lactab®) contient 10 / 25 mg de Bisoprololi fumaras (2 :1); Hydrochlorothiazidum. Color.: E104, E133. I: Hypertension essentielle, si un
traitement par une association est indiqué. P: Adultes > 18 ans: prendre le Lactab® le matin à jeun ou au petit-déjeuner sans le croquer avec une quantité suffisante de liquide tout au long de la journée.
Posologie usuelle: 1 Lactab® à 5 /12.5 mg ou à 10 / 25 mg par jour. CI: Hypersensibilité au bisoprolol, à l’hydrochlorothiazide, à d’autres thiazides, aux sulfonamides ou à l’un des excipients. Asthme bronchique sévère, affections respiratoires chroniques obstructives sévères, insuffisance cardiaque aiguë ainsi qu’épisodes d’insuffisance cardiaque décompensée, bloc AV de 2e ou 3e degré, maladie du sinus,
bloc sino-auriculaire, choc cardiogénique, bradycardie symptomatique, forme sévère d’artériopathie oblitérante périphérique ou de syndrome de Raynaud, phéochromocytome non traité, insuffisance
rénale sévère, glomérulonéphrite aiguë, insuffisance hépatique sévère, acidose métabolique, troubles hydro-électrolytiques sévères, goutte, hypertension au cours de la grossesse associée à une prééclampsie ou une gestose EPH. Grossesse / allaitement. PC: Insuffisance cardiaque, jeûne strict, bloc AV du 1er degré, angor de Prinzmetal; troubles de la fonction hépatique légers à modérés, artériopathie
oblitérante périphérique, myopie aiguë et glaucome à angle fermé secondaire, maladies métaboliques, troubles de l’équilibre hydro-électrolytique, traitement de désensibilisation, réaction de photosensibilisation, psoriasis, phéochromocytome, asthme bronchique, maladies pulmonaires chroniques obstructives, anesthésie, arrêt brusque du traitement, alcool. EI: Hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie, glucosurie, hyperglycémie, hyperuricémie, troubles hydro-électrolytique, fatigue, vertiges, céphalées, sudation, picotements et sensation de froid dans les membres, nausées, vomissements,
diarrhée, constipation, douleurs abdominales. IA: Bisoprolol Antidiabétiques oraux, insuline, anesthésiques, antagonistes du calcium, anti-arythmiques de classe I et III, antihypertenseurs à action centrale,
antihypertenseurs, collyres de traitement du glaucome, parasympathomimétiques, inhibiteurs de la synthèse des prostaglandines, -sympathomimétiques, méfloquine. Hydrochlorothiazide Méthyldopa,
hypokaliémie, hypomagnésémie, carence en sodium, antiarythmiques, érythromycine, pentamidine, vincamine, uricosuriques, corticostéroïdes, laxatifs, antibiotiques, lithium, colestyramine, colestipol.
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coronaire, syndrome cardiaque hyperkinétique, dose initiale: 5 mg / jour, en cas de besoin augmenter la dose à 10 mg une fois par jour. Patients âgés: aucun ajustement posologique n’est nécessaire.
Enfants et adolescents: il n’existe pas d’expériences en pédiatrie. Instructions spéciales pour la posologie, voir l’information professionnelle. CI: Insuffisance cardiaque aiguë ainsi qu’épisodes d’insuffisance
cardiaque décompensée qui nécessitent une thérapie inotrope parentérale, bloc AV des 2e ou 3e degrés, maladie du sinus, bloc sino-auriculaire, choc cardiogénique, bradycardie et hypotension symptomatiques, formes sévères d’artériopathie oblitérante périphérique ou de syndrome de Raynaud, asthme bronchique sévère, affections respiratoires obstructives chroniques graves, phéochromocytome non
traité, acidose métabolique, hypersensibilité au bisoprolol ou à l’un des excipients. Grossesse / allaitement. PC: Ne pas arrêter brutalement le traitement en cas de cardiopathie coronaire. Phase de titration
en cas d’insuffisance cardiaque chronique. Diabète sucré avec glycémies très fluctuantes, jeûne strict, traitement de désensibilisation concomitant, bloc AV de 1er degré, angor de Prinzmetal, artériopathie
oblitérante périphérique, psoriasis, thyréotoxicose, anesthésie générale, asthme bronchique ou autres maladies pulmonaires obstructives chroniques, phéochromocytome, insuffisance cardiaque. EI: Bradycardie, fatigue, vertiges, céphalées, sudation, insensibilité, sensation de froid dans les extrémités, asthénie, hypotension, aggravation d’une insuffisance cardiaque, nausées, vomissements, diarrhée,
constipation, douleurs abdominales. IA: Antagonistes du calcium, antihypertenseurs à action centrale, antiarythmiques de classe I et III, insuline, antidiabétiques oraux, parasympathomimétiques,
anesthésiques, glucosides digitaliques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), -sympathomimétiques, antihypertenseurs ou médicaments hypotenseurs (p. ex. antidépresseurs tricycliques, barbituriques, phénothiazines), collyres pour le traitement du glaucome, alcool, méfloquine, inhibiteurs de la monoamine-oxydase, dérivés de l’ergotamine. Liste: B [2613] Pour des informations complémentaires
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A
Tableau 1. Bilan d’extension proposé pour chaque
cancer pulmonaire à petites cellules
•Un bilan radiologique comprenant :
– une IRM cérébrale
– un PET-CT du corps entier ou un CT thoraco-abdominal complété
d’une scintigraphie osseuse
•Une cytoponction sous échographie endobronchique (EBUS) de toute
adénopathie médiastinale suspecte en imagerie (CT et PET-CT) complétée par une médiastinoscopie en cas de négativité
B
commandation repose sur les constatations que la taille de
la tumeur (T), la présence et la localisation des ganglions
tumoraux (N) ainsi que la gravité du stade (I à IV) sont des
prédicteurs de survie.7,8 Bien qu’il soit improbable que
l’application de la classification TNM au CPC change les
décisions cliniques d’une majorité de patients dans un ave­
nir proche, cette classification semble nécessaire pour la
sélection des stades précoces qui pourraient bénéficier d’une
chirurgie (T1-2, N0).
chirurgie du cancer pulmonaire à
petites cellules : essais randomisés
historiques et leurs limites
Figure 1. Imagerie par CT-scan et PET-CT d’un
cancer pulmonaire à petites cellules de stade précoce
A. Scanner thoracique d’une patiente fumeuse de 69 ans réalisé comme
bilan étiologique d’un état confusionnel sur SIADH. Une ponction trans­
thoracique révélera un carcinome neuro-endocrine à petites cellules.
B. Le PET-CT de la même patiente ne retrouve que cette lésion fortement hypermétabolique, sans atteinte ganglionnaire ni métastase à distance.
L’IRM cérébrale est normale. La patiente va bénéficier d’une lobectomie
pulmonaire inférieure gauche par chirurgie thoracique vidéo-assistée avec
curage médiastinal et hilaire. Le diagnostic est confirmé. Tous les ganglions
prélevés sont négatifs. Le stade pathologique TNM définitif est pT1b pN0.
Le traitement sera complété par une chimiothérapie.
SIADH : syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidurétique ;
TNM : Tumor-Node-Metastasis.
ganglionnaire des CPC de stades I/II cliniques va découvrir
jusqu’à 20% d’adénopathies tumorales.6
Après réalisation du bilan d’extension, la classification
traditionnelle en deux stades n’est clairement plus suffi­
sante pour décrire les CPC précoces. Pour rappel, le Veterans
Administration Lung study Group propose, depuis 1968, de
classer les CPC en limited stage disease pour les CPC confinés
à un hémithorax, sans métastase extrathoracique et entrant
dans un champ d’irradiation, et extensive stage disease pour tous
les autres. Le stade limited stage disease comprend donc aussi
bien des nodules centimétriques (T1) que des très volumi­
neuses tumeurs (T3-4). Il comprend aussi bien l’absence
d’atteintes ganglionnaires que leur présence dans le mé­
diastin controlatéral. Cette description très opérationnelle
pour une majorité des patients ne permet pas de sélection­
ner des candidats à la chirurgie. Pour cela, l’American Joint
Comittee on Cancer propose l’utilisation de la classification
TNM (Tumor-Node-Metastasis) aussi pour le CPC. Cette re­
2172
La chirurgie n’a jamais été réellement considérée dans
le traitement du CPC en raison du comportement agressif
de cette tumeur et du pronostic très sombre des patients
qui en sont atteints.
L’essai randomisé du British Medical Research Council de
1973 est le seul à comparer directement l’effet d’une chi­
rurgie à celui d’une radiothérapie dans le CPC.2 Dans cette
étude, 144 patients sans évidence de métastase extratho­
racique ont été inclus après un diagnostic histologique posé
par biopsie endobronchique. Les 71 patients du groupe
chirurgie devaient subir une thoracotomie avec l’intention
de réséquer la tumeur in toto. Les autres patients étaient
traités par radiothérapie radicale selon les schémas théra­
peutiques de l’époque. Après un suivi prospectif de dix ans,
on ne dénombrait aucun survivant dans le groupe chirurgie
et trois survivants dans le groupe radiothérapie radicale. La
survie médiane était de 199 jours dans le groupe chirurgie
et de 300 jours dans le groupe radiothérapie radicale, une
différence statistiquement significative (p l 0,04). Les limi­
tes de cette étude réalisée avant l’ère du scanner et de la
médiastinoscopie nous paraissent aujourd’hui évidentes.
Il s’agissait avant tout de lésions centrales proximales, ac­
cessibles en endoscopie et qui n’impliqueraient certaine­
ment pas une chirurgie aujourd’hui. Le bilan d’extension
n’était clairement pas aussi exhaustif que celui obtenu par
l’imagerie médicale moderne et par les techniques endo­
scopiques ou chirurgicales minimalement invasives. Pour
preuve, seulement 34 patients (48%) du groupe chirurgie ont
pu réellement bénéficier d’une résection in toto. Les autres
ont subi une thoracotomie sans résection chirurgicale (34%)
ou ne sont pas arrivés jusqu’à une chirurgie en raison d’une
détérioration clinique ou d’un refus secondaire. Avec les
­limites décrites, les résultats de cette étude ne peuvent
être extrapolés à la pratique actuelle.
Le second essai historique a mesuré l’effet d’une chirur­
gie après une réponse au moins partielle à cinq cycles de
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chimiothérapie chez 146 patients.3 Tous bénéficiaient d’une
radiothérapie de 50 Gy sur le thorax ainsi que d’une irra­
diation cérébrale prophylactique de 30 Gy. Le diagnostic
devait être posé par bronchoscopie et le site initial de la
tumeur clairement identifié. Les patients atteints de nodules
périphériques étaient exclus de l’étude. La survie médiane
et la survie à deux ans étaient de douze mois, respective­
ment de 20%, sans différence entre les groupes. Toutefois,
à la lumière des connaissances actuelles, les limites de cette
étude sont également nombreuses. La population cible de
l’étude comprenait une majorité de patients avec atteinte
ganglionnaire médiastinale. Elle ne correspond pas à la po­
pulation idéale (T1-T2 N0) chez qui un essai clinique méri­
terait d’être mené aujourd’hui. Ainsi, le nombre restreint de
patients atteints d’un CPC réellement précoce (stade clini­
que I) ne permet pas de faire une analyse de sous-groupe
pour montrer le bénéfice d’une chirurgie dans le cadre d’un
traitement multimodal. Par ailleurs, les patients qui présen­
taient des nodules périphériques étaient systématiquement
exclus de l’étude par les auteurs, qui estimaient qu’une ré­
section chirurgicale s’imposait d’emblée en raison de l’incer­
titude diagnostique persistante après examen cytologique
(le CPC fait partie d’un spectre de tumeurs neuro-endocrines
dont toutes ne sont pas malignes) et du comportement
biologique supposé moins agressif de ces tumeurs. Enfin, le
protocole de chimiothérapie par cyclophosphamide, doxo­
rubicine et vincristine choisi à l’époque ne correspond plus
au standard actuel de cisplatine/étoposide, qui permet une
réponse initiale chez près de 90% des patients.
Suite à ce deuxième essai, les évidences en faveur du
rôle de la chirurgie dans le CPC se sont limitées à des sé­
ries de cas et la chirurgie thoracique n’a été proposée que
de manière anecdotique dans la prise en charge du CPC, y
compris de stade précoce. Toutefois, les experts s’accordent
pour dire que les évidences à disposition ne permettent
pas d’exclure définitivement la chirurgie dans l’arsenal thé­
rapeutique du CPC, en particulier dans les stades I après
un staging médiastinal exhaustif, éventuellement invasif, et
un bilan d’extension négatif.9,10
rôle de la chirurgie dans les stades
­précoces, données de registres
Plus récemment, les analyses de trois registres ont sug­
géré un effet favorable de la chirurgie du CPC précoce.
Le registre américain SEER (Surveillance, Epidemiology
and End-Results) a identifié 14 179 patients atteints de CPC,
entre 1988 et 2002, dont 6,1% ont été opérés.11 La chirurgie
concernait essentiellement les tumeurs T1/T2. Elle était as­
sociée à une augmentation significative de la survie médiane
de 15 à 42 mois pour les CPC sans atteinte ganglionnaire et de
12 à 22 mois pour les CPC avec atteinte ganglionnaire régio­
nale. Les patients opérés par lobectomie d’un CPC sans
­atteinte ganglionnaire ont montré une survie médiane de
65 mois et une survie à cinq ans de 52,6%.
Une seconde analyse du registre SEER a comparé spéci­
fiquement le pronostic de 1161 patients de stade 1 selon
TNM à celui de 247 (15,8%) patients de même stade opérés
entre 1988 et 2004.12 Aucune information n’est disponible
sur l’administration de chimiothérapie postopératoire. La
survie à cinq ans était de 50% pour les patients lobectomisés
et approchait 60% pour ceux qui bénéficiaient aussi d’une
radiothérapie postopératoire. En comparaison, la survie des
patients de même stade, traités par chimiothérapie, n’était
que de 15%, semblable à celle des séries historiques.
Les données les plus récentes sont issues de la cohorte
de l’IALCS (International Association for Lung Cancer Study)
et concernaient 349 patients opérés d’un CPC.6 Ici, les au­
teurs ont confirmé l’hypothèse que le pronostic était asso­
cié au volume tumoral et à la présence d’une infiltration
ganglionnaire. La survie à cinq ans des patients opérés était
de 53%. Dans cette même étude, les auteurs ont analysé la
concordance du staging clinique, réalisé à l’aide d’une ima­
gerie médicale, et du staging pathologique après analyse
histologique des ganglions réséqués par le chirurgien. Dans
cette cohorte, l’analyse histologique postopératoire des gan­
glions a entraîné un changement du stade TNM chez 20%
des patients. Ces résultats justifient donc un staging média­
stinal préopératoire exhaustif par des examens d’imagerie
médicale les plus sensibles (CT et PET-CT) et le recours à un
examen cyto-histologique de toute adénopathie suspecte
avant de procéder à une chirurgie dans le cadre d’un trai­
tement multimodal d’un CPC.
avis des sociétés savantes
Les données présentées ci-dessus ont logiquement été
intégrées aux dernières recommandations des principales
sociétés savantes de pneumologie, de chirurgie thoracique
et d’oncologie médicale qui proposent désormais de consi­
dérer la chirurgie thoracique dans le traitement multimodal
du CPC précoce.9,10,13-15 Il est souvent précisé que moins
de 5% des patients atteints de CPC sont de stade I au mo­
ment du diagnostic, mais que cette proportion pourrait for­
tement augmenter avec la généralisation du scanner thora­
cique et de la chirurgie minimalement invasive pour l’abla­
tion de nodules pulmonaires suspects sans documentation
cytologique ou histologique préalable. Les séries de cas de
CPC qui ont été traités chirurgicalement rapportent déjà
qu’une fois sur deux, le médecin ne suspectait pas le diag­
nostic de CPC alors qu’il préparait son patient pour une
chirurgie thoracique. Les recommandations de l’ACCP (Ame­
rican College of Chest Physicians) mentionnent que chez
les patients avec un CPC de stade I, après bilan extensif et
évaluation invasive du médiastin, une prise en charge chi­
rurgicale est recommandée par rapport à l’absence de chi­
rurgie. De plus, une chimiothérapie basée sur du platine
est recommandée chez les patients ayant reçu une chirur­
gie à visée curative. D’autres sociétés proposent même de
con­sidérer la chirurgie pour certains CPC avec atteinte gan­
glionnaire locale, voire régionale.9 Dans ce cas, il paraît plus
judicieux d’inclure le patient dans un essai clinique vu l’in­
certitude qui existe avec une telle pratique.
conclusion
Une prise en charge chirurgicale devrait être considérée
après le diagnostic de CPC. Même en l’absence d’essai ran­
domisé, la chirurgie semble apporter un bénéfice en asso­
ciation à la chimiothérapie, éventuellement combinée à de
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la radiothérapie dans les stades précoces (T1-2, N0). Le bilan
d’extension se doit d’être exhaustif, voire invasif s’il existe la
possibilité qu’une adénopathie soit métastatique. En effet,
l’amélioration du pronostic par la chirurgie semble être for­
tement dépendante du stade ganglionnaire. Sans avoir la
prétention de changer radicalement les pratiques issues
des deux grands essais randomisés contrôlés, les données
actuelles doivent permettre de rediscuter la place de la
chirurgie dans les stades précoces de CPC. Ceci peut être
fait lors d’un colloque multidisciplinaire associant pneumo­
logues, chirurgiens, oncologues, radiologues et radiothéra­
peutes.16
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêt en relation avec
cet article.
Adresse
Implications pratiques
> Avant d’envisager l’association d’un traitement chirurgical au
traitement systémique chez un patient atteint de carcinome
pulmonaire à petites cellules, un bilan d’extension exhaustif
doit être réalisé. Celui-ci comprend au moins un PET-CT du
corps entier et une IRM cérébrale. Il est complété par une
échographie endobronchique avec des prélèvements cytologiques, voire par une médiastinoscopie pour toute adénopathie suspecte d’infiltration métastatique
> La classification TNM (Tumor-Node-Metastasis) doit être utilisée dès lors qu’une chirurgie est envisagée. Elle permet un
langage commun aux professionnels de la santé et les descripteurs T et N sont des facteurs pronostiques importants.
La classification en stades limité (limited stage disease) et étendu (extensive stage disease), utile pour une majorité des patients, est insuffisante lors de la discussion d’une chirurgie
> Les essais randomisés historiques ne montrent pas de béné-
Drs Marc Clemente, Paola M. Soccal, Wolfram Karenovics
et Dan Adler
Prs Thierry Rochat et Nicolas Mach
Service de médecine interne générale (MC)
Département de médecine interne
Service de pneumologie (PMS, TR, DA)
Service d’oncologie (NM)
Département des spécialités de médecine
Service de chirurgie thoracique (PMS, WK)
Département de chirurgie
HUG, 1211 Genève 14
[email protected]
fice de la chirurgie dans la prise en charge des cancers pulmonaires à petites cellules. Toutefois, leurs conclusions ne
s’appliquent pas forcément aux patients qui bénéficient de
diagnostics de plus en plus précoces
> Les recommandations de nombreuses sociétés savantes sont
basées sur des données de registre, avec un niveau de
preuve plus faible. Elles ouvrent toutefois la porte à une prise
en charge chirurgicale au sein d’un traitement multimodal du
carcinome pulmonaire à petites cellules de stade précoce
(T1-2, N0).
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Eur Respir J 2009;34:17-41.
* à lire
** à lire absolument
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 20 novembre 2013
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