Revue Médicale Suisse
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20 novembre 2013 2173
chimiothérapie chez 146 patients.3 Tous bénéficiaient d’une
radiothérapie de 50 Gy sur le thorax ainsi que d’une irra-
diation cérébrale prophylactique de 30 Gy. Le diagnostic
devait être posé par bronchoscopie et le site initial de la
tumeur clairement identifié. Les patients atteints de nodules
périphériques étaient exclus de l’étude. La survie médiane
et la survie à deux ans étaient de douze mois, respective-
ment de 20%, sans différence entre les groupes. Toutefois,
à la lumière des connaissances actuelles, les limites de cette
étude sont également nombreuses. La population cible de
l’étude comprenait une majorité de patients avec atteinte
ganglionnaire médiastinale. Elle ne correspond pas à la po-
pulation idéale (T1-T2 N0) chez qui un essai clinique méri-
terait d’être mené aujourd’hui. Ainsi, le nombre restreint de
patients atteints d’un CPC réellement précoce (stade clini-
que I) ne permet pas de faire une analyse de sous-groupe
pour montrer le bénéfice d’une chirurgie dans le cadre d’un
traitement multimodal. Par ailleurs, les patients qui présen-
taient des nodules périphériques étaient systématiquement
exclus de l’étude par les auteurs, qui estimaient qu’une ré-
section chirurgicale s’imposait d’emblée en raison de l’incer-
titude diagnostique persistante après examen cytologique
(le CPC fait partie d’un spectre de tumeurs neuro-endocrines
dont toutes ne sont pas malignes) et du comportement
biologique supposé moins agressif de ces tumeurs. Enfin, le
protocole de chimiothérapie par cyclophosphamide, doxo-
rubicine et vincristine choisi à l’époque ne correspond plus
au standard actuel de cisplatine/étoposide, qui permet une
réponse initiale chez près de 90% des patients.
Suite à ce deuxième essai, les évidences en faveur du
rôle de la chirurgie dans le CPC se sont limitées à des sé-
ries de cas et la chirurgie thoracique n’a été proposée que
de manière anecdotique dans la prise en charge du CPC, y
compris de stade précoce. Toutefois, les experts s’accordent
pour dire que les évidences à disposition ne permettent
pas d’exclure définitivement la chirurgie dans l’arsenal thé-
rapeutique du CPC, en particulier dans les stades I après
un
staging
médiastinal exhaustif, éventuellement invasif, et
un bilan d’extension négatif.9,10
rôle de la chirurgie dans les stades
précoces, données de registres
Plus récemment, les analyses de trois registres ont sug-
géré un effet favorable de la chirurgie du CPC précoce.
Le registre américain SEER (Surveillance, Epidemiology
and End-Results) a identifié 14 179 patients atteints de CPC,
entre 1988 et 2002, dont 6,1% ont été opérés.11 La chirurgie
concernait essentiellement les tumeurs T1/T2. Elle était as-
sociée à une augmentation significative de la survie médiane
de 15 à 42 mois pour les CPC sans atteinte ganglionnaire et de
12 à 22 mois pour les CPC avec atteinte ganglionnaire régio-
nale. Les patients opérés par lobectomie d’un CPC sans
atteinte ganglionnaire ont montré une survie médiane de
65 mois et une survie à cinq ans de 52,6%.
Une seconde analyse du registre SEER a comparé spéci-
fiquement le pronostic de 1161 patients de stade 1 selon
TNM à celui de 247 (15,8%) patients de même stade opérés
entre 1988 et 2004.12 Aucune information n’est disponible
sur l’administration de chimiothérapie postopératoire. La
survie à cinq ans était de 50% pour les patients lobectomisés
et approchait 60% pour ceux qui bénéficiaient aussi d’une
radiothérapie postopératoire. En comparaison, la survie des
patients de même stade, traités par chimiothérapie, n’était
que de 15%, semblable à celle des séries historiques.
Les données les plus récentes sont issues de la cohorte
de l’IALCS (International Association for Lung Cancer Study)
et concernaient 349 patients opérés d’un CPC.6 Ici, les au-
teurs ont confirmé l’hypothèse que le pronostic était asso-
cié au volume tumoral et à la présence d’une infiltration
ganglionnaire. La survie à cinq ans des patients opérés était
de 53%. Dans cette même étude, les auteurs ont analysé la
concordance du
staging
clinique, réalisé à l’aide d’une ima-
gerie médicale, et du
staging
pathologique après analyse
histologique des ganglions réséqués par le chirurgien. Dans
cette cohorte, l’analyse histologique postopératoire des gan-
glions a entraîné un changement du stade TNM chez 20%
des patients. Ces résultats justifient donc un
staging
média-
stinal préopératoire exhaustif par des examens d’imagerie
médicale les plus sensibles (CT et PET-CT) et le recours à un
examen cyto-histologique de toute adénopathie suspecte
avant de procéder à une chirurgie dans le cadre d’un trai-
tement multimodal d’un CPC.
avis des sociétés savantes
Les données présentées ci-dessus ont logiquement été
intégrées aux dernières recommandations des principales
sociétés savantes de pneumologie, de chirurgie thoracique
et d’oncologie médicale qui proposent désormais de consi-
dérer la chirurgie thoracique dans le traitement multimodal
du CPC précoce.9,10,13-15 Il est souvent précisé que moins
de 5% des patients atteints de CPC sont de stade I au mo-
ment du diagnostic, mais que cette proportion pourrait for-
tement augmenter avec la généralisation du scanner thora-
cique et de la chirurgie minimalement invasive pour l’abla-
tion de nodules pulmonaires suspects sans documentation
cytologique ou histologique préalable. Les séries de cas de
CPC qui ont été traités chirurgicalement rapportent déjà
qu’une fois sur deux, le médecin ne suspectait pas le diag-
nostic de CPC alors qu’il préparait son patient pour une
chirurgie thoracique. Les recommandations de l’ACCP (Ame-
rican College of Chest Physicians) mentionnent que chez
les patients avec un CPC de stade I, après bilan extensif et
évaluation invasive du médiastin, une prise en charge chi-
rurgicale est recommandée par rapport à l’absence de chi-
rurgie. De plus, une chimiothérapie basée sur du platine
est recommandée chez les patients ayant reçu une chirur-
gie à visée curative. D’autres sociétés proposent même de
con sidérer la chirurgie pour certains CPC avec atteinte gan-
glionnaire locale, voire régionale.9 Dans ce cas, il paraît plus
judicieux d’inclure le patient dans un essai clinique vu l’in-
certitude qui existe avec une telle pratique.
conclusion
Une prise en charge chirurgicale devrait être considérée
après le diagnostic de CPC. Même en l’absence d’essai ran-
domisé, la chirurgie semble apporter un bénéfice en asso-
ciation à la chimiothérapie, éventuellement combinée à de
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