II) L’approche théorique des sources immédiates de la croissance économique: capitaux et progrès technique Deux approches de la croissance Une approche par les idéaux-types • Modes de production (Marx) • Etapes de la croissance (Rostow) • Croissance smithienne/schumpéterienne La « croissance modélisée » • Modèles Harrod/Domar • Modèle de Solow • Modèles de croissance endogène La croissance modélisée Selon David Romer (Advanced Macroeconomics, 2001, pp13-14) : « Cependant, le but d’un modèle n’est pas d’être réaliste. En effet, nous possédons déjà un modèle complètement réaliste: c’est le monde réel luimême. Or ce ‘modèle’ est trop compliqué pour être compréhensible(…) Ce n’est que lorsqu’un postulat simplificateur aboutit à un modèle qui fournit des réponses incorrectes aux questions auxquelles il est censé répondre que son manque de réalisme peut être considéré comme une imperfection.(…) [Sinon]son manque de réalisme est alors une vertu. Dans ce cas, le postulat simplificateur permet d’isoler certains effets et d’en faciliter la compréhension. » JP Biasutti 3 Deux sources de la croissance à modéliser Classiques, Marx Schumpeter, Young Accumulation du capital, learning by doing Innovations, rendements d’échelle Modèle de Solow Modèles de croissance endogène Source: David Weil JP Biasutti 5 «Aucune modélisation ne prétend rendre compte de la multiplicité des mécanismes qui expliquent la croissance : la croissance «réelle» est modelée par de nombreux facteurs extra-économiques (politiques, culturels, institutionnels). Tout cela doit rendre le théoricien modeste, et le lecteur prudent»(Dominique Guellec et Pierre Ralle, Les nouvelles théories de la croissance, 1995, p.9) A) L’épargne et l’accumulation du capital dans les modèles de croissance Marx classiques Harrod, Domar, Solow, Kaldor 1) De la croissance équilibrée à la croissance déséquilibrée Les modèles de croissance déséquilibrée Roy Harrod (1939) Evsey Domar (1947) Roy Harrod (1948) Le premier « problème de Harrod »(1939): la croissance déséquilibrée Équilibre économique (en économie fermée) Offre globale = demande globale Y= C+I or Y = C (consommation)+S (épargne) donc S=I Croissance équilibrée L’équilibre équilibre épargne/investissement doit se maintenir dans le temps lorsque le produit (Y) augmente L’équilibre équilibre épargne/investissement doit se maintenir dans le temps lorsque le produit (Y) augmente St S t sY = It I t vY Y s gw Y v Accélérateur v gw taux de croissance qui garantit (warranted) l’équilibre La croissance sur le « fil du rasoir » «Même si chaque point sur le sentier de production défini par gw est un point d’équilibre au sens où les producteurs sont satisfaits et seront induits à conserver le même taux de croissance», cet équilibre est en fait «hautement instable » (Roy Harrod, «An Essay in dynamic theory», Economic Journal,1939, pp 44-45). L’équation de la croissance équilibrée n’est plus un truisme mais devient une condition d’équilibre et de stabilité de la croissance. C’est un rapport précis entre les trois grandeurs qui permet une croissance stable. Le modèle de Evsey Domar (dans son article «Expansion and employment», American Economic Review, 1947) Investissement net (I) Effet de capacité Accroissement de capital Détermination de la demande via le multiplicateur Augmentation de capacité productive Augmentation de la demande Qo I I Qd s Effet revenu Est la productivité moyenne d’un capital nouveau soit l’inverse du coefficient de capital v ( = 1/v) Le modèle de Domar (1947) Investissement net (I) Effet de capacité Accroissement de capital Détermination de la demande via le multiplicateur Augmentation de capacité productive Augmentation de la demande Qo I Qd I s I I s Effet revenu Condition d’équilibre sur le marché des biens et services Le modèle de Domar (1947) Investissement net (I) Effet de capacité Accroissement de capital Détermination de la demande via le multiplicateur Augmentation de capacité productive Augmentation de la demande Qo I Qd I s I I s Effet revenu Cette condition n’a que peu de chance d’être réalisée. Le déséquilibre est la règle. Les limites de la politique keynesienne sur le long terme « Si on investit aujourd’hui, il faudra investir demain encore plus (...) tout le problème réside dans le fait que l’accroissement est temporaire et se résorbe peu à peu (effet du multiplicateur) alors que la capacité a été accrue pour de bon. De sorte que par rapport au chômage, l’investissement est en même temps un remède contre la maladie et la cause de plus grands troubles pour l’avenir» (Domar, Expansion and employment, 1947) Le modèle de Harrod (1948) Comme Domar. Difficulté de réalisation d’un équilibre de longue durée. Représentation purement réelle du système économique Economie fermée. Mais trois nouveautés : Introduction du marché de l’emploi Instabilité de la croissance équilibrée Analyse explicite des déterminants de l’investissement. Le modèle de Harrod Harrod distingue trois taux de croissance. 1. Le taux de croissance effectif, g, égale à la croissance effective du produit. I K v Y sY S 2. v : caractéristique technique, liée à la fonction de production Le taux de croissance garanti, gw I * Y sY S * 3. Y s g Y v Y s gw Y β : caractéristique comportementale des investisseurs-entrepreneurs Le taux de croissance naturel, n. n : le taux naturel auquel l’économie doit croître pour éviter le chômage Le modèle de Harrod La condition d’équilibre s’écrit : g gw n Pour qu’il y est croissance équilibrée de plein emploi, il faut que : (i) la croissance effective soit telle que les entrepreneurs sont satisfaits (g = gw) (ii) cette croissance assure un emploi à toute la population (g = n) s s n v Or : (i) il n’existe aucune raison pour que v = (ii) il n’existe aucune raison pour que g = n, même si la première condition est vérifiée (v = ). Le déséquilibre est donc la règle Dynamique des écarts La reprise économique g Cette situation caractérise la reprise économique. Les investissements sont stimulés par le jeu de l’accélérateur ce qui entraîne (sous l’effet du multiplicateur) une nouvelle croissance de la demande. La croissance est auto-entretenue. gw t Cas où g > gw Dynamique des écarts La reprise économique g La crise économique gw gw g t Cas où g > gw t Cas où g < gw Les débouchés sont moins importants que ceux qui sont nécessaires à la réalisation des projets des investisseurs. Les investissements souhaités ne se feront pas et le revenu distribué va diminuer. L’écart initial entre g et gw va se creuser et la dépression va s’aggraver. Dynamique des écarts La reprise économique g La crise économique gw gw g t Cas où g > gw Stagnation chronique gw n g t Cas où n > gw t Cas où g < gw Les entrepreneurs ne pourront jamais mettre en œuvre leurs projets d’investissement. La dépression est profonde et durable. Pour Harrod la solution passe par l’intervention de l’Etat qui peut prendre en charge les activités pour lesquelles la recherche des profits des entrepreneurs est excessive compte tenu des conditions de production. Dynamique des écarts La reprise économique g La crise économique gw gw g t t Cas où g > gw Pour Harrod c’est la situation la plus probable, mais elle n’est pas obligatoire correspondant à une croissance durable s’accompagnant d’un certain niveau de chômage. A court terme, les deux solutions de dessus sont envisagées. Cas où g < gw Croissance avec chômage n g gw t Cas où n > gw Dynamique des écarts La reprise économique g La crise économique gw gw Dynamique de court terme g t t Cas où g > gw Cas où g < gw Stagnation chronique Croissance avec chômage gw n g n Dynamique de long terme gw g t Cas où n < gw t Cas où n > gw Le taux de croissance (qui dépend de l’investissement et donc de l’épargne), ne correspond pas forcément au taux de croissance de la force de travail. JP Biasutti 25 Le « modèle Harrod-Domar » Le modèle de Roy Harrod est très proche de celui de Evsey Domar. Assez proche pour que les manuels présentent fréquemment un modèle dit “Harrod-Domar”. Ces conclusions montrent que la croissance équilibrée est normalement impossible (ggw); la croissance de plein emploi est normalement impossible (g ≠ n). Les pouvoirs publics peuvent bien entendu aménager le système en prenant en charge des activités moins rentables. Mais la tendance fondamentale s’exprimera fatalement : la croissance équilibrée est impossible pour des économies avec initiative privée ; le chômage est une caractéristique permanente de ces économies. Les deux modèles ont donc une conclusion principale identique puisqu’ils montrent à partir d’hypothèses différentes que la croissance équilibrée est l’exception, le déséquilibre étant la règle, car les conditions de régularité de la croissance ont peu de chance d’être réalisées. Pb: Quid des Trente glorieuses? «Une expédition de martiens arrivant sur terre après avoir lu cette littérature se serait attendue à ne voir que les épaves d’un capitalisme qui aurait de lui-même éclaté en morceaux depuis longtemps. A vrai dire, l’histoire économique était marquée par des fluctuations aussi bien que par la croissance mais la plupart des cycles semblaient être autocorrecteurs. La croissance soutenue, quoique perturbée, n’était pas une rareté » (Robert Solow, Conférence pour la réception du prix Nobel, 1987) 3) Les enseignements du modèle de Solow sans progrès technique Voir travaux dirigés et document complémentaire JP Biasutti 28