Fluctuations des taux d’intérêt et investissement Le taux d’intérêt mesure la rémunération du capital prêté, versé par l’emprunteur eu prêteur. Il est généralement calculé comme un pourcentage du capital prêté. L’investissement est un flux, une opération économique par laquelle un agent accroît un stock, son capital. Quelles conséquences l’évolution des taux d’intérêt a-t-elle sur l’investissement ? 1) Les mécanismes de base Les taux d’intérêt sont en effet un déterminant dans la décision d’investissement des agents : - les ménages : le taux d’intérêt représente le coût du crédit dans le cadre de l’investissement logement, c’est aussi la rémunération de l’épargne ; - les entreprises : le taux d’intérêt influe sur les coûts financiers (des taux élevés pouvant décourager l’emprunt) ; - l’Etranger : des taux élevés attirent les placements étrangers. Ces mécanismes sont confortés par les faits : la politique américaine de taux forts de 1979 s’est accompagnée d’un ralentissement des investissements, alors que les taux faibles d’après la guerre du Golfe ont vu naître la relance. Une distinction capitale à établir est celle entre taux nominal et taux réel. Car la charge financière effective pour l’emprunteur, charge qui détermine la décision d’investir, dépend, en plus du taux nominal, de l’inflation (on calcule le taux réel par le rapport des indices…). Les taux d’intérêts réels peuvent être négatifs, Aglietta le montre pour les périodes 1896-1913 et 1945-1980, l’inflation étant plus forte que le taux nominal. Mais s’il est facile de connaître a posteriori le taux réel, l’agent économique qui prend une décision engageant son avenir en est réduit à des anticipations. Ne disposant pas d’un palantir, il est soumis à l’incertitude. 2) La controverse théorique Dans le corpus de nos vénérés ancêtres les elf…euh, les économistes, deux grandes thèses s’opposent sur l’influence du taux d’intérêt dans la décision d’investir. Je sais, c’est grillé, on est reparti pour la traditionnelle bagarre classiques-keynésiens… Les classiques considèrent que l’individu est confronté à un choix entre la consommation immédiate et l’épargne, c’est-à-dire la consommation différée ; comme il a une préférence pour le présent, il ne choisit de reporter sa consommation dans le futur que s’il est pour cela récompensé (Par qui ? Par Picard, et par le taux d’intérêt ;-) Notons que cette justification de l’existence de ce revenu par les classiques et les néo-classiques s’oppose à la théorie de l’exploitation de Marx. Dans cette perspective, on dit que le taux d’intérêt « rémunère l’abstinence », qu’il est « le prix du temps », la « récompense de l’attente ». Pour Keynes et ses sbires, c’est différent (quelqu’un se reconnaîtra si on lui parle de bananes). Le choix entre consommation et épargne est fonction du revenu, non du taux d’intérêt. Ce dernier intervient dans un autre arbitrage, entre actifs placés, qui sont immobilisés et rapportent un intérêt, et actifs liquides (la monnaie), qui peuvent être utilisés immédiatement mais n’apportent aucun revenu. Le taux d’intérêt est le revenu de la renonciation à la liquidité. Le choix se fait par comparaison entre l’efficacité escomptée du capital et le taux d’intérêt. Le mécanisme de l’effet de levier (plus la rentabilité du capital est supérieure au taux d’intérêt, plus l’on peut augmenter la rentabilité des capitaux propres par l’emprunt) l’illustre. 3) Dans la vie de tous les jours, c’est plus compliqué ! Il faut l’avouer : comme le monde, le taux d’intérêt ne suffit pas à expliquer la réalité de l’investissement. Ce n’est qu’un élément parmi d’autres. En outre, le contexte actuel d’internationalisation croissante rend les choses encore plus difficiles. En économie ouverte, le taux d’intérêt est utilisé pour soutenir le taux de change (un taux fort attire les capitaux étrangers). Il détermine ainsi les décisions d’investissement des étrangers en France, et les taux étrangers déterminent les investissements français (une autre personne se reconnaîtra si je dis n’avoir volontairement pas mis « et vice-versa »). Les politiques actuelles de monnaie forte poussent les taux vers le haut, mais cela se fait au détriment de l’investissement intérieur. Les effets internes et les effets externes des taux d’intérêt semblent entrer en contradiction. On notera de plus quelques incohérences : par exemple, l’inversion du gap inflationniste entre la France et l’Allemagne s’est traduite par des taux plus forts en France, ce qui n’est pas logique, mais provient de la meilleure réputation des Germains. Enfin, l’existence d’une hiérarchie des taux d’intérêt est aussi un problème. Quand Paul Volker augmenta les taux directeurs de la FED en 1979, il obligea l’ensemble des peuples libres de la Terre du Milieu à en faire autant, et il accentua la crise de la dette du tiers-monde (exemple du Mexique en 1982). Conclusion : Taux d’intérêt et investissement sont étroitement liés, même si une caractérisation exhaustive des liens entre ces deux concepts semble impossible. La politique monétaire demandera toujours du doigté, hé hé… Note : fiche réalisée dans la misère avec la participation bénévole et désintéressée de Guillaume Angot et de son PC, qui sert de maison à Petit Lapin Jaune. Noter aussi comme problématique : en gros, tout ce qui nous intéresse, c’est peut-on agir sur la croissance à travers les taux d’intérêt (parce que l’investissement n’est pas une fin en soi !). Oui, mais justement, Harrod et Domar eux-mêmes disaient qu’un fort taux d’investissement n’est pas forcément synonyme d’une forte croissance à long terme…