Claude Rivière
L'élection municipale
Si
la littérature historique et sociologique abonde
à
propos des commémorations, elle demeure réduite
en ce qui concerne le rite des élections (campagne et vote). En prenant pour exemple une élection
municipale, je propose la grille méthodologique suivante utile pour cerner les divers aspects de la structure
d'un rite, notamment politique.
1.
Temporalité. La campagne électorale, activité épisodique de participation à des affrontements
politiques, est légalement périodisée tous les six ans pour les municipales en France, tous les cinq ans pour
les présidentielles. Elle comporte des séries de temps sociaux comptés de la réunion de stratégie jusqu'au
vote.
2.
Rôles. L'attention
s'oriente
ici sur la position des acteurs et leurs conduites dans une mise en scène
plus ou moins théâtralisée de leurs statuts et rôles en des situations d'interactions. On observe ainsi des
rapports du maire en place et des postulants avec les élus, les membres d'associations, les habitants d'un
quartier
;
une hiérarchisation entre acteurs, états-majors locaux et militants
;
une distribution circonstancielle
des tâches par comités, cellules, équipe d'installateurs
;
une séparation entre émetteurs de paroles légitimes,
questionneurs, opposants, non-intervenants.
3.
Valeurs et fins. Perpétuation de la démocratie représentative avec réassurance d'un type d'ordre
politique
;
croyance des gouvernés en la légitimité des gouvernants et en la puissance régulatrice du
politique
;
prestige de ceux auxquels on reconnaît une compétence technique et relationnelle, une légitimité
et un dévouement à la commune
;
retranscription des enjeux sociaux en enjeux politiques
:
nouvelles
crèches, nouvelles routes...
4.
Moyens. Il
s'agit
là à la fois de moyens réels et de moyens symboliques répondant à une stratégie
de présence et d'efficacité au sein du périmètre politique concerné
:
lieux précis pour contacter
les
électeurs
potentiels
(salle
polyvalente, école ou gymnase
;
mise en scène avec tribune, tables, tapis vert, micros, symétrie
de l'aménagement de
la
salle)
;
appareil informatif
:
tracts, programmes, panneaux pubUcitaires, haut-parleurs
sillonnant la
ville,
affichage électronique,
logo,
sans parler des objets, gestes, paroles et attitudes significatives
des groupes prétendant à l'élection.
5.
Communications. Le rite se présente comme système de stockage de l'information et comme système
de transmission de messages visant, dans ce contexte, à entraîner la conviction et le choix électoral. On
tentera de définir qui communique, à qui, dans quel ordre, à quel moment, avec quelle teneur, selon quelle
forme de message, avec quels bruitages et distorsions dans la transmission, entraînant quelles polémiques ?
On examinera donc les discours concurrents, les intervenants, l'ordre du jour des réunions, la force
expressive, phatique, conative, esthétique des communications et l'encodage métalinguistique du message
gestuel, musical ou rythmé
;
l'évolution des opinions en fonction de divers facteurs
si
les structures rituelles
subissent l'action d'antistructures perturbatrices.
26 HERMÈS
43,
2005