A-2004/N°01 - Analyse sociologique sur la situation des

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Siréas
asbl
Service International de Recherche , d’Education et d’Action Sociale
Année : 2004
DOCUMENT n° 01
Analyses et études
Analyse sociologique de la situation des réfugiés burundais en
Belgique dans la perspective d’un retour au Burundi
Analyse sociologique de la situation des
réfugiés burundais en Belgique dans la
perspective d’un retour au Burundi
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Table des matières
I. Introduction ....................................................................................................................................................... 4
II. Vue générale de la situation ............................................................................................................................ 5
2.1. Qui sont les Burundais de Belgique ? .......................................................................................................... 5
2.2. Liens avec le Burundi .................................................................................................................................. 6
2.3. Le Burundi à un « carrefour »..................................................................................................................... 7
2.4. Le Burundi vu de la Belgique ...................................................................................................................... 8
III. Vue d'ensemble de la situation politique ...................................................................................................... 9
3.1. Le développement du processus de paix...................................................................................................... 9
3.2. Une exception à la règle ou un modèle de construction de la paix à long terme: Le centre de jeunes de
Kamenge (CJK) ................................................................................................................................................ 10
IV. Vue d'ensemble de la situation économique et sociale............................................................................... 11
4.1. Remarques générales.................................................................................................................................. 11
4.2. Le cas de la province de Ngozi: vers la paix et la réconciliation à travers le développement économique12
4.3. L'opinion de la diaspora vis-à-vis de la situation socio-économique au Burundi...................................... 13
V. Les besoins en ressources humaines dans les secteurs public et privé au Burundi .................................. 14
5.1. Remarques générales.................................................................................................................................. 14
5.2. Le secteur de l'éducation ............................................................................................................................ 15
5.3. Le secteur médical ..................................................................................................................................... 17
5.4. Le secteur judiciaire................................................................................................................................... 17
VI. La diaspora en tant que potentiel de développement ................................................................................ 19
6.1. Niveau d'éducation des Burundais de Belgique......................................................................................... 19
6.2. Expérience professionnelle des Burundais de Belgique ............................................................................ 20
6.3. Participation aux programmes de coopération au développement............................................................. 20
VII. Conclusion ................................................................................................................................................... 21
VIII. Recommandations ..................................................................................................................................... 22
3
I. Introduction
Les résultats de cette analyse montrent clairement que la fuite des cerveaux, conséquence de
la guerre civile qui sévit depuis des décennies au Burundi, reste un des obstacles majeurs à la
stabilisation et au développement du pays. Il existe une pénurie considérable de
professionnels dans presque tous les domaines des secteurs public et privé au Burundi. Il
manque non seulement d’enseignants, de médecins et d’avocats au Burundi, mais aussi de
décideurs politiques et d’analystes capables de contribuer à la formulation et à la mise en
place des politiques de développement.
Ce travail montre également que l'une des plus grandes forces, bien que souvent négligée, de
ce pays en souffrance, réside dans ses jeunes hautement qualifiés dispersés dans le monde
entier.
Ce travail, réalisé à partir des résultats d’une enquête menée sur un échantillon représentatif
de 810 Burundais résidant en Belgique, souligne le fait que la Diaspora constitue un potentiel
stratégique qui devrait être utilisé afin de favoriser la réhabilitation économique, la
réconciliation inter-ethnique et le développement démocratique du Burundi. Malgré des
années d'exil, cette communauté reste fermement attachée à son pays d'origine à travers des
liens familiaux et émotionnels. Aujourd'hui, elle démontre son intérêt et son désir de prendre
part à la reconstruction socio-économique et politique ainsi qu'à la stabilisation de son pays
d'origine, notamment par des projets de transfert de connaissances et de savoirs-faire dans le
cadre de retours virtuels, temporaires ou définitifs.
4
II. Vue générale de la situation
2.1. Qui sont les Burundais de Belgique ?
Pour la réalisation de cette analyse, nous avons soumis un questionnaire détaillé à 810
Burundais vivant en Belgique. Pratiquement tous les enquêtés étaient Burundais de naissance,
seulement 4 pour cent ont refusé de répondre aux questions.
Ces 810 Burundais peuvent être considérés comme représentatifs de la population burundaise
en Belgique de sorte que les pourcentages exprimés ici peuvent être extrapolés à l’ensemble
des Burundais de Belgique.1
La population burundaise en Belgique est jeune. La grande majorité d'entre eux est en âge de
travailler : presque la moitié a entre 30 et 44 ans, plus d'un tiers a entre 18 et 29 ans, et 15
pour cent ont plus de 45 ans. Un peu plus de la moitié des enquêtés (56 pour cent) sont des
hommes.
Les deux plus grands groupes d'enquêtés sont constitués de personnes mariées (45 pour cent)
et célibataires (38 pour cent), de plus petits groupes sont constitués de personnes veuves (5
pour cent), séparées (4 pour cent), cohabitantes (4 pour cent) ou divorcées (2 pour cent).
Dans la plupart des cas, les conjoints des personnes mariées (87 pour cent) vivent avec ces
dernières en Belgique. A peu près la moitié des conjoints sont Burundais ; un tiers sont
Belges.
A peu près la moitié des enquêtés mariés ont des personnes à charge ou enfants mineurs
vivant avec eux en Belgique. Deux tiers d'entre eux ont soit un, soit deux enfants, et vingt
pour cent en ont trois.
Les communautés burundaises les plus importantes sont concentrées dans quatre villes belges:
autour de 40 pour cent de Burundais vivent à Bruxelles, 16 pour cent à Liège et à peu près
7 pour cent à Louvain-la-Neuve et 7 pour cent à Namur. Ce résultat peut s'expliquer par les
langues qu'ils parlent : quelque 92 pour cent parlent français, alors que seulement 17 pour
cent parlent flamand. Presque tous les enquêtés (93 pour cent) parlent kirundi, un peu plus de
la moitié parlent swahili, et 43 pour cent parlent anglais. Dans plusieurs cas, certains enquêtés
parlent également d'autres langues: neuf personnes parlent espagnol, neuf autres parlent russe,
dix parlent allemand et six italien.
La plupart des Burundais ont quitté leur pays pour des raisons politiques et de sécurité, alors
qu'un tiers l'ont quitté afin de poursuivre leurs études à l'étranger et seulement trois pour cent
pour des raisons professionnelles.
1
Le nombre total de personnes d'origine burundaise vivant actuellement en Belgique est difficile à évaluer. Ces
personnes ont des statuts légaux différents, et aucune institution en Belgique ne possèce un chiffre précis pour
cette communauté. Il est cependant estimé de manière non officielle qu’il y aurait entre 1.000 et 5.000
personnes.
5
Plus de 60 pour cent des enquêtés proviennent de trois provinces : le groupe le plus
significatif vient de la province de Bujumbura (45 pour cent), suivi de celle de Gitega (10
pour cent) et de celle de Bururi (8 pour cent). Des groupes moins importants viennent des
provinces de Muramvya (4 pour cent), de Ngozi et de Kayanza (2,6 pour cent chacune) et
d'autres provinces du Burundi.
Une majorité écrasante de Burundais sont arrivés en Belgique vers la moitié ou la fin des
années 1990. Cinq pour cent vivent en Belgique depuis les années 1970 et cinq pour cent
depuis les années 1980. La majorité ont un statut sûr en Belgique : 39 pour cent sont reconnus
comme réfugiés, 26 pour cent sont naturalisés Belges et 9 pour cent sont des résidents belges.
21 pour cent attendent une décision quant à l'asile et ont, par conséquent, un statut incertain
en Belgique.
Malgré leur niveau d'études en général élevé, la moitié détenant un diplôme universitaire ou
même post-universitaire, seulement 22 pour cent des Burundais sont employés ou travailleurs
indépendants en Belgique. La plupart d'entre eux sont au chômage et cherchent du travail (36
pour cent), et un quart poursuivent actuellement leurs études en Belgique.
Ces caractéristiques démographiques révèlent clairement un groupe jeune, parlant plusieurs
langues et ayant un niveau d'études élevé. Plus important encore, ce groupe d'individus
hautement qualifié souhaite participer à des programmes de coopération au développement
avec le Burundi, afin de mettre en pratique leurs compétences professionnelles et avancer
dans leur carrière, et par conséquent contribuer au développement de leur pays.
La majorité préférerait contribuer de manière intellectuelle (34 pour cent), alors que 30 pour
cent voudraient participer à des activités bénévoles. 21 pour cent désirent retourner au
Burundi pour un travail à court terme ou une période de temps courte. 14 pour cent voudraient
retourner définitivement.
2.2. Liens avec le Burundi
Si les Burundais de Belgique ont quitté leur pays, mais ils ne l'ont pas abandonné pour autant.
La majorité d'entre eux (82 pour cent) gardent des liens très forts avec leur pays d'origine. La
plupart des enquêtés ont des contacts réguliers avec leurs famille et amis au Burundi. 610
enquêtés ont des membres de leur famille proche au Burundi. 136 personnes se sont rendues
au Burundi depuis qu'ils sont arrivés en Belgique, la plupart au moins une fois par an, certains
plus souvent.
Malgré les années d'exil, cette communauté reste très attachée émotionnellement à son pays
d'origine. L'intérêt de ses membres pour la situation au Burundi est très grand. Deux tiers des
enquêtés suivent le développement de leur pays par des médias tels que l'Internet et les
journaux ou par téléphone et correspondance avec leurs famille et amis.
Plus de 90 pour cent, cependant, ont clairement exprimé leur désir de recevoir régulièrement
des informations sur la situation au Burundi par des moyens de communication formels tels
que des bulletins d’information, la presse écrite, l’information en ligne et l’Internet.
6
Ces liens plutôt spirituels avec le pays d'origine sont aussi développés à travers la vie sociale,
culturelle et politique des Burundais de Belgique. Un grand nombre d'organisations et
associations burundaises sont actives en Belgique et rassemblent des membres de cette
communauté. Elles ont diverses initiatives humanitaires, culturelles, sociales et politiques.
Quelque 37 pour cent des enquêtés sont membres d'organisations et associations burundaises
en Belgique (301 personnes), 3 pour cent dans d'autres pays européens (25 personnes) et 4,5
pour cent au Burundi (37 personnes). 27 pour cent des enquêtés sont membres d'organisations
socio-culturelles (224 personnes), à peu près 10 pour cent appartiennent à des organisations
politiques (86 personnes), quelque 5 pour cent font partie d'organisations humanitaires (40
personnes) et 3 pour cent sont membres d'organisations scientifiques ou intellectuelles (25
personnes). Moins de 5 enquêtés sont membres d'organisations commerciales, religieuses,
sportives ou d'organisations traitant des droits de l'homme.
Malgré ces liens spirituels impliquant et liant les Burundais de Belgique, des liens structurés
tels que la coopération avec les compatriotes vivant dans le pays d'origine sont plutôt rares.
5 pour cent des enquêtés (42 personnes) ont des relations professionnelles avec leur pays
d'origine dans quelques activités telles que le commerce, la santé, l'enseignement et
l'administration publique. 6 pour cent (49 personnes) participent à des programmes de
coopération avec le Burundi dont la plupart portent sur des questions humanitaires. Un très
petit nombre de ces programmes ont des activités socio-culturelles, scientifiques,
intellectuelles ou relatives à la construction de la paix. Moins de 20% des organisations et
associations burundaises ont des relations avec d'autres associations au Burundi ou dans
d'autres pays.
Les Burundais de Belgique désirent profondément mettre en valeur cette coopération. 56,5
pour cent (458 personnes) ont exprimé leur volonté de participer à divers programmes de
coopération au développement bénéficiant à leur communauté en Belgique et à leur pays
d'origine.
2.3. Le Burundi à un « carrefour »
Le gouvernement burundais est conscient du fait que la prolongation du conflit armé continue
à affecter tous les aspects de la vie, avec approximativement un million de personnes
déplacées à l'intérieur du pays. L'impact sur les ressources humaines est énorme. On a assisté
à un exode massif des cerveaux, particulièrement dans les domaines de l'éducation, de la santé
et de la justice. Les secteurs privé et public ont besoin de professionnels burundais qualifiés.
Des représentants des deux secteurs, cependant, reconnaissent leur incapacité à présenter des
propositions attrayantes pour ceux qui ont quitté le pays en vue de meilleures conditions.
L'impact sur le développement économique du pays ainsi que sur la vie sociale est important.
Le paysage politique est instable, l'économie bat de l’aile, la pauvreté est répandue, le niveau
de vie a énormément baissé. En conséquence de la faible production agricole, le niveau de
malnutrition est très élevé. Toute amélioration dans le domaine de l'agriculture sera très
probablement le résultat de pluies plus fréquentes et non le résultat de meilleures politiques.
Le Burundi a par conséquent perdu tous les gains économiques qu'il avait obtenus avant
l'assassinat du Président Ndadaye en 1993.
7
Le Burundi se trouve dans une position critique : la mise en oeuvre du gouvernement
transitoire initiée le ler novembre 2001 est un pas en avant significatif. Cependant, un accord
de cessez-le-feu avec l'opposition armée, élément crucial pour atteindre la paix, doit encore
être mis en oeuvre.
Le Gouvernement fournit des efforts considérables afin d'aménager un environnement
facilitant le retour. Un cadre pour la protection des personnes déplacées à l'intérieur du pays et
d'autres personnes vulnérables a été accordé cette année en vue d’une action conjointe du
gouvernement et de la communauté internationale dans les domaines des droits de l'homme,
du respect des principes humanitaires et des conditions de relocalisation.
En outre, le Burundi a adopté une loi portant sur la double citoyenneté, ce qui donne une
certaine flexibilité à ceux qui ont obtenu des privilèges dans leur pays d'accueil. D'autre part,
le Burundi a souscrit à l'Agence de Garantie d'Investissement Multilatéral de la Banque
Mondiale et à son accord sur les crédits de développement, ce qui va engendrer des projets
d'investissement et donner l'opportunité aux expatriés burundais de se lancer dans des projets
professionnels et créer des emplois au Burundi.
2.4. Le Burundi vu de la Belgique
Les Burundais de Belgique suivent ce développement avec beaucoup d'intérêt et d’anxiété.
L'enthousiasme créé par la signature de l'Accord de Paix en août 2000 s'est estompé en raison
de la lenteur de sa mise en œuvre et des nouvelles qui ont circulé dans le pays. En général,
les nouvelles venant du Burundi se propagent par le bouche-à-oreille, bien ancré dans la
communauté, et se répandent par échos successifs pendant longtemps.
La plupart des Burundais de Belgique ont quitté leur pays pour des raisons politiques ou de
sécurité. Un petit nombre d’enquêtés seulement sont partis pour d'autres raisons telles que la
poursuite d'études à l'étranger, la famille, ou pour des raisons professionnelles ou médicales.
Les questions de sécurité sont très présentes au sein de la Diaspora. C’est la première
préoccupation lorsqu'on envisage l'option d’un retour permanent. Quelque 80 pour cent des
enquêtés (666 personnes) considèrent que l'amélioration de la sécurité est la condition la plus
importante et le préalable à un retour permanent.
Il est vivement espéré que la mise en oeuvre récente de l'Accord de Paix d'Arusha marquera le
début d’une nouvelle ère et que les progrès des négociations pour la paix encourageront le
retour des Burundais déplacés.
8
III. Vue d'ensemble de la situation politique
3.1. Le développement du processus de paix
Sous le leadership de Nelson Mandela, un accord de paix pour le Burundi a été signé le 8 août
2000 à Arusha par les 19 parties impliquées dans les négociations, à l'exception des deux
fractions armées les plus importantes, à savoir le Conseil National pour la Défense et la
Démocratie (CNDD-FDD) et le Parti Radical pour la Libération du Peuple hutu
(PALIPEHUTU-FNL). L'Assemblée Nationale a ratifié l'Accord le 30 novembre 2000, lui
donnant ainsi un fondement légal.
L'Accord contenait un ensemble complet de mesures visant à rendre opérationnelles les
structures de l'Accord, le retour et la réintégration des réfugiés et exilés, la diminution de la
pauvreté, les réformes dans les secteurs judiciaires et de sécurité et d'autres encore.
Néanmoins, la mise en oeuvre de l'Accord a été entravée par des avis divergents à propos de
deux questions principales à savoir le leadership transnational et le cessez-le-feu permanent.
La violence s'est poursuivie et s'est intensifiée à travers le pays après la signature de l'Accord.
Lors du Sommet burundais à Arusha le 23 juillet 2001, un accord relatif aux leaderships
transnationaux a finalement été atteint. Il a été décidé que le Président par intérim, M. Buyoya
resterait à la présidence pendant 18 mois, soit la première moitié des trois années de
transition, avec Domitien Ndayizeye comme Vice Président, issu du parti hutu le plus
important: le Front pour la Démocratie au Burundi (FRODEBU).
Ce régime provisoire a pour but d'établir un gouvernement, un parlement et une armée plus
équilibrés, accordant 14 des 26 postes ministériels aux Hutus et 12 aux Tutsis. Les Tutsis
garderont les postes-clés de la Défense, des Affaires étrangères et des Finances, alors que les
Ministères de l'Intérieur et de la Sécurité publique seront dirigés par des Hutus. Au parlement,
60 pour cent des sièges seront occupés par des Hutus, 40 pour cent par des Tutsis. Quant au
Sénat, une première au Burundi, il sera composé de citoyens des deux groupes ethniques. Le
gouvernement de transition d'Unité Nationale est entré en vigueur le ler novembre 2001.
En outre, le Sommet s'est mis d'accord sur le fait que les troupes internationales seraient
déployées au Burundi pour assurer le respect du cessez-le-feu et offrir une protection aux
personnes revenant d'exil politique, dont certaines occuperont un poste dans le gouvernement
de transition. Les troupes superviseront également l'intégration de l'armée et contribueront à
l'établissement et à la formation d'une unité spéciale, équilibrée du point de vue ethnique, qui
serait chargée de la protection des institutions.
A la suite de ces décisions, une force de 480 militaires sud-africains a déjà été déployée au
Burundi et on prévoit le déploiement de 220 soldats dans un futur proche. Le Ghana, le
Nigeria et le Sénégal ont aussi accepté de déployer leurs troupes.
Les dirigeants régionaux ont souligné que les forces fournies par ces quatre pays devaient être
déployées en même temps que l’installation de la force de maintien de la paix de l’ONU
envisagée par l'Accord d'Arusha.
9
Le nouveau gouvernement transitoire au Burundi a renforcé son intention de rencontrer les
représentants des deux groupes opposés à la signature de l’Accord, mentionnés plus haut,
pour chercher un accord de cessez-le-feu définitif qui mettra fin, on l'espère, à huit ans de
guerre civile dans le pays.
La situation générale en matière de sécurité reste plutôt volatile. Un certain nombre
d'attaques, d'incursions, de cambriolages et de vols ont été rapportés dans les provinces de
Bujumbura Rural, Bururi, Muramvya, Cankuzo, Makamba Rutana and Ruyigi, et
particulièrement le long de la frontière avec la Tanzanie. Les relations entre les deux pays
sont tendues depuis que le Burundi a accusé la Tanzanie d'engager, de former et d’armer des
rebelles afin de renverser le gouvernement du Président Buyoya. Les autorités burundaises
pensent que la communauté internationale devrait exercer une pression sur les gouvernements
de la Tanzanie et de la République Démocratique du Congo afin qu'ils empêchent les
mouvements armés burundais et d'autres groupes d'utiliser leur territoire pour lancer des
attaques au Burundi.
Grâce aux initiatives de paix en cours, dont récemment le retour au pays de certains dirigeants
politiques exilés, il y a lieu d'espérer que le Burundi passe d'une situation de conflit à la
stabilité. La communauté internationale a été appelée pour aider la société burundaise à faire
face aux défis et besoins auxquels le pays sera confronté une fois que la paix et la sécurité
seront restaurées.
3.2. Une exception à la règle ou un modèle de construction de la paix à long
terme: Le centre de jeunes de Kamenge (CJK)
Les gens continuent à être créatifs dans l'objectif d'apporter la paix et la réconciliation dans le
pays. Un exemple édifiant est celui du centre de jeunes de Kamenge (CJK). Le CJK a été
créé en 1992 à Kamenge, une région qui comprend six villages de la partie nord de la
capitale: Buterere, Cibitoke, Gihosha, Kamenge, Kinama et Ngagara. Le CJK compte 17.000
jeunes filles et jeunes hommes de différentes origines ethniques et manières de vivre.
Ce centre offre à ses membres l'opportunité de participer à toutes sortes d'activités telles que
le sport ou des activités ou événements culturels et religieux, ainsi qu'à divers programmes de
formation tels que les langues étrangères, les sciences, l'informatique et bien d'autres encore,
Ils partent du principe que l'espace partagé permet le développement d'attitudes positives à
l'égard de la paix, du dialogue et de la réconciliation. Leur objectif principal est de
promouvoir la paix et la réconciliation au sein de la population du nord de Bujumbura.
Le centre est dirigé par les « Xaverian Missionaries » et travaille en étroite collaboration avec
le Ministère des Droits de l’Homme, le Ministère de l’Education, le Ministère de la Jeunesse,
le Ministère des Sports et de la Culture et le Ministère de la Réinsertion.
Certaines
associations comme l'Association burundaise pour la Défense des Droits des Prisonniers,
l'Association des Bénévoles français, « Search for Common Ground » et la « Co-ordination
for Peace Initiative » travaillent avec le CJK. Ce centre est subventionné par la Conférence
Episcopale italienne, Misereor, Carême Suisse, les coopérations belge, italienne et française,
la Nonciature de Bujumbura, la Fondation Vismara, Caritas en Italie, Manos Unidas et bien
d'autres encore. De telles initiatives devraient être soutenues et étendues à d'autres parties du
pays.
10
IV. Vue d'ensemble de la situation économique et sociale
4.1. Remarques générales
La guerre civile au Burundi a eu des conséquences désastreuses sur le développement du
pays. La destruction des infrastructures sociales et économiques couplées à des années
d'entretien insuffisant ont réduit la capacité du gouvernement à assurer les services sociaux de
base dans les domaines des soins de santé, de l'éducation, de l'accès à l'eau potable et au
système sanitaire. Pour le Burundais moyen, la détérioration de l'économie nationale a
supprimé quasi toute possibilité de gagner un salaire décent que ce soit dans le secteur privé
ou public. Les opportunités d'emploi sont très rares et l’espoir de trouver un emploi au sens
traditionnel du terme semble relever de l'utopie. Pendant plusieurs années, les aides
internationales se sont limitées à des programmes d'assistance d'urgence, ce qui n'a pas
contribué à améliorer la capacité du gouvernement à développer et à fournir des services
sociaux de qualité.
La densité de population par rapport à la superficie des terres arables est une des plus élevées
au monde. 95 pour cent de la population sont des fermiers qui produisent le minimum vital,
surtout du café, et en tirent un maigre revenu. Malheureusement, les prix mondiaux du café
étant très bas, la principale source de devises étrangères décroît de façon continue. Le
Burundi fait face à une situation très difficile couplée à une détérioration importante et
régulière de ses échanges commerciaux, caractérisée par une dévalorisation de sa monnaie
nationale, une absence de mesures de correction, une assistance minimale et une diminution
des importations.
Les priorités du gouvernement et les plans de développement à long terme concernent la
santé, l'éducation, l'eau, le logement, l'intégration des femmes et la création d'emploi. La
démobilisation et la réintégration des combattants constituent également des priorités
absolues. Le principal objectif du gouvernement est de réduire la pauvreté et de contrer le
déclin de l'économie et spécialement de l'économie rurale, en améliorant la production
agricole et l'accès au marché. Les institutions mises en place après le conflit ont également
besoin d'être développées y compris l'assistance aux victimes de la crise. Cependant, le
manque de ressources humaines et financières fait obstacle à la réalisation de telles initiatives.
Avant la guerre civile de 1993, le Burundi était l'un des principaux bénéficiaires de l'aide
internationale. De plus, ce pays a scrupuleusement mis en place les mesures d'austérité
imposées par les pays donateurs. Aujourd'hui, le Burundi figure parmi les pays les moins
aidés financièrement dans le cadre des programmes d'aide d'urgence humanitaire. La
Conférence des Pays Donateurs qui a eu lieu à Paris en décembre 2000 a cependant donné un
nouvel élan au pays tout entier. La conférence internationale des pays donateurs pour le
Burundi s'est tenue sous les auspices du Président Mandela afin de renouveler officiellement
le développement de la coopération internationale avec le Burundi.
La rencontre s'est conclue par l'octroi d'une aide financière de 440 millions de US $ destinée à
soutenir des programmes d'aide humanitaire urgente, à favoriser la réhabilitation et la
11
reconstruction et à satisfaire des besoins de développement à long terme afin de consolider la
paix, la reconstruction et le développement du pays.
Les participants à la conférence des pays donateurs se sont mis d'accord pour l'annulation à
100% de la dette dans le cadre de la mise en oeuvre avec succès des accords de paix de
Arusha. De plus, la communauté des donateurs s'est engagée à poursuivre, voire à accroître
son assistance dans les années à venir si la paix et la réconciliation continuent à progresser et
si le Burundi met en place un programme économique consistant. Une partie des ressources
financières allouées sont déjà utilisées par l'Union européenne dans le cadre de la
réhabilitation des infrastructures publiques au Burundi.
Suite à l'inauguration du gouvernement transitoire, la Commission européenne a annoncé, le
16 novembre 2001, l'octroi d'une aide financière de 65 millions € afin de soutenir des
programmes visant la réhabilitation de l'économie burundaise et des infrastructures sociales
ainsi que l'amélioration des soins de santé et des infrastructures routières. Ces fonds
contribueront également au redressement de l'économie, au soutien à la transition
démocratique, aux initiatives visant à consolider la paix ainsi qu'aux efforts visant la
résolution et la prévention des conflits.
Lors de la table ronde des pays donateurs qui s'est tenue à Genève les 6 et 7 décembre 2001,
les représentants de la communauté internationale ont renouvelé leur soutien compte tenu de
l’évolution positive de la situation au Burundi. Une aide financière de 830 millions de US $
comprenant des prêts, des donations et le financement de divers projets pour la période
2002-2004 a été allouée lors de cette rencontre afin d'aider le Burundi à se remettre de
plusieurs années de violence ethnique. L'Union européenne a également augmenté sa
contribution à hauteur de 170 millions € pour le Burundi.
La plupart des Burundais vivant au pays pensent que, compte tenu de la complexité de leurs
différences ethniques, un des meilleurs moyens de réaliser la paix passe par le développement
du pays. La plupart des gens soutiennent le besoin de changement et sont prêts à prendre les
choses en main. La province de Ngozi illustre parfaitement cette volonté d'atteindre la paix et
la réconciliation à travers de développement.
4.2. Le cas de la province de Ngozi: vers la paix et la réconciliation à travers le
développement économique
La province de Ngozi est devenue un modèle de réconciliation ethnique par la mise en place
de partenariats commerciaux. Depuis bientôt cinq ans, la province jouit d'une situation
relativement pacifique en raison surtout de la frontière qu'elle partage avec le Rwanda, pays
hostile aux groupes armés burundais. De plus, selon Monsieur Ndimira, Président de la
Compagnie Financière pour le Développement de Ngozi, (COFIDE - Institution Financière de
Développement), les gens sont de plus en plus convaincus que la paix et la stabilité peuvent
être atteints à travers le développement économie et la création d’emplois.
A Ngozi, principale région du Burundi pour la production de café, les représentants religieux,
les représentants de la société civile et communautaire et les commerçants ont fait du
développement économique et social leur principale priorité en investissant leur propre argent
dans des entreprises privées. Grâce à cela, des initiatives économiques variées de petite
12
échelle se sont multipliées un peu partout dans la province de Ngozi. On a construit des
maisons, des écoles, des hôtels, des centres sportifs et autres infrastructures. Les secteurs
agro-pastoraux se développent, le marché du travail est prospère, et le reste du pays observe
cette évolution avec envie. COFIDE fournit des prêts à faible taux d'intérêt aux producteurs
de café et aux petits exploitants agricoles et organise des formations pour leur enseigner
comment rentabiliser leur prêt au maximum. Jusqu'à présent, 95 % des personnes ont respecté
les délais et les conditions du remboursement des prêts.
La plupart des clients de COFIDE sont des femmes. Elles représentent 52% de la force de
travail dans le secteur agricole. La législation burundaise a été modifiée de sorte que les
femmes ne doivent plus obtenir une autorisation de leur mari pour ouvrir un compte bancaire,
démarrer une affaire ou obtenir un prêt bancaire. Dans la province de Ngozi, les femmes ont
mis sur pied des organismes de crédit et collaborent étroitement avec COFIDE. Selon
Monsieur Ndimira, les femmes respectent étroitement les délais et les conditions de
remboursement des prêts. Il conviendrait de soutenir ce type d’initiative qui facilite la
transition vers la stabilité et le redressement socio-économique à travers la génération
d'emploi et le développement.
4.3. L'opinion de la diaspora vis-à-vis de la situation socio-économique au
Burundi
Les difficultés socio-économiques ont eu très peu d'impact sur la décision des Burundais de
quitter leur pays d'origine. Pour beaucoup d'entre eux, la qualité de vie avant la guerre était
supérieure à leur condition de vie actuelle en Belgique. La plupart disent qu’ils n'auraient
jamais quitté leur pays s’il n’y avait pas eu de guerre.
Très peu de personnes interrogées affirment que les problèmes économiques et médicaux ont
justifié leur départ. Ces motifs viennent après les problèmes de sécurité et de politique. Un
quart des personnes interrogées a quitté le Burundi afin de poursuivre des études à l'étranger.
11 % ont quitté pour des raisons familiales et 2,7% seulement pour des raisons
professionnelles.
Les Burundais vivant en Belgique sont cependant conscients des difficultés socioéconomiques auxquelles sont confrontés leurs compatriotes restés au pays. La plupart
soutiennent financièrement leurs familles et amis restés au Burundi. Ces problématiques sont
prises en compte lorsque le retour au pays est envisagé. Les conditions pour un retour au pays
réussi sont d'ordre socio-économique et reposent sur l'existence d’opportunités d'emplois
concrètes ainsi que sur l’amélioration de la situation économique, du système éducatif et du
système médical.
Les Burundais vivant en Belgique estiment que les principales priorités en matière de
développement sont le renforcement de la structure institutionnelle au Burundi, le soutien au
système éducatif et au système sanitaire ainsi que le développement des secteurs économiques
et agricoles.
13
V. Les besoins en ressources humaines dans les secteurs
public et privé au Burundi
5.1. Remarques générales
Le Gouvernement du Burundi a un besoin urgent de professionnels Burundais qualifiés. La
pénurie est flagrante, notamment en ce qui concerne les médecins, les enseignants et les
avocats.
D'autre part, plus d'un million de Burundais ont été déplacés à l'intérieur du pays ou vivent à
l'étranger en tant que réfugiés. Aujourd'hui près d'un demi million de Burundais de tous les
milieux vit en Tanzanie. Il serait intéressant d’y mener une action visant à y recruter des
professionnels qui puissent remplir les postes vacants au Burundi.
Le Gouvernement du Burundi s'est engagé à régler le problème du déplacement, de la
réintégration et de la réinsertion de ces personnes dans la société. Il a commencé par mettre
sur pied le Ministère de la Réinsertion et de la Réhabilitation de personnes déplacées et
réfugiées. Son objectif principal est de s'occuper de la reconstruction, de l’assistance aux
victimes de divers désastres (naturels ou humains) et de la réinsertion socio-économique.
Dans les régions rurales, le Ministère désire encourager les projets agro-pastoraux.
Cependant, il ne dispose pas des fonds financiers nécessaires pour entreprendre de telles
initiatives. De plus, en raison des contraintes budgétaires, le Ministère de la Réinsertion et ses
partenaires ne peuvent atteindre leurs objectifs et ne peuvent donc répondre aux besoins de la
population. Il serait utile à cet égard d'offrir de l'assistance technique afin de rétablir les
infrastructures publiques.
Enfin, le Gouvernement du Burundi a décidé d'adopter une loi sur la double nationalité, ce qui
faciliterait le retour de ceux qui ont vécu à l'étranger et qui désireraient participer à la
reconstruction de leur pays. Le Gouvernement du Burundi a souscrit à l'Agence Multilatérale
de Garantie des Investissements qui assure les investissements commerciaux envisagés par
des personnes qui anticipent un transfert de savoir ou de technologie.
Les participants aux négociations d'Arusha sont également au courant des problèmes de
réintégration et de réinsertion. Dans leurs efforts en vue de poursuivre la réinsertion et la
réintégration des réfugiés, les participants aux négociations ont dédié le Chapitre IV des
Accord de Paix d'Arusha à la réinsertion sociale et économique des personnes rapatriées.
Pourtant, un certain nombre de questions demeurent ouvertes en ce qui concerne le problème
du retour et de la réintégration des personnes rapatriées. La question des garanties de sécurité
pour ces personnes rapatriées constitue un point crucial.
De plus, beaucoup de Burundais ont abandonné leur pays et leurs biens. Un des défis futurs
sera d'entreprendre leur restitution. En raison principalement de la situation politique instable
et des contraintes financières, le Gouvernement ne s'est pas encore organisé pour régler les
problèmes passionnels tels que les revendications de propriété foncière. Le problème de la
propriété a aussi été abordé dans l'Accord d'Arusha en mettant sur pied une entité juridique
s'occupant des problèmes de propriété.
14
L’administration fonctionne de manière tout à fait normale. Le secteur public semble
bénéficier d'une organisation solide. Mais 45% du budget national est affecté aux dépenses
militaires, ce qui a pour conséquence de bloquer l'échelle des salaires de la fonction publique
à un niveau très bas.
Dans ces conditions, un des défis à relever pour les ONG est
d'équilibrer l'offre faite aux professionnels burundais qui désirent participer à des projets de
reconstruction de leur pays, de manière à ne pas provoquer de frictions avec ceux qui restent
au service de la fonction publique. Une solution à ce problème consiste à accorder une aide
financière au Gouvernement afin de corriger le déséquilibre dans l'échelle des salaires.
D'un autre côté, l'existence de divisions entre Tutsis et Hutus constitue une donnée
fondamentale de la vie au Burundi et cela explique également les pénuries sur le marché de
l'emploi. Les Hutus constituent 85% de la population tandis que les Tutsis et les Twa n'en
représentent que 14% et 1% respectivement. Depuis l’indépendance, la minorité Tutsi du
Burundi a monopolisé la puissance publique et ses institutions. Alors que les autorités tentent
de minimiser les différences ethniques et d'adopter un profil bas pour décrire leurs problèmes,
le schisme Hutu - Tutsi est profond et la discrimination appliquée par le groupe dominant est
perceptible. Les Hutus, par exemple, ne peuvent pas bénéficier de certaines possibilités de
formation, ce qui restreint leur accès à des positions-clé. L'accès aux Facultés de Droit et de
Médecine est assez limité et on y retrouve avant tout des Tutsi. Comme ils font partie de la
minorité, la pénurie en est d'autant plus grande dans ces domaines. Cependant, des mesures
correctives pour résoudre ce problème sont en cours d’élaboration. Le Gouvernement a créé
un système de garde-fous en vue de contrôler les injustices au sein du système d'admission.
Beaucoup de gens disent qu'il fonctionne bien. Actuellement, l'université du Burundi à
Bujumbura est, statistiquement, fréquentée par 65% de Hutus.
On observe également une fuite des cerveaux engendrée par les programmes d'étude à
l'étranger qui ont cependant pour objectif de développer des ressources humaines au bénéfice
du pays. Beaucoup d’étudiants bénéficiant de bourses pour faire leurs études en Europe et en
Amérique du Nord ne reviennent pas. Les conclusions de l'enquête menée en Belgique
confirment cela : 246 Burundais vivant en Belgique ont quitté le Burundi afin de faire leurs
études à l'étranger mais ils ne sont pas retournés.
Le Gouvernement du Burundi demande aux agences internationales de lui fournir des outils
permettant de résoudre le problème au moyen d'un programme de retour virtuel, temporaire
ou permanent.
5.2. Le secteur de l'éducation
La crise politique a aggravé les problèmes du secteur de l'éducation. La qualité de
l'enseignement est touchée d'une part par la disparition des enseignants qualifiés et la moindre
qualité du personnel disponible et d'autre part par la pauvreté des locaux et du matériel
scolaire, détruits en grande partie pendant la guerre. Il faut également mentionner les
interruptions dans le calendrier scolaire ainsi que les fréquents déplacements des enseignants
et des élèves. En conclusion, un nombre élevé d'enfants ne va pas à l'école, et de nombreux
locaux scolaires ont besoin d'être reconstruits ou réparés.
15
Les enseignants et les professeurs quittent souvent leur poste au Burundi pour aller dans des
pays voisins où les opportunités d'emploi sont meilleures. Par exemple, après les événements
de 1994, beaucoup d'entre eux sont partis au Rwanda en vue d'un meilleur salaire,
d’avantages divers et d’une meilleure sécurité d'emploi. Actuellement, à l'Université du
Burundi à Bujumbura, l'institution universitaire nationale, la plupart des cours sont donnés par
des assistants.
D'autre part, de nouvelles universités privées sont créées. On dénombre quatre universités
privées au Burundi : l'Université des Grands Lacs, l'Université de Ngozi, l'Université Lumière
et l'Université de Bururi. Ces universités attirent beaucoup de professeurs qualifiés, vu les
conditions salariales et autres avantages intéressants. De ce fait, le secteur public de
l'éducation s'affaiblit. Il est à présent primordial de remédier à ces pertes de personnel
enseignant qualifié. L'Université du Burundi a obtenu des fonds pour faciliter et développer
l'enseignement à distance. Cette manière d'enseigner est effective depuis trois ans. De telles
initiatives devraient être soutenues activement.
Le système éducatif continue à faire des efforts considérables en vue de renforcer le processus
de réconciliation national et le retour à une paix durable en incorporant des cours relatifs aux
droits de l'homme et au processus de paix dans leur curriculum. L'université de Ngozi est un
parfait exemple de ce type de démarche.
L' Université de Ngozi
L'Université de Ngozi, fondée en 1999, est la première institution privée d'éducation
supérieure dans la province du Nord du pays. Elle est située sur un campus en constante
expansion qui regroupe les bâtiments de l'administration centrale et les salles de classe. Gérer
par un conseil d'administration, l'Université rencontre les besoins des étudiants et des parents
déçus par les nombreuses grèves et interruption de cours à l'Université du Burundi à
Bujumbura.
Les associations, communautés et chefs religieux locaux ainsi que des initiatives individuelles
actives dans le développement, se sont regroupés afin de créer cette université non seulement
pour les gens de Ngozi mais également pour les gens de la sous-région du Nord. Développée
et façonnée par les gens de Ngozi, l’université a pour but d’éduquer les gens tant
physiquement qu’intellectuellement et de les préparer à devenir des hommes et des femmes
compétents et consciencieux. Malgré le nombre élevé de défis relevés par cette université,
elle accueille à ce jour 650 étudiants et offre un large choix de programmes de niveau
technique et professionnel.
L'université de Ngozi a tissé des liens solides au sein des différentes communautés par
l'entremise de nouveaux types de partenariat entre les associations locales de développement,
les producteurs de café et d'autres institutions. Les étudiants en recherche et agriculture
travaillent en collaboration avec les producteurs de café afin d'expérimenter leurs acquis. Le
programme de sciences médicales est rendu plus pragmatique grâce à la collaboration de
l'université avec l'hôpital local et les centres de santé locaux. Tenant compte de la prospérité
et du calme relatifs régnant dans la province de Ngozi, l'université a pour but de sensibiliser la
communauté à la problématique des droits de l'homme et du processus de paix en incorporant
des cours y relatifs dans le curriculum. Actuellement, l'université de Ngozi explore les
possibilités de créer un cours de techniques de médiation et de réconciliation. Mais, le
manque de moyens financiers et humains freine ces initiatives.
16
L'université de Ngozi est particulièrement intéressée par les programmes de transfert de
connaissances et de compétences par le biais du recrutement temporaire de personnel
enseignant qualifié résidant actuellement à l'étranger. L'université fournirait le logement à
Ngozi aux candidats sélectionnés.
5.3. Le secteur médical
Le secteur médical souffre également des conséquences de la guerre et de la crise, plus
spécifiquement d'un manque de personnel technique et médical qualifié.
Selon le Directeur du Centre Hospitalier Universitaire de Kamenge, le seul hôpital formateur
du Burundi, la plupart des zones rurales n'ont plus vu de médecins depuis des années, alors
que les parties urbaines du pays souffrent d'un manque énorme de professionnels dans le
secteur de la santé. Ce manque est le résultat de l'émigration économique des professionnels
de la santé vers d'autres pays où les conditions de travail sont meilleures et résulte également
de l'octroi de bourses scolaires pour étudier à l'étranger d'où les bénéficiaires ne reviennent
pas.
De plus, de nombreux de services médicaux ne sont pas opérationnels vu l'absence d'entretien
technique du matériel médical. Par exemple, actuellement, le Centre Hospitalier Universitaire
de Kamenge a un besoin urgent d'un ingénieur bio-médical afin de réparer et entretenir une
partie du matériel médical. Cette personne ne devrait pas résider de manière permanente au
Burundi mais devraient pouvoir voyager deux ou trois fois par an afin d'effectuer la
maintenance technique nécessaire. Ce genre de position pourrait être offerte à des expatriés.
Un autre problème alarmant est la problématique du SIDA qui est de plus en plus présent au
Burundi. Les statistiques officielles annoncent un chiffre de 20 % de la population infectée en
zone urbaine et de 7,2 % en zone rurale. La pauvreté, la promiscuité dans les camps de
réfugiés, le viol et les pratiques culturelles sont les causes principales de l’expansion du SIDA
en zone rurale. Le secteur de la santé ne possède ni le personnel compétent ni le matériel
nécessaire pour combattre l’épidémie. C’est pourquoi le Ministère de la Santé accueille
favorablement l’idée des retours temporaires ainsi que celle des transferts de connaissances et
de compétences.
5.4. Le secteur judiciaire
Le problème du secteur judiciaire est, lui aussi, celui du déséquilibre ethnique. Actuellement,
le seul officiel Hutu de haut rang au Département de la Justice est le Procureur Général.
Soutenu par le gouvernement, il fait de grands efforts pour augmenter la représentation hutue
au sein de la magistrature.
L'année dernière, il s'est rendu dans divers pays africains afin de les sensibiliser au
développement des communautés hutues et d'inviter des experts en droit à venir au Burundi
pour atténuer le manque de spécialistes dans le secteur judiciaire. A ce jour, aucun d'entre eux
n'a répondu favorablement car ils estiment que les opportunités ainsi que les incitants actuels
ne favorisent pas une carrière au Burundi.
17
Cependant des progrès appréciables ont été réalisés au sein du système judiciaire grâce au
code de Procédure Criminelle en vigueur depuis le ler janvier 2000, et plus particulièrement en
ce qui concerne la période de détention légale par la police à des fins d'interrogatoires. De
plus, le Ministère Burundais des Droits de l'Homme et l'UNHCR ont signé un accord de
Consultation sur la Protection des personnes déplacées en date du 7 février 2001. Ces mesures
sont le résultat combiné d'un programme d'assistance légale efficace, des efforts des
organisations humanitaires et des droits de l'homme et d'une volonté gouvernementale
d'établir un état de droit basé sur des textes de loi. Ces progrès demeurent cependant ralentis
par différents facteurs tels que la lenteur du système judiciaire, la corruption de certains juges
ainsi que des facteurs politiques, sociaux et culturels. Le gouvernement doit faire en sorte que
la situation s'améliore mais est confronté à un manque de ressources humaines et financières.
Il y a également d’autres éléments invoquant l’urgence d'une justice équitable tels que
l'absence de témoins ou, dans de nombreux cas, le faux témoignage. Ces problèmes
commencent à se résoudre grâce aux programmes d'Assistance Légale et également grâce à
l'aide des associations pour les Droits de l'Homme, bien que les autorités reconnaissent que la
situation des Droits de l'Homme est difficilement contrôlable dans la plupart des provinces
instables.
Cependant des progrès sont à noter dans différentes parties du pays. Grâce à la réforme du
système légal, incluant la mise en application du nouveau Code de Procédure Criminelle, la
situation est mieux contrôlable. La plupart des violations de ce code existent parce que le
gouvernement manque de ressources financières et humaines pour lutter contre ces violations.
Vu la détermination du gouvernement à résoudre ces problèmes, son action devrait être
encouragée.
18
VI. La diaspora en tant que potentiel de développement
6.1. Niveau d'éducation des Burundais de Belgique
Presque la moitié des personnes qui ont répondu à l’enquête ont une éducation de niveau
universitaire ou de troisième cycle. 5 pour cent des Burundais de Belgique possèdent un
doctorat et 8 pour cent un diplôme post-universitaire. Près du quart d'entre eux possède un
diplôme universitaire, tandis que 17 pour cent ont terminé un programme d'études supérieures
non-universitaire. 7 pour cent ont interrompu leurs études après avoir réussi les deux
premières années d’un programme. 12 pour cent possèdent une formation technique ou un
apprentissage professionnel. Seulement 3 pour cent des enquêtés n’ont qu’un niveau
d’instruction primaire et l pour cent n’a aucune instruction.
Les 38 personnes possédant un doctorat, parmi lesquelles quelques unes en ont plus d'un, se
répartissent dans les domaines suivants : 5 en médecine et 5 en psychologie, 4 en agronomie,
4 en droit et 4 en philosophie, 3 en biologie, 2 en physique et 2 en sociologie, 1 en
anthropologie, 1 en pédagogie, 1 en géographie, 1 en langues, 1 en lettres. 7 docteurs en
sciences n'ont pas spécifié la discipline dans laquelle ils ont achevé leur diplôme.
62 répondants ont terminé leurs études post-universitaires dans diverses spécialisations,
quelques-uns dans plus d'une. Parmi ceux-là, 5 sont en économie et 5 en administration et
gestion. 4 sont spécialisés en médecine, 4 en pharmacie, 4 en géologie, 4 dans diverses
disciplines juridiques, 3 en biologie, 3 en environnement, 3 en histoire, 3 en mathématiques, 3
en relations internationales, 3 en langues (l langues africaines, 1 anglais et 1 français), 2
possèdent une spécialisation en agronomie, 2 en chimie, 2 en développement et 2 en
philosophie. Il y en a également qui possèdent une spécialisation dans chacune des branches
suivantes : architecture (urbaine), commerce, communication, construction, électromécanique,
enseignement, gestion des crises, journalisme, pédagogie, physique, production d'animaux
tropicaux et psychologie. 6 n'ont pas spécifié leur discipline de spécialisation.
Parmi les 179 diplômés universitaires, la plupart possèdent un diplôme dans les sciences
sociales et humaines. 27 ont un diplôme en économie, 15 en langues et littérature, 13 en droit
et 13 en histoire. Il y a 13 médecins parmi ceux qui ont répondu et 18 pharmaciens. 6 ont un
diplôme en psychologie et 6 autres en administration de la santé publique. Il y a également
des biologistes, chimistes, physiciens, géographes, etc. Parmi les 34 ingénieurs, 11 ont un
diplôme en agronomie ou en production alimentaire, 6 en ingénierie civile et en construction,
4 en électronique et 4 en électromécanique, 1 en physique et 1 en communication.
Parmi les 67 personnes ayant suivi des programmes d'éducation supérieure non-universitaire,
8 sont en électronique, 4 en agronomie, 4 en technologie, 4 en informatique, 4 en économie,
3 dans les arts, 3 en comptabilité, 3 en littérature, 3 en sciences et 3 en administration. 2 ont
terminé leur programme en commerce, 2 en droit, 2 en ingénierie et 2 en pharmacie, un
personne a terminé son programme dans chacune des branches suivantes : langues,
géographie, histoire, gestion hospitalière, journalisme, mathématiques, mécanique et
statistiques. 11 n'ont pas clairement spécifié leur discipline.
Ceux qui ont un niveau
d'éducation plus bas, n'ont pas encore terminé leur formation. En effet, un quart des personnes
interrogées poursuivent actuellement des études/formations en Belgique.
19
6.2. Expérience professionnelle des Burundais de Belgique
Plus de 45 pour cent des personnes interrogées (367 individus) ont eu une expérience
professionnelle en Burundi avant d'en partir. Parmi eux, 220 personnes possèdent une
expérience dans le domaine publique, 81 dans le privé, et 66 dans le secteur para-public.
Le groupe le plus important, 146 personnes, a une expérience dans le domaine de
l'enseignement ou de la formation, suivi par un groupe de 65 personnes ayant une expérience
dans l'administration publique au Burundi. 42 travaillaient dans le commerce, 33 dans le
secteur de la santé, et 24 dans l'agriculture. 14 possèdent une expérience dans le secteur des
banques, des assurances et de l'immobilier, de même qu'en construction, en électricité et en
distribution de l'eau et du gaz. 12 ont été employés dans le domaine de la technologie
d'information, 10 dans le transport et 10 dans l'artisanat.
20 pour cent des personnes interrogées sont employées ou travaillent pour leur compte, tandis
que 36 pour cent d'entre eux sont sans emploi et en recherchent un. Leur accès au marché du
travail est limité étant donné que les diplômes Burandais ne sont pas reconnus en Belgique.
L'exercice de la profession en Belgique se fait comme suit: le groupe majoritaire possède une
expérience professionnelle dans le domaine de la santé (63), suivi par 32 autres qui possèdent
une expérience dans l'enseignement, 29 dans le commerce, 28 dans l'administration publique,
18 dans le transport et les activités de distribution. 10 personnes ou moins possèdent une
expérience dans l'agriculture, l'hôtellerie, l'artisanat et la construction. 131 personnes ont eu
une expérience dans le secteur privé en Belgique et 99 dans le secteur public.
6.3. Participation aux programmes de coopération au développement
L'intérêt pour une participation en matière de coopération avec le Burundi est grand. 458
personnes ont exprimé leur souhait de participer à des programmes de développement dont les
bénéficiaires seraient leur communauté en Belgique ou dans leur pays d'origine.
La majorité serait plutôt intéressée par une contribution des capacités intellectuelles (34 pour
cent) à travers des programmes de transfert de savoir et de compétences. 30 pour cent ont
déclaré leur volonté de participer à des activités bénévoles. 21 pour cent ont indiqué une
volonté de retourner au Burundi pour un travail de courte durée ou périodique, alors que 14
pour cent ont affirmé qu'ils y retourneraient pour un travail de longue durée.
Concernant l'assistance dont ils auraient besoin dans le cadre d'une telle coopération, la
plupart des personnes interrogées auraient besoin d'un soutien financier pour se procurer un
équipement professionnel (28 pour cent), pour le transport de leurs biens personnels et/ou
professionnels (26 pour cent), pour une assistance à la réintégration (24 pour cent) et pour une
assistance/conseil à la création d'une petite entreprise (19 pour cent).
20
VII. Conclusion
Le Burundi n'est pas un cas désespéré contrairement à ce que soutiennent certains
observateurs. C'est un pays avec un grand potentiel, qui a souffert des terribles
conséquences d'une longue guerre civile.
Les conflits ont dévasté les infrastructures économiques et sociales, et sont la cause d’une
constante détérioration de l'économie nationale. Le gouvernement du Burundi se trouve
aujourd'hui devant des difficultés considérables pour assurer le moindre service social de
base, les soins de santé, l'éducation, la distribution d'eau potable, etc.
Le déplacement massif de populations, incluant une importante fuite de cerveaux de
professionnels qualifiés, a également aggravé la crise. Avec la détérioration progressive des
conditions économiques, le départ des professionnels qualifiés continuera à affecter les
secteurs privé et public du pays. Le gouvernement du Burundi a un besoin urgent de
professionnels, spécialement dans le domaine de l'éducation, de la santé et de la justice.
De grands espoirs ont été suscités lors de la signature de l'Accord d'Arusha en août 2000.
On espérait le commencement d'un nouveau chapitre dans l'histoire du Burundi. La mise en
oeuvre de l'Accord a cependant été rendue difficile à cause d'un désaccord sur les
principales questions du pouvoir transitionnel et du non-respect du cessez-le-feu. La
violence s'est poursuivie et s’est intensifiée dans le pays après la signature de l'Accord.
La mise en place du gouvernement de transition d'unité nationale le ler novembre 2001 a une
fois de plus suscité l'espoir quant à la délicate transition du Burundi vers la stabilité.
La communauté internationale a exprimé son soutien total concernant les événements
récents et a annoncé la reprise de l'aide financière afin de soutenir les réformes dans le pays.
Un certain nombre de troupes étrangères sont déjà sur le sol Burundais et des troupes
additionnelles y seront déployées dans un futur proche, afin de faire respecter le
cessez-le-feu. De plus, le nouveau gouvernement de transition a déclaré son intention
d'obtenir un accord de cessez-le-feu définitif avec les deux principaux partis d'opposition.
Le Burundi se trouve à un tournant critique : des efforts devraient par conséquent être
fournis afin de garantir un flux constant de ressources indispensables pour soutenir les
réformes initiées, développer des programmes socio-économiques et poursuivre les activités
de reconstruction afin d'amener une paix durable et la stabilité au pays.
La promotion de projets de reconstruction avec le support de la communauté internationale
est primordiale pour créer les conditions nécessaires d’un développement soutenu et
stabiliser la paix sans quoi le pays replongerait probablement dans de nouvelles violences.
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VIII. Recommandations
•
Vu le manque de ressources humaines, il est impossible de réussir le projet de
reconstruction du pays sans la contribution des professionnels qualifiés Burundais
dispersés à travers le monde. Le gouvernement établit ses besoins en terme de
ressources humaines et est déterminé à assister ceux qui seraient intéressés à combler
les manques. Afin d'encourager et approfondir le développement socio-économique
du Burundi, un mécanisme devrait être mis au point afin de sélectionner et de recruter
des professionnels qualifiés résidant actuellement en Belgique en vue de placements
temporaires ou permanents au Burundi.
•
Le transfert de savoirs/compétences devrait être accompagné de mesures encourageant
les petites entreprises à mobiliser les Burundais vivant à l'étranger. Afin de soutenir
ce processus de transfert de savoirs et de compétences, une assistance budgétaire
permettant d'améliorer le niveau salarial des employés burundais devraient également
être considérée.
•
Les initiatives locales pour faire émerger des projets économiques de développement
et de réhabilitation devraient être soutenues. Les activités génératrices de revenus et
d'emploi, devraient avoir un poids particulièrement important.
•
Les initiatives visant à inclure les femmes dans le processus de réconciliation
nationale et de recherche de paix, devraient être encouragées. Le développement des
capacités dans ce secteur pourrait être entrepris à travers des séminaires, des
rencontres et des conférences. Leur rôle économique devrait être reconnu et soutenu
en leur allouant des subsides pour garantir le bon fonctionnement de leurs entreprises.
•
Les communautés burandaises à l'étranger devraient obtenir régulièrement des
informations pertinentes, objectives et non-biaisées sur la situation prévalant au
Burundi, sur les initiatives en marche et sur les opportunités pour la diaspora de
prendre part à la construction de la paix, à la stabilisation et au développement
socio-économique. Il faudrait organiser dans les pays d’accueil des campagnes
d’information permettant une meilleure prise de conscience des besoins et des
possibilités.
•
Le processus de réconciliation nationale doit être promu afin de garantir une paix
durable. A cet effet, il est impératif d'encourager toutes les initiatives de paix et
d'enseignement des droits de l'homme dans le programme de base des écoles, en
commençant par l’école obligatoire.
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