Mise au point Les anomalies moléculaires de la pathologie pubertaire N. de Roux* ✎ La pathologie de la puberté est généralement due à une anomalie de l’âge du début de la puberté. mitrales du bulbe olfactif. Les anomalies de ce gène sont essentiellement retrouvées dans les formes familiales. ✎ Le retard pubertaire ou la puberté précoce peuvent être isolés ou bien appartenir à des syndromes endocriniens ou neurologiques. ✎ Le récepteur de la GnRH est muté dans environ 35 % des cas familiaux des hypogonadismes hypogonadotropes idiopathiques. Les corrélations génotype-phénotype suggèrent la participation de gènes modificateurs ou de facteurs épigénétiques à l’expression du phénotype. ✎ Récemment, des anomalies génétiques ont été décrites dans le syndrome de Kallmann, l’hypogonadisme hypogonadotrope idiopathique, le syndrome de McCune-Albright et la puberté précoce familiale du garçon. ✎ Des mutations délétères sont décrites dans les sous-unités β de la LH et de la FSH. ✎ ✎ Le syndrome de Kallmann est lié à un défaut de migration des neurones à GnRH dû à une anomalie de migration des neurones olfactifs. Le gène KAL est localisé sur le chromosome X. Il code pour une protéine de la matrice extracellulaire exprimée dans les cellules Introduction L a pathologie du déclenchement pubertaire fait souvent partie d’un tableau clinique polymalformatif congénital dont l’origine moléculaire demeure inconnue ou très complexe (tableau I, p. 108). Néanmoins, dans un nombre restreint de pubertés pré- Le syndrome de McCune-Albright est dû à une mutation somatique de la protéine Gs qui survient très précocement chez l’embryon. Cette mutation inhibe l’activité GTPasique de cette protéine, ce qui entraîne une activation continue des effecteurs. coces ou de retards pubertaires dus a un défaut de la commande hypothalamo-hypophysaire, la relation entre l’anomalie moléculaire et le phénotype est clairement établie. Récemment, des anomalies génétiques ont été décrites dans le syndrome de Kallmann, l’hypogonadisme hypogonadotrope idiopathique, le syndrome de McCune-Albright et la testotoxicose familiale. Parmi ces quatre * INSERM U135, laboratoire d’hormonologie et de biologie moléculaire, hôpital Bicêtre, Paris. ✎ Une mutation constitutive du récepteur de la LH est responsable de la survenue d’une puberté précoce, chez le garçon uniquement. Ces mutations sont germinales. Le mode de transmission est dominant. ✎ Plus de la moitié des hypogonadismes hypogonadotropes familiaux, avec ou sans anosmie, n’est pas liée à une anomalie du gène KAL ou du récepteur de la GnRH. Tous les gènes candidats ont été testés. Les nouveaux gènes seront caractérisés par clonage positionnel dans des familles informatives. ✎ L’étude des formes familiales de puberté précoce centrale devrait aider à la compréhension des facteurs initiateurs de la puberté. pathologies, trois gènes participent directement à la signalisation hormonale, ce qui confirme le rôle majeur de la pathologie de la transduction du signal en endocrinologie de la reproduction. Les retards pubertaires sont dus à des mutations “perte de fonction” alors que les pubertés précoces sont dues à des mutations “gain de fonction”. Cet article abordera la génétique des retards pubertaires isolés ayant une origine hypothalamo-hypophysaire et celle des pubertés précoces. 107 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001 Mise au point Tableau I. Les pathologies génétiques de la puberté. Retards pubertaires hypogonadotropes Phénotypes Gènes Syndrome de Kallmann Hypogonadisme hypogonadotrope idiopathique Déficit isolé en LH Déficit isolé en FSH Hypoplasie congénitale des surrénales Obésité et hypogonadisme hypogonadotrope Insuffisance antéhypophysaire Syndrome de Charge Syndrome de Laurence-Moon-Bardet-Biedl Syndrome de Prader-Willi Dysplasie septo-optique KAL Récepteur de la GnRH Sous-unité β de la LH Sous-unité β de la FSH Dax-1 Leptine, récepteur de la leptine Prop1, LHX-3 ? ? Délétion du chromosome 15 ? Retards Déficit de la synthèse des androgènes pubertaires hypergonadotropes Mutations du récepteur aux androgènes Syndrome de Klinefelter Déficit en 5α-réductase Syndrome de Turner Diverses anomalies chromosomiques 3β-hydroxystéroïde déhydrogénase, 17α-hydroxylase Récepteur aux androgènes ? 5α-réductase ? ? Puberté précoce : - centrale Idiopathique et familiale Anomalies du système nerveux central - périphérique Testotoxicose familiale Syndrome de McCune-Albright Hyperplasie des surrénales Mutations perte de fonction Le syndrome de Kallmann-de Morsier Le syndrome de Kallmann a d’abord été décrit par Maestre de San Juan en 1856 devant l’association d’une anosmie et d’un hypogonadisme. Le caractère génétique de cette affection a été proposé par Kallmann en 1944. C’est de Morsier qui a, le premier, rapporté une agénésie des bulbes olfactifs chez des patients ayant un hypogonadisme. Cette association définit le syndrome connu sous le nom de “syndrome de Kallmann”. La fréquence du syndrome de Kallmann est proche de 1/10 000 chez le garçon et de 1/50 000 chez la fille. Il associe un hypogonadisme hypogonadotrope avec une anosmie ou une hyposmie. Des signes neurologiques sont parfois présents ainsi qu’une agénésie rénale unilatérale. Les formes sporadiques sont les plus fréquentes. Dans les formes familiales, des transmissions autosomiques récessives, dominantes ou liées au chromosome X sont décrites. L’expressivité du phénotype peut être variable dans une même famille. Seul un gène localisé sur le chromosome X est connu. Ce gène a été caractérisé par clonage positionnel grâce à des patients ayant un syndrome de gènes contigus (1). Ces patients sont généralement fortement informatifs pour les maladies génétiques monogéniques. En effet, les syndromes de gènes contigus résultent d’une délétion très importante d’une région du génome comprenant plusieurs gènes. Le tableau clinique est composé de symptômes généralement évo- cateurs de plusieurs maladies sans lien physiopathologique évident. Ces patients sont comparés à ceux présentant les symptômes d’une seule de ces pathologies, ce qui permet de définir par des études génétiques une région candidate sur le génome. Pour le syndrome de Kallmann, une région candidate a été définie en étudiant des patients ayant un syndrome de Kallmann associé à une ichthyose et une forme clinique de chondrodysplasie. Le gène de l’ichthyose était connu, ce qui a permis de définir une région candidate en Xp22.3. Le clonage du gène a suivi cette description. Le gène a été appelé KAL et la protéine anosmine. L’anosmine contient des répétitions de type fibronectine, souvent retrouvées dans la famille des protéines d’adhésion impliquées dans la migration neuronale. Elle possède également une homologie avec la famille des inhibiteurs des sérine-protéases par son domaine riche en cystéines, situé dans la région N-terminale. Le gène KAL comprend 14 exons. Il est situé dans la région pseudo-autosomale du X, il échappe donc à l’inactivation du X. Un pseudogène comprenant 11 exons est décrit sur le chromosome Y. Le gène KAL a été cloné chez le poulet et la caille par hybridation croisée avec le cDNA humain. L’homologie globale de ces deux cDNA avec le cDNA humain est de 75 %. Malgré de nombreuses tentatives, cette approche par hybridation croisée n’a jamais permis le clonage du gène KAL chez la souris, ce qui est évocateur d’une faible homologie avec le cDNA humain. Depuis le clonage du gène KAL, des études par immunohistochimie chez le poulet et l’embryon humain ont permis de mieux comprendre le rôle de l’anosmine dans la pathogénie du syndrome de Kallmann. Le syndrome de Kallmann est un défaut de la synthèse de la GnRH dû à une absence de neurones secrétant la GnRH dans l’hypothalamus. Une observation réalisée chez un fœtus de 19 semaines ayant une délétion majeure du gène KAL a montré que les neurones secrétant la GnRH étaient anor- 108 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001 malement localisés chez ce fœtus à l’extérieur du système nerveux central. Ce résultat suggérait une étroite relation entre l’absence de bulbe olfactif et le défaut de migration des neurones à GnRH. Ces neurones prennent origine dans l’épithélium olfactif, puis pénètrent dans le cerveau par la lame criblée de l’ethmoïde et passent à travers le bulbe olfactif avant de rejoindre l’hypothalamus. Cette migration survient le long des neurones olfactifs, qui vont établir des connexions avec les cellules mitrales du bulbe olfactif dont les axones formeront le tractus olfactif. Cette jonction neuronale est indispensable au développement normal du bulbe olfactif. L’anosmine est retrouvée par immunohistochimie dans les cellules mitrales du bulbe olfactif chez l’embryon humain de 5 semaines. Elle n’est jamais retrouvée dans les épithélia olfactifs ou dans les neurones secrétant la GnRH. L’absence de migration des neurones à GnRH observée dans le syndrome de Kallmann est donc secondaire à un défaut de la migration des neurones olfactifs de l’épithélium olfactif vers le système nerveux central. Des délétions, des mutations faux sens et non sens ont été décrites chez plusieurs patients atteints de syndrome de Kallmann. Ces mutations surviennent principalement dans les régions répétées de type fibronectine. L’expression de l’anosmine dans les cellules de Purkinje du cervelet, dans les noyaux oculomoteurs et dans le méso- et le métanéphros pourrait expliquer les signes cliniques souvent associés à l’hypogonadisme. Des cas d’agénésie unilatérale du rein isolée ont été décrits dans les familles de patients atteints de syndrome de Kallmann. Une variabilité intrafamiliale de l’expression du phénotype a été rapportée. Deux frères ont reçu la même délétion par- Figure 1. Génétique de l’hypogonadisme hypogonadotrope isolé. tielle du gène KAL de leur mère (2). Le propositus avait une anosmie associée à un hypogonadisme hypogonadotrope, alors que son frère, bien qu’ayant une hyposmie, a développé une puberté normale. La fréquence des mutations est faible dans les cas sporadiques de syndrome de Kallmann. Dans les formes probablement liées au chromosome X, elle est proche de 50 %. Les mutations inactivatrices du récepteur de la GnRH L’hypogonadisme hypogonadotrope idiopathique se différencie du syndrome de Kallmann par l’absence d’anosmie chez le propositus (figure 1). L’absence d’agénésie du bulbe olfactif suggérait une anomalie de la synthèse de la GnRH par les neurones hypothalamiques. Par analogie avec la souris hpg, plusieurs groupes ont recherché des mutations du gène de la GnRH sans succès. Le récepteur de la GnRH était le deuxième gène candidat connu. Ce récepteur appartient à la super famille des récepteurs couplés aux protéines G. Il est composé d’un petit domaine extracellulaire, sept domaines transmembranaires reliés par des boucles intra- et extracellulaires mais ne possède pas de domaine intracellulaire C-terminal. Il est couplé à la phospholipase C par l’intermédiaire des protéines Gq/G11. Il est exprimé dans les cellules gonadotropes de l’hypophyse mais également dans le sein et les gonades. Le gène de ce récepteur est localisé sur le bras long du chromosome 4. Il contient trois exons. Les premières mutations inactivatrices de ce récepteur ont été décrites dans un cas familial d’hypogonadisme hypogonadotrope partiel (3). Le propositus était un homme de 20 ans dont le phénotype correspondait à la description clinique des “eunuques fertiles”. Les gonadotrophines plasmatiques de ce patient étaient dans les limites de la normale alors que la testostérone plasmatique était franchement abaissée. L’amplitude des pics pulsatiles de sécrétion de la LH était diminuée, alors que la fréquence de la pulsatilité était normale. 109 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001 Mise au point quence des mutations inactivatrices du récepteur de la GnRH est faible dans les cas sporadiques d’hypogonadisme hypogonadotrope idiopatique. Elle est proche de 35 % dans les formes familiales avec une transmission récessive. Figure 2. Localisation et fréquence des mutations inactivatrices du récepteur de la GnRH. En exposant est indiqué le nombre de familles décrites pour chaque mutation. Depuis cette première publication, plusieurs nouveaux cas ont été relatés. Le tableau clinique s’étend en continuum entre les formes complètes et les formes partielles (4). L’étude du phénotype des patients ayant les deux mutations (Gln 106 Arg, Arg 262 Gln) les plus fréquemment rencontrées (figure 2) dans les populations étudiées montre que le déficit fonctionnel du récepteur de la GnRH est le principal facteur déterminant la sévérité de l’hypogonadisme. En effet, plusieurs patientes hétérozygotes composites pour ces deux mutations Gln 106 Arg, Arg 262 Gln ont été rapportées dans la littérature, notamment, le cas d’une femme ayant des antécédents d’aménorrhée primaire chez qui une ovulation a été obtenue grâce à une stimulation pulsatile de GnRH (250hg/kg). Ce cas est comparable à celui d’une autre patiente ayant un phénotype et un génotype identiques chez qui deux grossesses ont été obtenues lors d’une stimulation par Clomid®. Une troisième patiente ayant le même génotype avait également un phénotype partiel. Les mutations homozygotes qui inhibent complètement la fonction du récepteur de la GnRH entraînent systématiquement un hypogonadisme complet. Néanmoins, les formes partielles peuvent être aggravées par des gènes modificateurs ou des facteurs épigénétiques. En effet, il a été décrit une variabilité intrafamiliale de la sévérité de l’hypogonadisme chez des patients hétérozygotes composites, dont au moins un allèle était partiellement fonctionnel. Dans ces déficits partiels, le test à la GnRH n’est pas discriminant. En revanche, une fréquence normale associée à une baisse de l’amplitude des pics de sécrétion de LH est fortement évocatrice d’un déficit hypophysaire. La fré- Les mutations des gonadotrophines LH et FSH Les glycoprotéines hypophysaires FSH et LH sont composées d’une sous-unité commune α et d’une sous-unité β spécifique (1). Chaque sous-unité est codée par un seul gène. Une mutation naturelle de la sous-unité β de la LH a été caractérisée chez un homme de 17 ans qui présentait un retard pubertaire. La LH plasmatique était augmentée, la FSH était normale et la testostérone plasmatique basse. Les testicules étaient de petite taille. Un traitement par hCG a permis d’obtenir une augmentation de la taille des testicules, une virilisation normale et une spermatogenèse. Le propositus était homozygote pour une mutation qui substitue la glutamine 54 en une arginine. Cette mutation inhibe la liaison de la LH sur un récepteur recombinant exprimé dans des cellules CHO. Quatre cas de mutations inactivatrices de la sous-unité β de la FSH ont été rapportés. Une délétion homozygote de 2 bp au codon 61 entraînant un décalage du cadre de lecture a été caractérisée chez une patiente ayant une aménorrhée primaire et une absence complète de caractères sexuels secondaires. Cette délétion entraîne la synthèse d’une protéine tronquée de 86 acides aminés. La même délétion de 2 pb associée à une mutation faux sens sur l’autre allèle a été décrite chez une autre patiente ayant un phénotype similaire. Deux cas de déficit de la FSH ont été décrits chez l’homme. Les deux patients avaient une azoospermie. En revanche, un retard pubertaire a été rapporté chez un patient homozygote pour la même délétion du codon 61 décrite auparavant. Ce résultat semble suggérer que dans cer- 110 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001 taines conditions, la FSH participe à la régulation de la synthèse de la testostérone par les cellules de Leydig. Mutations gain de fonction Puberté précoce par mutation activatrice de la sous-unité α de la protéine Gs Les protéines G ont des fonctions physiologiques très diverses ayant toutes en commun la capacité de lier le guanosine triphosphate (GTP). Des protéines G monomériques et hétérotrimériques sont décrites. Ces dernières forment des relais obligatoires entre les récepteurs à sept domaines transmembranaires et les “effecteurs” enzymatiques ou les canaux ioniques (5). Les protéines G hétérotrimériques sont composées d’une sous-unité α et de deux sous-unités β et γ formant un dimère. La sous-unité α lie le GTP et possède une activité GTPasique qui permet l’hydrolyse du GTP en GDP. Les sous-unités β et γ ne possèdent pas d’activité enzymatique. Les sous-unités α sont codées par 16 gènes différents, mais au moins 20 isoformes sont décrites suite à la survenue d’épissage alternatif pour certains gènes. Les sousunités β et γ sont codées respectivement par 5 et 11 gènes. Il existe une spécificité cellulaire de l’expression de certaines sousunités responsable de la formation de trimères spécifiques à certaines cellules. La spécificité fonctionnelle des protéines G hétérotrimériques dépend de la sousunité α. Chaque sous-unité α active spécifiquement un effecteur qui peut être un enzyme ou un canal ionique. L’activité des protéines G est régulée par la liaison et l’hydrolyse du GTP. À l’état inactif, une molécule de GDP est liée à la sousunité α qui interagit étroitement avec le dimère β-γ. L’activation d’un récepteur à sept domaines transmembranaires par son ligand entraîne l’échange du GDP par un GTP (figure 3). Cet échange provoque une dissociation de la sous-unité α du com- Figure 3. La voie de transduction du signal par un récepteur couplé à la protéine Gs. plexe β-γ. Le complexe sous-unité α-GTP et le dimère β-γ vont alors pouvoir interagir avec leurs effecteurs. L’inactivation du signal survient grâce à l’hydrolyse par la sous-unité α du GTP en GDP, permettant la reformation du complexe trimérique inactif α-GDP-β-γ. Il a été récemment montré que l’activité GTPasique de certaines sous-unités α peut être activée par une protéine RGS (Regulating Gprotein Signaling). Plusieurs pathologies sont directement liées à des anomalies moléculaires de l’activation ou de l’inactivation des protéines G hétérotrimériques. Les mutations entraînant une diminution de l’activité GTPasique de la sous-unité α sont responsables de l’activation continue de la protéine G. Une mutation “gain de fonction” est notamment l’anomalie moléculaire du syndrome de McCune-Albright. Ce syndrome est défini par l’association d’une dysplasie osseuse, des taches cutanées café au lait et d’une puberté précoce indépendante des gonadotrophines. D’autres signes d’hyperactivité endocrinienne sont parfois présents (hyperthyroïdie, acromégalie, syndrome de Cushing). Tous ces systèmes endocriniens ont en commun d’être régulés par la protéine Gs qui active l’adénylate cyclase. Le syndrome de McCune-Albright est dû à une mutation somatique de cette protéine Gs survenue très précocement au cours de l’embryogenèse. Les patients sont donc porteurs d’une mosaïque avec des cellules ayant la mutation et d’autres, un génotype normal. Cette mutation modifie l’arginine 201 située dans le site actif de la guanylate cyclase, ce qui entraîne une diminution de l’activité GTPasique de la sous-unité αs. La puberté précoce du syndrome de McCune-Albright est observée préférentiellement chez la fille. Il s’agit habituellement de cas sporadiques. Le caractère somatique de la mutation pourrait expliquer la variabilité de l’expression phénotypique. La date de la survenue de la mutation au cours de l’embryogenèse pourrait être un facteur déterminant cette variabilité. 111 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001 Mise au point Puberté précoce familiale masculine par mutation activatrice du récepteur de la LH Une forme familiale de puberté précoce ne concerne que les garçons. Elle est transmise selon un mode autosomal dominant. Les patients ont une augmentation de la synthèse de la testostérone, des valeurs prépubertaires des gonadotrophines et une absence de réponse lors du test à la GnRH, ce qui témoigne d’une origine indépendante des centres encéphaliques. Cette forme particulière de puberté précoce est liée à la présence de mutations activatrices du récepteur de la LH. Ce récepteur appartient à la famille des récepteurs couplés aux protéines G (6). Il est composé de sept domaines transmembranaires reliés par des boucles intra- et extracellulaires, un domaine intracellulaire C-terminal et un long domaine extracellulaire de 360 acides aminés. Ce long domaine extracellulaire est une caractéristique commune aux récepteurs des hormones glycoprotéiques hypophysaires TSH, FSH et LH. La LH et l’hCG sont les deux ligands physiologiques de ce récepteur. Il est exprimé principalement dans les cellules de Leydig testiculaires, les cellules de la thèque interne de l’ovaire. Une expression, dont la signification physiologique est mal connue, a été décrite dans le sein, la peau, l’endomètre… Le gène de ce récepteur est localisé sur le bras court du chromosome 2 à proximité du récepteur de la FSH. Il est composé de 11 exons dont 10 codent pour le domaine extracellulaire et le onzième pour le domaine transmembranaire et le domaine intracellulaire. De nombreuses isoformes sont décrites. Elles résultent d’un épissage alternatif. Notamment, des formes ne contenant que le domaine extracellulaire sont retrouvées dans le milieu interstitiel des testicules de porc. Ces formes solubles pourraient jouer un rôle dans la régulation physiologique de ce récepteur. Ce récepteur n’est pas polarisé contrairement aux récepteurs de la TSH Figure 4. Localisation des mutations naturelles constitutives du récepteur de la LH. et de la FSH. Une transcytose du récepteur de la LH du pôle vasculaire des cellules endothéliales vers le milieu interstitiel a été décrite. Cela pourrait être le chemin suivi par la LH ou l’hCG pour accéder aux cellules cibles. Plusieurs mutations constitutives du récepteur de la LH sont maintenant décrites dans la puberté précoce masculine et familiale (1). Ce concept de mutation constitutive a été décrit dans un premier temps par mutagenèse dirigée. Les récepteurs constitutifs sont capables d’activer des protéines G et donc les effecteurs en absence de ligand. Les effets obtenus sont similaires à ceux observés lors d’une stimulation par le ligand physiologique. Le récepteur de la LH active l’adénylate cyclase par l’intermédiaire de la protéine Gs. Une mutation constitutive de ce récepteur entraîne donc une augmentation permanente de l’AMPc dans les cellules qui expriment ce récepteur, dont les cellules de Leydig. Il en résulte une synthèse très précoce de testo- stérone. Les mutations constitutives du récepteur de la LH sont germinales. La transmission du phénotype suit un modèle dominant de père en fils. Le caractère sporadique ne permet pas d’éliminer l’étiologie, puisque la mutation peut être transmise par la mère non atteinte. La majorité des mutations activatrices de ce récepteur sont localisées dans la troisième boucle intracellulaire du récepteur de la LH et le sixième domaine transmembranaire (figure 4). Un effet fondateur explique probablement la fréquence de 80 % aux ÉtatsUnis de la mutation Asp 578 Gly. Les autres mutations sont localisées dans les premier, deuxième, troisième et cinquième domaines transmembranaires. La pénétrance des mutations activatrices du récepteur de la LH n’est pas complète, puisque trois patients porteurs d’une mutation activatrice ont développé une puberté à un âge normal. Récemment, une mutation somatique du récepteur de la LH a été décrite chez deux 112 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001 enfants atteints d’un leydigiome (7). Cette mutation substitue une histidine à la place de l’aspartate 578. L’expression de ce récepteur muté dans des cellules hétérologues a montré l’activation de la phospholipase C en plus de l’adénylate cyclase habituellement stimulée par les mutations constitutives du récepteur de la LH. Cette activation concomitante des deux voies pourrait expliquer les leydigiomes de ces enfants. Conclusion La pathologie du déclenchement pubertaire est maintenant mieux comprise grâce à la génétique moléculaire. Plusieurs gènes sont décrits. Néanmoins, plus de la moitié des hypogonadismes hypogonadotropes idiopathiques familiaux ou les formes autosomales du syndrome de Kallmann restent orphelins de gène. Les mutations de la protéine Gs et du récepteur de la LH expliquent deux formes cliniques de puberté précoce périphérique. Toutefois, les formes familiales de puberté précoce centrale restent inexpliquées. La description des gènes responsables de ces pubertés précoces dépendantes des gonadotrophines permettra de mieux comprendre les mécanismes initiateurs de la puberté. L’étude de ces maladies génétiques par la méthode des gènes candidats est pour l’instant limitée, puisque les gènes de toutes les protéines connues de l’axe gonadotrope sont clonés et que les partenaires de ces protéines ne sont pas encore identifiés. La seule stratégie actuellement réalisable est le clonage positionnel. Elle impose de recruter de nombreux cas familiaux, de définir avec précision les phénotypes, puis de réaliser une cartographie du génome. ● Références 1. Themmen APN, Huhtaniemi IT. Mutations of gonadotropins and gonadotropin receptors : elucidating the physiology and pathophysiology of pituitary-gonadal function. Endocr Rev 2000 ; 21 : 551-83. 2. Parenti G, Rizzolo MG, Ghezzi M et al. Variable penetrance of hypogonadism in a sibship with Kallmann syndrome due to a deletion of the KAL gene. 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Le syndrome de Kallmann : a. est un défaut de la migration des neurones olfactifs ; b. est un déficit de la synthèse de la GnRH ; c. est une anomalie du développement des cellules gonadotropes ; d. survient uniquement chez le garçon. 2. Les protéines G hétérotrimériques sont : a. des protéines ubiquitaires ; b. capables de fixer le GTP ; c. activées par les récepteurs à sept domaines transmembranaires ; d. des glycoprotéines. 3. La puberté précoce par mutation du récepteur de la LH : a. survient uniquement chez la fille ; b. est transmise selon un mode dominant ; c. est due à des mutations " perte de fonction " du récepteur de la LH ; d. est due à une augmentation continue de la synthèse de l’AMPcyclique dans les cellules de Leydig. n n us ous us ous o o v v z z e e n n n n o o v Abon Abonnez-vous nez-Avobus ez-v ez- Abon nez-Avobus Abonnez-vous n n o o b b A A 113 Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001