Mutations perte de fonction
Le syndrome
de Kallmann-de Morsier
Le syndrome de Kallmann a d’abord été
décrit par Maestre de San Juan en 1856
devant l’association d’une anosmie et d’un
hypogonadisme. Le caractère génétique de
cette affection a été proposé par Kallmann en
1944. C’est de Morsier qui a, le premier, rap-
porté une agénésie des bulbes olfactifs chez
des patients ayant un hypogonadisme. Cette
association définit le syndrome connu sous le
nom de “syndrome de Kallmann”.
La fréquence du syndrome de Kallmann est
proche de 1/10 000 chez le garçon et de
1/50 000 chez la fille. Il associe un hypo-
gonadisme hypogonadotrope avec une anosmie
ou une hyposmie. Des signes neurologiques
sont parfois présents ainsi qu’une agénésie
rénale unilatérale. Les formes sporadiques
sont les plus fréquentes. Dans les formes
familiales, des transmissions autosomiques
récessives, dominantes ou liées au chromo-
some X sont décrites. L’expressivité du phéno-
type peut être variable dans une même famille.
Seul un gène localisé sur le chromosome X
est connu. Ce gène a été caractérisé par clo-
nage positionnel grâce à des patients ayant
un syndrome de gènes contigus
(1)
. Ces
patients sont généralement fortement infor-
matifs pour les maladies génétiques mono-
géniques. En effet, les syndromes de gènes
contigus résultent d’une délétion très impor-
tante d’une région du génome comprenant
plusieurs gènes. Le tableau clinique est
composé de symptômes généralement évo-
cateurs de plusieurs maladies sans lien phy-
siopathologique évident. Ces patients sont
comparés à ceux présentant les symptômes
d’une seule de ces pathologies, ce qui per-
met de définir par des études génétiques une
région candidate sur le génome. Pour le
syndrome de Kallmann, une région candida-
te a été définie en étudiant des patients ayant
un syndrome de Kallmann associé à une
ichthyose et une forme clinique de chondro-
dysplasie. Le gène de l’ichthyose était
connu, ce qui a permis de définir une région
candidate en Xp22.3. Le clonage du gène a
suivi cette description. Le gène a été appelé
KAL et la protéine anosmine.
L’anosmine contient des répétitions de type
fibronectine, souvent retrouvées dans la
famille des protéines d’adhésion impli-
quées dans la migration neuronale. Elle
possède également une homologie avec la
famille des inhibiteurs des sérine-protéases
par son domaine riche en cystéines, situé
dans la région N-terminale.
Le gène KAL comprend 14 exons. Il est
situé dans la région pseudo-autosomale du
X, il échappe donc à l’inactivation du X.
Un pseudogène comprenant 11 exons est
décrit sur le chromosome Y. Le gène KAL
a été cloné chez le poulet et la caille par
hybridation croisée avec le cDNA humain.
L’homologie globale de ces deux cDNA
avec le cDNA humain est de 75 %. Malgré
de nombreuses tentatives, cette approche
par hybridation croisée n’a jamais permis
le clonage du gène KAL chez la souris, ce
qui est évocateur d’une faible homologie
avec le cDNA humain.
Depuis le clonage du gène KAL, des études
par immunohistochimie chez le poulet et
l’embryon humain ont permis de mieux
comprendre le rôle de l’anosmine dans la
pathogénie du syndrome de Kallmann. Le
syndrome de Kallmann est un défaut de la
synthèse de la GnRH dû à une absence de
neurones secrétant la GnRH dans l’hypo-
thalamus. Une observation réalisée chez un
fœtus de 19 semaines ayant une délétion
majeure du gène KAL a montré que les
neurones secrétant la GnRH étaient anor-
Act. Méd. Int. - Métabolismes - Hormones - Nutrition, Volume V, n° 3, mai-juin 2001
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Mise au point
Phénotypes Gènes
Retards Syndrome de Kallmann KAL
pubertaires Hypogonadisme hypogonadotrope idiopathique Récepteur de la GnRH
hypogonadotropes Déficit isolé en LH Sous-unité βde la LH
Déficit isolé en FSH Sous-unité βde la FSH
Hypoplasie congénitale des surrénales Dax-1
Obésité et hypogonadisme hypogonadotrope Leptine, récepteur de la leptine
Insuffisance antéhypophysaire Prop1, LHX-3
Syndrome de Charge ?
Syndrome de Laurence-Moon-Bardet-Biedl ?
Syndrome de Prader-Willi Délétion du chromosome 15
Dysplasie septo-optique ?
Retards Déficit de la synthèse des androgènes 3β-hydroxystéroïde
pubertaires déhydrogénase,
hypergonadotropes 17α-hydroxylase
Mutations du récepteur aux androgènes Récepteur aux androgènes
Syndrome de Klinefelter ?
Déficit en 5α-réductase 5α-réductase
Syndrome de Turner ?
Diverses anomalies chromosomiques ?
Puberté précoce :
- centrale Idiopathique et familiale
Anomalies du système nerveux central
- périphérique
Testotoxicose familiale
Syndrome de McCune-Albright
Hyperplasie des surrénales
Tableau I. Les pathologies génétiques de la puberté.