Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XVI - n° 10 - décembre 2012 - Vol. XVII - n° 1 - janvier 2013
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Cas clinique
Un impubérisme bien partiel…
A very partial impuberism
Julia Morera, Juliette Hardouin, Yves Reznik*
* Service d’endocrino-
logie-diabétologie, CHU
Côte-de-Nacre, Caen.
Observation
Monsieur L., 20 ans, est vu en consultation le 3 février
2010, à sa demande, pour une surcharge pondérale
d’apparition progressive depuis l’âge de 11 ans.
Il n’a aucun antécédent personnel ni familial et ne
prend aucun traitement. Il n’y a pas de surpoids chez
ses parents, ni chez ses frères et sœurs. L’interrogatoire
ne met pas en évidence d’erreurs alimentaires ni de
conduites compulsives.
À l’examen clinique, son poids est de 92 kg pour 1,82 m,
ce qui correspond à un indice de masse corporelle de
27,7 kg/m2. On note une macroskélie. Monsieur L.
chausse du 45, ses mains sont de taille normale.
Son père mesure 1,80 m pour 75 kg et sa mère 1,75 m
pour 60 kg.
On note une surcharge androïde, avec une circon-
férence abdominale de 106 cm. La tension artérielle
est normale, à 130/74 mmHg. Il n’y pas de signe cli-
nique évocateur d’hypothyroïdie ni d’hypercorticisme.
Le développement pubertaire est quasi normal, avec
un volume testiculaire à 15 ml (normale : 18 à 25 cm), et
des érections que le patient juge satisfaisantes, mais la
verge est de petite taille (4 cm) et la pilosité est incom-
plète, au stade P3. Il n’y a pas d’anosmie ni de syndrome
dysmorphique.
Sur le plan biologique, la numération-formule sanguine,
le ionogramme sanguin, la créatininémie, le bilan hépa-
tique et le bilan lipidique sont normaux. Il n’y a pas
d’anomalie du métabolisme glucidique. La ferritiné-
mie est normale, à 51 ng/ml, ainsi que le coeffi cient
de saturation, à 0,26.
En discordance avec le statut pubertaire clinique,
le taux de testostérone plasmatique totale est bas,
à 0,87 ng/ml (normale : 3-10), et les gonadotrophines ne
sont pas élevées : FSH à 1,38 mU/l et LH à 1,62 U/l. Trente
minutes après 100 μg LHRH en i.v., LH 14,5 mU/l et FSH
3,01 mU/l. L’analyse de la pulsatilité de la LH montre une
diminution de l’amplitude des pics (0,38 U/l chez notre
patient versus 2,4 ± 0,3 U/l chez les témoins étudiés).
Autres dosages : AMH 4,9 ng/ml (< 5,8), inhibine B
147 pg/ml (135-350), TSH 1,46 mU/l, T4 libre 9,5 pmol/l
(8-21), T3 libre 5,5 pmol/l (3,8-6,6), prolactine 7,89 ng/ml
et IGF1 434 ng/ml (175-495). GH sur 6 prélèvements
< 0,3 mU/l. Cortisol à 8 heures : 219 ng/ml (100-250),
15 ng/ml à 0 heure, ACTH 38 ng/ml (10-40). Cortisol
libre urinaire 70 μg/24 heures (< 100), cortisol après
freinage minute (1 mg dexaméthasone) : 10 ng/ml.
Le bilan hormonal conclut à un hypogonadisme hypo-
gonadotrope partiel et isolé. Le spermogramme n’est
pas disponible.
L’IRM hypophysaire met en évidence une hypophyse
bien visible et d’aspect normal. Il n’y a pas de déviation
de la tige pituitaire (fi gure 1).
Malgré le défi cit androgénique profond, la radiographie
du poignet gauche retrouve un âge osseux supérieur
à 13 ans, avec une quasi-soudure des cartilages de
conjugaison.
Devant ce tableau d’hypogonadisme hypogonadotrope
(HH) partiel sans étiologie tumorale ou infi ltrative à
l’IRM hypophysaire et sans anosmie ni syndrome dys-
morphique, une mutation du gène du récepteur de la
GnRH est recherchée. L’étude de ce gène met alors en
Figure 1. IRM hypophysaire : hypophyse de taille et de morphologie normales (séquence T2).