M
I S E A U P O I N T
La Lettre du Neurologue - n° 5 - vol. VIII - mai 2004
148
•Syndromes dépressifs et anxieux.
Inhabituels dans les mois qui suivent l’accident, ils émergent au
fur et à mesure de la prise de conscience du handicap et de ses
conséquences (fatigue, mise en échec). Un quart à la moitié des
TCG font alors une dépression majeure. Les circonstances de
l’accident (agression, deuil d’un proche) peuvent y contribuer. Le
risque de suicide est de 0,84 %, soit quatre fois plus que dans la
population du même âge. Il est corrélé à la sévérité du traumatisme.
•Troubles liés à des états de stress.
L’adaptation au stress est altérée : fatigabilité, aréaction, déstabi-
lisation ou opposition et agressivité.
•Symptômes psychotiques.
Ils sont assez rares. Il est souvent difficile de distinguer un
syndrome psycho-organique post-traumatique d’allure schizo-
phrénique de l’éclosion d’une schizophrénie (on discute alors
l’éventuel rôle déclenchant du traumatisme). Le concept de
schizophrénie post-traumatique reste débattu.
•Réaménagements psychologiques.
Dans sa relation à autrui, le patient extériorise les effets des ano-
malies neuropsychologiques et des réaménagements psycho-
logiques sur le cours de sa pensée, de son discours, de ses émotions.
La réduction de ses capacités d’autocritique et d’introspection
accroît les quiproquos et les conflits.
Un processus d’assimilation du handicap, long et difficile, mais
nécessaire pour la reconstruction de l’identité, s’ébauche alors.
L’analyse des motivations, des défenses et des conflits intrapsy-
chiques du patient est déterminante pour atténuer les troubles du
comportement et faire émerger un nouveau projet de vie réaliste.
La dimension psychosociologique
L’environnement conditionne l’expression du comportement.
L’épuisement de la famille, l’éclatement du couple, l’éloignement
des amis, contribuent à la pérennisation des troubles. À l’inverse,
un partenaire solide et attentif est un facteur de stabilisation.
Le TCG touche le plus souvent un adolescent ou un adulte jeune,
brisant son élan à l’âge de l’indépendance, du premier logement,
du premier emploi, du premier amour.
La procédure d’expertise et d’indemnisation est souvent un fac-
teur de majoration des troubles, le patient, victime, se percevant
parfois comme accusé.
Ces trois dimensions – neuropsychologique, psychopathologique
et sociale – interviennent systématiquement chez les TCG et
interfèrent entre elles.
ÉVALUATION
Méthode
L’évaluation comporte l’analyse des points suivants :
– les antécédents : psychiatriques personnels et familiaux, les
déficiences antérieures (physiques, sensorielles ou mentales), les
toxicomanies (alcool, tabac, cannabis) et les circonstances de
l’accident ;
– le mode de vie : le cursus professionnel, les activités, l’organi-
sation familiale et sociale, comparés avant et après l’accident, la
situation administrative, financière et juridique ;
– l’histoire des troubles du comportement : leurs conditions
d’apparition en fonction des événements (séparation, deuil, diff i-
cultés financières) et de l’environnement ;
– l’examen du comportement : il débute par le recueil des plaintes
de comportement du patient et surtout par le témoignage d’un
proche, indispensable du fait des troubles de l’autocritique du
patient. Le comportement actuel est-il différent du comportement
a n t é r i e u r ? Quelles sont les relations entre le sujet et son entou-
rage ?
L’on s’efforce ensuite de cerner le profil de comportement à
partir d’un entretien semi-structuré et d’une échelle de compor-
tement. La mieux validée et la plus utilisée pour les TCG est
l’échelle neurocomportementale révisée (NRS) qui regroupe des
troubles, affectifs et comportementaux, mais aussi cognitifs, qui
s’y intègrent et les conditionnent (4).
Nous proposons d’y adjoindre l’agressivité, les conduites addic-
tives, les troubles sexuels, du sommeil et de la faim, et le reten-
tissement familial.
Les perturbations les plus fréquentes peuvent être regroupées en
quatre catégories : les symptômes déficitaires (défaut d’initiative,
désintérêt), les symptômes “productifs” (défaut de contrôle émo-
tionnel, irritabilité, désinhibition, agitation) – en sachant qu’un
TCG peut, au cours d’une même journée, passer de l’apathie à
l’agressivité –, les comportements à composante somatique
(plaintes, conduites addictives, troubles sexuels) et les troubles
a ffectifs (dépression, anxiété) ; l’ensemble de ces catégories
retentit sur l’entourage.
Enfin, un entretien psychologique permet de mieux identifier, en
référence à la CIM10, les syndromes psychopathologiques.
L’examen physique neurologique et extra-neurologique est
essentiel pour évaluer les déficiences et incapacités physiques et
1 Diminution de la vigilance 16 Sentiment de culpabilité
2 Hyperactivité, agitation 17 Labilité de l’humeur
3 Désorientation 18 Diminution de l’affectivité
4 Troubles de l’attention 19 Irritabilité
5 Baisse d’articulation 20 Désinhibition
6 Troubles de l’expression orale 21 Excitation
7 Trouble de la compréhension orale 22 Hostilité
8 Troubles de la mémoire 23 Méfiance
9 Ralentissement moteur 24 Repli sur soi
10 Préoccupations somatiques exagérées 25 Désorganisation des concepts
11 Troubles de l’autocritique 26 Troubles de la flexibilité de la pensée
12 Hallucinations 27 Troubles de la capacité de planification
13 Contenu de pensée inhabituel 28 Diminution de l’initiative et de la motivation
14 Anxiété 29 Fatigabilité mentale
15 Humeur dépressive
Tableau II. Échelle neurocomportementale révisée en 4 degrés (absent,
discret, moyen, sévère).