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PATHOLOGIE DU FOIE
ET
DES VOIES BILIAIRES
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HEPATITES VIRALES
Jean-Pierre Vinel
L'hépatite est définie par une inflammation du parenchyme hépatique, associée à
une nécrose plus ou moins étendue des hépatocytes.
1)- FORMES CLINIQUES :
1-1 Hépatite aiguë :
a- phase prodromique :
Elle associe : anorexie, asthénie, fébricule, myalgies, arthralgies, céphalées, plus rarement
urticaire... faisant évoquer un syndrome grippal.
b- phase d'état:
Il en existe trois formes principales :
hépatite ictérique :
L'asthénie persiste, la fièvre disparaît et après 5 à 7 jours, apparaît un ictère cutanéo-muqueux,
parfois associé à un prurit. C'est un ictère cholestatique comme en témoignent les urines foncées
et, s'il est très intense, les selles décolorées.
L'examen clinique est assez pauvre, notant parfois une hépatomégalie mousse, sensible liée à la
cholestase, et/ou une splénomégalie.
La biologie montre :
une cytolyse dominant sur les ALT qui sont très élevées (50 à plus de 100 fois la
normale). Il n'y a aucune relation entre l'importance du taux des transaminases et le
pronostic.
une cholestase, associant élévation de la bilirubine à prédominance directe, des
phosphatases alcalines et des gamma-GT.
à la formule numération, une neutropénie est fréquente.
Parfois, la cholestase devient prédominante : la cytolyse diminue mais l'ictère s'intensifie. On
parle alors d'hépatite cholestatique. Cette forme peut simuler une rétention extra-hépatique et il
peut être nécessaire de vérifier la vacuité des voies biliaires par écho-endoscopie. La guérison est
souvent plus lente que dans les autres formes (3 à 4 mois).
- Hépatite anictérique :
C'est en fait la forme la plus fréquente (90% en moyenne), et d'autant plus que le patient est plus
jeune. Dans ces conditions, le plus souvent, le diagnostic n'est pas fait, à moins qu'un bilan
biologique soit demandé et trouve une cytolyse hépatique importante.
- Hépatite fulminante :
Elle évolue en quelques jours (hépatite fulminante) ou quelques semaines (hépatite
subfulminante) vers l'insuffisance hépato-cellulaire avec chute du taux de prothrombine, plus
particulièrement du facteur V, et apparition de signes d'encéphalopathie hépatique. En l'absence
de transplantation hépatique, la mortalité est de 50% à 90%, selon l'étiologie. En cas de guérison
spontanée, le foie régénère et il n'y a aucune séquelle.
Cette forme très rare (1/1000 formes ictériques) justifie par sa gravité la surveillance
systématique de l'état de conscience et du TP toutes les semaines, au cours de toute hépatite
cytolytique.
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c- évolution :
Elle se fait le plus souvent spontanément vers la guérison en 3 à 4 semaines. La guérison est
affirmée par :
la normalisation des paramètres du bilan hépatique
l'apparition de marqueurs viraux spécifiques.
La guérison d'une hépatite aiguë s'accompagne d'une restitutio ad integrum au niveau
histologique.
1-2- Hépatite Chronique :
Elle est définie par la persistance d'une élévation des transaminases plus de 6 mois après le début
de la maladie. Elle peut succéder à une hépatite aiguë, mais plus souvent, la phase aiguë est
passée inaperçue et la maladie est découverte chez un patient qui se plaint d'asthénie, ou à
l'occasion d'un bilan systématique (bilan « sécurité sociale », don de sang, visite d'embauche...).
Elle est le plus souvent pauci-symptomatique et les signes, dominés par l'asthénie, ne sont pas
spécifiques. L'examen est le plus souvent normal.
Le bilan biologique constate :
une cytolyse, beaucoup moins importante que dans la phase aiguë (2 à 5 fois la
normale), prédominant sur l'ALT
souvent accompagnée d'une cholestase anictérique : augmentation modérée des
phosphatases alcalines et de la GGT, tandis que la bilirubine est normale
une hypergammablobulinémie à l'électrophorèse des protides.
Éventuellement des signes d'insuffisance hépato-cellulaire : diminution du TP
et de l'albuminémie.
La biopsie du foie montre :
une nécrose des hépatocytes, dans le lobule et surtout au pourtour de l'espace
porte (nécrose parcellaire ou piece-meal necrosis)
un infiltrat lympho-plasmocytaire dominant dans l'espace porte
une fibrose plus ou moins extensive.
La gravité de ces lésions est classée selon 2 scores :
score de Knodell, qui évolue de 0 à 22 remplacé par :
score Métavir qui distingue l'activité (cotée de 0 à 3) et la fibrose (de 0 à 4, 4
signifiant la présence d'une cirrhose).
Dans le cadre de l’hépatite chronique C, des tests indirects sont actuellement de plus en plus
utilisés :
- test sanguin actitest-fibrotest évaluant Activité et fibrose
- le fibroscan analysant la fibrose par mesure transpariétale de l’élasticité hépatique
Cette forme peut évoluer vers la cirrhose :
d'abord compensée
puis décompensée.
La cirrhose se complique de carcinome hépato-cellulaire chez 3% à 4% des patients, par an. Les
hépatites chroniques d'origine virale peuvent se compliquer de carcinome hépato-cellulaire en
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l'absence de cirrhose constituée.
2)- DIAGNOSTIC POSITIF :
Il est en règle facile devant :
une notion de contage que devra rechercher l'interrogatoire,
l'existence d'un syndrome grippal précessif
le syndrome biologique de cytolyse
la présence de marqueurs viraux
3)- DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL :
3-1- Principales causes non-virales d'hépatites cytolytiques :
a- La stéato-hépatite non alcoolique (ou NASH pour Non Alcoholic Steato Hepatitis) :
C'est probablement à l'heure actuelle dans les pays occidentaux, la cause principale
d'augmentation des transaminases. Dans la majorité des cas, l'affection est totalement
asymptomatique et découverte fortuitement à l'occasion d'un bilan biologique. Les perturbations
biologiques associent :
une augmentation de la GGT, tandis que les autres éléments du syndrome
biologique de cholestase restent normaux. Cette anomalie peut être isolée.
une cytolyse modérée (< 5 N) prédominant sur l'ALT.
Si une biopsie hépatique est faite, elle trouve des lésions similaires à celles de l'hépatite
alcoolique.
Le diagnostic est évoqué par le contexte de surpoids, de dyslipidémie (hypercholestérolémie et/ou
hypertriglycéridémie), et/ou de diabète.
Dans 10% des cas environ, l'évolution se fait vers la constitution d'une cirrhose.
Le traitement repose sur des prescriptions hygiéno-diététiques, le traitement du diabète et/ou des
anomalies lipidiques.
b- médicaments :
Beaucoup de molécules sont susceptibles d'être à l'origine d'une hépatite cytolytique ou
cholestatique, dont l'origine peut être immuno-allergique (halothane) ou toxique directe
(paracétamol). Le diagnostic repose exclusivement sur l'interrogatoire ; le traitement sur l'arrêt du
produit incriminé ou simplement suspect.
Cette toxicité potentielle de nombreux médicaments, conduit à contre-indiquer toute molécule
non strictement indispensable, chez un patient porteur d'une hépatite quelle qu'en soit l'étiologie.
c- toxiques :
industriels (solvants tels le trichloréthylène) ou non (amanite phalloïde).
d- ischémie hépatique :
telle qu'on l'observe dans le « coup de chaleur », lors de chocs de toutes causes, d'insuffisance
cardiaque droite ou de syndrome de Budd-Chiari aigu. La cytolyse est caractérisée par :
une augmentation inhabituellement importante des transaminases (5 000
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à 10 000 unités)
une AST supérieure à l'ALT.
e- hépatites auto-immunes :
Elles ont une présentation clinique très proche des hépatites virales, avec des formes aiguës
cytolytiques ou cholestatiques; des formes chroniques et une évolution rapide vers la cirrhose en
l'absence de traitement. Les éléments évocateurs du diagnostic sont :
une prédominance féminine
une hypergammablobulinémie importante (souvent > 25 g/l)
d'autres manifestations auto-immunes associées (dysthyroïdie, diabète...) avec
souvent un contexte familial
la présence d'auto-anticorps anti-muscle lisse et/ou anti-nucléaires (hépatites de
type 1) ou d'auto-anticorps anti-réticulum endoplasmique lisse (ou LKM1)
(hépatites de type 2) ou encore anti-SLA (Soluble Liver Antigen) (hépatite de
type 3).
Le traitement repose sur les corticoïdes généralement associés à l'azathioprine (Imurel®
2- autres causes :
Maladie de Wilson, dont une hépatite cytolytique aiguë peut être une forme de
début
déficit en alpha1 anti-trypsine
hépatite radique
parasitoses
4)- DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE (cf tableaux 1 et 2):
De nombreux virus peuvent être la cause d'un hépatite. On peut les classer en trois
catégories :
virus exotiques: fièvre jaune, fièvre de Lhassa, fièvre Ebola...
virus banaux où l'atteint hépatique est habituellement contingente : virus
Epstein Barr (mononucléose infectieuse), cytomégalovirus, Herpes Simplex,
certains adénovirus et paramyxovirus...
virus « alphabétiques », plus particulièrement hépatotropes : A, B, C, D et E (cf
tableau 1)
4-1- Hépatite virale A :
a- épidémiologie :
La contamination se fait par voie oro-fécale. On distingue 3 grands schémas
épidémiologiques :
pays à niveau d'hygiène faible : le contage se fait le plus souvent dans l'enfance,
la maladie est asymptomatique et plus de 80% des adultes sont immunisés
pays à niveau intermédiaire : la contamination est moins générale et plus
tardive ; de ce fait de grandes épidémies sont possibles
pays à niveau d'hygiène élevé. En France en 1978, 50% des appelés au service
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