69. L’oracle de Delphes – l’unité malgré les contraires Revenons à la mythologie grecque. On lit au-dessus du temple apollinien de Delphes « Connais-toi toi-même ». Apollon est le Dieu de l’ordre et de la clarté. Sa musique est enchantement, mise en ordre, mais non ravissement des sens. Archer, il préfère l’écart à la proximité. Bien que seigneur oraculaire, il attribue son don prophétique à son père, Zeus. Il est le dieu qui guérit les âmes et qui purifie les corps. Pour Mircea Eliade, Apollon révèle aux mortels le chemin qui conduit de la « vision » divinatoire à la pensée ; l’élément démoniaque que comporte toute science de l’occulte est effacé ; la gaieté apollinienne devient pour les Grecs l’emblème de la perfection spirituelle, et par là de l’esprit. Or, pendant les trois mois hivernaux, Apollon étant absent, c’est Dionysos qui règne sur l’oracle. Dionysos est le Dieu du renouveau, mais aussi dieu chtonien familier des Enfers, de l’extase et des mystères sacrés, des défoulements et des errances. Ainsi opèrent alternativement sur le même lieu de culte deux fils de Zeus diamétralement opposés. Pour Helmut Barz, il est ainsi explicité avec une clarté inégalée ce que doit apprendre celui qui veut se connaître soi-même et entendre la parole des dieux, « la réconciliation des contraires qui ne génère pas le repos mais au contraire le mouvement ». Le Christ nous demande d’aimer nos ennemis, de donner aux pauvres au lieu d’amasser, de pardonner à nos prochains et de ne pas être vindicatif. Le Christ relie les extrêmes, abolit les contraires, nous montre la voie du retour à l’unité. Conscient de ses limites, l’homme essaie de se référer à un être supérieur, à un pouvoir qui le dépasse. La pratique de ce type de religiosité prend des formes diverses selon que s’exprime le moi égotique ou le moi en quête de réalisation. Deux possibilités de vivre le divin existent et s’opposent. Le Dieu qui est aux Cieux est soumission, dépendance et impuissance. La foi en la grâce divine et l’espérance de la résurrection donnent du courage et de l’endurance. C’est la foi prêchée par l’Église catholique : l’Église est la médiatrice de Dieu, ses sacrements remettent les péchés, sanctifient le mariage et incitent à lutter pour sa foi. La messe et la communion sont « sanctifiées ». Vouloir se connaître, c’est ressentir le besoin de se rapprocher de ce qui est dans ce soi, de le laisser émerger, de mieux le voir pour mieux s’y conformer. La connaissance de soi dans sa forme la plus élevée est la conviction que la réalisation de soi est une réalisation du divin, écrit Helmut Barz. La thèse du « Dieu en moi » recèle peut-être le risque de l’arrogance, de l’orgueil, voir de l’hybris si elle alimente l’égocentrisme. Dieu n’est plus distant, ni hors de portée, ni au ciel : tout homme est porteur d’un noyau divin.