plus dynamiques qui les éloignent de la zone de confort à laquelle ils sont
traditionnellement habitués.
9
Pour les juges en particulier, la médiation les rapproche des parties dans un
espace de proximité propice au dialogue utile. De ce fait, le juge médiateur
exerce un rôle beaucoup plus actif que son rôle de décideur qui est, par
essence, réactif. Par définition, le processus de médiation amène les juges à se
rapprocher davantage des parties au litige et de leurs avocats ce qu’ils ne
feraient pas dans le processus décisionnel. De plus, ce lien s’établit dans un
environnement contextuel où les règles de conduite et les frontières
d’intervention ne sont pas expressément définies.
10
Les rencontres en caucus,
les discussions privées avec une seule des parties, le dévoilement d’informations
confidentielles, les échanges téléphoniques et les courriels initiés par les parties
sont susceptibles de faire naître des dilemmes éthiques tant pour le juge
médiateur que pour les avocats.
11
Le contexte législativement défini du système judiciaire classique procure,
en apparence, une protection éthique étanche. Pourtant, il est intéressant de
constater que les juges médiateurs sont très rarement interpellés en déontologie
judiciaire. Depuis 1997, aucun juge médiateur au Québec n’a fait l’objet d’une
sanction pour manquement aux principes généraux de déontologie qui les
régissent. Pourquoi? La souplesse et la vitalité qui caractérisent l’intervention
en médiation ne pouvaient s’accommoder de règles éthiques rigides et
immuables. Voilà pourquoi la médiation judicaire s’est développée à l’aube
d’une politique sophistiquée de vigilance éthique qui garde le processus sous le
contrôle étroit du juge médiateur. Celui-ci protège l’intégrité du système
médiationnel en veillant sur le respect de trois principes éthiques
fondamentaux: la confidentialité, l’autodétermination ou autonomie des parties
et l’équité du processus.
De plus, au Canada, la formation et l’entrainement des juges médiateurs
passent par la mise en situation des dilemmes éthiques. Simulation et
démonstration des impasses éthiques font partie du contenu pédagogique des
juges médiateurs. Ainsi l’autorégulation par les forces internes qui interagissent
9L. OTIS, « La justice conciliationnelle: l’envers du lent droit » 3 Éthique Publique: Revue
internationale d’éthique sociétale et gouvernementale, 2001, p. 63.
10 Voir R. A. BARUCH BUSH, « A Study of Ethical Dilemmas and Policy Implications » Disp.
Resol. 1994; K.K. KOVACH, « The Intersection (Collision) of Ethics, Law, and Dispute
Resolution: Clashes, Crashes, No Stops,Yields, or Rights of Way » 49 S. Tex. L. Rev., 2008, p.
789-827.
11 Sur les juges médiateurs, voir J. C. CRASTLEY, « Judicial Ethics and Judicial Settlement Process:
Time for Two Strangers to Meet» 21 Ohio St. J. on Disp. Resol.2006, p. 569; S. S. SHWEDER, «
Judicial Limitations in ADR:The Role and Ethics of Judges Encouraging Settlements »20 Geo. J.
Legal Ethics 51, 2007. G. W. ADAMS, Mediating Justice: Legal Dispute Negotiations, Toronto, CCH
Canadian, 2003, p. 183-184. Sur les non-juges, voir M. MOFFITT, « Suing Mediators » 83 B.U.
L. Rev. 147, 2003; M. MOFFITT, « Ten Ways to Get Sued:A Guide for Mediators » 8 Harv. Negot.
L. Rev. 81, 2003.
LOUISE OTIS & CATHERINE ROUSSEAU-SAINE
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