Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°78 - novembre 1999
LE POINT SUR...
Les essais vaccinaux en France
Isabelle Célérier
(Pistes)
Il existe schématiquement trois types d’essais s’échelonnant de
la phase I à la phase III. Chaque phase est engagée en fonction
du degré d’avancement du produit testé.
Dits de phase I et II, les essais les plus proches du stade de la
recherche fondamentale sont menés sur des groupes de
personnes plus ou moins importants afin d’évaluer la capacité de
l’organisme à produire une réponse immunitaire. Ces essais
permettent d’évaluer les qualités des candidats vaccins, de
comprendre les mécanismes mis en œuvre et de mettre au point
de nouvelles préparations.
Depuis 1992, dix essais de phase I-II ont été réalisés par l’ANRS
dans trois centres: Cochin, Pasteur et Rothschild.
C’est seulement quand un essai de phase I-II aura montré qu’un
produit induit des réponses immunitaires fortes que l’efficacité
pourra en être testée lors d’un essai de phase III mené sur
plusieurs milliers de personnes appartenant à des groupes
exposés aux risques de contamination.
Plusieurs techniques permettent en théorie de fabriquer un
vaccin: la destruction du pouvoir infectieux de l’agent pathogène
par un traitement chimique ou physique (vaccins tués comme le
vaccin contre la coqueluche ou contre le choléra); l’utilisation
d’un " mutant " dont la plupart des gènes sont conservés mais
dont un ou plusieurs d’entre eux sont détruits ou mutés (vaccins
vivants atténués comme le BCG ou les vaccins contre la fièvre
jaune et la poliomyélite); enfin, l’utilisation d’agents pathogènes
pour certaines espèces animales mais qui ne présentent pas de
danger pour l’homme et qui sont susceptibles d’induire une
réponse immunitaire chez ce dernier comme, par exemple
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l’injection à l’homme d’un virus spécifique à la vache, la
vaccine, protégeant contre la variole.
Stratégies vaccinales actuelles
L’utilisation du virus lui-même n’étant pas envisageable, même
tué ou atténué, les chercheurs recourent à de nouvelles
technologies et les stratégies utilisées visent principalement à
induire les deux composantes de la réponse immunitaire face à
l’infection: la réponse humorale et la réponse cellulaire.
La réponse immunitaire humorale, dite " immunité stérilisante ",
vise à détruire l’agent pathogène avant qu’il n’infecte les
cellules de l’organisme tandis que la réponse immunitaire
cellulaire (CTL) consiste à produire des cellules (les
lymphocytes T) dont l’un des rôles est de détruire les cellules
infectées par l’agent pathogène avant qu’elles ne fabriquent du
virus.
Plusieurs stratégies sont actuellement à l’étude pour induire une
bonne réponse cellulaire en utilisant, seuls ou en association, les
virus recombinants, les lipopeptides et l’ADN nu.
Résultats
Actuellement, on sait induire la production d’anticorps par
l’administration de protéines entières ou de fractions de
protéines du VIH. La production d’anticorps dirigés contre le
virus est d’une ampleur variable selon les essais. Dans certains
cas, tous les volontaires ont produit des anticorps mais en faible
quantité et le problème tient surtout au fait que ces anticorps ne
neutralisent qu’un petit nombre de variants. Seuls des virus
particuliers, analogues à ceux que l’on a longtemps eu en
laboratoires sont donc neutralisés alors que les isolats
" sauvages " qui circulent chez les sujets infectés résistent à la
neutralisation.
On tente actuellement d’améliorer ces résultats en utilisant
divers procédés comme par exemple l’utilisation de protéines de
surface du virus sous leur forme naturelle.
La réponse immunitaire cellulaire (CTL)
La façon naturelle d’induire une réponse CTL est de produire
certaines protéines du VIH au sein même de certaines cellules
des personnes vaccinées. Il faut donc introduire dans ces cellules
les gènes qui dirigeront la synthèse des protéines désirées.
Pour ce faire, les chercheurs utilisent un vecteur, généralement
un virus inoffensif pour l’homme appelé virus recombinant (car
produit par génie génétique):. le virus le plus employé
actuellement dans les essais de vaccins contre le sida est le
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canarypox. On insère un ou plusieurs gènes du VIH dans ce
vecteur qui une fois injecté dans l’organisme pénètre dans les
cellules où les gènes qu’il transporte produisent des protéines du
VIH. Ces protéines sont des cibles des CTL et sont donc
susceptibles de les stimuler. Des essais vaccinaux utilisant une
telle technique ont permis d’induire des CTL chez environ un
tiers des personnes vaccinées. Ces CTL subsistent, dans certains
cas, après plusieurs années.
Une autre façon d’induire une réponse immunitaire est
d’introduire directement dans les cellules des peptides qui sont
identiques aux parties des diverses protéines du virus reconnues
par les CTL. Afin de faciliter leur pénétration, on greffe à ces
peptides des lipides pour en faire des lipopeptides. Cette dernière
méthode, aux premiers résultats encourageants, est
particulièrement explorée par la recherche française.
D’autres méthodes sont également testées, en particulier celle de
l’" ADN nu " qui consiste à injecter directement un ou plusieurs
gènes du VIH.
Les objectifs des essais vaccinaux envisagés par l’ANRS
Evaluer la réponse cellulaire avec une nouvelle combinaison de
vecteurs vaccinaux grâce à des préparations associant des
nouveaux vecteurs viraux recombinants de type vaccine, et des
lipopeptides.
Explorer l’immunité muqueuse, qui pourrait créer une barrière
locale contre le VIH, en inoculant un vecteur original (ni viral,
ni bactérien) dans lequel on aura inséré une protéine de
l’enveloppe virale. Ce vecteur sera inoculé par voie nasale et
éventuellement vaginale. Cette préparation a déjà donné des
résultats très encourageants chez des modèles animaux.
Inoculer des lipopeptides afin d’accroître les connaissances sur
la mémoire immunitaire, un critère essentiel d’efficacité d’une
vaccination. Elle est encore très mal connue dans les domaine du
VIH et particulièrement en ce qui concerne la vitesse de
développement de la réponse immunitaire lors d’une nouvelle
rencontre avec l’antigène vaccinant.
Evaluer les réactions croisées en immunité cellulaire en
inoculant des préparations vaccinales associant des virus
recombinants qui incluent des antigènes de deux clades
(sous-familles) différentes, le clade B (circulant dans les pays
occidentaux) et le clade A (dans les pays africains), en
association avec des lipopeptides. - Isabelle Célérier
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