b r è v e3
.Des résistances
chez les primo-infectés
Une étude sur la fréquence
des mutations de résistance
aux antirétroviraux chez des
patients en primo-infection
par le VIH est menée
en France depuis 1999.
«2 4 2 patients ont été inclus,
121 en 1999 et 121 en 2000,
pour moitié en Ile-de-France
et pour moitié dans les
autres régions françaises» ,
précise le docteur Marie-
Laure Chaix-Baudier
(service de bactériologie-
virologie, hôpital Necker
à Paris), coordonnatrice
de cette étude. Au total,
1 0 % des patients avaient
un virus présentant
au moins une mutation
majeure à un antirétroviral
d’une des trois classes
existantes. 7 % avaient
un virus résistant à
au moins un inhibiteur
nucléosidique
de la transcriptase inverse ;
4 % avaient un virus
résistant à au moins
un inhibiteur non nucléosi-
dique de la transcriptase
inverse, et 4,5 % un virus
résistant à au moins
un inhibiteur de protéase.
En 2000, trois patients
sur 121 avaient un virus
multirésistant aux trois
classes d’antirétroviraux.
S o u r c e: N u t r i t i o n2 0 0 1; 74:852-61.
É T U D E S
. A fin doptimiser les effets des traitements antiviraux,une alimentation équili-
b r é eest indispensable pour un bon fonctionnement du système immunitaire
Nutrition et immunité:
Vous êtes ce que vous mangez
Dans la lutte contre le VIH, les médicaments ne suffisent pas. Les vitamines
et nutriments indispensables, même s’ils n’ont pas d’action antivirale, aident
l’organisme à lutter contre l’infection.
I N F O T R A I T E M E N T S N ° 1 0 0 M A I 2 0 0 2
88
Les personnes vivant
avec le VIH ont fré-
quemment recours aux
compléments nutrition-
nels, sans pour autant
que la recherche ait montré leur uti-
lité et confirmé la posologie. Les nu-
triments peuvent directement in-
fluencer la capacité du sysme
immunitaire à lutter contre l’infec-
tion. Par exemple, le développement
des mycobactéries (Mycobacterium
avium complex ou MAC( 1 )) dans les
macrophages des patients infectés par
le VIH est freinée par la supplémen-
tation en vitamine D. Cet article pas-
sera brièvement en revue les micro-
substances nutritives choisies et leurs
fonctions connues dans un système
immunitaire complexe.
Malnutrition et fonction
i m m u n i t a i r e
Il est connu depuis longtemps que des
individus sous-alimentés ont un
risque plus éle de contracter des
maladies infectieuses en raison d’une
réaction immunitaire inadéquate.
Dans ce contexte, l’infection aggrave
l’état nutritionnel en détériorant en-
core plus l’état du sysme immuni-
taire. Il s’agit donc dun cercle vicieux.
Les conséquences de certaines mala-
dies infectieuses, y compris le VIH et
la tuberculose, sont d’autant plus -
joratives lorsque lhôte est nutri. La
malnutrition protéinique a un effet
négatif sur les divers composants du
système immunitaire. Les études ont
montré une baisse de fonction des
organes du sysme immunitaire
(thymus, rate, ganglions lympha-
tiques) chez les personnes dénu-
tries, notamment celle faisant inter-
venir les lymphocytes B( 2 ). En effet, le
nombre de ceux-ci est diminué, et leur
capacité à produire des anticorps
aussi. Il en est de me pour la ré-
ponse immunitaire faisant intervenir
les lymphocytes T( 3 ). Les personnes
sous-alimentées ont un taux de CD4
et de CD8 diminué et ces cellules ont
moins de capacité à se multiplier et à
répondre aux agressions (virus…).
Les fonctions des cytokines( 4 ), agis-
sant comme des messagers cellu-
laires, sont altérées chez ces pa-
tients. Lapport calorique et
protéinique est essentiel pour les
personnes vivant avec le VIH/sida
pour velopper une réaction immu-
nitaire aussi efficace que possible afin
d’éviter d’éventuelles infections op-
p o r t u n i s t e s .
Vitamines et immunité
Des études diverses ont mis en évi-
dence chez les personnes vivant
avec le VIH/sida des concentrations
sanguines faibles de certaines vita-
mines, en particulier des vitamines A,
B6, B12, C, E et en folates. Le ficit en
vitamine A détériore la fonction des
cellules épithéliales( 5 ), essentielle dans
le maintien de la structure des tissus.
De cette me vitamine A dépendent
la production des lymphocytes B( 2 ) e t
T( 3 ). Il a é démont que les niveaux
sanguins en vitamine A sont abais-
sés chez les personnes infeces par le
VIH/sida par rapport aux individus
sains, aussi bien dans les pays en voie
de développement que dans les pays
veloppés. Cest particulièrement
vrai chez les séropositifs ayant ve-
lopune infection opportuniste ou
un cancer.
La vitamine C est indispensable pour
la synthèse de collagène( 6 ), la phago-
c y t o s e( 7 ) et la capacides lympho-
cytes B et T à fonctionner correcte-
ment. Peu d’études cliniques ont été
conduites pour déterminer l’utilité
d’apport de vitamine C dans le
VIH/sida. Une petite étude sur huit
personnes a montré une augmenta-
tion des CD4 et une baisse de la charge
virale après six jours de coadminis-
tration de vitamine C à forte dose
( 3 grammes toutes les 6 heures) et de
N-acetylcysteine (NAC). Dans l’orga-
nisme, la NAC peut se transformer
en glutathion (une enzyme anti-oxy-
dante), qui protège les cellules
contre une destruction précoce. Ce-
pendant, certaines études ont mont
que les fortes doses de vitamine C
pourraient en réalité accélérer la pro-
gression de l’infection, donc il n’est
pas possible actuellement de recom-
mander de manière générale un ap-
port massif en vitamine C.
Le déficit en vitamine B6 semble être
répandu dans l’infection à VIH. Il a été
montré que l’apport en vitamine
B12 aliore le taux des cellules T et
l’activité des cellules NK( 8 )chez les pa-
tients présentant une carence de cette
1 .M A C . Genre bactérien “atypique” de la famille des
mycobacteriacaœ, dont les bacilles sont acido-résistants.
2 .Cellule B ou Lymphocyte B ou bursodépendant.Petit
lymphocyte, agent de l’immunité humorale, sécréteur
des immunoglobulines.
3 .Cellule T ou Lymphocyte T ou thymodépendant.Petit
lymphocyte, qui, grâce à l’action cellulaire et humorale
du thymus, a acquis une immunocompétence particulière.
4 .C y t o k i n e . Molécule secrétée par les lymphocytes (globules
blancs intervenant dans l’immunité cellulaire) et les
macrophages (cellules de défense de l’organisme chargées
d’absorber des particules étrangères) et impliquée dans le
développement et la régulation des réponses immunitaires.
5 .Cellules épithéliales.Cellules des tissus qui recouvrent
les surfaces de l’organisme.
6 .C o l l a g è n e . Protéine la plus abondante du corps humain,
Les individus sous-alimentés ont
un risque plus élevé de contracter
des maladies infectieuses en raison
dune réaction immunitaire inadéquate.
9
b r è v e4
.On pourrait sauver
onze millions d’enfants
par an
Onze millions d’enfants,
dont huit millions
de nourrissons, meurent
chaque année de maladies
faciles à éviter ou à traiter.
Le Fonds des Nations unies
pour l’enfance (Unicef)
et l’Organisation mondiale
de la santé (OMS)ont lancé
une campagne mondiale
pour diminuer
cette hécatombe.
La pneumonie, la diarrhée,
le paludisme, la rougeole,
le sida et la malnutrition
sont les causes de mortalité
les plus fréquentes, ont
souligné l’Unicef et l’OMS.
Selon elles, 60 % de tous
les décès d’enfants sont liés
à la malnutrition.
Les agences de l’ONU ont
édité une série de recom-
mandations simples,
“Savoir pour sauver”,
sur la maternité sans
risques, l’allaitement
maternel, le développement
de l’enfant, les maladies les
plus fréquentes. L’objectif
est de donner aux familles
les moyens de se prendre
en charge.
L’Unicef souligne qu’on
peut traiter la pneumonie
avec des antibiotiques à bon
marché, la diarrhée avec des
sels de réhydratation orale
pour un coût modique
de 0,40 euro par traitement.
On peut éviter la rougeole
grâce à un vaccin qui
revient à 0,30 euro la dose.
Si tous les enfants de moins
d’un an étaient vaccinés
contre la rougeole, plus
de 600 0 0 0 décès pourraient
être évités dans le monde.
Moyennant la prophylaxie
contre le paludisme, des
moustiquaires imprégnées
d’insecticide et la mise à
disposition d’un traitement
à domicile, on pourrait
sauver les 900 0 0 0 e n f a n t s
qui succombent chaque
année au paludisme.
I N F O T R A I T E M E N T S N ° 1 0 0 M A I 2 0 0 2
1. .h t t p : / / w w w . t h o r n e . c o m / a l t
m e d r e v / . f u l l t e x t / h i v 4 - 6 . h t m l
.h t t p : / / w w w . t h o r n e . c o m /
a l t m e d r e v / . f u l l t e x t / 5 - 1 . h t m l
.h t t p : / / w w w . t h o r n e . c o m / a l t
m e d r e v / . f u l l t e x t / 5 / 4 / 2 9 0 . h t m l
vitamine. La vitamine B12 et les fo-
lates sont tous deux impliqués dans
la production de mariel nétique.
Les manques en vitamine B6 peuvent
survenir suite à l’administration de
certains médicaments, tel que l’iso-
niazide (pour la tuberculose). Elle
semble affecter la fonctionnalides
lymphocytes T et la capacité des cel-
lules NK à truire les agents infec-
tieux chez les ropositifs au VIH. Les
carences en vitamine B6 ont aussi é
associées à un risque accru de cer-
tains cancers.
La vitamine E joue un rôle clé en
tant qu’antioxydant dans les mem-
branes cellulaires. Cela lui vaut d’être
considérée comme un nutriment
antiviral”, me s’il s’agit d’un ré-
sultat in vitro, et non clinique. L’ap-
port combi en vitamines E et A
chez les animaux a démontré une
amélioration de la fonction des neu-
t r o p h i l e s ( 9 ) à détruire les agents infec-
tieux. Le déficit en vitamine E est ra-
rement constaté, bien que des
concentrations sanguines basses
aient été observées chez des per-
sonnes vivant avec le VIH.
Minéraux et immuni
Les résultats d’études concernant
les oligo-éléments dans l’infection à
VIH sont souvent contradictoires.
Parmi elles, certaines constatent
que le zinc, le lénium et le magné-
sium sont diminués. On a même
mont quune faible baisse du zinc
pouvait réduire la production et l’ac-
tivité du thymus( 1 0 ), entraîner une
baisse des CD4, nuire à la fonction
des cellules T, des cellules NK et des
neutrophiles, accentuer la mort des
cellules, tériorer la capacité des cel-
lules à tuer les agents infectieux, et
ner la production de cytokines.
Une augmentation des cellules im-
munitaires a été observée lors de la
supplémentation par le zinc et par la
vitamine A. Cependant, celle-ci est
controversée, puisque le niveau
sanguin de zinc chez une personne
infectée ne reflète pas de façon pré-
cise la quantité globale de celui-ci
stoce dans lorganisme. En outre, à
cause des interactions complexes
entre les nutriments dans l’orga-
nisme, la consommation excessive
de zinc peut interrer avec l’ab-
sorption de cuivre.
Le le du magnésium dans le sys-
me immunitaire est loin dêtre
c l a i r ; cependant, des niveaux de ma-
gnésium bas sont fréquemment re-
trous chez les séropositifs au VIH.
La complémentation par le fer n’est
pas recommandée chez les per-
sonnes présentant une pathologie vi-
rale (VIH, virus de l’hépatite C)
puisqu’elle favorise la prolifération
de nombreux agents infectieux.
Le lénium est un antioxydant cel-
lulaire important. La cience en sé-
lénium permet la prolifération de
nombreux virus. Chez l’animal, un
déficit en sélénium et en cuivre ou
en fer diminue la fonctionnalité des
neutrophiles et l’élimination des
agents infectieux. L’apport en sélé-
nium pourrait s’avérer protecteur
contre les pathologies cancéreuses.
La suppmentation en sélénium blo-
querait la réplication virale de VIH
dans les lymphocytes T et diminue-
rait la production des cytokines pro-
i n flammatoires. Certaines études ont
évoqué un lien entre la ficience en
lénium et la progression de l’in-
fection à VIH, plus que pour tout
autre nutriment.
Autres substances nutritives
et immunité
Certains acides gras( 1 1 ) (oméga 3 ou
n-3), normalement trouvés dans des
huiles de poisson, ont un effet sur la
fonction immunitaire, particulière-
ment deux acides gras, l’EPA (acide
eicosapentanoïque) et le DHA
(acide docosahexanoïque), qui dimi-
nuent l’inflammation en modulant la
production des cytokines par les lym-
phocytes T. L’acide alpha-lipoique,
un antioxydant qui a été beaucoup
étudié dans linfection à VIH,
semble être capable de régénérer les
vitamines C et E, augmentant leur
effet antioxydant. Des acides aminés,
particulièrement la glutamine et
l’arginine, jouent un rôle important
dans l’immuni. La glutamine est
impliquée dans la structure de la
paroi intestinale, et, par , empêche
la migration des organismes infec-
tieux dans le courant sanguin. L’ar-
ginine contribue à la production
d’oxyde nitrique, jouant un le dans
l’élimination des agents infectieux.
C o n c l u s i o n
Les relations innombrables et com-
plexes entre l’alimentation, les nu-
triments scifiques et le système
immunitaire sont un champ inté-
ressant d’étude dans le domaine de
la recherche biomédicale. Les per-
sonnes ayant une bonne alimenta-
tion seront mieux préparées immu-
nologiquement pour se battre contre
les micro-organismes. Plusieurs mi-
crosubstances nutritives ont des
les significatifs dans les fonctions
du système immunitaire. Il est clair
que maintenir un bon statut nutri-
tionnel et une réserve adéquate de
micronutriments dans l’organisme
permet une réponse immunitaire
efficace aux infections opportu-
nistes. Cependant, la recherche doit
encore identifier des recommanda-
tions spécifiques pour les per-
sonnes infectées. En attendant, un
régime bien équilibré et diversif,
incluant toutes les vitamines et les
miraux, semble être le meilleur
conseil à lheure actuelle.
Jennifer Muir Bowers
Copyright © 2002-ARIA Update.
Vol. 11 No. 2 spring 2002,
published by AIDS Community
Research Initiative of America
(ACRIA). Reproduced
with permission.
Traduction et adaptation :
Eugène Rayess
et Marek Korzec.
responsable de la cohésion des tissus.
7 .P h a g o c y t o s e . Capture, ingestion et destruction
par une cellule de particules ou d’autres cellules.
8 .Cellule ou lymphocyte NK (Naturel Killer).Cellule lymphoïde
dépourvue de compétence immunitaire.
9 .N e u t r o p h i l e s . Variété de polynucléaires à noyau très irrégu-
lier, capables de phagocytose( 7 ) et jouant donc un rôle
important dans la lutte contre les infections bactériennes.
1 0 .T h y m u s .Petite glande située dans le thorax,
devant la trachée, et dont la fonction est de produire
des lymphocytes T.
1 1 .Acide gras.Acide organique que l’on rencontre
dans les lipides sous forme d’esters du glycérol
ou triglycérides.
Un régime bien équilibré et diversié,
incluant toutes les vitamines et
les minéraux, semble être le meilleur
conseil à lheure actuelle.
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