KS n° 413 Juillet 2001
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Actualité
ostéo-articulaire
L
E traitement de choix des ruptures du ten-
don d’Achille, après avoir été à l’origine (et
par défaut) exclusivement orthopédique, a été
pendant 80 ans chirurgical. La publication de
Léa et Smith en 1968 fut la première à rediscu-
ter de l’intérêt d’un traitement conservateur.
Depuis, de nombreuses publications ont vu le
jour prônant l’une ou l’autre des méthodes. La
chirurgie a pour avantage de permettre un ajus-
tement précis de la longueur du tendon, mais
elle expose en contrepartie au risque anesthé-
sique, à la nécrose locale et au sepsis.
Le traitement conservateur, à l’inverse, ne pré-
sente pas ces risques mais occasionne, en
revanche, des délais plus longs de reprise fonc-
tionnelle et sportive, un potentiel allongement
du tendon et un fort taux de ruptures itératives.
Evolution des traitements
La meilleure connaissance de ces risques poten-
tiels a permis durant ces 40 dernières années de
faire évoluer les méthodes thérapeutiques.
Côté traitement chirurgical, la ténorraphie per-
cutanée préserve l’hématome périlésionnel (dont
le rôle est important dans l’élaboration du cal
primaire), assure une meilleure réduction anato-
mique que le traitement orthopédique et permet
la dynamisation précoce du cal. Cependant,
selon des études, il persiste encore certains cas
de nécrose, des réactions inflammatoires persis-
tantes, voire parfois des ruptures itératives.
Côté traitement orthopédique, la proposition
d’immobilisation suffisamment longue (10 à 12
semaines) et la remise en contrainte très pro-
gressive permettent de réduire le risque de rup-
ture itérative. Le positionnement de l’immobili-
sation en équin submaximal atténue le risque
d’allongement relatif du tendon d’Achille.
Certains auteurs, notamment en Allemagne et en
Suisse, préconisent le traitement fonctionnel.
Dans ce cas, la botte plâtrée n’est portée que
quelques jours, voire 2 semaines tout au plus.
Puis orthèse variable ou chaussures orthopé-
diques avec des talonnettes sont prescrites pour
une période de 7 à 10 semaines. L’appui est
autorisé sous couvert de deux cannes béquilles
dès 15 jours. L’appui total est retrouvé au bout
d’un mois en moyenne.
Le traitement orthopédique
(méthode Saint-Maurice)
L’équipe de traumatologie du sport de l’hôpital
national de Saint-Maurice propose une procé-
dure particulière de prise en charge des ruptures
du tendon d’Achille. Celle-ci repose sur l’ana-
lyse des travaux anatomo-pathologiques et sur
les études cliniques.
Les travaux anatomo-pathologiques portant sur
la cicatrisation tendineuse ont mis en évidence
l’intérêt de la mécanisation progressive du cal
fibreux primaire pour faciliter l’orientation spa-
tiale des fibres de collagène. La remise en
contrainte progressive du tendon est obtenue à la
fois par :
– une diminution régulière de l’angle de flexion
plantaire ;
– ou une mobilisation active en secteur protégé.
Les études cliniques, dérivées du protocole ini-
tial de Léa et Smith, ont démontré les deux prin-
cipaux écueils du traitement conservateur :
– le déficit de puissance tricipitale secondaire à
l’allongement du tendon d’Achille ;
– et le risque de rupture itérative.
L’examen clinique montre, dans le premier cas,
une augmentation de la flexion dorsale de la
cheville. Les précautions à prendre pour éviter
ces écueils sont :
– une durée d’immobilisation d’au moins 8 semai-
nes ;
– une grande prudence durant les 2 semaines qui
suivent l’ablation de la contention.
A partir de ces données, J. Rodineau et coll. ont
étudié rétrospectivement les résultats de 39
patients traités dans leur service. Il est apparu
que les patients ayant bénéficié d’une immobili-
sation longue (10 à 12 semaines) avec une
mécanisation progressive et une position initiale
d’immobilisation plus stricte (équin submaxi-
mal) ont un risque de rupture itérative plus
faible et une meilleure capacité tricipitale.
A partir de ces éléments, le traitement orthopé-
dique des ruptures du tendon d’Achille repose
sur une procédure stricte (tableau 1). Dans un
premier temps, le patient porte une botte rigide
inamovible en résine mixte réalisée en équin
submaximal et en discret varus. Celle-ci est
confectionnée patient installé en procubitus,
genou à 90° de flexion, afin de détendre les
jumeaux. Pendant ce temps, la déambulation est
autorisée sans appui.
Cette première contention est gardée 6
semaines. Durant les 6 semaines suivantes, une
nouvelle orthèse est confectionnée dans une
position de semi-équin sans varus. L’équin est
progressivement réduit (tous les 10 jours) pour
se rapprocher d’une position du pied à angle
droit. En cas de perte de l’équin spontané ou de
discrète augmentation de la flexion dorsale de
cheville, on revient à la position antérieure.
A l’ablation de cette dernière contention, c’est-
à-dire en moyenne à la fin de la dixième ou de
la douzième semaine, un certain nombre de pré-
cautions s’imposent. Pendant encore 2 mois, le
patient doit strictement s’interdire (tableau 2) :
– toute marche pieds nus ;
– la descente des escaliers de manière symétri-
que ;
– de monter sur la pointe des pieds ;
– et de marcher en terrain accidenté.
RUPTURE DU TENDON D’ACHILLE :
kinésithérapie après traitement conservateur
JACQUES VAILLANT
Cadre kinésithérapeute. Ecole de Kinésithérapie.
Centre hospitalier universitaire de Grenoble (38).
J0 à J45 Botte rigide inamovible en varus équin submaximal
Marche sans appui
J45 à J60 Botte en semi-équin sans varus
Marche sans appui
J60 à J75-90 Poursuite de la correction de l’équin (pied rapprochant
progressivement de l’angle droit)
Remise en charge partielle progressive à la marche
J75-90 à J105 Ablation de la botte vers la dixième ou douzième semaine
Utilisation pour la marche de chaussures avec talonnettes,
ainsi que de deux cannes béquilles
J105 à J135-150 Début de kinésithérapie proprement dite
Remise en charge complète progressive
■Tableau 1 : les grandes étapes du traitement orthopédique de Saint-Maurice [1, 2].