doi: 10.1684/nrp.2011.0164
REVUE DE NEUROPSYCHOLOGIE
NEUROSCIENCES COGNITIVES ET CLINIQUES
33
Article de synthèse
Rev Neuropsychol
2011 ; 3 (1) : 33-40 Liens entre sommeil et mémoire
au fil de la vie
Sleep and memory across the lifespan
Géraldine Rauchs1, Franc¸oise
Bertran1,2, Malo Gaubert1, Béatrice
Desgranges1, Francis Eustache1
1Inserm-EPHE-Université de Caen
Basse-Normandie, Unité U923, GIP Cyceron,
CHU Côte de Nacre, Caen
<rauchs@cyceron.fr>
2Service des explorations fonctionnelles
neurologiques, CHU Côte de Nacre, Caen
Pour citer cet article : Rauchs G, Bertran
F, Gaubert M, Desgranges B, Eustache F.
Liens entre sommeil et mémoire au fil de la
vie. Rev Neuropsychol 2011 ; 3 (1) : 33-40
doi:10.1684/nrp.2011.0164
Résumé Cet article propose une revue des études consacrées aux
liens entre sommeil et mémoire chez l’homme, les plus
nombreuses ayant été réalisées chez le sujet jeune. Les travaux de privation de sommeil,
d’imagerie cérébrale ou utilisant des méthodologies plus originales telles que la stimulation
électrique transcrânienne ont permis de préciser les substrats électrophysiologiques sous-
tendant l’effet bénéfique du sommeil sur la mémoire et ont abouti à la proposition de plusieurs
modèles théoriques. Les données chez l’enfant ou le sujet âgé, qui attirent depuis quelques
années l’intérêt des chercheurs, sont fondamentales pour une compréhension globale du
processus de consolidation mnésique. Les études chez l’enfant soulignent le rôle du som-
meil lent dans la consolidation des apprentissages déclaratifs. Les liens entre sommeil et
mémoire procédurale, contrairement à ce qui est observé chez l’adulte, sont moins bien
établis. Chez le sujet âgé, la diminution du sommeil lent profond expliquerait, au moins en
partie, les troubles de la consolidation en mémoire épisodique. La diminution des niveaux
d’acétylcholine pourrait quant à elle avoir un effet délétère sur la consolidation en mémoire
procédurale.
Mots clés : sommeil ·mémoire épisodique ·mémoire procédurale ·enfant ·vieillissement
Abstract This paper presents a non exhaustive review of studies
investigating the role of sleep in memory consolidation.
Most of the data available come from studies conducted in young adults. Sleep depri-
vation and neuroimaging studies, as well as works using more original techniques such
as transcranial direct current stimulation have allowed precising the electrophysiological
bases of the beneficial effect of sleep on memory. They have also leaded to the proposal
of relatively accomplished theoretical models (“hippocampo-neocortical dialogue” and
“synaptic downscaling hypothesis”). Besides, only few studies have been conducted in
children and in older adults but, since few years, these populations have sparked rene-
wed interest in the scientific community. Data in these subjects are crucial for a thorough
understanding of sleep-dependent memory consolidation. Studies conducted in school-
children underlined the beneficial role of NREM (non Rapid Eye Movement sleep) in the
consolidation of declarative memories. In contrast, links between sleep stages and proce-
dural memory consolidation appear less obvious. In older adults, the dramatic decrease
in slow wave sleep may explain, at least in part, the decline in episodic memory consoli-
dation. The decrease in acetylcholine levels could be deleterious for procedural memory
consolidation.
Key words: sleep ·episodic memory ·procedural memory ·children ·aging
Correspondance :
G. Rauchs
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34
Article de synthèse
Les différents stades de sommeil
et leurs caractéristiques
Le sommeil n’est pas un état physiologique unitaire
mais regroupe différents stades caractérisés par une activité
cérébrale à la fois électrophysiologique et neurochimique
différente (figure 1). Le sommeil REM (rapid eye move-
ment) ou sommeil paradoxal est caractérisé par une atonie
musculaire, des mouvements oculaires rapides et une acti-
vité cérébrale intense, désynchronisée, proche de celle
observée à l’éveil. Ce stade de sommeil s’oppose au som-
meil NREM (non rapid eye movement), qui regroupe trois
stades de profondeur croissante (le stade 1 n’est générale-
ment pas inclus dans le sommeil NREM car il correspond
plus à une phase d’endormissement). Le stade 2, également
appelé sommeil lent léger, est le plus important en quan-
tité au cours de la nuit (50 % du temps de sommeil). Sur
le plan électrophysiologique, il est caractérisé par la pré-
sence de fuseaux de sommeil (ou «spindles »; bouffées
d’activité de 12 à 16 Hz n’excédant pas une demi-seconde)
et par de grandes ondes biphasiques appelées complexes K.
Le sujet ne présente alors pas de mouvements oculaires et
son tonus musculaire est faible. Les stades 3 et 4, regroupés
sous le terme de sommeil lent profond, sont caractérisés
par une activité corticale synchronisée composée d’ondes
lentes, de grande amplitude (au minimum 75 µV) appelées
ondes delta (1-4 Hz). Durant ces stades, les mouvements
oculaires sont inexistants et le tonus musculaire faible. Sur
le plan neurochimique, les niveaux d’acétylcholine, élevés
à l’éveil, diminuent fortement en début de nuit (c’est-à-
dire au cours du sommeil lent profond) pour remonter et
dépasser les niveaux d’éveil lors du sommeil paradoxal. Les
concentrations de noradrénaline diminuent entre la veille
et le sommeil lent profond, pour atteindre des niveaux quasi
nuls au cours du sommeil paradoxal. Enfin, les niveaux de
sérotonine diminuent progressivement entre les trois états
de vigilance [1]. Ces stades sont organisés en cycles de
90-100 minutes, comportant la succession de sommeil lent
léger, puis de sommeil lent profond, et enfin de sommeil
paradoxal. Le sommeil lent profond est plus abondant en
première moitié de nuit, alors qu’en seconde partie de nuit
la proportion de sommeil paradoxal augmente, alternant
avec des épisodes de stade 2.
Caractéristiques
Activité cérébrale
(électro-encéphalogramme)
Activité cardiaque
(électrocardiogramme)
Activité pulmonaire
(respirogramme)
Capacité d´éveil
Environnement
neurochimique
Mouvements oculaires
(électro-oculogramme)
Tonus musculaire
(myogramme)
Activité rapide
Acétylcholine
Noradrénaline
Sérotonine
Yeux ouverts,
mouvements
oculaires
rapides
Rapide,
régulière
Rapide, irrégulière
Rapide,
irrégulière
Assez rapide, irrégulière
Réveil difficile
Réveil très difficile
Réveil facile
Lente,
régulière
Lente, régulière
+++ + ++++
+
0++
++
+++
+++
++ + Aboli
Yeux fermés,
pas de mouvement
oculaire
Yeux fermés,
mouvements
oculaires
rapides
Activité rapide
Fuseau du sommeil
/Complexe K
Ondes lentes
Stade 2
(sommeil lent léger) (sommeil lent profond)
Stades 3-4
Stade 2 Stades 3-4
Éveil Sommeil lent Sommeil paradoxal
Figure 1. Principales caractéristiques des différents états de vigilance.
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Article de synthèse
Enfant
Caractéristiques
du sommeil
Mémoire
épisodique
Mémoire
procédurale
Quantité très importante de
sommeil lent
Réduction très importante du
SLP, des ondes lentes et des
fuseaux de sommeil
Temps
Dépend du sommeil lent (Stades
2, 3 et 4)
• SLP (ondes lentes) et S2
(fuseaux de sommeil)
• SP pour aspects émotionnels,
richesse en détails épisodiques
• Importance de l'environnement
neurochimique (Ach, Cortisol)
• SP, S2 (Parfois SLP)
• Importance de l'activité
cholinergique
Troubles de la consolidation
pourraient être liés à la
réduction de l'activité
cholinergique et à la
diminution des fuseaux de
sommeil
Troubles de la consolidation
liés à la réduction du SLP
Pas de lien évident avec le
sommeil
Violon – Cor
Chien – Laisse
Table – Fauteuil
...
Jeune adulte Sujet âgé
Figure 2. Synthèse des relations entre sommeil et mémoire au fil de la vie.
SP : sommeil paradoxal ; SLP : sommeil lent profond ; S2 : stade2;Ach:acétylcholine.
Rôle du sommeil dans la consolidation
mnésique chez le jeune adulte
La majorité des études sur les liens entre sommeil et
mémoire a été réalisée chez le jeune adulte et s’est focali-
sée sur la mémoire procédurale et la mémoire épisodique
(voir [2] pour une revue concernant également les autres
systèmes de mémoire à long terme).
Sommeil et mémoire procédurale
Le rôle du sommeil dans le processus de consolidation
des souvenirs a été beaucoup étudié par le biais de priva-
tions de sommeil. Celles-ci peuvent être totales, partielles
(privation de la première ou de la seconde moitié de la nuit,
afin d’évaluer l’impact d’une privation de sommeil lent pro-
fond ou de sommeil paradoxal, respectivement) ou encore
sélectives d’un stade de sommeil donné (l’expérimentateur
réveille alors le sujet chaque fois qu’il voit apparaître sur le
tracé EEG les signes caractéristiques du stade de sommeil
visé). La méthode de privation partielle de sommeil a ainsi
permis de montrer que le sommeil paradoxal était particu-
lièrement impliqué dans la consolidation en mémoire pro-
cédurale. Ceci a été démontré aussi bien pour des épreuves
évaluant les habiletés perceptivo-motrices (tâche de dessin
en miroir), perceptives (tâche de discrimination de textures
visuelles) et cognitives (épreuve de la tour de Hanoï ; [3]
pour revue). D’autres études suggèrent que le sommeil lent
profond et le stade 2 participeraient également à la conso-
lidation des apprentissages procéduraux [2] (figure 2).
Plus récemment, une étude pharmacologique a montré que
la suppression de sommeil paradoxal, par administration
d’un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline, ne
perturbait pas la consolidation d’une habileté perceptivo-
motrice [4]. L’amélioration des performances au cours de
la nuit était en revanche corrélée à la densité de fuseaux de
sommeil, caractéristiques du stade 2 de sommeil. Bien
qu’en apparente contradiction avec les résultats des études
de privation de sommeil mentionnés ci-dessus, cette étude
suggère que ce n’est pas le sommeil paradoxal per se qui
est bénéfique à la consolidation mnésique mais plutôt cer-
tains phénomènes qui lui sont associés, tels que l’activité
cholinergique ou l’expression de certains gènes impliqués
dans la plasticité synaptique [4].
Sommeil et mémoire épisodique
Plusieurs études utilisant des tâches d’apprentissages de
paires de mots, sémantiquement liés ou non, ont montré
que le sommeil lent profond, qui prédomine en première
partie de nuit, favorisait la consolidation de ce type
d’apprentissage (pour revue voir [2]). Par la suite, l’intérêt
des chercheurs s’est porté sur les fuseaux de sommeil. Les
études montrent que la densité de fuseaux de sommeil
augmente au cours de la nuit post-apprentissage, compa-
rativement à une condition sans apprentissage. Par ailleurs,
cette augmentation de la densité de fuseaux de sommeil
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36
Article de synthèse
est positivement corrélée non seulement aux performances
mnésiques obtenues avant le coucher, suggérant l’existence
d’un lien avec les capacités générales d’apprentissage,
mais aussi à l’amélioration des performances après une
nuit de sommeil, confirmant leur rôle dans la consolidation
mnésique (pour revue voir [2]). L’ensemble de ces études
indique donc que le sommeil lent (englobant les stades 2,
3 et 4) favorise la consolidation en mémoire épisodique
(figure 2). Cependant, d’autres études ont rapporté des
résultats plus ou moins discordants [2], mettant en lumière,
par exemple, un effet bénéfique du sommeil paradoxal
pour la consolidation de textes à valence émotionnelle
[5], vraisemblablement lié à l’activation importante de
l’amygdale durant ce stade de sommeil. De la même
manière, grâce à une tâche consistant à mémoriser deux
listes de mots, la position de chaque mot sur une feuille de
papier et la liste d’appartenance, nous avons montré que le
sommeil paradoxal favorisait la consolidation des aspects
spatiaux et des détails phénoménologiques des souvenirs
tandis que le sommeil lent profond était bénéfique aux
aspects temporels [6].
Depuis quelques années, les études sur les liens entre
sommeil et mémoire se sont enrichies d’une nouvelle
méthodologie : l’imagerie cérébrale fonctionnelle. Ainsi,
dans une étude en tomographie par émission de positons,
Peigneux et al. [7] ont montré que l’hippocampe, acti
lors d’une tâche de navigation spatiale dans une ville vir-
tuelle, était à nouveau activé au cours des épisodes de
sommeil lent profond suivant l’apprentissage. De manière
intéressante, plus l’hippocampe était réactivé au cours de
la nuit, plus l’amélioration des performances le lendemain
était importante.
Plus récemment, lors d’une étude en imagerie par réso-
nance magnétique fonctionnelle (IRMf), Rasch et al. [8] ont
utilisé une épreuve consistant à associer une image et une
localisation spatiale. Au cours de la séance d’apprentissage,
une odeur de rose était vaporisée dans la pièce. Les auteurs
montrent que le fait de présenter à nouveau l’odeur au
cours du sommeil lent profond permet d’améliorer significa-
tivement les performances des sujets. Aucune amélioration
n’est observée si une odeur différente est vaporisée ou si
l’odeur de rose est présentée pendant un épisode de som-
meil paradoxal. Par ailleurs, la présentation de l’odeur au
cours du sommeil lent profond induit une activation de
l’hippocampe, à la base du mécanisme de consolidation
au cours du sommeil.
Tous ces travaux ont contribué à affiner un modèle
de consolidation des souvenirs au cours du sommeil
proposé pour des souvenirs déclaratifs [9] et largement
inspiré du modèle standard de la consolidation mnésique
[10]. Selon ce modèle, appelé le «dialogue hippocampo-
néocortical », les traces mnésiques récemment acquises
seraient réactivées au sein d’ensembles neuronaux hip-
pocampiques lors des épisodes de sommeil lent profond
puis transférées progressivement vers différentes aires néo-
corticales, pour un stockage à long terme. Ce transfert
opérerait notamment grâce aux ondes lentes et aux fuseaux
de sommeil [11]. Une étude utilisant la technique de sti-
mulation électrique transcrânienne chez des sujets jeunes
a montré que l’application au cours du sommeil de sti-
mulations électriques indolores, au niveau frontal, à une
fréquence mimant celle des ondes lentes endogènes favo-
rise la consolidation en mémoire épisodique. Ce type
de stimulation augmente la quantité d’ondes lentes et de
fuseaux de sommeil, confortant le rôle de ces ondes dans
le processus de consolidation des souvenirs [12]. Enfin, ce
transfert ne peut opérer que si les niveaux d’acétylcholine
et de cortisol sont réduits en début de nuit [11].
L’existence d’un tel transfert des traces mnésiques vers
le néocortex a été démontrée, et ce de manière plus impor-
tante chez des sujets ayant dormi après l’apprentissage
comparés à des sujets privés de sommeil [13]. Ces derniers
travaux soulignent également l’importance du cortex pré-
frontal, dans sa partie ventro-médiane, dans la récupération
des souvenirs anciens (c’est-à-dire consolidés).
Il convient de mentionner qu’une autre hypothèse,
appelée «théorie de l’homéostasie synaptique », a été pro-
posée par Tononi et Cirelli [14] pour expliquer le rôle du
sommeil dans les processus d’apprentissage et de mémoire.
Selon ce modèle, nos synapses sont au réveil à un certain
niveau d’efficacité. À mesure que la journée avance, en rai-
son des apprentissages auxquels nous sommes confrontés,
l’efficacité de certaines synapses est augmentée. Un tel état
de surrégime ne peut durer éternellement car il a un coût
élevé en termes d’énergie et d’espace, et sature progressi-
vement la capacité à apprendre de nouvelles informations.
Selon Tononi et Cirelli [14], il y aurait au cours du som-
meil à ondes lentes (c’est-à-dire sommeil lent profond) un
recalibrage de l’activité des synapses, en gardant toutefois
une trace des expériences passées, c’est-à-dire en main-
tenant une différence entre les synapses potentialisées et
celles qui ne l’ont pas été. Cette théorie, comme celle du
dialogue hippocampo-néocortical, attribue un rôle majeur
au sommeil lent et aux ondes lentes dans le processus de
consolidation. Elle est étayée par des études comportemen-
tales chez l’Homme montrant une augmentation locale de
l’activité des ondes lentes au cours du sommeil après un
apprentissage moteur, corrélée à l’amélioration des perfor-
mances après la nuit de sommeil, mais également par des
études moléculaires chez le rongeur montrant une potentia-
lisation synaptique à l’éveil et une dépotentialisation durant
le sommeil.
Liens entre sommeil et mémoire chez
l’enfant et au cours du vieillissement
normal
La plupart des recherches sur la consolidation mnésique
au cours du sommeil ont été réalisées auprès de jeunes étu-
diants. Les données dans d’autres populations telles que les
enfants ou les sujets âgés sains sont moins nombreuses mais
attirent, depuis quelques années, l’intérêt des chercheurs.
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37
Article de synthèse
Sommeil et mémoire chez l’enfant et l’adolescent
L’enfance est une période caractérisée par une plasticité
cérébrale et comportementale extraordinaire, permettant
l’acquisition d’une quantité très importante d’informations.
Par ailleurs, le sommeil de l’enfant contient une très grande
quantité de sommeil lent profond, qui décroît ensuite rapi-
dement à l’âge adulte. Plus précisément, à la naissance et
durant le premier mois de vie, l’on distingue deux types de
sommeil : le sommeil calme et le sommeil agité, se suc-
cédant en cycles d’environ une heure. Progressivement, le
rythme jour-nuit de 24heures s’instaure sous l’influence de
la lumière du jour et des stimulations de l’entourage et les
caractéristiques de la structure du sommeil de l’adulte se
mettent en place. Vers l’âge de 8 semaines apparaissent les
premières ébauches de fuseaux de sommeil. Chez l’enfant
entre 6 mois et 4 ans, le temps de sommeil diurne dimi-
nue tandis que le sommeil profond devient de plus en plus
important la nuit. La durée des cycles de sommeil s’allonge
progressivement pour atteindre les 90 minutes de l’adulte.
Vers 6 mois apparaissent les premiers complexes K. Entre
4 et 12 ans, le temps total de sommeil diminue avec la
disparition de la sieste. C’est une période où l’enfant est
généralement très bon dormeur la nuit, avec un sommeil
très profond, et très vigilant dans la journée. Le sommeil de
l’adolescent est sous l’influence des contraintes scolaires
et sociales. À cette période, on assiste souvent à un dés-
équilibre entre les besoins physiologiques en sommeil et
la quantité réelle de sommeil qui aboutit à une privation
chronique de sommeil et une somnolence au cours de la
journée.
Quelques études se sont intéressées aux liens entre
sommeil et apprentissage/mémoire chez l’enfant, certaines
d’entre elles montrant des résultats opposés à ceux classi-
quement rapportés chez l’adulte.
Dans une étude réalisée chez des enfants de6à8ans,
Wilhelm et al. [15] ont étudié la consolidation en mémoire
procédurale, au moyen d’une épreuve de finger tapping
(consistant à reproduire des séquences avec les doigts), et
en mémoire épisodique par le biais d’une tâche consis-
tant à mémoriser des objets dessinés sur des cartes et leur
localisation ainsi qu’une tâche d’apprentissage de paires de
mots. Pour les épreuves de mémoire épisodique, les perfor-
mances des enfants sont significativement meilleures après
un intervalle de rétention dominé par du sommeil, comparé
à une période équivalente de veille diurne. Il n’existe
en revanche aucune corrélation entre l’amélioration des
performances au cours de la nuit et les stades de som-
meil. De manière surprenante, et contrairement à ce qui
est classiquement observé chez l’adulte, l’amélioration des
performances à l’épreuve de finger tapping est plus impor-
tante après une période de veille qu’après une période
de sommeil, suggérant qu’au cours du développement des
aspects majeurs de la consolidation en mémoire procédu-
rale ont lieu à l’éveil (figure 2). Dans la même veine, Fischer
et al. [16] rapportent, dans une étude réalisée chez des
enfants de7à11ans, une détérioration des performances
lors de l’apprentissage implicite de séquences (tâche de
temps de réaction sériel) au cours du sommeil chez l’enfant.
Toutefois, l’absence d’amélioration des performances après
une nuit de sommeil n’exclut pas nécessairement un effet
bénéfique du sommeil sur le long terme. En effet, chez de
jeunes oiseaux (diamant mandarin ou zebra finch) appre-
nant leur chant, les performances diminuent après les
premiers épisodes de sommeil. Cependant, les oiseaux qui
présentent la détérioration la plus importante des perfor-
mances en début d’apprentissage parviennent, à l’issue
des trois mois de suivi, à la meilleure imitation de chant
[17]. Selon les auteurs, la réactivation des représenta-
tions du chant au cours du sommeil va, en l’absence
de feedback sensoriel, rendre ces représentations fragiles
mais potentiellement plus malléables. Ainsi, lors des ses-
sions d’entraînement suivantes, les représentations du chant
ne seraient pas encore trop figées, offrant d’importantes
possibilités de «remodelage », d’ajustement de ce compor-
tement. L’ensemble de ces données [16, 17] suggère d’une
part que certains aspects de la consolidation des appren-
tissages implicites ont préférentiellement lieu à l’éveil chez
l’enfant, et d’autre part que la consolidation mnésique n’est
pas achevée à l’issue de la première nuit post-apprentissage.
Backhaus et al. [18] montrent, quant à eux, une
amélioration des performances en mémoire épisodique
uniquement après une période de sommeil, qu’elle sur-
vienne juste après l’apprentissage ou de manière différée.
Par ailleurs, les performances mnésiques des enfants (âgés
de9à12ans) sont positivement corrélées à la quantité de
sommeil NREM (stades 2, 3 et 4), mais négativement à la
quantité de sommeil paradoxal, soulignant, comme chez
l’adulte, le rôle du sommeil lent dans la consolidation en
mémoire épisodique. Un effet bénéfique comparable du
sommeil a également été observé lors de la consolidation
d’images à valence émotionnelle [19] et chez des adoles-
centes lors d’une tâche d’apprentissage de vocabulaire [20]
(figure 2).
Pour résumer, le sommeil chez l’enfant favorise la
consolidation en mémoire épisodique. Cet effet semble
lié à la quantité très importante de sommeil lent durant
cette période. En revanche, contrairement aux adultes, les
enfants ne montrent pas de gain de performances au cours
du sommeil pour des tâches procédurales ou implicites.
Ce résultat est tout à fait surprenant dans la mesure où
les structures neuro-anatomiques sous-tendant ces types
d’apprentissages sont matures bien avant celles impliquées
dans la mémoire déclarative/épisodique. Ces résultats
suggèrent que des aspects de la consolidation en mémoire
procédurale et implicite ont lieu préférentiellement à l’éveil
chez l’enfant.
Sommeil et mémoire au cours du vieillissement
Au cours du vieillissement, plusieurs modifications
physiologiques concernant le sommeil, le fonctionnement,
la neurochimie et l’anatomie du cerveau peuvent avoir un
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