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Prise en charge médicale du cholangiocarcinome
Medical management of cholangiocarcinoma
●
●
D. Malka*, M. Ducreux*,**
▶ points forts
Difficultés de la prise en charge médicale du cholangiocarcinome :
▶ Rareté (tumeur “orpheline”).
▶ Difficultés diagnostiques :
– symptômes tardifs et peu spécifiques (notamment en
cas de cholangite sclérosante primitive ou de cholangiocarcinome intrahépatique périphérique ou n’obstruant
qu’un canal biliaire) ;
– absence de marqueur tumoral sérique validé (et faux
positifs en cas d’ictère) ;
– imagerie diagnostique souvent insuffisante (formes infiltrantes, etc.), difficile d’accès (cholangio-IRM) ou risquée
(angiocholite postcholangiographie, etc.) ;
– confirmation anatomopathologique souvent difficile.
▶ Terrain souvent fragile :
– âge avancé (comorbidités fréquentes) ;
– altération de l’état général ;
– ictère et ses conséquences (dénutrition, infection, insuffisance rénale) ;
– parfois cirrhose sous-jacente (cholangiocarcinome intrahépatique).
▶ Absence de standard thérapeutique validé avec un bon
niveau de preuve tant en situation néo-adjuvante ou adjuvante que palliative.
▶ Tumeur souvent difficilement mesurable (formes infiltrantes, etc.).
Mots-clés : Chimiothérapie – Radiothérapie – Traitement
palliatif.
Keywords: Chemotherapy – Radiotherapy – Palliative
treatment.
* Unité de gastroentérologie, département de médecine, Institut Gustave-Roussy, université
Paris-XI, Villejuif.
** Service des maladies sanguines et tumorales, hôpital Paul-Brousse, université Paris-XI,
Villejuif.
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 10 - décembre 2007
L
a prise en charge médicale des patients atteints de cholan­
giocarcinome (ou plus généralement de cancer biliaire)
constitue l’un des (trop nombreux) défis qu’ont encore à
relever hépato­gastroentérologues et oncologues. De façon remar­
quable comparé aux autres cancers digestifs, le cholangiocarcinome
réunit de nombreuses particularités compliquant son traitement
médical. Sa rareté notamment (moins de 2 000 nouveaux cas par
an en France), outre qu’elle retarde fréquemment le diagnostic
(d’ailleurs souvent difficile tant sur le plan clinique, biologique ou
radiologique qu’anatomopathologique), lui confère le statut peu
enviable de tumeur “orpheline” de standard thérapeutique validé,
tant en situation néo­adjuvante ou adjuvante qu’en situation pallia­
tive. Les études disponibles dans la littérature sont quasi exclu­
sivement des essais de phase II (sans groupe contrôle), souvent
présentés sous forme de résumé, incluant des patients atteints
de cancer de siège varié : cholangiocarcinome intrahépatique,
périhilaire ou extrahépatique, cancer de la vésicule biliaire, et
même carcinome ampullaire, cancer du pancréas ou carcinome
hépatocellulaire. Cela n’est pas toujours précisé, et il est donc
difficile de fournir des données précises d’efficacité de tel ou tel
schéma thérapeutique dans le sous­groupe des patients atteints de
cholangiocarcinome. La quasi­absence d’essais randomisés dans
la littérature et le faible nombre d’essais thérapeutiques en cours,
tant académiques qu’industriels, sont autant de limites à une prise
de décision oncologique médicale raisonnée et à l’implémentation
de bonnes pratiques cliniques (1).
La prise en charge des cancers biliaires est suffisamment
complexe et mal codifiée pour qu’il soit légitime de la confier
précocement à un centre expert en radiologie diagnostique
et interventionnelle, endoscopie et chirurgie hépatobiliaires,
notamment en cas de tumeur périhilaire complexe. Certains
prérequis méritent d’être rappelés (encadré, p. 462).
dossier thématique
d ossier thématique
tuMeur rÉsÉcaBle cheZ un patient opÉraBle :
traiteMent nÉo-adJuvant et adJuvant
Le traitement néo­adjuvant est fréquemment impossible du fait
de l’ictère et/ou de l’altération de l’état général. Il n’existe pas
d’essai randomisé de chimiothérapie, radiothérapie ou radiochi­
miothérapie néo­adjuvante. Des essais non randomisés réalisés
sur de petits effectifs ont signalé un bénéfice de la radiochi­
miothérapie néo­adjuvante chez des patients sélectionnés, en
termes de réponse pathologique, parfois complète, et de taux
de résection R0.
461
dossier thématique
d ossier thématique

encadré
 Évaluation rapide du caractère résécable ou non par une équipe médico-
chirurgicale expérimentée chez tout patient jugé opérable, avant toute opacification ou drainage biliaire (l’inflammation ou l’infection biliaire induite
pouvant gêner cette évaluation).
 Confirmation cytologique ou histologique avant tout traitement palliatif
(tumeur non résécable) ou néo-adjuvant.
 Drainage biliaire (principale mesure thérapeutique palliative en cas de
tumeur non résécable ou chez les patients inopérables), indispensable en
cas d’angiocholite, de prurit incontrôlé, et si une bilirubinémie normale est
requise avant chimiothérapie ou radiothérapie.
 Bilan préthérapeutique si chimiothérapie envisagée (électrocardiogramme
et consultation éventuelle de cardiologie pour 5-fluoro-uracile [5-FU] et hyperhydratation du cisplatine ; examen neurologique [neuropathie périphérique ?]
pour cisplatine et oxaliplatine ; créatininémie pour cisplatine ; etc.).
Un seul essai randomisé, critiquable sur le plan méthodo­
logique (inclusion de cancers ampullaires et pancréatiques,
nombreux patients exclus de l’analyse, critères d’éligibilité
non respectés), a indiqué un bénéfice d’une chimiothérapie
adjuvante (5­FU continu + mitomycine C, puis 5­FU oral) en
termes de survie à 5 ans dans le seul sous­groupe des patients
opérés d’un cancer de la vésicule biliaire (26 % versus 14 % ;
p = 0,04). En revanche, l’analyse globale de tous les patients
avec cancer biliaire ne montrait pas de bénéfice de survie
avec la chimiothérapie adjuvante, que ce soit après résection
R0 ou non (2).
Des essais (non randomisés) ont noté un bénéfice en termes
de survie avec la radiothérapie adjuvante administrée à la dose
de 45 à 60 Gy (les doses les plus fortes étant habituellement
administrées en cas de marges positives), seule ou associée à
une radiothérapie peropératoire, notamment en cas de marges
positives ou d’envahissement ganglionnaire. D’autres études
n’ont pas montré de bénéfice, notamment de réduction du
risque de récidive locale. L’adjonction d’une curiethérapie
endobiliaire à la radiothérapie externe ne paraît pas apporter
de bénéfice en termes de survie, et peut même être délétère
(augmentation significative du taux d’angiocholites et de fuites
biliaires).
Il n’existe pas d’essai randomisé de radiochimiothérapie adju­
vante. Des essais non randomisés (par exemple, 40 Gy plus
5­FU bolus) ont suggéré un bénéfice en termes de survie,
notamment en cas de marges positives (R1, mais non R2).
Le bénéfice en cas de marges négatives est là aussi incertain.
Enfin, une étude rétrospective n’a pas montré de bénéfice de
la radiochimiothérapie adjuvante sur la radiothérapie adju­
vante seule.
En conclusion, il n’y a pas actuellement d’indication validée, hors
essai thérapeutique (dont aucun n’est actuellement ouvert en
France), à une chimiothérapie, radiothérapie ou radiochimio­
thérapie néo­adjuvante ou adjuvante.
462
tuMeur non rÉsÉcaBle ou patient inopÉraBle :
traiteMent palliatif
La survie médiane en cas de tumeur non résécable est de 9 à
15 mois (1, 3-5). Le décès survient principalement par insuf­
fisance hépatocellulaire ou infection biliaire. Compte tenu de
cette courte espérance de vie, l’objectif premier du traitement
palliatif doit être le maintien ou l’amélioration de la qualité
de vie (ictère, prurit, douleur), l’augmentation de la survie ne
devant être qu’un objectif secondaire. Ce traitement palliatif ne
doit pas être différé du seul fait de l’absence de confirmation
histologique.
Les cancers biliaires sont relativement chimio­ (et radio­)
sensibles comparés au carcinome hépatocellulaire, mais la tolé­
rance des traitements peut être problématique chez des malades
souvent âgés avec comorbidités et à l’état général altéré.
Radiothérapie et radiochimiothérapie palliatives
Aucun essai randomisé contrôlé n’a démontré un bénéfice de
survie de la radiothérapie, seule ou associée à une curiethé­
rapie, ou de la radiochimiothérapie comparativement au drai­
nage biliaire seul dans les cancers biliaires localement avancés
(1, 3, 5). Certaines études ont relevé une efficacité supérieure de
la radiochimiothérapie en cas d’irradiation à forte dose (> 55 Gy)
en termes de survie à long terme. Des résultats encourageants ont
été rapportés avec une radiothérapie conformationnelle associée
à une chimiothérapie régionale. Des réponses objectives (RO)
tumorales à la radiothérapie ou à la radiochimiothérapie ont
occasionnellement permis de rendre secondairement résécables
des cancers biliaires au cours d’essais de phase II, avec quelques
survivants à long terme. La radiothérapie (ou radiochimiothérapie)
peut contribuer au contrôle local tumoral et symptomatique
(décompression biliaire, antalgie, perméabilité prothétique).
Chimiothérapie palliative
Chimiothérapie palliative régionale
La chimiothérapie, ou la chimio­embolisation intra­artérielle
hépatique, est une approche logique dans les cholangiocar­
cinomes sans diffusion extrahépatique, l’arbre biliaire étant
majoritairement vascularisé par l’artère hépatique. Si des taux
de RO encourageants ont été observés dans des études pilotes,
les durées de RO sont courtes, et ces techniques qui requièrent
une équipe expérimentée ont leur propre morbidité (toxicité
hépatique, occlusion de cathéter, etc.) et exposent à un risque
important de progression tumorale extrahépatique (1, 3, 5). En
pratique, ces approches ne sont pas validées et ne doivent être
envisagées que dans le cadre d’un essai thérapeutique.
Chimiothérapie palliative systémique
Un essai contrôlé randomisé (le seul à ce jour) a montré qu’une
chimiothérapie augmentait la qualité de vie et la survie par rapport
aux soins de support chez des patients atteints d’un cancer pancréa­
tique ou biliaire avancé, cependant de façon non significative dans
le sous­groupe des patients atteints de cancer biliaire, et au prix
d’une toxicité considérable (grade 3­4 : 41 %) [6] (tableau I).
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 10 - décembre 2007
tableau i. cancers biliaires avancés : chimiothérapie versus soins
de support.
Essai
Glimelius, 1996 (III) [6]
Schéma
RO
SG
Patients
(%) (mois)
5-FU, AF ± VP16 (FELV)
18
11
6,5
Soins de support
19
0
2,5
Schémas thérapeutiques
p
RO (%)
(extrêmes)
SG (mois)
(extrêmes)
≈ 10-15 (0-33)
≈ 7 (5-9,5)
≈ 20 (0-60)
≈ 9 (5-16)
≈ 5-10 (0-21)
≈ 7 (4,5-10)
≈ 20 (0-43)
≈ 9 (1,8-16)
≈ 20-30 (17-43)
≈ 10 (5-14)
≈ 30 (9-64)
≈ 9 (4,6-15,4)
≈ 30-40 (9-64)
≈ 10 (4,6-15,4)
Monochimiothérapies
0,10
III : phase III – AF : acide folinique – 5-FU : 5-fluoro-uracile – RO : taux de réponse objective – SG : survie
globale médiane – VP16 : étoposide.
La revue de plus de 100 essais (dans la quasi­totalité des cas de
petite taille et non contrôlés [phase II]), ne permet pas de démon­
trer de façon formelle une augmentation de la survie après chimio­
thérapie par rapport au drainage biliaire seul (1, 3, 5). Cela dit :
 Parmi les monochimiothérapies, la gemcitabine (en admi­
nistration conventionnelle ou à débit de perfusion fixe de
10 mg/m²/mn) présente le meilleur ratio efficacité­tolérance
(7, 8).
 Les combinaisons d’une fluoropyrimidine (éventuellement
associée à l’acide folinique ou à l’épirubicine) ou de la gemcita­
bine à un sel de platine ont une activité supérieure, bien qu’elles
puissent entraîner une toxicité accrue (7, 9, 10) [tableau II].
Une revue systématique récente de 88 essais (2 137 patients)
rapportés entre 1985 et 2005 note un bénéfice (non significatif)
de la gemcitabine comparativement au 5­FU ou à la capécitabine
en termes de taux de RO (22 % versus 17 %). Les taxanes et l’irino­
técan avaient un impact négatif sur le taux de RO. En revanche,
l’adjonction d’un sel de platine conférait un bénéfice en termes
de taux de RO de 10 % avec le 5­FU (27 % versus 17 %), et de 20 %
avec la gemcitabine (42 % versus 22 %). Les auteurs ont ainsi conclu
que les doublets gemcitabine­sel de platine devraient être évalués
dans des grands essais randomisés, et qu’en attendant les résultats,
ils pouvaient constituer une bonne option thérapeutique chez les
patients à l’état général conservé (11) [tableau III]. Cette analyse
groupée corrobore les (rares) essais randomisés disponibles dans
la littérature (tableau IV). Ainsi, les résultats préliminaires de
l’essai de phase II – essai randomisé multicentrique britannique
UK ABC­01 évaluant la gemcitabine seule ou associée au cisplatine
chez 86 patients atteints de cancer biliaire localement avancé ou
métastatique – rapportent un bénéfice en termes de taux de RO,
de contrôle tumoral (RO plus stabilisations : 58 % versus 76 %) et de
survie sans progression, au prix d’une toxicité supérieure (asthénie
grade 3­4 : 9,1 % versus 28,6 %) [7] (tableau IV). Une extension en
phase III chez 400 patients (étude UK ABC­02) est en cours.
Il est à noter que le pronostic ainsi que la sensibilité à tel ou
tel schéma de chimiothérapie variaient dans certaines études
selon le site tumoral primitif. Par exemple, le schéma GEMOX
(gemcibabine à débit de perfusion fixe plus oxaliplatine) semblait
moins efficace en cas d’adénocarcinome de la vésicule biliaire
qu’en cas de cholangiocarcinome (taux de RO : 17 % versus
28 % ; SG : 6,2 versus 11,2 mois) [15], alors que le schéma CapOx
semblait actif en cas d’adénocarcinome de la vésicule biliaire ou
de cholangiocarcinome extrahépatique, mais inactif en cas de
cholangiocarcinome intrahépatique “périphérique” (16). Il est
difficile d’en tirer des règles univoques, compte tenu :
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 10 - décembre 2007
tableau ii. cancers biliaires avancés : chimiothérapie palliative.
• Fluoropyrimidines (5-FU, S-1, UFT, CAP) ± AF
• Gemcitabine (FDR ou non)
• Autres (MMC, cisplatine, DOXO, CPT-11,
taxanes, etc.)
Polychimiothérapies
• Avec fluoropyrimidines
dont fluoropyrimidine (± AF ou EPI) + sel
de platine
• Avec gemcitabine
dont gemcitabine + sel de platine
dossier thématique
d ossier thématique
AF : acide folinique – 5-FU : 5-fluoro-uracile – CAP : capécitabine – CPT-11 : irinotécan – DOXO : doxorubicine
– EPI : épirubicine – FDR : débit de perfusion fixe (fixed-dose rate) – MMC : mitomycine C – RO : taux de
réponse objective – SG : survie globale médiane – UFT : tégafur-uracile.
tableau iii. chimiothérapie des cancers biliaires : revue systématique
(1985-2005) [d’après (11)].
Essais
(n)
Patients
RO
(%)
IC95
Extrêmes
(%)
SSP
(mois)
SG
(mois)
88
2137
23,3
21,5-25,2
0-83
4,1
8,0
IC : intervalle de confiance – RO : taux de réponse objective – SG : survie globale médiane – SSP : survie sans
progression médiane.
 du faible effectif de ces études ;
 de la proportion variable (ou souvent non précisée) de cancers
de chaque localisation inclus ;
 de résultats discordants entre certaines études pour le même
schéma de chimiothérapie (activité antitumorale préférentielle
pour tel site tumoral primitif dans une étude, et pour tel autre
dans une seconde étude).
Globalement, il semble que les cancers de la vésicule biliaire
avancés aient un moins bon pronostic que les cholangiocarci­
nomes, cet élément devant être pris en compte dans l’interpré­
tation des résultats des essais thérapeutiques (15, 17, 18).
Les agents ciblés ont encore été peu étudiés dans les cancers
biliaires. Aucun essai n’est disponible avec les antiangiogéniques
(bévacizumab, etc.). Un essai multicentrique de phase II a évalué
l’erlotinib, un inhibiteur oral de la tyrosine kinase du récepteur
du facteur de croissance épidermique (EGFR), chez 42 patients
(dont 16 présentaient un carcinome vésiculaire), parmi lesquels
24 (57 %) avaient reçu antérieurement une chimiothérapie.
Une expression tumorale de EGFR était trouvée dans 29 des
36 cas étudiés (81 %). La toxicité a été modérée et habituelle
avec cet agent (rash, diarrhée, asthénie). Le taux de RO a été
de 8 % (trois réponses partielles), le taux de contrôle tumoral
(RO plus stabilisations) de 50 %, et la SG de 7,5 mois (19). En
revanche, le lapatinib, un inhibiteur oral de EGFR et HER2,
a été montré inefficace en première ou deuxième ligne dans
463
dossier thématique
d ossier thématique
tableau iv. chimiothérapie palliative des cancers biliaires avancés : essais randomisés.
Essai
Falkson et al., 1984 (IIR)
Référence
13
Takada et al., 1994 (IIR)
12
Gebbia et al., 2001 (IIR)
8
Kornek et al., 2004 (IIR)
14
Ducreux et al., 2005 (IIR)
9
Rao et al., 2005 (III)
10
Valle et al., 2006 (IIR)
7
Schéma
Patients
RO
(%)
SSP
(mois)
SG
(mois)
5-FU, streptozotocine
26
8
-
2,8
5-FU, méthyl-CCNU
31
10
-
1,8
5-FU
30
10
-
6,0
5-FU
18
0
-
-
5-FU, DOXO, MMC
18
0
-
-
GEM
18
22
3,4
8,0
GEM, 5-FU, AF
22
36
4,1
11,0
GEM, MMC
25
20
4,2
6,7
CAP, MMC
26
31
5,3
9,2
5-FU
28
7
3,3
5,0
5-FU, AF, cisplatine
28
19
3,3
8,0
5-FU, EPI, cisplatine (ECF)
26
19
5,2
9,0
5-FU, AF, VP16 (FELV)
20
15
7,2
12,0
GEM
44
15
4,0
-
GEM, cisplatine
42
24
8,0
-
IIR : phase II randomisée – III : phase III – AF : acide folinique – 5-FU : 5-fluoro-uracile – CAP : capécitabine – DOXO : doxorubicine – EPI : épirubicine – GEM : gemcitabine – MMC : mitomycine C – RO : taux de réponse objective –
SG : survie globale médiane – SSP : survie sans progression médiane – VP16 : étoposide.
un essai de phase II chez 19 patients atteints de cancer biliaire
avancé (taux de RO : 0 %) [20].
Si aucun ne peut prétendre en l’état actuel de la littérature au
statut de standard, plusieurs schémas de chimiothérapie consti­
tuent des options thérapeutiques raisonnables en première ligne
palliative des cancers biliaires avancés (1) :
 Les combinaisons 5­FU (± acide folinique) + cisplatine
peuvent être administrées classiquement de façon mensuelle
(9) [tableau IV] ou continue, ou de façon plus pratique (et sans
doute mieux tolérée) selon un schéma LV­5­FU2 (éventuellement
simplifié) bimensuel (21) ;
 Le 5­FU peut être remplacé par une fluoropyrimidine orale, la
capécitabine et le cisplatine par l’oxaliplatine : l’administration en est
facilitée (réalisable en hôpital de jour), et la tolérance ainsi que les résul­
tats en termes de taux de RO (environ 20 %) sont corrects (16) ;
 Les triplets fluoropyrimidine, épirubicine et cisplatine (schémas
ECF ou, avec la substitution plus pratique du 5­FU continu par
la capécitabine, ECC ou ECX) ont la faveur des centres anglo­
saxons. Les résultats rapportés sont intéressants, avec des taux de
RO variant entre 19 % et 40 % et des SG variant entre 5 et 11 mois
(10, 22) [tableau IV]. Ils n’ont toutefois pas fait l’objet d’un accord
consensuel dans les recommandations nationales (1). La substi­
tution du cisplatine par l’oxaliplatine (schéma EOX, réalisable en
hôpital de jour du fait de la suppression de l’hyperhydratation avec
le cisplatine), par analogie avec les cancers gastriques avancés (essai
REAL­2), mériterait sans doute une évaluation prospective ;
 La gemcitabine seule, en perfusion de 30 mn ou à débit fixe,
peut être choisie pour sa facilité d’administration (éventuelle­
464
ment à domicile) et sa bonne tolérance, appréciable chez des
patients souvent fragiles (8) [tableaux II et IV] ;
 L’association gemcitabine et capécitabine a, comme dans le
cancer du pancréas avancé, produit des résultats intéressants en
termes de taux de RO (10­32 %) et de SG (7­14 mois), avec une
tolérance acceptable et une bonne facilité d’emploi (17, 23) ;
 Les doublets gemcitabine + sel de platine permettent d’es­
compter des taux de RO et de SG supérieurs, au prix toutefois
d’une tolérance plus aléatoire (7) [tableaux II et IV]. Le schéma
GEMOX a été évalué dans deux essais de phase II multicen­
triques, français et international, chez 33 et 70 patients atteints
de cancer biliaire localement avancé ou métastatique respective­
ment, avec des résultats encourageants en termes de taux de RO
(24­36 %) et de SG (9,5­15,4 mois) [15, 18]. Le schéma GEMOX
a l’avantage sur les schémas gemcitabine + cisplatine de ne pas
nécessiter d’hyperhydratation. Il est réalisable même en cas de
dysfonction hépatique et semble pouvoir apporter un bénéfice
clinique également chez les patients à l’état général altéré.
Aucune donnée ne permet de définir des options thérapeutiques
en deuxième ligne palliative et a fortiori au­delà, le bien­fondé
même d’une deuxième ligne n’étant pas formellement établi,
y compris pour les (trop rares) patients dont l’état général
permet encore de la discuter. Tout au plus peut­on suggérer,
par analogie avec le cancer du pancréas, qu’une succession
fluoropyrimidine + sel de platine puis gemcitabine (ou l’inverse)
puisse être raisonnable en termes de toxicité et de possibilité
de RO ou à tout le moins de stabilisation tumorale (absence
de résistance croisée).
La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 10 - décembre 2007
conclusion
Il n’existe actuellement aucune preuve de l’intérêt d’une chimio­
thérapie et/ou d’une radiothérapie néo­adjuvante ou adjuvante
en cas de cancer biliaire résécable chez un patient opérable.
Dans les cancers biliaires non résécables ou chez les patients
inopérables, le traitement symptomatique est essentiel, et
notamment un drainage biliaire efficace (endoscopique et/ou
percutané [prothèse plutôt que drain], ou chirurgical en cas
d’échec chez les patients à bonne espérance de vie, ou si tumeur
trouvée non résécable lors d’une laparoscopie ou d’une lapa­
rotomie). La preuve de l’intérêt d’y ajouter une chimiothérapie
palliative est ténue, mais plusieurs schémas ont produit des
résultats suffisamment encourageants en termes de taux de RO,
de SG mais aussi d’amélioration de la qualité de vie pour consti­
tuer des options thérapeutiques raisonnables chez des patients
à l’état général encore conservé (statut de performance [PS]
OMS 0­2). En revanche, si l’état général est trop altéré (PS > 2),
l’abstention est recommandée (soins de support exclusifs). Dans
les cancers biliaires localement avancés (non métastatiques),
le choix peut se faire entre radiochimiothérapie, et chimiothé­
rapie comme pour les formes métastatiques (1). En définitive,
il est vraisemblable que les plus grands progrès viendront des
nouveaux agents ciblés. Si les antiangiogéniques sont encore
absents de la scène thérapeutique des cancers biliaires avancés,
les anti­EGFR font d’ores et déjà l’objet d’essais publiés (19) ou
imminents.
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