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La
notion d'invariance
est
inhérente
à la
théorie physique
:
tous
les
physiciens
tomberaient
d'accord pour admettre
que le
monde
est
compréhensible,
c.a_d.
que
l'on
pourra peut-être
parvenir
un
jour
à la
construction d'une théorie
physique
globale valable pour
tous
les
temps
et
tous
les
lieux
de
l'univers. Comme seuls
les
phénomènes reproductibles sont susceptibles
d'être
étudiés scientifiquement,
la
toute première pierre
de
construction
de la
théorie physique
consiste
à
dresser
la
liste
exhaustive
de
toutes
les
situations permettant
la
reproduction
des
phénomènes. C'est après cela seulement qu'il deviendra possible
de les
décrire
au
moyen
de
lois invariantes.
Giordano
Bruno
et
Galilée
ont été les
premiers
à
remarquer
que les
lois
de la
mécanique (celles
de
la
chute
des
corps) étaient
les
mêmes
sur un
bateau voguant d'un mouvement
rectiligne
et
uniforme
sur une mer
calme,
et sur la
terre ferme. Bien qu'ils n'aient
pas
jugé utile d'ériger
en
principe cette constatation,
celle-ci
doit néanmoins être considérée comme l'expression
la
plus
ancienne
du
principe
de
relativité. Galilée
a
insisté
sur
l'impossibilité
de
détecter
le
mouvement
du
navire
par des
expériences effectuées
à son
bord;
le
navire constitue
le
prototype
du
référentiel
galiléen,
au
sens actuel
de ce
terme,
car il se
comporte comme
un
système physique
isolé
,
c.a.d.
soustrait
à
l'action
de
toute cause extérieure. L'impossibilité
de
détecter
le
mouvement
du
référentiel
galiliéen
par des
expériences internes
est
équivalente
au
principe
que
les
phénomènes physiques sont reproductibles dans tous
les
systèmes physiques
isolés.
Qu'entend-on
par
reproductibilité
?
"Les mêmes causes produisent
toujours
les
mêmes
effets".
Cette phrase bien connue
est le
résumé
le
plus bref
du
déterminisme
laplacien.
Cependant,
les
processus
quantiques
contredisent cette doctrine,
et
même
en
physique classique,
les
processus
obéissant strictement
au
déterminisme laplacien
sont
l'exception,
la
sensibilité
aux
infimes
variations
des
conditions initiales étant
la
règle.
En
mécanique
céleste,
par
exemple,
ce
phénomène entre
en jeu dès que le
nombre
de
corps
en
interaction
gravitationnelle
dépasse
deux. Introduisons
par
convention
le
terme
de
multidéterminisme
pour désigner
le
type suivant
d'évolution
:
lorsque
l'état
initial
est
connu
avec toute
la
précision
que
permettent
nos
instruments,
la
prédiction avec
une
certitude absolue
de
l'état
final
n'est plus possible
car une
gamme assez
large
d'états
finaux est
alors accessible,
la
répétition
de
l'expérience
un
grand
nombre
de
fois montrant alors
que ces
états
finaux se
reproduisent toujours avec
les
mêmes
probabilités;
inversement,
la
"rétrodiction"
de
l'état initial
à
partir
de
l'état
final
n'est
pas
possible
non
plus,
car il est
l'un parmi
un
ensemble d'états initiaux possibles.
L'expérience confirme l'hypothèse physique suivante
:
Lorsqu'un système isolé évolue d'un
état
initial
i
vers l'un quelconque d'un ensemble
F
d'états
finaux,
n'importe quel état
f de F
est
accessible
à
partir
du
même ensembe
I
d'états initiaux (comprenant
i), et
n'importe quel état
i'
appartenant
à I
mène exclusivement
aux
états
de F,
l'état
final
étant l'un quelconque
des
états
de
cet
ensemble.
En
d'autres termes,
la
prédiction
et la
"rétrodiction"
se
font
avec
une
certitude
absolue
de I à F; le
déterminisme
de
Laplace correspond
au cas
particulier
où ces
deux
ensembles
se
réduisent
à un
seul élément chacun.
Le
multidéterminisme
est un
déterminisme
strict entre
les
ensembles d'états
I et F.
.
Notre connaissance
des
processus
multidéterministes
ne
peut aller plus loin
que le
répertoire
des
états accessibles
(ce
qu'on appellera
le
spectre) avec
les
probabilités correspondantes.
Qu'entend-on
par
reproductibilité dans
le cas
d'une
évolution
multidéterministe
? En
répétant
la
même expérience
un
très grand nombre
de
fois,
préparée dans
les
mêmes conditions initiales