PROFESSIONNELS INDÉPENDANTS, DONNEURS
D’ORDRE ET DÉPENDANCE ÉCONOMIQUE :
sécuriser les relations contractuelles
et favoriser la création d’entreprises individuelles
Rapport de Madame Paulette GASSMANN,
présenté au nom de la commission du travail et des questions sociales
et adopté à l’Assemblée générale du 13 juin 2002
CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE PARIS
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PRISE DE POSITION
Afin de répondre au mieux à une exigence croissante de flexibilité sur le marché économique
mondial, les entreprises ont, ces dernières années, de plus en plus fréquemment eu recours
à la sous-traitance ou à des experts externes pour prendre en charge une partie de leur
activité ou pour accomplir des tâches précises.
Ce phénomène a notamment favorisé la création d’entreprises unipersonnelles, par des
experts, appelés communément « professionnels autonomes » ou encore, « solos », et
ayant pour point commun d’exercer seuls leur activité.
Outre le souci de certaines grandes entreprises d’externaliser les risques liés à l’exploitation
d’une partie de leur activité, d’autres facteurs y ont contribué : on peut citer en particulier le
progrès des technologies de l’information et de la communication ou encore l’évolution des
modes de vie, portée par une aspiration à une relative indépendance professionnelle. Le trait
dominant qui caractérise fréquemment ces nouveaux actifs tient à la situation,
particulièrement précaire, de dépendance économique étroite à l’égard d’un cocontractant,
lorsqu’il est durablement unique.
C’est pour remédier aux inconvénients de leur situation particulière que les juges ont, parfois
de manière contestable, assuré à ces actifs une relative protection contre un aléa
économique exorbitant, en reconnaissant à leurs engagements contractuels la nature de
contrats de travail. Si cette démarche de requalification assure aux intéressés l’application
des règles du licenciement, du régime général de sécurité sociale ou encore du régime
d’assurance chômage des salariés, elle n’est pas toujours souhaitable, et ce, pour deux
raisons essentielles : tout d’abord, parce qu’il s’agit d’actifs soucieux d’exercer dans une
réelle indépendance, ceci étant, par définition, exclusif de tout lien de subordination juridique
à l’égard d’une autre entité économique ; ensuite, parce que ce procédé judiciaire induit des
conséquences financières souvent coûteuses (notamment en matière de charges sociales
ou encore de droit du licenciement), qui dépassent les intentions des parties elles-mêmes.
D’autres pays européens se sont également trouvés confrontés au même problème, mais
l’ont résolu de manière différente : en Italie, par exemple, a été créé au profit de ces
« professionnels autonomes » le statut juridique de « parasubordination », leur conférant des
droits sociaux, jusque-là réservés aux seuls travailleurs salariés. La transposition de cette
solution en France ne serait toutefois pas satisfaisante dans la mesure où, d’une part, elle
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ferait peser de nouvelles contraintes sur les cocontractants des « parasubordonnés », et,
d’autre part, risquerait de déséquilibrer les régimes sociaux actuels.
L’Allemagne et les Pays-Bas, quant à eux, ont adopté une autre méthode consistant à retenir
un certain nombre de critères précis pour dépister la présence d’un lien de dépendance
économique fort entre deux entités, et accorder, par voie de conséquence, aux
« professionnels autonomes dépendants », certains droits sociaux supplémentaires.
C’est en s’inspirant de cette dernière méthode que des mesures pourraient être avancées
pour, à la fois, consolider les catégories juridiques préexistantes de salarié et non salarié et
favoriser la création et le développement des entreprises individuelles.
La Chambre de commerce et d’industrie de Paris propose, dans ce but, de :
- donner une véritable définition légale du salariat ;
- rétablir une présomption de non-salariat applicable aux actifs exerçant à titre
indépendant et régulièrement déclarés comme tels ;
- reconnaître aux non-salariés placés en situation de dépendance économique le droit à
une assurance perte d’activité, selon des critères précisément définis ;
- améliorer l’accès des « professionnels autonomes » à la formation professionnelle
continue.
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SOMMAIRE
I – CONSTAT ET ENJEUX ................................................................................................................................ 6
A – UN DÉVELOPPEMENT DE PRATIQUES QUI FAVORISENT LA CRÉATION DENTREPRISES PERSONNELLES .. 7
1) L’externalisation des tâches : une réponse à un besoin grandissant de flexibilité..............................................................7
a) Les causes d’une externalisation croissante ..................................................................................................................7
b) De nouveaux besoins satisfaits par l’émergence de nouveaux professionnels autonomes...........................................8
2) La contrepartie de l’externalisation : l’émergence d’un lien de dépendance économique fort entre deux entités ..............8
B – UNE INSÉCURITÉ JURIDIQUE ET FINANCIÈRE PEU COMMUNE .................................................................... 8
1) Les conséquences d’une frontière juridique floue entre le salariat et le non-salariat..........................................................9
a) Une répartition des actifs qui repose sur une notion juridique de salariat très équivoque .............................................9
b) Une distinction qui conduit parfois à des comportements critiquables .........................................................................11
2) La prise en compte du lien de dépendance économique par les juridictions sociales......................................................12
a) Un état précaire, objet de contestations nombreuses ..................................................................................................12
b) Des décisions judiciaires souvent critiquables..............................................................................................................14
II – L’ANALYSE CRITIQUE DES SOLUTIONS AVANCÉES................................................................... 16
A – LES EXEMPLES ÉTRANGERS ...................................................................................................................... 17
1) La « parasubordination » italienne ....................................................................................................................................17
a) La « parasubordination » : une relation de travail caractérisée par une « collaboration coordonnée et continue ».....17
b) Un régime de protection sociale et fiscal spécifique.....................................................................................................17
2) Un régime spécial pour les « quasi-salariés » allemands .................................................................................................18
a) Définition et règles applicables en droit du travail ........................................................................................................18
b) Le régime de protection sociale applicable aux « quasi-salariés » allemands .............................................................19
3) L’expérience néerlandaise ................................................................................................................................................19
B – POUR UN STATUT DE « PARASUBORDONNÉ » EN FRANCE ?...................................................................... 20
1) Sur les contours d’un statut de « parasubordonné à la française » ..................................................................................20
2) Les risques de la création d’un nouveau statut juridique ..................................................................................................20
a) Les contraintes pesant sur les donneurs d’ordre..........................................................................................................20
b) Les enjeux pour les organismes sociaux......................................................................................................................21
III – LES PROPOSITIONS DE LA CCIP POUR SÉCURISER LES COCONTRACTANTS ET
FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT D’ENTREPRISES INDIVIDUELLES .......................................... 22
A – LA CONSOLIDATION DES STATUTS DE SALARIÉ ET DE NON-SALARIÉ....................................................... 23
1) Une définition légale du salariat ........................................................................................................................................23
2) Le rétablissement d’une présomption de non-salariat ......................................................................................................24
B – MESURES TENDANT À FAVORISER LA CRÉATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES ENTREPRENEURS
INDIVIDUELS ..................................................................................................................................................... 25
1) La prise en considération de la situation de dépendance économique ............................................................................25
2) L’amélioration de l’accès à la formation professionnelle continue ....................................................................................26
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Depuis plusieurs années, le contentieux de la requalification des contrats d’entreprise en
contrats de travail connaît un développement tout particulier : un nombre croissant d’actifs, à
première vue franchisés, sous-traitants, experts ou consultants exerçant à titre libéral ou
encore artisans, contestent, lors de la perte de leur unique ou principal « client » la
qualification donnée à leur contrat. L’objectif de ces litiges est essentiellement, pour les
exécutants extérieurs, de voir reconnu l’état d’extrême dépendance économique qui les lie à
l’entreprise donneuse d’ordre.
L’accueil, souvent bienveillant, de ces demandes par le juge a pour effet de contraindre alors
l’entreprise à assumer le coût de la relation salariale et de sa rupture et les organismes
sociaux, notamment le régime d’assurance chômage, à leur accorder le bénéfice de leurs
prestations. Ce phénomène crée, au détriment des entreprises, une insécurité juridique et
financière d’autant plus grande que la frontière entre salariat et non-salariat est peu évidente.
Pour tenter d’y remédier, il convient de dresser, dans un premier temps, un état des lieux
général des relations contractuelles entre ces « actifs économiquement dépendants » et
leurs donneurs d’ordre ou clients, en précisant les enjeux en présence (I). Dans un deuxième
temps, seront analysées les solutions envisagées au niveau national et européen, dont
certaines sont actuellement en vigueur (II). Des solutions seront proposées, dans une
dernière partie, en vue de sécuriser les relations contractuelles et favoriser la création
d’entreprises individuelles (III).
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