Quelle logique de flexibilité

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DESS Gestion Stratégique des Ressources Humaines
UNIVERSITE DE MONTPELLIER I
Institut Supérieur de l’Entreprise de Montpellier
Ecole Supérieur de Commerce de Montpellier
« En quoi une logique de flexibilité est-elle nécessaire à l’entreprise
CARREFOUR et lui permet de concilier, à la fois, les exigences de
résultats économiques et les aspirations des hommes et femmes de
l’entreprise ? »
MEMOIRE
Soutenu par
DOMINIQUE LIBERCÉ
en vue de l’obtention du
D.E.S.S. DE GESTION STRATÉGIQUE DES RESSOURCES HUMAINES
sous la direction de
GÉRALD NARO
1998 – 1999
DESS Gestion Stratégique des Ressources Humaines
UNIVERSITE DE MONTPELLIER I
Institut Supérieur de l’Entreprise de Montpellier
Ecole Supérieur de Commerce de Montpellier
« En quoi une logique de flexibilité est-elle nécessaire à l’entreprise
CARREFOUR et lui permet de concilier, à la fois, les exigences de
résultats économiques et les aspirations des hommes et femmes de
l’entreprise ? »
MEMOIRE
Soutenu par
DOMINIQUE LIBERCÉ
en vue de l’obtention du
D.E.S.S. DE GESTION STRATÉGIQUE DES RESSOURCES HUMAINES
sous la direction de
GÉRALD NARO
1998 – 1999
Je tiens à remercier Jean-Luc DELENNE et son équipe
Ainsi que Béatrice LABOUREUR
Et tout particulièrement Julienne BARBET et l’équipe pédagogique
pour m’avoir permis de concrétiser mon projet professionnel grâce
au DESS Gestion Stratégique des Ressources Humaines
Sommaire
I.
Introduction............................................................................................. 10
II.
Evolution de l’entreprise et du secteur de la grande distribution............ 15
II A Genèse de la grande distribution et de Carrefour _____________________ 15
II A 1.
II A 2.
II A 3.
II A 4.
II A 4.1
II A 4.2
II A 4.3
II A 5.
II A 6.
II A 7.
Naissance de la grande distribution et de l’enseigne Carrefour ..................................15
Les votes de Lois s’enchaînent pour atténuer le développement des grandes surfaces17
Un nouvel acteur pèse sur les décisions stratégiques de l’entreprise : l’actionnaire ....20
La guerre des prix ....................................................................................................21
La concentration dans le secteur________________________________________________ 22
La centralisation des achats ___________________________________________________ 23
L’arrivée des hard discounters _________________________________________________ 23
Les réponses des hypermarchés et de Carrefour ........................................................24
La concurrence.........................................................................................................25
Evolution du comportement d’achat des clients ........................................................26
II B Structure et Culture de l’entreprise ________________________________ 28
II B 1.
II B 2.
II B 3.
II B 4.
II B 4.1
II B 4.2
II B 4.3
II B 4.4
II B 5.
II B 6.
II B 6.1
II B 6.2
Structure ..................................................................................................................28
Centralisation – Décentralisation ? ...........................................................................29
Description de la culture d’entreprise........................................................................30
Analyse de la culture et de l’identité professionnelle.................................................33
L’implication _______________________________________________________________
le « style » de l’entreprise _____________________________________________________
L’intégration : ______________________________________________________________
la résistance au changement ___________________________________________________
33
36
37
39
Quel management chez Carrefour ? ..........................................................................39
Quelques chiffres .....................................................................................................41
Les effectifs ________________________________________________________________ 41
La masse salariale___________________________________________________________ 41
II C Réponse de CARREFOUR face à ce contexte ________________________ 42
II C 1.
II C 1.1
II C 1.2
II C 1.3
II C 1.4
II C 1.5
II C 1.6
II C 2.
La stratégie ..............................................................................................................42
Diversification______________________________________________________________
Opération coup de poing______________________________________________________
organiser au mieux la production et la gestion des stocks ____________________________
Standardisation des processus comptables, financiers du groupe et des processus RH ______
La part croissante des systèmes d’information _____________________________________
Internationalisation__________________________________________________________
42
43
43
44
46
47
Organisation.............................................................................................................48
II C 2.1
Changement de structure en magasin ____________________________________________ 48
II C 2.2
Comparaison avec les autres enseignes __________________________________________ 48
II C 2.3
Carrefour - mise en place de structure transversale en magasin_______________________ 49
II C 2.3.1 Descriptif ................................................................................................................................. 49
II C 2.3.2 1er facteur de réussite - la coopération...................................................................................... 51
II C 2.3.3 2ème facteur de réussite - définition d’objectifs communs...................................................... 52
II C 2.3.4 3ème facteur de réussite - définition de l’information dont chaque salarié a besoin.................. 53
II C 2.3.5 Conséquences de ces changements organisationnels ............................................................... 53
II C 2.4
Changement d’organisation « marchandise » en magasin : organisation par univers_______ 55
II C 2.4.1 Apport théorique sur l’évolution des organisations en entreprise ............................................ 55
II C 2.4.2 Mise en œuvre d’organisation en Univers dans les magasins carrefour................................... 57
6
II D Ebauche du dispositif de politique de gestion des ressources humaines ___ 58
II D 1.
II D 2.
II D 3.
Gérer la mobilité ......................................................................................................58
Maîtriser la masse salariale.......................................................................................58
Négociation sociale ..................................................................................................59
III.
La flexibilité - de la théorie à la pratique dans le secteur de la grande
distribution .......................................................................................................... 63
III A Apport théorique _______________________________________________ 63
III A 1.
III A 2.
III A 3.
III A 3.1
III A 3.2
III A 4.
III A 5.
III A 6.
Définition de la flexibilité.........................................................................................65
Flexibilité de l’emploi ou du travail ? .......................................................................65
Réduction et aménagement du temps de travail.........................................................66
La préretraite progressive_____________________________________________________ 67
Annualisation du temps de travail : limites et atouts ________________________________ 68
L’emploi salarié, les changements ............................................................................69
Les différentes typologies de la flexibilité.................................................................70
Choisir la flexibilité en fonction des situations..........................................................71
III B Les conditions de mise en œuvre de la flexibilité ______________________ 72
III B 1.
III B 1.1
III B 1.2
III B 2.
Les conditions de la flexibilité quantitative (interne ou externe)................................72
La législation et l’état du marché du travail _______________________________________ 72
La présence ou non des syndicats ou de tout autre contre-pouvoir dans l’entreprise _______ 72
Les conditions de la flexibilité qualitative.................................................................73
III C Les différents usages de la Flexibilité dans les hypermarchés ___________ 74
III C 1.
III C 2.
IV.
une flexibilité externe...............................................................................................75
une flexibilité interne ...............................................................................................76
Une logique de souplesse nécessaire à l’entreprise Carrefour................ 84
IV A Le Dialogue social ______________________________________________ 84
IV A 1.
IV A 1.1
IV A 1.2
IV A 2.
IV A 2.1
IV A 2.2
IV A 3.
distribution
IV A 3.1
IV A 3.2
IV A 3.3
Les syndicats dans l’entreprise .................................................................................84
Historique _________________________________________________________________ 84
Répartition des partenaires sociaux dans l’entreprise (votants et élus) __________________ 86
La négociation sociale de Carrefour..........................................................................87
Quel modèle de négociation ? __________________________________________________ 87
Connaître les logiques et modes d’action des syndicats ______________________________ 87
Comparatif de négociation de la flexibilité en Europe dans le secteur de la grande
88
La durée du travail, l’aménagement, la flexibilité du temps ___________________________ 91
La polyvalence et l’organisation du travail _______________________________________ 91
Le déclin du syndicalisme adhérent _____________________________________________ 92
IV B L’accord de MARS 99 Carrefour ou refonte de la nouvelle Convention
Collective _____________________________________________________ 92
IV B 1.
1ER point fort de l’accord - Les Nouvelles Classifications de l’entreprise...................93
IV B 1.1
Apport théorique et historique sur les classifications ________________________________ 93
IV B 1.1.1 Des classifications PARODI aux critères classants................................................................ 93
IV B 1.1.1.1 Les classifications PARODI............................................................................................ 93
IV B 1.1.1.2 Les classifications par « critères classants ».................................................................... 94
IV B 1.1.1.3 Les critères retenus dans les grilles de classification....................................................... 96
IV B 1.1.2 La Classification : au carrefour de quatre types d’interaction ................................................ 96
IV B 1.1.3 L’évolution des systèmes de classification : nouvelles logiques, nouvelles cohérences ........ 97
IV B 1.2
Les classifications de Carrefour et de la Branche _________________________________ 101
IV B 1.2.1 Historique des classifications Carrefour............................................................................... 101
IV B 1.2.2 Avenants des classifications dans le secteur de la grande distribution (accord de mars 97) 101
IV B 1.2.2.1 L’objet et finalité de cet avenant ................................................................................... 101
IV B 1.2.2.2 Le principe de l’accord de branche de la FCD .............................................................. 103
IV B 1.2.2.2.1 Les critères de classifications ................................................................................. 103
IV B 1.2.2.2.2 La grille de cotation................................................................................................ 105
7
IV B 1.2.2.2.3 Les 9 Niveaux......................................................................................................... 105
IV B 1.3
Quelle finalité ou pour quoi des classifications spécifiques à l’entreprise ______________ 107
IV B 1.3.1 Comment ont-elles été élaborées ? ....................................................................................... 108
IV B 1.3.2 Exemple de l’élaboration d’une fonction repère : Assistante administrative ...................... 112
IV B 1.4
Les classifications des cadres _________________________________________________ 116
IV B 1.4.1 Les critères de classification des emplois cadres.................................................................. 117
IV B 1.4.2 La grille de cotation :............................................................................................................ 119
IV B 1.4.3 Les niveaux .......................................................................................................................... 120
IV B 1.5
Conséquence des nouvelles classifications Carrefour - refonte du système d’évaluation des
cadres (introduction des compétences) _________________________________________ 120
IV B 1.5.1 Identification de l’objet de l’évaluation : on va évaluer quoi ? ............................................ 121
IV B 1.5.2 Pourquoi évaluer et à qui sert l’évaluation : ......................................................................... 122
IV B 1.5.3 Conditions d’adhésion .......................................................................................................... 123
IV B 1.5.4 Détail des objets de l’évaluation........................................................................................... 125
IV B 1.5.4.1 Objectifs ........................................................................................................................ 125
IV B 1.5.4.2 Compétences ................................................................................................................. 126
IV B 1.5.4.2.1 Apport théorique..................................................................................................... 126
IV B 1.5.4.2.2 La gestion collective chez Carrefour ...................................................................... 128
IV B 1.5.4.2.3 La gestion individuelle chez Carrefour................................................................... 129
IV B 1.5.4.2.4 Description du processus d’évaluation ................................................................... 133
IV B 2.
2ème points fort de l’accord ...................................................................................135
IV B 2.1
Réduction et aménagement du Temps de travail - Descriptif et comparatif de l’accord
d’entreprise sur les 35 heures et du projet de loi _________________________________ 135
IV B 2.1.1 La durée légale à 35 heures : ................................................................................................ 135
IV B 2.1.2 Les heures supplémentaires.................................................................................................. 136
IV B 2.1.3 La Modulation ...................................................................................................................... 137
IV B 2.1.4 Temps de travail des cadres.................................................................................................. 138
IV B 2.1.5 Temps partiel........................................................................................................................ 139
IV B 2.1.6 Compte épargne temps (CET) .............................................................................................. 139
IV B 2.1.7 Préretraite progressive .......................................................................................................... 140
IV B 2.1.8 La retraite anticipée (A.R.P.E.) ............................................................................................ 141
IV B 2.1.9 Formation ............................................................................................................................. 143
IV B 2.1.9.1 L’employabilité – nouvelle responsabilité de la GRH ?................................................ 144
IV B 2.2
Emploi ___________________________________________________________________ 151
IV B 2.2.1.1 Création d’emploi :........................................................................................................ 151
IV B 2.2.1.2 Emploi en faveur des handicapés : ................................................................................ 151
V.
Conclusion............................................................................................. 156
8
9
I.
Introduction
Il y a 30 ans, « l’ère de la Grande Distribution » commençait. Les hypermarchés
s’imposaient, le consommateur se réjouissait et les industriels entrevoyaient une
voie nouvelle afin de promouvoir leurs innovations et leurs marques. Depuis, le
contexte est beaucoup moins rose. Le gouvernement ralentit l’ouverture débridée
du grand commerce en instaurant des lois pour apaiser les revendications des petits
commerçants. Le choc pétrolier met fin aux trente glorieuses. Une crise
interminable va ouvrir la bataille des prix avec l’émergence d’une nouvelle
concurrence basée uniquement sur les prix. La mondialisation des marchés accentue
le mécontentement des agriculteurs qui dénoncent la Grande Distribution de
réduire jour après jour leurs marges bénéficiaires.
Le consommateur est de plus en plus « zappeur », il n’est plus fidèle à une enseigne
d’où la nécessité de « l’enchanter » en permanence et d’innover. La satisfaction
client devient un postulat incontournable. Le gouvernement, toujours très proche
des agriculteurs, prône pour un partenariat avec les fournisseurs à travers une
mise en place d’une véritable charte de bonne conduite comme le témoigne cette
citation de Lionel JOSPIN1 : « La Grande distribution devra partager le fruit des
profits avec les producteurs »
Face à ces contraintes environnementales, Carrefour (créateur du premier
hypermarché en France) a toujours su garder son ¼ d’heure d’avance en renforçant
son concept « tout sur le même toit », en développant les services (billets de
spectacles, services financiers, voyages, assurances…), en se différenciant par la
qualité à travers la création de filière de produits.
Ce contexte entraîne l’entreprise à réaliser des économies d’échelle d’où la
nécessité de centraliser les achats, de développer les systèmes d’information
1
Citation de Lionel Jospin sur Europe le 100999
10
(l’entreprise a pris du retard par rapport à ses concurrents) afin de connaître les
habitudes d’achats des clients de l’enseigne. Ce changement de mode de gestion
entraîne une évolution organisationnelle avec la disparition en magasin des chefs de
secteur qui seront dorénavant des responsables transversaux en appui aux
managers métiers (anciens chefs de rayon). Ces managers métiers voient leur
métier évoluer vers la vente. Ce changement permettra aux Managers métiers de
se centrer vers leur cœur de métier (le client). En effet de nombreuses tâches
dites de « back office »2 leurs sont retirées.
L’objet de cette étude est de répondre à la question suivante :
« En quoi une logique de flexibilité est nécessaire à l’entreprise et lui permet de
concilier, à la fois, les exigences de résultats économiques et les aspirations des
hommes et femmes de l’entreprise ? »
Cette réflexion est née de l’évolution du contenu de mon stage dans l’entreprise
qui s’est décomposé en étapes suivantes :
1- Participation à l’élaboration, aux négociations des nouvelles classifications de
l’entreprise et accompagnement en magasins
2- Participation à l’élaboration de la nouvelle Convention Collective de l’entreprise
(classification, 35 heures, annualisation, préretraite…)
3- Participation à la refonte du système d’évaluation avec introduction des
compétences
4- Administration du dossier de Convention de Préretraite signée avec le Ministère
du Travail
2
Activités qui se situent en amont ou en aval de la vente (par exemple : la logistique, achats...)
11
Pour être efficace au plan économique, j’ai essayé de comprendre comment
l’entreprise construit une cohérence entre sa stratégie et son mode de gestion des
Ressources Humaines ?.
Méthodologie :
Pour construire mon raisonnement, je me suis appuyée sur des lectures du secteur,
sur des documents internes à l’entreprise et sur ma propre expérience (10 ans dans
le secteur).
Je me suis positionnée en qualité d’observatrice qui devait mener à bien une
recherche.
Les moyens que j’ai utilisés ont été en autre l’interview d’acteurs clés de
l’entreprise qui me semblaient stratégiques pour me permettre de répondre à ma
problématique. De plus, la participation aux groupes de travail pour élaborer le
référentiel de compétences ainsi que mes déplacements en magasin pour
interviewer les salariés m’ont permis aussi de nourrir mon mémoire.
D’autre part, j’ai effectué un « benchmark »3 auprès de 4 DRH de grandes
entreprises de service pour essayer de cerner leurs points communs en matière de
Gestion des Ressources Humaines (GRH) pour en ressortir une typologie.
Les limites de cette étude sont liées au fait que, malheureusement, je n’ai pas pu
avoir accès à certaines informations qui restent confidentielles (projet de
rémunération par exemple) alors que le sujet est intimement lié aux classifications
et au système d’évaluation.
3
«Etude comparative »
12
Dans les lignes que je vais présenter, je me suis attachée à décrire l’évolution de la
grande distribution et de l’entreprise Carrefour. En effet, il me paraît important
de connaître le choix stratégique qui est corrélé au choix organisationnel. Par
exemple, d’une manière logique, la centralisation des achats a entraîné la
centralisation de la logistique. Nous ne pouvons comprendre le mode de
fonctionnement des entreprises de grande distribution et, par conséquent, de
Carrefour en se limitant à la description et à l’analyse des tendances sectorielles.
S’il est vrai que le discount et la centralisation des achats et de la logistique sont
des tendances qui s’imposent à toutes les entreprises, il n’en demeure pas moins que
chaque entreprise s’approprie ces tendances de manière particulière. Il y a donc
interaction entre effet « secteur » et effet « entreprise ». Une enseigne comme
Leclerc (dont la stratégie est basée sur une logique de Discount) ne s’organise pas
et ne gère pas son personnel… de la même manière que Carrefour. C’est que j’ai
voulu démontrer dans une première partie qui me semblait importante de
développer pour pouvoir répondre à la problématique.
Le premier chapitre termine par une ébauche de réponse en matière de gestion de
ressources humaines (ce que j’ai pu déceler par rapport aux informations auxquelles
j’ai eues accès). Elle ne prétend donc pas être exhaustive mais permet d’enchaîner
sur le chapitre suivant qui traite d’une manière théorique et pratique tous les
domaines de la flexibilité, les conditions de mise en œuvre et les différents usages
dans les hypermarchés.
Cet apport théorique et pratique du second chapitre permet de démontrer dans le
chapitre trois et, en fonction du contenu de mon stage, comment Carrefour atteint
cette logique de souplesse nécessaire à l’entreprise ?
13
14
II.
Evolution de
distribution
l’entreprise
et
du
secteur
de
la
grande
Afin de me permettre de répondre à la question du mémoire, il me paraît opportun
de connaître le contexte de l’entreprise, ses contraintes environnementales, son
histoire, sa stratégie, sa culture… En effet, il est évident que je ne pourrai cerner
et comprendre la logique de gestion des ressources humaines mise en place par
l’entreprise que si je parviens à maîtriser ces éléments. C’est ce que je me propose
de développer dans ce premier chapitre.
II A Genèse de la grande distribution et de Carrefour
II A 1.
La logique de
Naissance de la grande distribution et de l’enseigne Carrefour
« tout sur le même toit » (les produits frais, les produits
alimentaires, le textile, le bazar et les biens d’équipement) est devenue nécessaire
et s’est développée pour faire face à la demande du consumérisme4. Carrefour a
été le premier à développer le concept d’Hypermarché (libre service, discount,
parking, surface magasin plus de 5000 m2, tout sur le même toit). Les fondateurs
sont à l’origine de ce nouveau concept.
En effet, Marcel Fournier – 45 ans -, conseiller d’Annecy à l’époque, commerçant
dynamique régnant alors sur le grand magasin de Nouveautés Fournier commence à
s’ennuyer après avoir ouvert une surcussale du grand magasin à Annemasse.
A l’occasion d’un voyage aux états unis, il observe le développement des grandes
surfaces en « supermarché » (un supermarché, c’est un magasin alimentaire en libre
service dont la surface de vente est au minimum de 400 M2, en France, il en existe
une trentaine contre 300 000 épiceries traditionnelles). Ils sont entre les mains de
centrales d’achat (Paridoc, Docks rémois) Le groupe stéphanois Casino / Famille
Guichard. Marcel FOURNIER est captivé par ce concept de supermarchés.
4
Tendance pour les consommateurs à se réunir en mouvements dans le dessein de défendre leurs intérêts
15
Il n’est pas le seul, en parallèle, Louis DEFFOREY - 68 ans - , patron du florissant
Comptoir à Lagnieu (100 km d’Annecy) Badin et Defforey qui approvisionne plus de
cinq cents détaillants ruraux, rêve aussi de nouvelles activités. Il est secondé par
son fils Denis – 35 Ans –
La famille Defforey se rapproche de la famille Fournier et crée une société qui a
pour ambition de vendre tous articles, produits, denrées ou marchandises et
prestations de services susceptibles d’intéresser la clientèle.
L’arrivée de Jacques Defforey, le frère aîné de Denis va accentuer un projet
beaucoup plus ambitieux qui est d’édifier une grande surface de 2500 mètres
carrés. Pour ce faire, ils se portent acquéreurs d’un terrain de 2 hectares à Ste
Geneviève des Bois. Le premier Hypermarché va donc naître en 1963 avec comme
concept « tout sous le même toit » qui va être le fil directeur de l’entreprise tout
au long de son parcours.
A ce moment dans les années 70, la préoccupation principale des distributeurs était
d’approvisionner les magasins. Carrefour qui, à l’époque, (nous verrons plus loin que
l’entreprise change de politique d’achats et par conséquent d’approvisionnement)
laissait ses magasins passer des commandes aux fournisseurs et qui étaient livrés
directement. D’importantes réserves permettaient à chaque magasin de détenir un
stock important pour supporter de fortes rotations et se prémunir contre les
défaillances fréquentes des fournisseurs. L’apparition de la grande distribution a
donc été un moyen d’entrée dans la société de consumérisme qui était à l’origine de
la forte croissance économique (30 glorieuses). A cette époque, le distributeur
porté par la logique de consumérisme, de discount, de volume n’était que
l’intermédiaire dont la mission principale était de gagner en productivité. Le
rapport au client était géré directement par les services marketing des
fournisseurs et les magasins se contentaient d’appliquer la politique tarifaire des
plans de communication promotionnels que ces derniers concevaient.
16
II A 2.
Les votes de Lois s’enchaînent pour atténuer le développement
des grandes surfaces
En décembre 73, la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat sur l’initiative de
Jean Royer vise à réglementer et à contenir la croissance du nombre de grandes
surfaces.
Alors
qu’auparavant,
les
pouvoirs
publics
étaient
plutôt
favorables
à
la
modernisation du commerce pour améliorer la productivité et lutter ainsi contre
l’inflation, sous la pression des petits commerçants, le gouvernement décide
d’adopter une attitude moins libérale envers l’ouverture des grandes surfaces.
Désormais, les ouvertures de grandes surfaces seront soumises à une procédure
administrative et à l’autorisation d’une Commission Départementale d’Urbanisme
Commercial (CDUC) réunissant 9 élus locaux, un artisan, 2 représentants des
associations de consommateurs et 8 commerçants. Toutefois, les demandeurs
peuvent faire appel de la décision auprès du ministre du commerce qui prévalait. En
conséquence, la loi Royer est davantage parvenue à ralentir l’implantation des
grandes surfaces plutôt qu’à la stopper.
D’autre part, sorti vainqueur des législatives de 1993, le RPR, très sensible aux
petits commerçants, représenté par Lucien REFFUBEL et proche de Jacques
CHIRAC, leader de la Confédération Générale des PME, n’a eu de cesse de
remettre au goût du jour les dispositions de la loi Royer. En effet, le Premier
ministre de l’époque, Edouard BALLADUR décrète le gel des grandes surfaces.
Pendant
les
deux
années
de
son
gouvernement,
aucune
autorisation
d’agrandissement ou d’ouverture n'est délivrée. De plus, en 1996, Jean-Pierre
RAFFARIN, Ministre du Commerce et de l’Industrie est chargé de réformer la loi
Royer, qui n’avait pas empêché le nombre de grandes surfaces de décupler en vingt
ans. Ainsi depuis 95, il n’est plus question de créer
un magasin d’une surface
17
excédent 300 mètres carrés sans se soumettre à l’aval d’une Commission
d’Equipement
Commercial,
puis
d’une
Commission
Nationale
d’Equipement
Commercial (CNEC). Cette loi est censée protéger les petits commerces en limitant
l’ouverture des grandes et moyennes surfaces ( un seul hyper en 98) mais cette loi
s’est finalement traduite par une accélération du mouvement de concentration. Les
enseignes ont vite compris l’intérêt d’un fonctionnement en oligopole (monopole à
plusieurs : valorisation de leurs actifs et pénalisation des nouveaux entrants sur le
marché). Un système de concurrence limitée s’est mis en place avec, à la clé,
ententes ou cartels et à terme, les fusions et acquisitions. Ainsi Carrefour
augmente ses parts de marché en décidant de s’attaquer au concept de
supermarchés en rachetant comptoirs modernes ; Cora et Casino (16,8 % de part de
marché en France) envisagent de fusionner leurs centrales dans Lucie. Les deux
coopératives de Système U et Leclerc (21,1 % de part de marché en France)
prévoient de s’associer dans Opéra. Anticipant la demande croissante de magasins
de proximité (les supermarchés étant des magasins de proximité), les leaders de la
grande distribution se sont tournés vers le petit commerce de proximité et sont
alors rentrés en concurrence avec « les petits arabes du coin » qui représentent 10
% de parts de marché. Promodès (Continent) s’est ainsi imposé comme le premier
franchiseur de France avec les enseignes Huit à huit ou Proxi. Illustration
macroéconomique d’un modèle de développement qui s’inscrit également dans le
cadre de vie de chacun à travers une rationalisation qui tend à la standardisation et
qui très vite risque de priver le pays de ses « petits arabes » (les centrales d’achat
absorbant ce commerce de proximité).
Conséquence de ces lois, depuis quelques années CARREFOUR s’est vue refusée
tous ses dossiers d’extension ou de création d’hypermarchés. C’est ainsi que
l’enseigne accentue son développement à l’international en acquérant des enseignes
concurrentes et en construisant de nouveaux magasins.
18
D’autre part, Alain JUPPE a ouvertement mis en cause les effets destructeurs des
politiques sur les petites et moyennes entreprises. Pour la petite histoire, en 1995,
lorsque Daniel BERNARD (PDG de CARREFOUR) s’est vu remettre la médaille du
meilleur manager de l’année, Alain JUPPE lui glisse à l’oreille « continuez à ouvrir
des magasins mais à l’étranger ! ! ! ! ».
Un rapport parlementaire de Jean-Paul Charié met spectaculairement en cause la
dérive d’un système qui faisait apparaître qu’entre 88 et 92, le prix sorti d’usine
des yaourts avait baissé plus rapidement que les prix pratiqués par la grande
distribution, ce qui contribuait à gonfler les marges des enseignes.
Dans ce contexte, sur proposition d’Yves Galland, Ministre du Commerce, une loi
impose désormais à tout fournisseur de faire figurer sur sa facture l’ensemble des
remises, ristournes, budgets d’ouverture et de coopérations commerciales
négociées avec les distributeurs. L’objectif de cette loi est de proscrire
l’attribution d’avantages discriminatoires, la vente à perte et la pratique de prix
abusivement bas pour protéger les industriels. Cette réglementation engendre des
effets pervers avec le relèvement du seuil de vente à perte et l’impossibilité de
s’aligner sur les prix des concurrents. Les multinationales (Procter, Nestlé…) vont
de nouveau faire les prix à
leur avantage, s’inquiète Daniel Bernard, PDG de
CARREFOUR. Le groupe entrepris ainsi une toute nouvelle philosophie dans ses
rapports avec les PME en signant plus de 50 000 contrats avec des agriculteurs
dans une soixantaine de filières depuis 91.
La politique de réglementation du gouvernement envers le secteur de la grande
distribution a fortement pénalisé les enseignes qui ont dû adapter leur stratégie en
fonction de ces nouvelles contraintes.
19
Pour conclure sur ce paragraphe, je ferais la remarque suivante : auparavant, le
gouvernement
considérait
les
entreprises
de
grande
distribution
comme
bienfaitrices car elles permettaient de maîtriser l’inflation. De nos jours, la
politique gouvernementale favorise les petits commerçants qui sont porteurs
d’emploi et la réglementation a fortement pénalisé les enseignes ; certes, je ne
remets pas en cause que les petits commerçants par rapport au chiffre d’affaires
créent plus d’emploi mais les nouveaux petits commerçants qui doivent tirer les prix
par le bas ont aussi une logique de discount sociale ; là où je m’érige, c’est dans le
fait que le gouvernement ne fait pas la part des choses en ce qui concerne le droit
du travail. En effet, une enseigne comme Carrefour qui a une Convention Collective
la plus attractive du secteur avec des salaires 15 à 40 % supérieurs a les mêmes
contraintes qu’une enseigne où les acquis sociaux n’existent pas et où les salariés
sont payés « au lance pierre » et « triment » autant sinon plus !
II A 3.
Un nouvel acteur pèse sur les décisions stratégiques de
l’entreprise : l’actionnaire
Au fil des ans, l’actionnaire a pris le pouvoir dans les entreprises ce qui provoque
une sorte de « dictature » de la création de valeur qui s’exerce sur les cadres
dirigeants mais aussi sur les salariés. Des indicateurs de mesure de profit
apparaissent dans les entreprises tels que :
•
la MVA (economic value added) : indicateur de performance interne du
management.
•
L’EVA est égale à la différence entre le résultat opérationnel de
l’entreprise après impôt et la rémunération du capital employé pour son
activité ; si l’EVA est positive, cela signifie que le management a créé de
la richesse ; cette mesure détermine l’efficacité de la gestion.
Carrefour n’échappe à la règle, ayant besoin de fonds pour investir à l’étranger et
étant coté en bourse ; ces propos sont confirmés par l’Expansion qui a réalisé un
20
classement des entreprises les plus créatrices de valeurs et qui présente 90 des
200 premières entreprises cotées à la bourse de Paris et place CARREFOUR au
3ème rang avec 132 846 MVA (mf) et 1 725 EVA (mf).
Par conséquent, il semblerait logique (mais je n’ai pas accès à ce genre
d’information…) que la performance des cadres dirigeants de Carrefour soit
rémunérée par rapport à l’indicateur EVA puisqu’elle mesure le profit économique
dégagé par l’entreprise sur ses activités d’exploitation.
En effet, l’entreprise doit non seulement générer un résultat opérationnel positif
mais aussi rémunérer les actionnaires au taux de retour qu’ils attendent.
Cet état de fait devrait avoir des conséquences en matière de gestion des
Ressources Humaines et notamment sur le système d’évaluation de Carrefour qui
devrait se différencier par rapport à une évaluation des performances basées sur
le profit.
R ép artitio n d es actio n n aires fev99
2%
1 6%
6%
5 8%
16%
2%
S alariés groupe
G roupe M arc h
F am ille Fournier
Fam ille D efforey
C arrefour
P ublic (40% fds pens ion)
II A 4.
La guerre des prix
La grande distribution s’est construite sur une triple logique : de discount, de
volume et de grandes marques. Cette logique a des limites car dès que le nombre de
grandes
surfaces
sur
le
territoire
a
été
suffisamment
important,
les
21
consommateurs ont eu la possibilité d’en fréquenter plusieurs et donc de comparer
les prix ce qui a impliqué que très rapidement une concurrence sur les prix s’est
instaurée entre les grandes surfaces de la même zone de chalandise (zone
géographique des clients potentiels du magasin). La forte corrélation entre le
discount et le volume des ventes incitait fortement les distributeurs à baisser les
prix de vente ce qui a contraint les concurrents à s’aligner pour préserver les parts
de marché. La logique de volume a ainsi entraîné la grande distribution dans une
guerre des prix.
D’autre part, plusieurs autres facteurs ont favorisé cette évolution vers la guerre
des prix :
•
l’interdiction réglementaire du refus de vente
•
les « ristournes » de fin d’année : il s’agit de barèmes dégressifs mis en
place par les fournisseurs qui, si les prévisions de ventes ont été
dépassées, accordent une remise de fin d’année. Cette pratique a aussi un
effet qui favorise la guerre des prix car elle rend plus complexe
l’application de la réglementation interdisant la vente à perte (la loi
Galland va y remédier).
•
le crédit fournisseur : le magasin bénéficie d’un délai de paiement
fournisseur de 60 jours pouvant aller jusqu’à 90 jours voire 120 jours
(Carrefour, pour des raisons d’éthique, se refuse de négocier à 120 jours).
Cet état de fait va entraîner un excédent de trésorerie. Ainsi il est plus
intéressant de baisser sa marge commerciale pour pouvoir baisser les prix
de vente et développer son chiffre d’affaires, et générer ainsi des
produits financiers.
II A 4.1
La concentration dans le secteur
Cette concentration dans le secteur de la grande distribution est aussi un moyen de
réduire les coûts et d’obtenir des conditions d’achats plus intéressantes. Carrefour
22
a repris des enseignes telles que Montlaur, Euromarché, Comptoirs modernes et ce
n’est pas fini…
On peut donc dire que cette logique de discount marque une transformation des
conditions de concurrence et joue contre les enseignes qui doivent se livrer à une
guerre des prix farouche afin d’être rentable. Le prix d’achat devient un facteur
déterminant pour la rentabilité de l’entreprise d’où le développement de la
centralisation des achats de l’entreprise.
II A 4.2
La centralisation des achats
Face à une concurrence exacerbée, il apparaît clairement que la négociation des
conditions d’achats par les distributeurs est un élément primordial. CARREFOUR
dont la logistique était décentralisée a continué pendant quelques années à laisser
les achats à l’instigation des magasins. Ce n’est que dans les années 94 et 95 que
l’entreprise a décidé de centraliser tous les achats, rompant ainsi avec une
tradition trentenaire de décentralisation des négociations commerciales.
En effet, historiquement très décentralisés, les achats étaient dans les mains des
directeurs de magasins par l’intermédiaire des chefs de rayon. Par conséquent,
Carrefour ne pouvait pas peser de tout son poids dans les négociations annuelles.
Pour y remédier,
le nouveau PDG Daniel BERNARD s’est attaché à mener une
politique de centralisation des achats et de la logistique.
II A 4.3
L’arrivée des hard discounters
La guerre des prix a été accentuée par l’arrivée des hard discounters en 1998. Ces
enseignes minimisent les investissements et les frais de personnel. Bien que cette
formule ait été initialement importée d’outre Rhin, les enseignes françaises ont
développé ce concept et notamment Carrefour à travers ERTECO (filiale de
l’entreprise) qui exploite deux enseignes :
-
« ED l’épicier »
23
-
« Europa discount »
Erteco est la première entreprise de hard discount en France.
Le développement des hard discounters a été la conséquence de la loi Royer car ces
entreprises de taille réduite (inférieure à 1000 m2) n’ont pas l’obligation de passer
devant la CDUC.
Un hard discounter n’a besoin que du terrain et du permis ! Ce qui argumente mes
conclusions du paragraphe 2 qui sont les suivantes : les politiques gouvernementales
favoriseraient-elles les entreprises à développer une politique sociale vers le
bas ! ! ! !
II A 5.
Les réponses des hypermarchés et de Carrefour
Face à cette déferlante des Hard Discounters, les enseignes ont proposé des
produits à marque propre. En ce qui concerne Carrefour, l’entreprise a proposé des
produits libres qui ne portaient aucune marque. Vers les années 80, les produits
libres sont remplacés par les marques propres de l’enseigne qui deviennent
porteuses d’image, procurent un plaisir d’achat et une fidélité de l’enseigne.
De plus, Carrefour et toutes les grandes surfaces développent des produits dits
« premier prix ».
A prix égal, le consommateur ira vers le magasin qui lui propose la meilleure qualité.
Les hypermarchés ont l’avantage de la largeur de leur assortiment (tout sous le
même toit) et le hard discounter a celui de la proximité.
Bien que Carrefour ait des magasins de grande taille, l’entreprise a opté pour des
assortiments courts (trois segments de prix : 1er prix, produits Carrefour, marques)
pour renforcer son positionnement discount et améliorer sa rentabilité.
En effet, les avantages d’un assortiment court sont les suivants :
-
la minimisation des coûts logistiques
-
la perception des ristournes de fin d’année
24
-
les volumes d’achats importants qui permettent d’obtenir de meilleures
conditions
-
clarté de l’offre produit
En revanche, l’inconvénient majeur pour Carrefour, c’est que l’entreprise n’a pas la
possibilité de compensation de marge d’un produit à l’autre. Le mode de
construction de rentabilité est basé essentiellement sur une réduction des frais
d’exploitation, une maximisation de la pression commerciale sur les fournisseurs
tout en restant « éthiquement correct », c’est donc dans une logique de gestion.
Alors que pour l’assortiment long, le mode de construction de la rentabilité est basé
sur le développement de la marge moyenne du rayon obtenue grâce à une gestion
active de l’assortiment tarifaire et de l’implantation des produits (Auchan pratique
ce mode de gestion).
II A 6.
La concurrence
Wal Mart et Kmart avec ses supermarchés discount, son million de salariés (plus
gros employeur de la planète) et ses clubs entrepôts, est devenue en quelques
années la première entreprise au monde avec un chiffre d’affaires de 300 mlds de
frs en 92 à 800 mlds de frs de nos jours. Cette évolution récente tendrait donc à
démontrer que le discount n’est pas une simple phase dans l’évolution de la grande
distribution, mais une constante. Une donnée incontournable que doivent
impérativement respecter les enseignes. Toute forme de distribution qui s’éloigne
du Discount risque de disparaître. La différenciation par la qualité de service reste
possible mais ne saurait être mise en œuvre au détriment du discount qui reste
primordial dans la grande distribution. Une stratégie de différenciation ne peut
aboutir que si elle parvient à concilier le discount et la qualité. Carrefour l’a bien
compris en renforçant le discount dans sa stratégie et en développant les services.
Je pense donc que nous ne pouvons pas classer les hypermarchés comme certains
25
auteurs l’ont fait en deux catégories : discount ou qualité (carrefour démontrant
l’inverse).
Le chiffre d’affaires mondial des différents groupes sont les suivants :
Chiffre d'Affaires en mlds de frs 99
Groupe Français ca mlds frs 99
93
213
220
778
109
129
231
244
Wal-mart
ITM
Métro
Ahoid
II A 7.
309
Kroger
Carrefour
Carrefour
Promodés
Casino
213
146
Auchan
Pinault Printemps
Evolution du comportement d’achat des clients
Tous les spécialistes de l’étude des comportements des consommateurs en point de
vente s’accordent à signaler que le client est en train de changer. Comme l’indique
Pascal BRUSCKNER (1995)5, on entend de plus en plus dans les magasins « je paie
donc j’existe » affirmé par un nombre grandissant de clients qui ne se sentent pas
servis suffisamment rapidement ou avec assez d’attention. Le consommateur jeune,
vieux, homme, femme, riche, pauvre, en passe d’acheter devient exigeant, irascible,
inaccessible à toute discussion, imperméable à tout conseil ou avertissement.
Conscient de son pouvoir d’achat, le client s’est habitué à être choyé par les
distributeurs. La concurrence ayant développé la qualité des produits, des services,
incité à la fidélisation, développé les stratégies de satisfaction, en contrepartie
s’est développée une culture du parfait, du satisfait ou remboursé. Finalement,
comme le précise CHETOCHINE (1998)6, le consommateur, aujourd’hui, a pour
hantise la « dyssatisfaction ». Ce comportement particulier des clients ne rend pas
5
6
BRUCKNER Pascal, la tension de l’innocence, Grasset, 1995
CHETOCHINE Georges, Quelle distribution pour 2020 ?, Editions Liaison, 1998
26
la vie facile au distributeur et à son personnel. Le client est au centre de toutes les
entreprises de service voilà la solution retenue par l’entreprise mais le personnel
n’en pense pas moins et se lamente sur ce qu’il doit endurer.
Le consommateur est soumis dans son travail comme dans sa vie privée à de fortes
contraintes, il a peur de perdre son emploi et chaque jour par publicité interposée,
il est tenté par plus d’offres, de sollicitation où les choses lui sont finalement plus
difficiles qu’auparavant alors qu’on lui assène qu’il se trompe, que c’est le contraire
et que finalement tout est simple pour lui.
Le consommateur aspire donc à la facilité et la simplification, on rentre dans la
civilisation client.
De plus, il y a plusieurs sortes de client selon Georges Chetochine (1998)6 :
•
le client shopper :
-
il cherche où il faut acheter (choix du point de vente)
-
il fréquente un magasin pour sa proximité de manière régulière, c’est le «fonds
de commerce du magasin »
•
le client buyer :
-
il faut lui faire acheter le plus de choses possible, un fois dans le magasin
-
il
faut
le
faire
déplacer,
on
achète
son
déplacement
(relation
contrainte/rétribution)
Ce qui implique que l’entreprise de grande distribution doit adopter deux stratégies
marketing : d’entrée (client shopper) et de sortie (client buyer).
Ce qui va engendrer une typologie des points de vente :
•
les points de vente à flux essentiel (clients de proximité)
•
les points de vente à semi-flux (une part de clients de proximité et une
part de semi-proximité)
•
les points de vente à flux et trafic (clients à flux et des clients à trafics)
27
De manière générale, il semble donc difficile pour une même entreprise de gérer
des points de vente de nature différente en terme de clientèle flux. Chaque
magasin doit alors savoir s’adapter aux spécificités de la zone de chalandise.
II B Structure et Culture de l’entreprise
II B 1.
Structure
Suivant les typologies de Mintzberg (1989)7, les Structures de CARREFOUR sont
divisionnelles, la
départementalisation des activités obéit à un découpage par
centre de profit par zone géographique ; Les décisions opérationnelles relèvent des
divisions. La DG du siège élabore la stratégie d’ensemble, décide de l’allocation des
ressources entre divisions, contrôle leurs performances, le siège fournit les
fonctions d’appui (juridiques, communication…)
Les mécanismes de coordination chez Carrefour, toujours selon Mintzberg (1989)7
sont par ordre de priorité :
- standardisation des résultats (management par objectif)
- standardisation des procédés (dossier de développement…)
- développement d’un mode de coordination transversale en conséquence des
nouvelles structures.
Cette structure divisionnelle donne de l’autonomie et l’on pourrait penser qu’elle est
décentralisée mais en creusant, on s’aperçoit que cette structure est centralisée.
En effet des cadres dirigeants du siège se rendent périodiquement dans les
magasins et recommandent de prendre certaines décisions parmi les plus
importantes ; ainsi la Direction Générale effectue des systèmes de contrôle de la
performance, normalise les procédures (concept, dossiers de développement….)
7
MINTZBERG Henry, le Management, voyage au centre des organisation, les éditions d’organisations,1989
28
II B 2.
Centralisation – Décentralisation ?
La répartition des tâches entre les différentes entités varie d’une manière
significative d’une enseigne à une autre. Certaines donnent des responsabilités
étendues aux magasins avec des sièges sociaux à taille réduite, d’autres au
contraire centralisent la plupart de ces tâches de gestion.
L’activité d’enseigne repose sur un équilibre entre la réactivité commerciale
(capacité à s’adapter rapidement aux aspirations de la clientèle) qui pousse à
donner de l’autonomie aux magasins et la réalisation d’économies d’échelle qui incite
au contraire à centraliser la gestion de l’entreprise. Chaque entreprise trouve son
équilibre en
fonction de son histoire, de sa culture, de sa structure et des
caractéristiques de son parc de magasin.
En ce qui concerne Carrefour, historiquement les familles Deforrey et Fournier
prônaient la décentralisation de la gestion commerciale ainsi les cadres avaient une
plus large autonomie, notamment les chefs de rayon qui fixaient leurs prix,
composaient leur assortiment, négociaient leurs achats. L’encadrement se trouvait
donc hautement qualifié et responsabilisé.
Cette autonomie des magasins était
facilitée par le fait qu’ils étaient de grande taille et que par conséquent, chacun
parvenait à obtenir des conditions d’achat intéressantes auprès des fournisseurs et
réalisait des économies
d’échelle
suffisantes pour
pratiquer
des
marges
commerciales confortables. Ce modèle tirait sa force grâce à sa souplesse et
légèreté (n’étant pas freiné par la lenteur d’une structure centrale).
Compte Tenu de la philosophie entrepreneuriale de l’entreprise, chaque magasin
était très autonome et la gestion des ressources humaines était à l’époque de la
responsabilité des cadres. L’objet des évaluations était basé sur les responsabilités
permanentes de chaque fonction. Ce qui avait entraîné une forte implication des
cadres et
permis de surmonter les difficultés d’approvisionnement posées par
29
l’augmentation des volumes. En contrepartie, les cadres de l’entreprise étaient
« sur-rémunérés ». Or, la pression des autres enseignes par la guerre des prix, la
progressive saturation, les 35 heures vont amener l’entreprise à réduire sa
politique de sur-rémunération afin de rester rentable et cohérente par rapport au
marché du travail.
D’autre part, l’introduction de l’informatique a renforcé la centralisation et changé
considérablement l’emploi des chefs de rayon. En effet, cette informatisation rend
possible une centralisation de la gestion commerciale (l’encadrement perdant
l’autonomie de la gestion commerciale) ce qui va entraîner un changement des
qualifications et une répercussion sur les métiers de la vente ; l’entreprise
Carrefour devra mettre tout en œuvre pour que ses chefs de rayon ne perdent pas
leur motivation.
II B 3.
Description de la culture d’entreprise
La culture de l’entreprise a été alimentée par les fondateurs, pionniers de
l’hypermarché, idéalisés par les salariés ; le respect de la hiérarchie constitue un
dogme pour l’entreprise.
Le dessein de Carrefour est connu par tous, voici, ci-dessous un extrait :
« tous nos efforts doivent converger vers la satisfaction des clients. Notre
première force est constituée par la motivation des hommes. Nos concepts doivent
rester simples et clairs. Notre volonté est d’être internationale. La recherche de
synergies avec nos partenaires doit nous renforcer mutuellement ».
Ces principes constituent l’élément le plus fédérateur et le plus performant de la
culture du Groupe.
Les trois valeurs fondamentales de Carrefour :
-
Aptitudes à servir l’entreprise et solidarité : notre première force est
constituée par la motivation des hommes
30
-
Probité et devoir de loyauté envers l’entreprise
-
L’entreprise « citoyenne » : nous devons nous intégrer au mieux dans
l’environnement spécifique à chaque pays
De plus, une charte déontologique existe pour développer plus spécifiquement les
aspects éthiques, je cite : « nous avons fait le choix d’être la référence dans le
secteur de la distribution. Fiers (syndrome d’appartenance) des valeurs qui font
partie du patrimoine de Carrefour, nous nous engageons à adhérer aux trois valeurs
fondamentales et à observer les huit principes d’action de CARREFOUR »
L’adhésion à ces trois valeurs fondamentales s’accompagne du respect de huit
principes d’action, « transgresser l’une de ces règles de déontologie engage notre
responsabilité », qui sont :
-
Connaissance et observation des lois
-
Responsabilité envers les actionnaires
-
Relation avec les clients
-
Relation avec les fournisseurs
-
Mécénat et parrainage
-
Obligation de diligence
-
Obligation de discrétion et de confidentialité
-
Prévention et règlement des conflits d’intérêt
Chaque salarié connaît le dessein et la charte qui l’accompagne ainsi que les
politiques de l’entreprise qui sont appelés par les salariés «la bible ». Tous ces
éléments constituent le ciment de l’entreprise et chacun est sensé agir de la même
manière. Un langage commun s’installe ainsi que des modes de fonctionnement
identiques.
Le management par objectif fait partie intégrante de la culture de l’entreprise et,
par conséquent, l’objet de l’évaluation sera porté sur les performances ;
31
Le travers de ce mode d’appréciation, c’est que le client est très vite oublié au
profit des résultats opérationnels à court terme.
Les possibilités de promotions ultra rapides sont monnaie courante si les résultats
sont atteints et facilités par une formation à la carte.
Le recrutement du groupe a beaucoup évolué, les autodidactes se sont fait
beaucoup plus rares et les titulaires de diplômes supérieurs ont fait une entrée en
force.
La mobilité géographique est incontournable pour les cadres qui bougent en général
tous les 2 ou 3 ans.
Aujourd’hui, Carrefour est présent dans vingt pays et trois continents. Le groupe
doit donc s’attacher à rassembler ses collaborateurs autour de valeurs communes.
Les fondateurs de Carrefour avaient foi en ce qu’ils créaient, ils savaient que les
clients seraient chaque jour plus exigeants et qu’il fallait leur proposer de bons
produits aux meilleurs prix, qu’il fallait s’adapter à la civilisation de l’automobile et
rendre la vie plus facile aux consommateurs et les écouter pour, toujours, répondre
à leurs nouvelles attentes. Cette culture du client est une des valeurs fortes de
l’entreprise qui se traduit par la garantie des prix bas et s’enrichit chaque jour de
nouveaux services et garanties. De même que l’idée du « quart d’heure d’avance »
cher à l’entreprise se retrouve dans tous les pays à travers :
•
l’innovation sur les produits proposés
•
les renouvellements de concept
•
l’agencement des magasins (magali8 : marchandises rangées en univers) ou
les services
Pour ce faire, l’entreprise organise d’importantes conventions avec tous les
managers du monde entier (650 managers débarquent dans les aéroports parisiens
pour participer à la convention du 14 septembre 98). Pendant trois jours, ces
8
Magali : magasin alimentaire
32
managers se sont rencontrés, ont échangé leur savoir-faire, découvert les
dernières innovations de Carrefour en France, approfondi leur connaissance de la
stratégie du Groupe et des objectifs. L’opération des 35 ans qui se situait à
l’échelle mondiale doit faire monter l’entreprise sur le podium des distributeurs
internationaux.
En outre, l’entreprise, avec ses 125 000 salariés, reste la plus généreuse en
matière de politique salariale (salaire supérieur de 15 à 40 % par rapport aux
autres enseignes).
II B 4.
Analyse de la culture et de l’identité professionnelle
L’analyse de la culture de Carrefour va se situer sur le plan de la gestion, de la
stratégie de l’entreprise à travers :
•
le niveau d’implication
•
le style
•
l’intégration
•
la résistance au changement
II B 4.1
L’implication
Lorsque l’entreprise se soucie de la culture d’entreprise, c’est en général pour
tenter de renforcer à la fois l’implication dans la tâche et l’investissement dans
l’entreprise.
•
Le niveau d’implication a été une préoccupation constante de l’entreprise à
travers :
-
la prime de résultat (importante si le résultat est atteint), la satisfaction au
travail, engendrée par de bonnes relations avec les pairs et la hiérarchie
-
la participation aux décisions
•
L’investissement dans l’entreprise comme communauté d’appartenance :
33
Dans l’entreprise règne un « esprit maison ». Il s’agit d’un patriotisme d’entreprise
(syndrome d’appartenance). Les salariés chez Carrefour sont fiers d’y travailler.
Tout le monde est volontaire et un climat très particulier de convivialité, de volonté
de service, d’effort soutenu et de travail, que le point de vente développe, règne.
Cette fierté d’appartenance n’est pas propre à Carrefour mais à toutes les
enseignes, et a été exacerbée, de par le passé, quand les magasins s’ouvraient de
point de vente en point de vente, à l’époque de la course aux implantations où les
hommes et femmes de l’entreprise étaient heureux de participer à l’ouverture du
premier Carrefour.
Dans la distribution être fier d’appartenir, c’est d’abord pouvoir participer, c’est
aussi être proche et fier de ceux qui dirigent, du « big boss », bien sur, mais aussi
des adjoints, de toute la chaîne du commandement. Etre fier, c’est avoir confiance
dans les décisions, faire tout ce qu’il faut pour contenir un concurrent.
Cette culture peut s’apparenter au mode guerrier de HOFSTEDE9 qui parlait de
masculinité, nous la retrouvons dans l’entreprise à travers certains discours par
exemple « le marketing de combat ».
Nous reconnaissons quatre modalités principales d’accès à la reconnaissance de soi :
-
l’appartenance à l’entreprise
-
la réalisation d’un œuvre individuelle ou collective (l’individu est reconnu par le
résultat de son action créatrice en entreprise)
-
la trajectoire (ce que l’on fait de sa vie- peut-être vue aujourd’hui en termes de
mobilité géographique ou fonctionnelle)
-
la résistance contre toute forme imposée de domination
D’un esprit « maison Carrefour» à
une logique de flexibilité avec l’ère de la
nouvelle mondialisation, nous assistons à l’émergence de la notion d’employabilité.
Une logique de projet personnel plus indépendant et ouvert sur l’extérieur est en
train d’émerger dans l’entreprise (développement de la personne, co-formation…).
9
HOFSTEDE G., « Les conséquences de la dimension de la Masculine », 1987
34
D’autre part, l’entreprise devra de plus en plus composer entre des positions
souvent contradictoires entre les exigences de l’organisation portées par les chefs,
les volontés d’investissements extérieurs (jeunes diplômés), les soucis familiaux de
certains et les espoirs de carrière d’autres. L’identité au travail se construit donc
aujourd’hui au carrefour d’investissements internes et externes à l’entreprise.
Tableau chronologique des évolutions des configurations organisationnelles/
construction des identités sociales par le travail (R. Sainsaulieu)10 :
Appartenance
Œuvre
Trajectoire Affrontement
Maison
Métier
Apprentissage
Lutte sociale
(le patron)
(le compagnon)
(l’apprenti)
(le militant)
Epoque industrielle
(après Seconde
Guerre Mondiale)
Croissance
organisationnelle
(trente glorieuses)
Action collective
Bureaucratie
Expertise
Promotion
(le partenaire
(le fonctionnaire)
(l’expert)
(le cadre)
social)
Entreprise
Profession
Mobilités
Communauté
(l’entrepreneur)
(l’innovateur)
(l’expatrié)
défensive
Crise et
modernisation
(Années 80)
(les collectifs)
Mondialisation et
réduction du temps
Société locale
de travail
Gestion de l’emploi
Compétences
Projets dans
Confrontation de
et
et hors temps
logique
employabilité
de travail
(aujourd’hui)
L’appartenance maison
L’œuvre reste L’expérience
restreint son emprise
un principe
du
sur l’individu
identitaire
s’accroît et se
constant
10
trajet
La lutte
s’intériorise en
entreprise
diversifie
SAINSAULIEU Renaud, « Les Mondes sociaux de l’entreprise », Desclée de Brouwer,1995
35
II B 4.2
le « style » de l’entreprise
Nous allons étudier le style de la « maison » sous deux angles :
-
celui du métier
-
celui des logiques de fonctionnement
Le métier de l’entreprise, cette notion est utilisée chez Carrefour, on parle de
« Cœur du métier, se recentrer sur les métiers. L’appellation chef de rayon a été
remplacée par manager métier ». En effet, les métiers sont stratégiques car ils
représentent le savoir-faire distinctif. Le concept de métier représente le futur
idéal de l’entreprise : que constituent les compétences d’aujourd’hui, quelles sont
celles à acquérir pour posséder pleinement le métier que l’entreprise a décidé de
choisir ? Le métier de Carrefour, ce n’est pas la distribution uniquement mais le
commerce, son cœur de métier, c’est donc la vente d’où le recentrage des
compétences des chefs de rayon vers la vente.
•
la logique de fonctionnement :
- premier axe : l’axe de management des événements
Lorsque l’environnement est très compétitif comme celui de la grande distribution
avec une augmentation des parts de marché incertaine freinée par le gouvernement
(cela ne se fera que par la fusion et absorption d’autres enseignes) et une situation
de produire les prix les plus bas, la rationalité économique prend le pas et le
management stratégique est centré sur la construction de la flexibilité de
l’entreprise : des vigies, des capacités de réaction, des structures de crise.
-
Le deuxième axe est la gestion des hommes (l’autoritarisme ou le partenariat) :
L’entreprise Carrefour change petit à petit en passant d’une logique statutaire à
une logique compétence. En effet, longtemps dans l’entreprise, l’autoritarisme, le
management technocratique, le paternalisme ont été prégnants.
36
L’entreprise peut être qualifiée de technocratique. En effet, elle est centrée sur
les coûts de production, de distribution et elle est rationalisée à outrance. En
matière de gestion des ressources humaines, la productivité est obtenue au travers
de primes de résultats avec l’intensification d’une rémunération individualisée.
L’aménagement du temps de travail est un thème important pour la GRH, la
formation est destinée entre autre à améliorer les « capacités de leadership des
responsables » mais aussi les compétences techniques des opérationnels.
En revanche, à l’intérieur de l’organisation, il existe de nombreuses différenciations
perçues comme des richesses à fédérer et des bastions à conquérir. En effet
l’entreprise est aussi contractuelle en gratifiant les relations paritaires, en
mettant en place de nouvelles formes d’organisation, en investissant dans la
formation qui garantit à la fois l’accroissement de la polyvalence ou poly activité
plutôt et, par conséquent, la flexibilité qui est fortement prise en compte. La
recherche d’une transparence accrue est dans le discours des responsables mais
reste encore à démontrer bien que la libre expression des différents acteurs de
l’entreprise guide les pratiques de développement de la communication.
II B 4.3
•
L’intégration :
Les sous cultures de l’entreprise :
Selon les typologies des mentalités de travail de Renaud Sainsaulieu11 qui sont des
sous cultures basées sur les ressources dont disposent les salariés pour maîtriser
les incertitudes à laquelle est confrontée l’organisation. Renaud Sainsaulieu12
distingue 4 grandes cultures (retrait, fusion ou unamisme, relations ou séparatisme,
professionnelle ou de négociation en fonction de 5 dimensions : la relation de
travail, aux collègues, au groupe, à l’autorité légale et au leader informel).
La culture des relations ou séparatisme est présente dans l’entreprise Carrefour.
En effet, elle se traduit par un investissement au travail comme carrière, elle
11
12
SAINSAULIEU Renaud, « Les Mondes sociaux de l’entreprise », Desclée de Brouwer,1995
Ibid. n°11
37
apparaît chez les salariés dont les chances de promotion individuelle sont fortes.
Dans cette logique, seuls certains collègues de travail, placés dans la même
situation promotionnelle sont valorisés, ils forment un noyau relationnel sur lequel
ils peuvent s’appuyer. L’échange privilégié est l’échange de service. Ils acceptent le
groupe qu’à condition d’être leader, le chef souhaité est un chef libéral, un parrain
compréhensif qui aidera dans l’ascension professionnelle. La valeur clé est
l’ambition.
D’autre part, la culture professionnelle ou de la négociation
est aussi présente
dans l’entreprise. Elle se traduit par un investissement très fort dans la tâche à
accomplir, les résultats à obtenir. Le groupe est recherché et nécessaire, un
ajustement mutuel se réalisera. Il est courant chez Carrefour d’aller chercher
auprès d’un autre salarié l’information pertinente à la réalisation des objectifs. Le
leader n’est accepté que s’il a un statut d’expert. Les valeurs clés de cette culture
sont l’accomplissement et le travail bien fait.
•
Cultures et sous cultures :
La culture de l’entreprise est la résultante de la dynamique des sous cultures, c’est
le rapport de force qui va expliquer l’existence d’une culture dominante. Par
exemple chez Carrefour, un sous-ensemble de représentations financières a le
pouvoir de contrôler l’ensemble en imposant certaines variables (réduction de la
masse salariale), en occultant certaines autres (objectifs de résultat au détriment
des clients), en imposant un langage, en filtrant l’information. Cette domination est
évidemment en corrélation avec la structure sociale du pouvoir de l’organisation qui
se prénomme l’actionnaire. Ainsi, la domination culturelle dépend des possibilités de
contrôle des sources d’incertitudes de l’organisation, contrôle sur lequel les acteurs
assoient leur pouvoir. Il s’agit non seulement des sources d’incertitudes présentes
mais aussi de celles du passé dont le contrôle a donné à certains acteurs individuels
38
et collectifs un pouvoir suffisant pour leur permettre de reproduire les mêmes
structures de pouvoir.
Pour activer le changement, Carrefour devra changer certaines règles mais, pour ce
faire, les acteurs susceptibles de les mettre en place devront avoir le pouvoir de
les réaliser, par exemple l’introduction d’une logique de compétence à la place d’une
logique statutaire. En conséquence, la culture dominante peut donc être
dysfonctionnelle pour l’ensemble de l’entreprise !
II B 4.4
la résistance au changement
La résistance au changement constitue le troisième volet de la culture et elle est
sans doute la plus importante, elle se traduit par des lenteurs, des erreurs et des
conflits, donc des coûts, des retards de crédibilité pour l’entreprise. L’entreprise
Carrefour devra préparer les changements si elle veut passer d’une logique
statutaire où les salariés obéissent à la hiérarchie par déférence à une logique où
les rapports hiérarchiques ont un caractère inconnu (management à l’américaine).
II B 5.
Quel management chez Carrefour ?
Le management est une formalisation de pratique pour répondre aux problèmes
concrets de l’entreprise tels que :
-
la coordination des activités
-
la coopération
-
l’adhésion pour produire la performance
Depuis très longtemps, l’entreprise Carrefour a introduit le principe de direction
par objectif énoncé aux USA par Peter DRUCKER13. La gestion des objectifs a des
effets structurants sur les activités et notamment des cadres opérationnels. Les
réticences peuvent porter sur la manière de définir les objectifs. En effet, pour
13
DRUCKER Peter, « Les nouvelles lois du management selon Peter Drucker », article Capital dec.98
39
qu’un objectif soit mesurable, il faut impérativement que soient définis des
indicateurs de mesure pour permettre de dire si oui ou non l’objectif est atteint.
La pensée par objectifs est donc présente depuis longtemps dans l’entreprise mais
les objectifs ne sont pas toujours bien définis. L’introduction d’une pensée par les
processus est en train de naître avec notamment les nouvelles structures
transversales. Cette dernière est crainte par les salariés qui pourraient penser à
une dynamique de « dégraissage », de raccourcissement des lignes hiérarchiques,
des réductions de frais généraux ! Bref toutes ces techniques de coordination
laissent de côté une question essentielle pour le management : la question de la
coopération ou comment « ménager » les uns et les autres pour une meilleure
rentabilité.
L’entreprise Carrefour parle du « manager minute » grâce à une formation
transmise à tous les cadres (chaque initiative est soumise à l’appréciation du
manager et une stratégie dite de « compliments et de réprimandes minute » est
adoptée) ; en d’autres termes, lorsque le résultat est atteint, les félicitations
doivent être formulées sur-le-champ. A l’inverse, si les résultats ne sont pas
atteints, les critiques doivent être formulées tout en expliquant comment éviter de
reproduire les erreurs. Ainsi au fil des formations, les cadres se voient enseigner
des méthodes « de conditionnement » susceptibles de faire progresser leurs
équipes.
Une autre formation très répandue chez Carrefour est « la stratégie des alliés »
qui consiste à situer chacun des collaborateurs sur un graphe à deux dimensions en
fonction de son comportement «synergique » ou «antagonique ». Une fois, l’attitude
du salarié répertoriée, il convient de le faire évoluer et de neutraliser les
irréductibles.
40
D’autre part, l’entreprise cultive la performance à travers le management par
OBJECTIFS qui trouve sa raison d’être, sa cohérence, à travers l’appréciation.
II B 6.
Quelques chiffres
II B 6.1
Les effectifs
L’entreprise Carrefour totalise 125 000 salariés dans le monde entier.
Effectif Carrefour FR AN CE 98
4 59 4
38 3
3 07 04
Cadres
Maîtrises
Employés
Commentaire :
En comparant, le taux d’encadrement d’Auchan, celui de Carrefour reste beaucoup
plus élevé.
II B 6.2
La masse salariale
Années
Frais de Personnel par
rapport au CA HT
1995
1996
1997
1998
8,00 %
9,64 %
10,06 %
10,22 %
Les autres enseignes telles qu’Auchan tournent autour de 8,5 à 9 % de frais de
personnel. Carrefour a un problème de masse salariale par rapport à la concurrence.
41
II C Réponse de CARREFOUR face à ce contexte
II C 1.
La stratégie
L’entreprise a voulu simplifier la structure du capital du groupe. Les familles
fondatrices, BADIN et DEFFOREY (détenteur de 18,6 % de son capital par les
fondateurs et Carrefour), deviennent directement actionnaires de Carrefour aux
côtés des familles Fournier et March.
II C 1.1
Diversification
L’entreprise qui se positionnait uniquement sur le concept « Hypermarché » a
décidé de faire l’acquisition de Comptoirs Modernes, qui est leader du
« supermarché » en France ; ce qui va permettre à l’entreprise de gagner des parts
de marché dans un secteur en pleine expansion. En effet, les supermarchés sont
essentiellement des magasins de flux (de proximité) et la tendance est au
développement des parts de marché de ces magasins. De plus, l’intégration et le
développement
de
l’activité
supermarchés
à
travers
Comptoirs
Modernes
permettent à l’entreprise de développer en commun les outils logistiques et
informatiques qui réduiront à terme les coûts de distribution (l’optimisation de la
rentabilité) et amélioreront encore plus la compétitivité commerciale. La
combinaison des deux formats de magasin (hypermarché et supermarché) paraît
pour l’entreprise répondre au mieux au management des parts de marchés.
L’entreprise, d’autre part, intensifie sa stratégie de diversification notamment en
matière de propositions d’offres de service aux clients. Pour cela, elle s’est alliée à
Omnicom (opérateur français de télécommunication), la signature d’un accord avec
cet opérateur a donné naissance à Carrefour TELECOM
42
II C 1.2
Opération coup de poing
Les 35 ans du groupe avec une opération commerciale mondiale dotée d’un budget
publicitaire de 200 millions de francs (plus que Peugeot pour lancer un nouveau
modèle). C’est le premier distributeur à monter une opération commerciale
simultanée dans seize pays différents. En terme d’achats, la mondialisation reste
encore pour les dirigeants à l’état d’ébauche, en terme de planification, de
logistique et de médiatisation, la performance est indéniable. Carrefour en
globalisant ses achats pour l’ensemble des magasins de monde entier, a pu obtenir
les meilleurs produits aux meilleurs prix. Cette opération a permis de gagner 10 %
de clients
mais aussi de renforcer la
« massification »
des achats
et
l’approvisionnement planétaire.
De plus, je pense que cette opération a permis à l’entreprise d’initier une
communication interne envers ses équipes à travers le monde afin de développer le
sentiment d’appartenance et de mettre en place une mesure de la performance des
équipes.
D’autre part, cette opération a permis à l’entreprise de réduire les frais en amont
afin d’avoir une excellente maîtrise dans la gestion des stocks.
II C 1.3
organiser au mieux la production et la gestion des stocks
Pour ce faire, l’entreprise entretient des relations commerciales avec les
fournisseurs qui évoluent vers une Gestion Partagée des Approvisionnements.
L’entreprise, en plus des remises générées par une optimisation des coûts de
transport (camions complets), enrichit la relation commerciale en analysant
l’ensemble de la « supply chain »14 en cherchant à améliorer la production de ce
processus et à réduire les stocks à tous les niveaux.
En conséquence, Carrefour a revu son organisation logistique jusque-là très
sectorielle et très verticale. Les diverses directions logistiques ont été regroupées
14
Supply chain : la chaîne d’approvisionnement
43
en une seule direction nationale. Parallèlement, la mise en place des commandes « A
pour A » (les magasins commandent le matin à l’entrepôt pour une livraison l’après
midi pour les magasins situés à proximité et le lendemain matin pour les magasins
plus éloignés) contribue à un gain de temps mais aussi à un gain financier grâce à la
disparition des stocks dans les réserves magasins et à l’élimination des
manutentions de la réception à la réserve, puis de la réserve au rayon. Ce
changement d’organisation implique une évolution et une mutation des emplois.
L’objectif pour l’entreprise dans les 2 ans à venir est :
•
d’optimiser les nouveaux outils informatiques comme EDI15 entre les
fournisseurs et l’entreprise qui permettent déjà la passation des
commandes, la réception des avis d’expédition,
•
d’uniformiser les référencements des produits entre les 133 magasins en
France
•
d’étendre le « zéro stock » en magasin aux produits non alimentaires
D’autres pays avancent dans le même sens.
II C 1.4
Standardisation des processus comptables, financiers du
groupe et des processus RH
La réforme de l’organisation de l’entreprise, étant donné sa taille, devient
incontournable. Ainsi l’identification et la standardisation au niveau mondial des
bonnes
pratiques
de
gestion financières nécessitent
l’appui
de
systèmes
d’informations modernes et efficaces d’où la mise en place d’un projet nommé
« Thalès » qui est un des éléments de cette transformation puisqu’il tend à
organiser en profondeur les activités comptables et financières du groupe à
l’échelle mondiale. Le reporting est un de ces processus.
Certains pays anciens disposent d’une multiplicité de tableaux d’information d’où la
surabondance de saisies manuelles, source de perte de productivité.
15
EDI : Echange de données Informatiques
44
Enfin, la décentralisation fait apparaître l’intérêt de mettre en commun les
opérations de reporting afin de diminuer la multiplication des temps de maintenance
des systèmes. Cette unification nécessite donc pour l’entreprise une définition
complète des référentiels et un plan de compte commun à toutes les entités du
groupe. La standardisation permettra donc à terme l’automatisation complète de la
chaîne comptable. Elle accélère aussi la recherche et le partage de l’information et
libère ainsi les managers des tâches de production pour ne se concentrer que sur
l’analyse.
Lancé en 97 et testé en Thaïlande, le projet « Thalès » est rentré en phase
opérationnelle en Corée et en Pologne en 98 (d’autre pays sont en cours
d’installation cette année).
Dans un premier temps, les fonctions de Comptabilité Générale, Gestion des
Commandes, Comptabilité Fournisseurs et Gestion des Immobilisations seront mises
en place, suivront dans une deuxième phase les modules : Budget, Trésorerie et
Ressources Humaines (progiciel « People Soft HR »).
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication vont contribuer
à gérer les compétences en tant que vraie valeur de l’entreprise. Cela nécessite
pour la fonction RH, une connaissance immédiate des différents flux et des
différentes masses, une visibilité prospective en terme d’emplois, de mobilité, de
compétences et de rémunérations ainsi qu’une participation active dans les
changements et adéquations menés par l’entreprise pour progresser. En effet, il lui
est demandé de gérer la complexité telle que :
•
la réduction de la ligne hiérarchique et la mise en place d’une organisation
en réseaux, privilégiant ainsi le leadership à la hiérarchie
•
la mise en place d’un plan de stock-options afin de fidéliser les cadres de
l’entreprise
45
•
la professionnalisation d’une catégorie de salariés pour développer les
services et répondre aux évolutions des métiers dues à la standardisation
des process
•
le redéploiement des salariés dû à l’évolution des métiers et des fusions
•
la négociation d’accord avec les salariés sur l’organisation du travail
•
…
Ces
différentes
situations
montrent
les
préoccupations
auxquelles
l’organisation est confrontée et les transformations majeures que la fonction
RH devra réaliser. Celle-ci est un véritable levier pour les dirigeants pour
conduire et maîtriser le changement.
Pour arriver à piloter ces changements, la fonction RH doit absolument
raisonner sur des informations et indicateurs nombreux, disparates et
hétérogènes. (comment mettre au point une véritable politique de mobilité et
de gestion de l’emploi sans avoir une visibilité globale de l’entreprise, sans
mettre en perspective les indicateurs de son organisation avec les
indicateurs des concurrents ?…). En conséquence, les technologies de
l’information et de la communication doivent participer et aider la fonction
RH à anticiper les changements.
II C 1.5
La part croissante des systèmes d’information
Plus que la globalisation et la puissance d’achat gigantesque que cela engendre, c’est
la capacité à mettre en place des systèmes d’informations planétaires sur les flux
de marchandises et sur les profils des consommateurs qui constituera, au cours de
la prochaine décennie, le facteur décisif de succès. Un domaine de haute
technologie dans lequel les groupes américains avec leur logistique sans faille et des
systèmes d’information reliés par satellite, possèdent une bonne longueur d’avance
sur les européens. Il faut imaginer que la puissance offerte par le croisement
mondial des données issues des cartes de paiement et des codes barres lors des
passages des chariots aux caisses pour comprendre que les concentrations dans la
46
distribution ne sont pas seulement des « bagarres d’épiciers ». Ainsi, l’entreprise
devra accélérer (ayant du retard dans le domaine) le développement de son
système d’information si elle veut garder son ¼ d’avance…
II C 1.6
Internationalisation
Carrefour veut consolider sa mondialisation. Aujourd’hui, l’entreprise a des
positions fortes dans plusieurs pays et est leader de l’hypermarché en France, en
Espagne, à Taiwan, au Brésil ou en Argentine. Dans les grands pays, sauf en France
(à cause des lois), l’entreprise continue d’ouvrir des hypermarchés et son objectif
d’ici deux ans est d’atteindre les 500 hypermarchés (actuellement 380 dont 133 en
France).
(en % du CA Consolidé) nombre de magasins
Asie
6%
Europe
14%
France
57%
Amériques
23%
France
Amériques
Asie
Europe
Mais carrefour c’est aussi :
•
le groupe Erteco (Ed le marché et Ed discount) qui sont des supermarchés
hard discounters
•
Picard Surgelés (357 magasins) progression de +13 % de chiffres
d’affaires sur l’année écoulée
•
Comptoirs Modernes : 361 Stoc, 23 Marché Plus, 22 Comod, 381
partenaires ou franchisés
47
II C 2.
Organisation
II C 2.1
Changement de structure en magasin
Si la distribution apporte une réponse au discount auprès des consommateurs, la
fidélisation des clients doit être accentuée en leur apportant une valeur ajoutée.
Confrontées à une concurrence plus professionnelle, à une rentabilité plus difficile
à obtenir, à une pression constante du marché pour réaliser des gains de
productivité, les entreprises de grande distribution doivent repenser leur
organisation humaine dans les hypermarchés. Actuellement, elles cherchent un
mode d’organisation adéquat dans les magasins.
II C 2.2
Comparaison avec les autres enseignes
Le changement d’organisation dans les magasins de grande consommation semble
inéluctable. En effet, la majorité des enseignes concurrentes change d’organisation
dans ses magasins. Le chef de rayon n’est plus entrevu comme l’homme à tout faire
dans le magasin mais il faut qu’il consacre plus de temps à ses équipes et clients
pour cela, sa charge de travail doit être allégée (le droit du travail incite aussi à le
faire).
•
Pour Continent, le chef de rayon polyvalent disparaît au profit d’un binôme
constitué d’un responsable des actions commerciales chargé de la partie
animation et opérations saisonnières et d’un responsable de vente en
charge du management des équipes et de la gestion du permanent. Pour
animer
et
coordonner
ses
nouveaux
chefs
de
rayon,
l’équipe
d’encadrement sera composée de trois cadres au lieu de cinq (responsable
alimentaire, non alimentaire et marketing).
•
Pour Auchan, le chef de rayon voit son poste scindé en deux. D’un côté, le
chef de gamme très orienté marketing et vente, de l’autre, le chef
approvisionnement plus orienté approvisionnement et gestion. Quant aux
48
chefs de secteur produits, ils seront remplacés par deux directeurs
adjoints, le premier s’occupant de la partie commerciale, le second de la
partie approvisionnement. Ce nouveau mode d’organisation testé dans
trois petits hypermarchés (moins de 6000 m2) et qui devrait l’être à
terme dans les grands.
•
Leroy Merlin a modifié les missions des équipes de vente pour coller aux
cinq
« mondes »
(bricolage,
construction,
jardinage,
équipement
sanitaire….) crées par l’enseigne il y deux ans. Ainsi les responsables de
rayon et les conseillers vente ne sont plus attachés à un produit (la
moquette par exemple) mais à un univers (la décoration) , ce qui implique
plus de polyvalence, Ils doivent être en mesure de satisfaire au besoin du
consommateur de A à Z et d’autre part, d’optimiser l’organisation du
travail.
II C 2.3
Carrefour - mise en place de structure transversale en
magasin
II C 2.3.1
Descriptif
Une refonte de l’organisation des ressources humaines a été entreprise par
Carrefour. Comme les autres enseignes, le métier de chef de rayon et
l’encadrement ont été redéfinis. Cette évolution des métiers fait suite à la
centralisation des achats, de la logistique, de l’automatisation des procédures
(Thalès et le nouveau logiciel de gestion commerciale).
En effet, la mondialisation a eu pour effet de vider de son contenu la mission des
cadres en magasin. Les magasins délestés des fonctions logistiques, informatiques,
achats, de plus en plus prise en charge en amont, la mission des cadres avait
significativement changé. Seule une redéfinition des métiers pouvait leur donner
une nouvelle valeur ajoutée. La réponse consiste à recentrer tous les moyens et les
compétences des magasins sur la vente. Parallèlement, les exigences des
consommateurs ont changé, ils veulent davantage de conseils et de services. Enfin,
49
les lois citées précédemment empêchent les distributeurs d’accroître leur surface
et rendent plus impérative que jamais la recherche d’une performance économique.
De plus, la loi des 35 heures amplifie le phénomène ainsi la définition de nouvelles
méthodes de travail en magasin s’impose. Par conséquent, Carrefour décide de
raccourcir la ligne hiérarchique, l’encadrement est allégé dans huit magasins tests.
Le manager métier va remplacer le chef de rayon qui ne travaillera, à l’avenir, plus
pour un ou deux rayons mais pour un univers, par exemple les produits carnés à la
boucherie, les sous-vêtements au textile. Ils devront manager l’équipe de vente et
seront responsables de la gestion intégrale du compte d'exploitation de leur
univers. Avec la centralisation des achats du groupe, le rôle des chefs de rayon
s’est paupérisé. En effet, ils passaient beaucoup de temps à la manutention mais cet
état de fait est dû également au manque de main d’œuvre et à la surabondance de
cadres. L’entreprise veut ainsi donner aux managers métiers plus d’autonomie et
leur permettre de se consacrer à 100% à l’amélioration de la vente des produits de
leur univers.
Pour soutenir les managers métiers dans une perspective globale du magasin, une
équipe transversale de management est mise en place, constituée d’anciens chefs
de secteur dont les fonctions sont désormais devenues inutiles. Leur nouveau rôle :
conseiller les managers métiers et servir de courroie de transmission entre le siège
et les magasins sur cinq domaines stratégiques : ressources humaines, contrôle de
gestion, marketing, flux et organisation, commercial. Cette nouvelle configuration
s’applique aux plus grands hypermarchés (+ de 1 milliard de francs de Chiffre
d’affaires), dans les magasins à faible volume (- de 500 millions de francs de CA) ou
situé sur la même zone de chalandise, certaines fonctions seront partagées telles
que : le responsable des ressources humaines, le marketing et flux et organisation.
Dans les magasins entre 800 millions et 1 milliards, il y aura un marketing,
contrôleur de gestion, un commercial. Même volonté de souplesse pour les 24
50
managers métiers qui se verront octroyés plusieurs univers dans les petits magasins
dans un souci de rentabilité.
D’autre part, il devient évident que les fonctions du directeur changent (étant
déchargé de coordonner les secteurs), il peut mieux se consacrer à la gestion et au
relationnel. Ces nouvelles structures permettent de décloisonner le magasin et de
le gérer de manière collective (chacun œuvrant pour l’intérêt collectif et pour la
satisfaction des clients). Ces changements, comme tout changement, engendrent
des difficultés. Autrefois, les managers métiers percevaient leur valeur ajoutée
sur les achats et la gestion des stocks. Aujourd’hui, on leur demande de faire de la
vente assistée, un véritable marketing de proximité et du management.
D’autre part, les chefs de secteur se voient perdre leur pouvoir hiérarchique et en
parallèle, ils devront devenir « expert » dans un domaine. Afin de permettre aux
nouveaux responsables experts de développer de nouvelles compétences, Carrefour
met en place un vaste programme de formation ( 8 à 20 jours de stage de
formation intensif).
Cette structure permettra d’obtenir une meilleure cohésion et d’accroître la
réactivité et rapidité dans la prise de décision. Le temps gagné va permettre d’être
réinvesti pour les clients. D’ici 2001, ces structures transversales seront
démultipliées.
II C 2.3.2
1er facteur de réussite - la coopération
Pour réussir, ce changement d’organisation, il est primordial qu’une coopération se
développe (les chefs de secteur ayant l’habitude de travailler pour leur secteur). La
réussite de cette nouvelle structure passe donc par l’efficience de la coopération
et la réussite de la coordination. Cette coordination horizontale va notamment
reposer sur le partage des informations et la communication.
•
Comme le rappelle Mintzberg (1982)16, toute activité humaine organisée
doit répondre à deux exigences fondamentales et contradictoires, la
51
division du travail entre les différentes tâches à accomplir et la
coordination de ces tâches pour en assurer la cohérence. L’ajustement
mutuel est un mécanisme de coordination que les salariés fonctionnels de
Carrefour ont l’habitude de réaliser, depuis longtemps, ils sont habitués à
travailler de manière transversale. En revanche, dans les magasins, ce
mode d’ajustement n’est pas monnaie courante et chaque salarié a plutôt
l’habitude de travailler « pour sa propre paroisse ». La difficulté est que
la coopération ne peut être prescrite et qu’elle repose avant tout sur la
volonté des parties concernées (d’où la nécessité de faire adhérer les
salariés aux nouvelles structures). La coopération est caractérisée par
l’ensemble des liens que construisent volontairement entre eux des
salariés afin de faire face à une situation nouvelle (cette définition est
inspirée de celle de Christophe DEJOURS17 ). Ces liens sont de nature
multiple (construction et développement des savoirs, compétences
communes, partage d’expérience) et il s’agit à chaque fois d’actions
individuelles qui mettent en jeu les relations avec les autres acteurs. Par
conséquent, afin de favoriser la coopération, l’entreprise devra prendre
garde à certains traits de la dimension culturelle comme l’autorité
hiérarchique qui nuirait au développement de pratiques coopératives. Seul
le dialogue et l’argumentation peuvent être vecteurs de coopération
active.
II C 2.3.3
2ème facteur de
réussite - définition d’objectifs
communs
16
17
Ibid. n°7
DEJOURS Christophe, « Travail, usure mentale », 1980
52
D’autre part, la réussite de ce changement d’organisation requiert la définition
d’objectifs communs et une approche pertinente de l’information. Les objectifs en
terme de performance devront être clairement explicités (les chefs de secteur
n’ayant plus un compte d’exploitation comme indicateur de leur performance) et
redéfinis. L’entreprise a redéfini le système de rémunération pour la population des
nouveaux responsables transversaux. En effet, la prime 1 est supprimée (basée sur
les résultats du secteur), en contrepartie, les primes 2 et 3 sont renforcées. Leur
évaluation repose sur les résultats collectifs du magasin et sur la motivation du
salarié (les salariés ont l’habitude d’appeler cette prime « prime de gueule »).
D’autre part, l’information qui compare les résultats aux performances attendues
devra être organisée pour que chaque membre puisse s’auto-évaluer.
II C 2.3.4
3ème
facteur
de
réussite -
définition
de
l’information dont chaque salarié a besoin
Tout membre de l’entreprise devra constamment ré-analyser l’information dont il a
besoin pour mener à bien son travail et contribuer ainsi au résultat d’ensemble.
Il ne suffit pas d’avoir de l’information à outrance mais de l’information utile à la
réalisation de la mission pour :
•
savoir ce que le salarié fait
•
être capable de décider ce qu’il devrait faire
•
évaluer la qualité de ce qu’il fait
D’où la nécessité de la mise en place d’un système d’information et de gestion
cohérent devant se transformer en centre de résultat et non en centre de coût.
II C 2.3.5
Conséquences de ces changements organisationnels
53
Ces changements de structure vont entraîner pour l’entreprise Carrefour des
problèmes de management. Une modification des vieilles habitudes et l’acquisition
de nouvelles vont être nécessaires. Or, l’entreprise Carrefour a connu des succès
avec ses anciennes structures et le processus de changement risque d’être
douloureux pour les cadres. En effet, il menace leur emploi, leur statut, leurs
opportunités d’évolution.
Par conséquent, des problèmes de management spécifiques risquent d’apparaître, il
est donc impératif de :
-
mettre en plus des systèmes de rémunération, des signes de
reconnaissance et des opportunités de carrière pour ses nouveaux
spécialistes. Il est impératif que les valeurs et la structure de
rémunération des entreprises soient modifiées. Carrefour a déjà
engagé une modification du processus de rémunération (voir cidessus).
-
Créer une vision unifiée dans un univers de spécialistes. Carrefour
devra donner à l’organisation transversale de spécialistes une vision
commune, une vue d’ensemble. Il est indispensable que la vision globale
de la société et la direction qui y est donnée soient partagée par la
majorité des responsables transversaux, que leur rôle soit compris de
tous. L’entreprise devra accepter et encourager la fierté et le
professionnalisme de ses nouveaux experts. En l’absence d’une gestion
de carrière dans l’encadrement intermédiaire, la motivation doit se
nourrir à travers ce professionnalisme.
-
assurer la relève au niveau de la GRH et veiller à sa préparation et à sa
mise à l’épreuve.
Les objectifs de changements opérationnels de ces différentes enseignes et de
Carrefour sont communs à savoir :
54
-
mieux coller aux attentes des clients,
-
raccourcir la ligne hiérarchique plus être plus réactif,
-
recentrer les cadres sur leur mission et à terme en diminuer le nombre
-
améliorer la rentabilité des points de vente, acquérir un avantage
concurrentiel.
II C 2.4
Changement d’organisation « marchandise » en magasin :
organisation par univers
II C 2.4.1
Apport théorique sur l’évolution des organisations en
entreprise
Jusqu’à présent, l’organisation de Carrefour était dite « cellulaire » (une
organisation par petites équipes d’une grande autonomie pour auto-organiser leur
travail, directement responsables de la performance pour l’entreprise). Le mode de
contrôle du travail est un mode de contrôle par objectifs/résultats et les salariés
sont évalués sur le niveau d’atteinte de ces objectifs. Toutefois, ce genre
d’organisation présente des limites :
•
elle risque de conduire à une vision corporative, une segmentation des
performances (chaque rayon ou secteur ne s’occupant que de son propre
travail). En effet, l’entreprise réussit à améliorer les performances
locales des équipes mais sans pouvoir faire vivre une vision d’ensemble de
cette performance. Afin de remédier au dysfonctionnement que cela
entraîne, l’entreprise Carrefour associe à son organisation cellulaire une
organisation transversale.
En effet, l’organisation en réseau a été développée pour résoudre les problèmes
que l’organisation cellulaire classique ne permettait pas bien d’appréhender. En
particulier, l’organisation en réseau permet de prendre en charge les besoins
55
d’organisation transversale, commune à plusieurs métiers de l’entreprise, et visant
une performance directement globale.
Dans ce type d’organisation qui est largement inspiré des méthodes américaines,
une intégration des performances individuelles (les métiers travaillant ensemble)
permet de donner une visibilité directe sur la performance globale.
L’organisation en réseau est très souple, elle a plusieurs formes de configuration :
•
organisation par les processus
•
organisation par ligne ou business unit
Cette association de cellule met l’accent sur la responsabilité de l’équipe vis à vis
du résultat final (le client). L’objectif des équipes transversales de Carrefour est
d’animer les interactions entre les rayons et de gagner en performance grâce à la
structuration systématique d’une communication inter métiers. Toutefois, il doit
s’agir d’un réseau de coopération et non d’un réseau de pression et de contrôle sur
les équipes ! Le contrôle du travail se déplace de la cellule isolée vers le réseau.
Cette organisation en réseau comporte aussi certaines limites et difficultés :
•
elle risque de rendre les objectifs très abstraits et éloignés
•
elle risque d’aviver les tensions et les désaccords entre différents
métiers
•
elle peut conduire à limiter l’autonomie
des équipes en augmentant la
pression qui vient du réseau
C’est pourquoi l’idée serait de rechercher un équilibre entre l’organisation en
cellules autonomes et l’organisation en réseau, d’aller vers une organisation
cellulaire en réseau au sein de laquelle chaque forme organisationnelle équilibre
l’autre.
Une autre organisation dite « en projets » existe aussi dans l’entreprise. Il s’agit
de réunir une équipe multimétiers autour d’un projet d’innovation, avec des
56
objectifs précis et une durée de vie spécifiée. Cette organisation est temporaire,
pour une durée limitée. Le gros avantage est de polariser les compétences et
l’investissement des membres du projet. Toutefois, cette organisation a tout de
même des inconvénients dans le sens où se pose la question de savoir comment les
projets d’innovation peuvent rentrer dans le fonctionnement de l’entreprise.
D’où l’idée de faire de l’organisation par projet une forme organisationnelle qui se
diffuse largement dans tout le tissus social de l’entreprise.
Bref, « faire traverser l’organisation ordinaire, en cellule reliée en réseau, par des
projets », de manière à dynamiser toute l’organisation et à y insuffler un esprit
d’innovation. Carrefour rentre dans ce mode de fonctionnement en associant ces
trois mutations organisationnelles (cellulaire, en réseau et par projets) au sein d’un
même fonctionnement.
L’on pourrait qualifier, CARREFOUR « d’une organisation cellulaire ou poly cellulaire
(avec un haut niveau d’autonomie et de responsabilité de chacune des cellules) et en
réseau (des appuis de cellules fonctionnelles aux cellules opérationnelles), animée
par projet ».
II C 2.4.2
Mise en œuvre d’organisation en Univers dans les
magasins carrefour
Afin de riposter à l’agressivité des magasins spécialistes (Décathlon, Fnac,
Castorama), l’entreprise change le concept hypermarché. Jusqu’à présent, dans les
magasins, il y avait trois secteurs non alimentaires liés aux produits (textile, bazar,
electro-photo-ciné-son). Désormais, il y aura quatre univers regroupés selon la
logique d’achat des clients : culture et communication, maison, loisir et détente, la
personne. Chaque univers est divisé en boutiques spécialisées (le libraire, les arts
de la table, etc). Ce changement aura bien entendu des conséquences sur la
qualification des employés des rayons qui devront développer une certaine
polyvalence.
57
II D Ebauche du dispositif de politique de gestion des ressources
humaines
Je terminerai ce chapitre par une ébauche de réponse en matière de gestion de
ressources humaines (ce que j’ai pu déceler par rapport aux informations auxquelles
j’ai eues accès). Elle ne prétend donc pas être exhaustive…
II D 1.
Gérer la mobilité
L’objectif de la DRH est d’anticiper la gestion des ressources humaines afin de
stabiliser les personnes et de mieux préparer leurs mouvements. Bref de gérer au
mieux la mobilité utile à l’entreprise. Pour ce faire, un Comité de détection a été
créé afin de passer en revue l’ensemble des managers, directeurs… et permettre
ainsi d’envisager leur avenir. Des listes sont élaborées recensant les membres de
l’encadrement susceptibles de bouger. De plus, l’entreprise a mis en place un outil
appelé fiche « itinéraire » afin de constituer une base de données. Les cadres ont
rempli cette fiche via Lotus Notes. Chaque fiche mentionne leurs parcours
professionnel, leurs formations, leurs souhaits de mobilité internationale.
II D 2.
Maîtriser la masse salariale
L’entreprise Carrefour gérait jusqu’à présent les rémunérations de manière assez
décentralisée ; les directeurs de magasins étant responsables de l’évolution de la
masse salariale.
Dans ce contexte, Carrefour décide de mettre en place de nouveaux outils afin de
mieux piloter :
•
la maîtrise de la masse salariale (effets : reports, de masse, de niveau,
noria…)
•
la consolidation des prévisions et des résultats magasins
•
la
compétitivité
de
l’ensemble
des
rétributions
offertes
aux
collaborateurs de Carrefour (benchmarking afin de vérifier si le système
de rémunération est compétitif par rapport à la concurrence)
58
•
la
refonte
de
la
politique
de
rémunération
pour
supporter
le
développement de l’entreprise
II D 3.
Négociation sociale
La réduction du temps de travail a été un levier pour adapter le travail aux
attentes des clients mais aussi aux salariés de l’entreprise. En effet, la nouvelle
Convention Collective de mars 1999 présente des capacités de compétitivité et de
développement de l’entreprise en prenant en compte les aspirations des salariés.
Elle s’est réalisée à travers le dialogue social avec les partenaires sociaux. La
réduction du temps de travail en contrepartie d’une semaine supplémentaire de
congés, de la création de 1000 emplois et 250 en faveur des handicapés, sans
réduction de salaire, demandait une meilleure organisation des horaires.
En contrepartie, les syndicats ont accepté une certaine flexibilité, la semaine de 35
h pouvant monter à 41 heures pendant les périodes actives où tomber à 29 heures
pendant les mois creux. Cette modulation concerne aussi les temps partiels qui (si
les salariés concernés l’acceptent) voient leur contrat revalorisé jusqu’à + 3 heures.
Par contre, les syndicats ont cédé sur les points suivants :
-
les primes d’ancienneté et de présence sont gelées,
-
l’exclusion des primes dans la base de calcul du salaire de référence
des congés payés,
-
le forfait pause n’est plus inclus dans le temps de travail effectif.
On peut dire que l’entreprise a réussi à travers des négociations actives avec les
partenaires sociaux à refondre sa Convention Collective sans la dénoncer.
La société CARREFOUR occupe donc une position dominante dans la Grande
Distribution mais en France ce secteur d’activité se caractérise par :
59
•
Des consommateurs de plus en plus exigeants.
•
La faible progression du pouvoir d’achat et la prudence des
ménages (impact du chômage, manque de compétitivité, les prix
ayant tendance à baisser )
•
La nécessité d’un
développement à l’international soutenu pour
conserver des marges compétitives ( en France ouverture de
magasin bloquée )
•
Un cadre réglementaire de plus en plus contraignant (législation du
travail, vente à perte – loi Raffarin18.. .)
Ainsi lors de la présentation des principales caractéristiques de la Grande
Distribution et de Carrefour, j’ai souligné que, l’une des principales évolutions qu’ a
connue le secteur durant des années, est l’avènement de la guerre des prix. Cette
exacerbation du discount apparaît comme la conséquence de l’apparition des
grandes surfaces.
D’autre part, l’histoire de l’entreprise, ses choix antérieurs ont une influence sur
ce qu’elle est aujourd’hui.
La
politique
commerciale
apparaît
comme
un
élément
déterminant
de
différenciation. La réduction des marges commerciales due à l’intensification de la
concurrence a conduit Carrefour à rechercher des économies d’échelle
en
centralisant ses achats afin de renforcer sa position dans les négociations
commerciales
auprès
des
fournisseurs.
Alors
que
Carrefour
était
traditionnellement très décentralisée du point de vue de l’approvisionnement et des
achats. L’entreprise s’est donc développée sur des modes de gestion distincts. Elle
est passée d’un mode de gestion décentralisé à une gestion centralisée (plus
conforme à sa politique d’assortiment court et de discount).
18
Loin Raffarin : obligation de passer devant une commission pour ouvrir un hypermarché
60
Cette évolution a induit de nouvelles formes d’organisation et le développement de
l’informatique.
En outre, les mutations majeures des contextes concurrentiels entraînent le
développement d’une flexibilité adaptative, d’une coordination horizontale, d’un
partage de l’information, d’une mobilité des hommes et des équipes. Cette nouvelle
organisation doit rendre les hiérarchies moins prégnantes. La source de la valeur
ajoutée se déplace vers les communications, les habiletés relationnelles et les
systèmes de connaissances.
L’entreprise CARREFOUR évolue dans un contexte spécifique lié à son histoire et
qui la conduit vers des politiques de gestion des ressources humaines spécifiques,
et contingentes à un environnement particulier.
Les nouvelles formes d’organisation du travail mises en place par l’entreprise
répondent ainsi à un objectif économique. Les fluctuations d’activité soumettent
CARREFOUR à de fortes contraintes d’adaptabilité et de flexibilité afin de
satisfaire les clients. L’assouplissement des structures indique que l’entreprise
s’achemine progressivement vers des structures où il y aura moins de cadres, plus
de coopération et davantage de transversalité.
La structure s’adapte dans le sens de la flexibilité et de l’allégement ; ce point
constitue un enjeu majeur pour l’entreprise.
61
62
III. La flexibilité - de la théorie à la pratique dans le secteur de
la grande distribution
Dans la première partie, il a été établi qu’en fonction du choix stratégique,
organisationnel, des effets du secteur de la grande distribution, une logique de
souplesse est nécessaire.
Toutefois, il m’apparaît opportun de préciser à travers le chapitre suivant les
points suivants :
De quelle flexibilité parle-t-on ? Pourquoi est-elle pertinente ? Quels sont les
enjeux ? Comment est-elle mise en place dans le secteur de la grande distribution ?
III A Apport théorique
La gestion de la flexibilité semble être la réponse nécessaire dans le secteur de la
consommation de masse. En effet, les entreprises sont amenées à s’adapter aux
changements qu’ils soient liés aux fluctuations de la demande ou à la concurrence pu
des actionnaires ou du gouvernement...
La prévision, l’anticipation et surtout la planification deviennent de plus en plus
difficiles, les entreprises doivent s’adapter dans un laps de temps toujours plus
court à des évolutions commerciales, sociales…
Cette contrainte de renoncer à la prévision impose de développer au maximum la
flexibilité, c’est à dire l’aptitude à s’adapter aux changements liés aux conditions
extérieures.
La gestion de la flexibilité a donc pour vocation de faciliter des ajustements
rapides et permanents.
63
Comme la gestion prévisionnelle, la gestion de la flexibilité concerne toutes
les pratiques de GRH :
formation, recrutement, gestion des carrières et de la mobilité,
rémunération peuvent être affectées ou utilisées pour la recherche de la
flexibilité.
Les composantes classiques de la gestion des ressources humaines se
trouvent affectées par la dualité flexibilité/planification.
La flexibilité est donc un paradigme de mise en cohérence des pratiques de GRH .
Il n’existe pas une pratique unifiée, la recherche de la flexibilité est avant tout une
finalité, un mode de raisonnement, un cadre de référence pouvant guider la mise en
œuvre des pratiques de GRH .
Véritable cadre de gestion de l’emploi, la flexibilité est souvent liée au droit, dont
son développement dépend étroitement. Elle est aussi arrimée à la négociation
collective (aménagement du temps de travail, 35 heures).
L’entreprise Carrefour doit développer la flexibilité parce que les contraintes de
l’environnement changent profondément. Les ajustements auxquels elles doivent
consentir ne laissent pas l’organisation indemne.
Pour comprendre la signification de la flexibilité, je vais examiner les mutations
organisationnelles qu’elle accompagne, les débats qu’elle suscite, les contextes qui la
favorisent ou au contraire la freinent .
64
III A 1. Définition de la flexibilité
La flexibilité s’oppose avant tout à la rigidité, ce qui est la caractéristique des
modèles passés (Taylor, 30 glorieuses, emploi à vie CDI et rémunéré selon des
négociations collectives ou la législation en vigueur).
Cela se fera souvent au prix d’importantes modifications du Droit du Travail,
abondamment porteur de ce cadre de référence et élaboré sur sa base de la
flexibilité.
III A 2. Flexibilité de l’emploi ou du travail ?
Le concept de la flexibilité est souvent critiqué, il est ambigu car il n’y pas une
seule forme de flexibilité ; elle est multiple et paradoxale (quantitative ou
numérique, qualitative ou fonctionnelle, externe, interne, offensive, défensive).
L’article de Dominique Haddad et Philippe Halimi (1999)19 différencie deux types de
flexibilité. Si elle produit de la précarité et de l’insécurité, de la segmentation et
de la fragmentation, la flexibilité est nommée « flexibilité de l’emploi ». Si elle
produit de la stabilité et de la sécurité, de l’autonomie et de la compétence, de
l’identité et du sens, elle sera nommée « flexibilité du travail ».
Nature de l'effectif de CARREFOUR : 1998
Temps Partiel dans l'entreprise CARREFOUR : 1998
6% 5%
14%
21%
46%
47%
6%
Temps complet
Salariés entreprise ext.
23%
Temps partiel
Stagiaire Ecole
32%
CDD
CET
entre 28h1/4 et 35h
entre 23h55 et 28h 1/4
inférieur à 23h55
L’entreprise privilégie les contrats à temps partiels supérieurs à 28 h et les
CDI (46 % + 23 %), l’entreprise tend donc à développer la flexibilité du travail.
Ce qui pourra lui permettre de répondre à la fois aux objectifs et aux
stratégies de l’entreprise en créant et en développant les actions, les pratiques
et les opportunités permettant à l’homme de se construire et de créer la valeur
économique recherchée.
19
HADDAD Dominique, HALIMI, « Flexibilité du travail ou flexibilité de l’emploi », Personnel Mai 1999
65
III A 3. Réduction et aménagement du temps de travail
L’état dans une perspective de réduction du chômage incite les partenaires sociaux
à signer des accords sur la réduction et l’aménagement du temps de travail.
L’ordonnance de 1982 avait contingenté à 130 heures maximum le nombre d’heures
supplémentaires annuelles pour un salarié
Carrefour avait conclu un accord en 1982 avec les partenaires sociaux pour une
durée hebdomadaire normale de travail effectif de 35h75 (soit 35h45) pour les
employés avec maintien de salaire.
De plus, la durée du travail effectif pouvait être modulée dans le cadre d’horaires
hebdomadaires variables se situant dans une marge de 3 heures en plus et 3 heures
en moins par rapport à la durée normale de 35h75.
Cette modulation devait faire l’objet d’un plan établi par la direction après
consultation du Comité d’Etablissement
La loi quinquennale sur l’emploi cherchait en 1993 à faire de la réduction du temps
de travail une contrepartie de l’annualisation du temps de travail souhaitée par les
entreprises, l’amplitude de la réduction et la modulation des horaires étant laissée
à la négociation entre employeurs et syndicats, à condition de respecter la loi.
En règle générale, telle qu’elle est envisagée en France, la réduction du temps de
travail passe surtout par la promotion du temps partiel ; celui-ci est une forme de
flexibilisation permettant à l’entreprise de mieux répondre aux besoins des
entreprises et représente un enjeu économique, c’est notamment le cas dans le
secteur de la grande distribution.
66
Pour CARREFOUR, un accord de 1995 précise que le nombre d’heures de travail
effectuées par les mêmes catégories de salariés pour le service caisse est de 60 %
du total des heures travaillées et pourra être de 75 % après avis favorable du
Comité d’Etablissement.
Effectifs
Effectif mensuel moyen de
l’année (horaire > ou égal à
35h45)
Effectif mensuel moyen de
l’année (horaire compris entre
28h15 et 35h45 exclus)
Effectif mensuel moyen de
l’année (horaire compris entre
23h55 et 28h15 exclus)
Effectif mensuel moyen de
l’année
(horaire
hebdo
inférieur à 23h55)
1995
27158
1996
28279
1997
29115
6421
6801
6945
5646
5665
5249
3201
3189
3735
15299
soit 54,71 %
D’autre part, la loi a mis en place pour l’aménagement du temps de travail des
instruments tels que la préretraite progressive ou le compte épargne temps.
III A 3.1
La préretraite progressive
La préretraite progressive permet à des salariés de plus de 55 ans de quitter
progressivement leur emploi. Une convention doit être signée entre l’employeur et
l’Etat et la durée du temps ne doit pas excéder 50 % de ce que le salarié aurait été
amené à travailler à temps plein. L’employeur verse un salaire calculé sur la base
d’un mi-temps, complété partiellement par l’état. Des contreparties sont imposées
par le législateur : soit d’ordre financier, soit sous forme d’embauche.
L’entreprise Carrefour a décidé de maintenir la préretraite progressive comme
l’année dernière pour les employés et les agents de maîtrise âgés de 55 ans et de
l’élargir aux cadres. Une convention avec l’Etat a été signée et pour permettre de
67
bénéficier de l’accord, l’entreprise versera une contribution de 2 % du salaire par
nombre d’années en préretraite. Les conditions de bénéfice sont identiques au
paragraphe, ci-dessus. Le salarié percevra une rémunération de 50 % versé par
l’entreprise et 30 % par l’ASSEDIC. Les salariés travailleront 2 ou 3 jours par
semaine ou 5 demi-journées, cette organisation du travail devra être définie par la
hiérarchie.
Cette année, il est prévu que 323 salariés de l’entreprise partent en préretraite
progressive (voir chapitre III).
III A 3.2
Annualisation du temps de travail : limites et atouts
Les secteurs qui, aujourd’hui, ont beaucoup à gagner dans la flexibilité du temps de
travail sont à l’évidence :
•
les activités liées à l’ouverture aux clients
Nous avons vu que les enjeux de la flexibilité sont nombreux, ils portent sur :
•
une optimisation des coûts de la main d’œuvre
•
un meilleur service aux clients
•
une réduction significative des coûts de non-qualité liés à l’utilisation de la
main d’œuvre précaire (intérimaires/CDD)
Pour répondre à ces enjeux, Carrefour module les horaires de manière officieuse à
travers l’accord de mars 99, agrandit les plages horaires de travail hebdomadaire,
accentue dans les mois à venir la polyvalence qui permettra une plus grande
interchangeabilité des personnes afin de s’adapter aux fluctuations d’activités
entre les différents postes de travail et en fonction de la nouvelle organisation des
magasins (par univers).
68
III A 4. L’emploi salarié, les changements
La tendance actuelle des entreprises est de développer la sous-traitance, contrat
de franchise, parrainage, intérim, stagiaire école, Carrefour n’échappe pas à la
règle avec une augmentation de Contrats temporaires de 137,64 % en 1997.
Travailleurs
1995
1996
1997
1998
Extérieurs
Nbre
de
salariés
appartenant
% d’aug
% d’aug
97/96
97/98
6695
7252
9817
9728
+ 35
%
5043
4513
4728
4719
+
610
1113
2645
3195
+ 137,64 %
- 0,9 %
entreprise extérieure
Nombre de stagiaires école
Nombre
moyen
mensuel
de
4,76 %
- 0,19 %
+ 20,79 %
travailleurs temporaires
12000
9817
9728
10000
8000
6000
7252
6695
5043
4513
4000
2000
4728
2645
610
4719
3195
1113
0
1995
1996
1997
1998
Nbre de salarié appartenant entreprise extérieure
Nombre de stagiaire école
Nombre moyen mensuel de travailleurs temporaires
69
III A 5. Les différentes typologies de la flexibilité
L’entreprise peut donc jouer sur les éléments de flexibilisation suivants :
•
l’emploi : embauches, licenciements (intérim, cdd, contrats de travail
particuliers, préretraites progressives, stages)
•
Le temps de travail :
Il est réduit (35 h) et aménagé (modulation – Ilôt caisses)
•
Les hommes :
La flexibilité professionnelle renvoie aux pratiques de mobilité. La mobilité
géographique est « de rigueur » dans l’entreprise et existe depuis fort longtemps.
Un processus de gestion de la mobilité est en cours de réalisation afin de
l’optimiser. La mobilité fonctionnelle par l’acquisition de nouvelles compétences
devrait se développer pour accentuer la polyvalence et la poly-activité.
•
L’organisation :
l’organisation
devient
déformable
en
fonction
des
situations. Carrefour a mis en place une « démarche flexible » : si le
magasin réalise plus de 1 milliard de CA, la structure transversale
complète (un responsable organisation et flux, un RRH, un contrôleur de
gestion, un responsable commercial, un responsable marketing) est en
place, sinon la structure transversale se limite à un contrôleur de gestion,
un responsable commercial et un responsable marketing.
•
La rémunération : la répercussion sur les salaires selon plusieurs
modalités possibles est envisagée et devient donc flexible selon ces
modalités.
L’entreprise a en chantier actuellement un « projet rémunération » (qui
reste confidentiel et auquel je n’ai pas eu accès ). Par rapport à ce que j’ai
70
pu comprendre et le peu d’éléments que j’ai pu glaner, il semblerait que
l’entreprise ait la volonté de se rapprocher des niveaux de la branche et
du marché du travail en matière de pratiques salariales. En effet, il n’est
pas viable pour l’entreprise qu’un cadre touche en moyenne un fixe de
24.800 frs par mois, soit 15 à 40 % de plus que les homologues des autres
enseignes (sauf pour les magasins ouverts après 1985 qui peuvent euxmêmes fixer leur rémunération suite à un accord signé avec les syndicats.
Toutefois, leurs salaires restent tout de même supérieurs à la moyenne
du marché).
III A 6. Choisir la flexibilité en fonction des situations
G. DONADIEU offre une synthèse sur la question de la flexibilité et les solutions
les plus adaptées :
Tableau : choisir ses flexibilités en fonction de la situation 20
Formes de flexibilité
Enjeu
Emploi
Temps
Professionnelle
Rémunération
Organisation
De travail
Ajustement Conjoncturel
(baisse/hausse des cdes)
+
++
Adaptation Structurelle :
aux marchés
aux technologies
aux mentalités
20
++
+
+
+
+
+
++
++
++
+
+
DONNADIEU Gérard, « Les Flexibilités –Bilan et perspectives », Personnel n°353, Août-Septembre 1994
71
III B Les conditions de mise en œuvre de la flexibilité
Suivant le type de flexibilité choisi (quantitative : jouant sur la quantité de travail
mobilisée ou qualitative : jouant sur la nature et l’organisation de ce travail) CADIN
(1997)21 propose plusieurs conclusions afin de mettre en évidence le caractère
contingent de la flexibilité.
III B 1. Les conditions de la flexibilité quantitative (interne ou externe)
III B 1.1
La législation et l’état du marché du travail
La France, qui se caractérisait plutôt par le recours à une flexibilité quantitative
externe centrée sur le court terme, tend à évoluer vers davantage de flexibilité
interne à long terme (quantitative mais aussi qualitative) cherchant à aller vers
davantage de flexibilité dans l’organisation et les conditions d’emploi (salaires,
durée et aménagement du travail, éléments annexes de la rémunération).
L’entreprise Carrefour se situe dans cette logique.
III B 1.2
La présence ou non des syndicats ou de tout autre contrepouvoir dans l’entreprise
La flexibilité est vécue pour les partenaires sociaux comme une menace pour les
intérêts des salariés ce qui implique une demande fréquente de contreparties dans
les négociations sur la flexibilité. Pour reprendre l’exemple de Carrefour,
l’aménagement du temps de travail a été négocié en contrepartie de préservation
du salaire, d’unicité des statuts etc.. La plupart des pratiques de flexibilité sont
mises en œuvre par la négociation d’accord de branche ou d’entreprise, ce qui
implique que l’absence de syndicats peut constituer un handicap pour la politique de
mise en œuvre de la flexibilité ; ce n’est pas le cas pour Carrefour qui depuis fort
longtemps entretient un dialogue social avec les partenaires sociaux.
21
CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, « Gestion des Ressources Humaines, pratique et éléments
de théorie », édition Dunod, 1997
72
III B 2. Les conditions de la flexibilité qualitative
Elle est quasiment en interne et très complexe. La Gestion des Ressources
Humaines devra être porteuse de cohérence d’ensemble à l’entreprise.
Vouloir des salariés capables de faire preuve d’initiative et de réactivité afin
d’éviter des erreurs préjudiciables à l’image de l’entreprise auprès des clients. Cela
implique pour le salarié non seulement de vouloir, mais aussi de pouvoir mobiliser ce
type d’attitude.
Le vouloir passe donc bien évidemment par l’existence de contreparties, d’enjeux
positifs pour les individus alors que le pouvoir suppose que le salarié dispose de
moyens tant organisationnels qu’individuels pour mener à bien sa mission. Ces deux
dimensions sont liées dans des éléments tels que :
•
la compétence et l’apprentissage :
Le salarié doit disposer d’un bagage professionnel et pouvoir donc développer
son professionnalisme : il est plus difficile et délicat de réagir à un imprévu
de façon pertinente que de suivre un mode opératoire comme dans le modèle
taylorien. Dans ce cadre, agir c’est à la fois penser et non pas faire ce que
d’autres ont pensé. Cela suppose donc des moyens d’actualiser en permanence
au plus près du terrain et de la réalité quotidienne grâce à des actions de
formations, à la confrontation à des situations nouvelles ou élargies, à des
échanges avec ceux qui rencontrent les mêmes problèmes.
•
La responsabilité :
Face à des situations supposant une réaction rapide, il importe que chacun
connaisse son champs d’intervention. Les responsabilités pourront être
contractualisés mais il faut que la hiérarchie soit capable d’abandonner un
certain nombre de prérogatives traditionnelles et une partie de son autorité
pour permettre aux salariés de conquérir autonomie et responsabilité
indispensable. La hiérarchie doit accepter d’être avant tout une aide
(méthodologie, animation) à la résolution de problèmes par les individus eux73
mêmes, une instance de formation et de transmission de l’information, plutôt
qu’une source de savoir et de contrôle ( la culture hiérarchique, statutaire
est à bannir).
•
La stabilité : Un système qui se veut adaptatif doit déterminer et
promouvoir des repères stables.
III C Les différents usages de la Flexibilité dans les hypermarchés
L’entreprise ne peut pas choisir n’importe quelle flexibilité, un certain nombre de
facteurs vont venir orienter, influencer le choix. L’important est donc pour
l’entreprise de savoir si elles sont adaptées ou non à la situation et aux enjeux
fondamentaux. C’est sur cette dimension fortement contingente de la flexibilité
que je vais poursuivre en comparant les différentes formes de flexibilité dans les
hypermarchés.
La grande distribution est soumise à des contraintes de flexibilité bien
spécifiques : fortes variations de fréquentation de la clientèle, selon les heures,
jours, semaines.
La problématique est la suivante : les clients réalisent leurs achats en même temps
alors comment faire face aux fortes variations de la demande ?
Face à ces contraintes, l’article de Françoise GUELAUD (1991)22 précise que des
choix existent entre diverses formes de flexibilité : externe ou interne,
quantitative ou qualitative. Elle définit la flexibilité, d’une manière générale, comme
la capacité des magasins à s’adapter à des variations d’activité, conjoncturelles ou
structurelles, provoquées par les fluctuations des marchés, des produits, des
techniques ou de la clientèle.
22
GUELAUD François, « Les diverses formes de gestion de la flexibilité dans les hypermarchés », Formation et
emploi n°35, Juillet Septembre 95
74
Dans le cas des hypermarchés, l’activité est loin d’être uniforme. Il y a de fortes
fluctuations de présence de la clientèle selon :
•
les périodes de l’année (par exemple : décembre, septembre et avril sont
des mois très actifs)
•
les jours (samedis et vendredis ont des chiffre d’affaires beaucoup plus
important que les autres jours)
•
les heures (plus grande affluence de 10h à 11h30 et de 17h30 à 20 h) mais
avec des différences selon les jours de la semaine
S’agissant d’un service en liaison avec une clientèle, l’adaptation aux
variations d’activité doit être rapide et la plus précise. Il faut pouvoir faire
correspondre le temps de travail au temps d’activité en évitant les temps
morts ; ces formes de gestion sont avant tout des gestions du temps.
Cependant, les solutions envisagées pour répondre aux variations d’activités
ne sont pas identiques dans toutes les sociétés d’hypermarchés et dans tous
les magasins.
En effet, pour s’adapter aux fluctuations de l’activité, le magasin peut choisir
entre :
III C 1. une flexibilité externe
Avec le recours de travailleurs extérieurs pour répondre aux pointes d’activité :
CDD, intérim, contrats jeunes….
La flexibilité externe est utilisée par les magasins principalement pour faire face
aux variations d’activités saisonnières : périodes estivales pour les régions
touristiques ou semaines de fin d’année et de promotions ou périodes de congé du
75
personnel. Ces contrats spécifiques sont aussi utilisés pour les remplacement de
personnel absent pour une longue durée (autorisés par les textes légaux).
D’autre part, l’auteur précise à travers son étude que l’effet « société (enseigne) »
a davantage de poids dans les choix effectués entre la flexibilité externe et la
flexibilité interne que les seuls motifs invoqués de « saisonnalité »
ou
d’absentéisme.
Une autre forme de flexibilité externe existe dans certains magasins et semble
parfois prendre une place notable : il s’agit du personnel mis à la disposition des
magasins par les fournisseurs pour assurer la gestion et l'approvisionnement des
rayons, il n’est pas question d’un personnel de démonstration mais d’un personnel
gérant en totalité un rayon et qui dépend totalement du fournisseur (par exemple,
Carrefour a des personnes détachés par les fournisseurs qui gèrent leurs marques
et rangent leurs produits le matin).
L’utilisation de la flexibilité externe par le recours aux contrats précaires peut
concerner tous les secteurs du magasin aussi bien dans les rayons qu’aux caisses
puisqu’elle tend à répondre principalement aux variations d’activité saisonnières ou
à des remplacements d’absences prévues pouvant concerner tous les postes de
travail.
En revanche concernant les variations journalières provoquées par les fluctuations
de présence de la clientèle ou par des absences imprévues
des employés, les
formes de flexibilité adoptées ne peuvent être que des formes de flexibilité
interne, sous forme de gestion de temps de travail des employés afin d’adapter leur
activité aux besoins de la clientèle.
III C 2. une flexibilité interne
En jouant : soit sur les horaires des employés, soit sur l’organisation de travail, ce
qui conduit à des formes diverses de flexibilité : l’une quantitative en diversifiant
la durée des contrats horaires de travail et/ou l’organisation des horaires ; l’autre
76
qualitative en adaptant l’activité de chacun des secteurs du magasin aux
fluctuations de la présence de la clientèle, sans pour autant limiter la durée des
contrats.
La gestion de la flexibilité hebdomadaire ou journalière est donc avant tout un
gestion du temps de la main d’œuvre, gestion du temps qui peut se faire :
. par l’organisation des horaires
. et/ou par le recours à des contrats à temps partiel.
La flexibilité peut être organisée de façon différente selon les secteurs du
magasin. En effet, les fluctuations de présence de la clientèle n’influent pas de
façon aussi immédiate sur l’activité de tous les secteurs du magasin (seule l’activité
des employés en contact direct avec cette clientèle doit correspondre aussi
étroitement que possible aux variations de présence des clients).
Pour les secteurs sans contact direct avec la clientèle, le travail s’effectue en
zones de stockage et en rayons, par conséquent, les variations d’activités sont
d’origine journalière plutôt qu’horaires
(les jours de plus grosse affluence
demandant davantage de réassortiment rayons). Alors que la plus grande partie,
sinon la totalité, de la mise en rayon est réalisée avant l’ouverture du magasin, il
pourra y avoir, certains jours et pour certains produits de consommation plus
courante, la nécessité de réassortiment en cours de journée, ce que certaines
enseignes
comme
Carrefour
qualifient
de
« réouverture »
(nettoyage
et
réassortiment des rayons à 16 h pour que les clients de fin de journée trouvent un
rayon aussi propre et bien achalandé que les clients du matin). Cela influe donc sur
l’organisation des horaires des employés des rayons mais ces horaires peuvent être
tout à fait réguliers et organisés à l’avance avec une prédominance des horaires du
matin (6 à 12 h ou 7 h à 13 h et roulement pour assurer présence d’employés
l’après-midi).
77
La gestion de la flexibilité se fait donc par l’organisation des horaires plus que par
l’utilisation de petits contrats. Dans ces postes de travail, il y a relativement peu de
contrats à temps partiel.
Pour les secteurs en contact direct avec la clientèle, les variations d’activité
journalières et hebdomadaires sont les plus fortes et nécessitent une gestion du
personnel rigoureuse afin de s’adapter le mieux possible aux fluctuations et réduire
ainsi l’attente des clients tout en minimisant les coûts (les employés ne devant pas
être inoccupés à des périodes de moindre affluence).
Il y a donc une nécessaire flexibilité du temps de travail qui peuvent prendre
diverses formes :
- soit purement quantitative (quand la variation de volume des heures travaillées se
fait par l’utilisation de petits contrats et des heures complémentaires).
La diversité des contrats horaires, dans chaque magasin des différentes enseignes,
témoigne de l’évolution des politiques d’embauches.
En règle générale, les magasins les plus anciens ont davantage d’Hôtesse de Caisses
à temps plein tandis que dans les magasins les plus récents, les contrats à temps
partiels sont majoritaires (proches des 20 heures). Une corrélation apparaît entre
l’ancienneté du magasin et l’importance de la proportion des Hôtesses de Caisses
ayant un contrat à temps plein. Carrefour n’échappe pas à la règle. En revanche, la
valeur des contrats horaires est plus importante (le nouvel accord incite les
salariés à se situer entre 28 et 30 heures).
De plus, l’utilisation des heures complémentaires est une pratique courante dans les
hypermarchés, non seulement pour répondre aux taux d’absentéisme ou aux
modifications d’activité mais aussi comme mode de gestion de la flexibilité
permettant de moduler les heures de travail selon les jours et les semaines sans
améliorer les contrats horaires que le niveau d’activité permettrait cependant de
78
relever. L’entreprise Carrefour ne confirme pas cette tendance (l’accord de Mars
1999 valorise les contrats à temps partiel de 3 heures supplémentaires).
L’organisation des horaires est réalisée par le chef de caisse et est variable. Dans
la plupart des magasins, on observe que les plus anciennes Hôtesses de Caisses ont
des horaires fixes alors que les nouvelles embauchées ont des horaires variables
(l’organisation en Ilôt, mise en place par Carrefour enraye cette tendance).
Toutefois, ce mode de gestion conduit aussi à des dysfonctionnements dans la
mesure où le point de vue des responsables ne correspond pas à celui des
employées. En effet, les Hôtesses de Caisses déplorent toutes le fait que les
heures
complémentaires
d’imprévisibilité
dans
introduisent
leurs
horaires,
une
grande
facteurs
qui
part
d’incertitude
rendent
plus
et
difficile
l’organisation de leur vie sociale et familiale. Par conséquent, l’insatisfaction des
caissières a des effets négatifs sur la marche du magasin.
En règle générale, dans les magasins où les contrats sont les plus élevés, le turnover est plus bas. Ce turn-over est coûteux pour les entreprises compte tenu des
investissements en formation. Pour enrayer ce dysfonctionnement Carrefour met
en place des systèmes de gestion plus qualitatifs (Ilôts-caisses) qui prennent en
compte non seulement les intérêts des magasins mais aussi ceux des employés.
- soit purement qualitative (quand la variation des heures travaillées se fait par une
réorganisation du travail entre les divers secteurs du magasin)
L’entreprise Carrefour a choisi de donner plus d’autonomie aux salariés. La gestion
de la flexibilité étant une gestion du temps, l’autonomie qui est donnée aux salariés
se situe au niveau du temps avec à l’intérieur certaines contraintes qui sont
directement liées à la présence des clients (il ne peut y avoir de décalage entre la
présence des clients et des salariés).
79
Réponse de l’entreprise Carrefour - les ilôts-caisses ou l’autogestion du temps :
Le principe de l’îlot est l’autogestion par un groupe d’Hôtesses de Caisses (environ
15) de leurs horaires en fonction d’une charge de travail hebdomadaire qui leur est
donnée à l’avance (trois semaines). La charge globale, en nombre d’heures pour une
semaine est variable selon les périodes et peut être supérieure ou inférieure à la
somme des contrats horaires des membres de l’îlot. Un système de crédit-débit ou
de « chaussette », permet aux Hôtesses de Caisses de moduler leur durée de
travail hebdomadaire. Quand la charge de l’îlot est affichée, les caissières viennent
se positionner, d’abord selon leur désir, il s’agit d’un pré positionnement.
L’animatrice va négocier auprès des Hôtesses de Caisses pour aboutir à ce que le
plan de charge soit rempli. L’animatrice veille au bon déroulement en s’assurant que
les contraintes sont équitablement réparties, en particulier pour certaines plages
horaires (nocturnes, samedi, férié, mercredi…).
Carrefour, grâce à l’organisation du travail en Ilôts-caisses a pu améliorer et
uniformiser les contrats des Hôtesses de Caisses. Ainsi la flexibilité est
maintenant assurée
par les variations du plan de charge de travail selon
les
semaines et grâce à la gestion des horaires effectuée par les Hôtesses de Caisses
elles-mêmes qui sont ravies de l’effectuer.
- D’autres enseignes différentes que Carrefour ont une autogestion du temps et de
la mobilité plus ambitieuse. Il s’agit d’un système alliant horaires choisis et mobilité
entre secteurs, rayons et caisses. Il permet à la fois de donner à tous les employés
des contrats horaires se rapprochant du temps plein
et de n’exiger que
relativement peu d’heures de travail à la caisse pour chaque employé (la charge de
travail étant répartie entre un plus grand nombre de personnes).
Le magasin est découpé en cinq ou six zones regroupant chacune un secteur et une
partie des caisses. Chaque salarié est affecté à une des zones et doit gérer ses
horaires entre caisses et rayon.
Pour cela, il existe deux plans de charges de
80
travail – l’un pour le rayon, l’autre pour les caisses – qui sont donnés trois semaines
à l’avance à la vingtaine d’employés de chaque zone qui devront se positionner afin
de les remplir. Par négociations successives et avec l’aide d’un animateur, de façon
analogue aux Ilôts-caisses (un crédit ou un débit d’heures permet de faire varier
les horaires) ces plans seront remplis.
Grâce à cette mobilité, les employés ont une meilleure vue d’ensemble de
l’entreprise et comprennent mieux les contraintes de chaque secteur. Le résultat
attendu de cette nouvelle organisation est une plus grande motivation du personnel,
un plus grand attachement à l’entreprise. Les frais liés au turn-over et à
l’absentéisme s’en trouvent réduits. D’autre part, les durées de travail en caisse
étant limitées, le passage d’un travail à un autre rompt la monotonie, les risques de
fatigue sont atténuées et une meilleure qualité du travail permet une attention
toute particulière à la clientèle.
En conclusion, compte tenu des fluctuations d’activité et de l’impératif de
remplacer le personnel en congés ou absent pour éviter les pertes de chiffre
d’affaires pour cause de rupture, Carrefour peut, soit :
•
faire davantage participer l’encadrement à la mise en rayon
•
avoir recours à du personnel temporaire
•
faire exécuter des heures supplémentaires ou complémentaires au
employés
•
supporter un sureffectif pendant une partie de l’année
Pour des raisons de coût, la deuxième et dernière solutions sont exclues. La
première solution est rendue difficile par la législation du travail. De plus,
l’entreprise s’est rendue compte que les chefs de rayon passaient plus de 70 % de
leur temps à des activités de remplissage de rayon et manutentions diverses. La
81
réalité du contenu de leur emploi n’était pas en corrélation avec leur rémunération
et ce pour quoi ils étaient payés.
Le deuxième chapitre a permis de mettre en évidence que la flexibilité est avant
tout liée au droit dont elle dépend étroitement. Par conséquent, elle est fortement
contingente des différents acteurs de l’entreprise (syndicats, directions,
actionnaires …), du secteur d’activité, de l’effet entreprise, de l’environnement
extérieur.
Dans ces conditions, elle peut prendre forme de manière différentes (externe,
interne…).
Dans le troisième chapitre, je vais m’attacher à montrer de quelle manière
Carrefour atteint cette logique de souplesse.
82
83
IV. Une logique de souplesse nécessaire à l’entreprise Carrefour
IV A Le Dialogue social
IV A 1.
IV A 1.1
Les syndicats dans l’entreprise
Historique
La fonction DRH n’a été créée que depuis un an alors que le service de la Direction
des Relations Sociales existe depuis fort longtemps.
Cet état de fait a une explication historique, en effet la famille Fournier-Defforey
n’appréciait guère de voir les syndicats s’opposer à eux. Afin de prévenir tout
risque de conflit, la famille favorise l’implantation du syndicat Force Ouvrière en se
rapprochant à l’époque de André Bergeron dans l’intention de faire barrage aux
syndicats les plus durs comme la CGT et la CFDT appliquant à la lettre la
« stratégie des alliés » qui prescrit de « transformer ses ennemis en partenaires ».
Une stratégie gagnante depuis 20 ans puisque 66 % des voix aux dernières
élections du Comité d’Etablissement, FO règne en maître sur la représentation des
salariés et se situe comme le syndicat ami de l’entreprise.
Cette politique de compromis avec FO a permis la construction d’une Convention
Collective la plus attractive du secteur. Ainsi dès, 1982 et bien avant la négociation
des 35 h, Carrefour adopte un accord pilote portant la durée hebdomadaire
effectuée par les employés à 35h45 auxquelles s’ajoutent deux heures de pause
rémunérées. Autre avancée à mettre aux crédits de FO et de Carrefour, en 1997,
un plafond a été fixé pour le recours au temps partiel dont les grandes enseignes
usent afin d’adapter le nombre d’Hôtesses de Caisses aux variations de la clientèle.
Dans un magasin Carrefour, un maximum de 75 % des heures travaillées peut être
effectué par des employés à temps partiels quand, sous, d’autres enseignes, ce taux
peut atteindre 100 %. De plus, chaque Hôtesses de Caisses se voit garantir une
84
durée de travail minimum de 25 heures par semaine, ce plancher passe à 30 heures
avec le nouvel accord de mars 99.
L’accord de Mars 1999, signé par les partenaires sociaux, a répondu aux aspirations
des salariés (unicité des statuts) enrayant ainsi les revendications sur les
disparités de rémunération engendrées à l’intérieur du groupe par l’accord salarial
de 1985. En effet, à l’époque, FO a accepté que des traitements inférieurs soit
servis aux « nouveaux » employés du groupe. En échange, la Direction s’était
engagée à poursuivre son expansion en France et ne pas céder complètement à
l’internationalisation. En conséquence, il existait, avant l’accord de mars 1999 :
plusieurs grilles de salaires qui coexistaient au sein de l’entreprise (l’accord de
Mars 99 prévoit des indemnités compensatrices pour les salariés au-dessus de la
nouvelle grille nationale identique pour tous les magasins).
85
IV A 1.2
Répartition des partenaires sociaux dans l’entreprise (votants
et élus)
Délégués du Personnel - répartitions des élus 98
CARREFOUR FRANCE
Comité d'Etablissement - Répartition des élus 98
CARREFOUR FRANCE
CFDT
11,5%
CAT
CFTC SAS
1,1%
4,1% 1,5%
CFDT
CAT
CFTC
SAS
1,1%
4,0%
1,5%
11,5%
CGT
CGT
16,5%
17,8%
FO
FO
64,1%
65,3%
Nous pouvons observer que FO est
majoritaire (+ de 60 %)
Délégués du Personnel - Répartition des votants 98
CARREFOUR FRANCE
Comité d'Etablissement - Répartition des votants 98
CARREOUR FRANCE
Nuls
6,6%
Nuls
6,5%
Abst.
Abst.
21,8%
21,9%
FO
FO
44,1%
45,0%
SAS
SAS
1,1%
CFTC
CAT
3,2%
1,0%
1,2%
CFTC
CFDT
8,5%
CGT
12,9%
3,3% CAT
0,8%
CFDT
8,4%
CGT
13,8%
Le taux de syndicalisation est identique au taux national (environ 5%).
86
IV A 2.
IV A 2.1
La négociation sociale de Carrefour
Quel modèle de négociation ?
Le modèle de la négociation chez Carrefour est un modèle de négociation-contrat
Cadin (1997)23. Ce modèle repose sur deux éléments clefs :
•
un processus de communication interactif,
•
débouchant sur un ensemble de concession et de contreparties.
Les deux parties prenantes ont des objectifs différents mais décident de rentrer
en communication. La négociation s’apparente au modèle du marchandage (gagnantgagnant). Au terme de la négociation, un accord est signé entre les différents
partenaires, il s’agit bien d’une « négociation–contrat ».
IV A 2.2
Connaître les logiques et modes d’action des syndicats
Afin de transformer les syndicats en partenaire coopérant à la recherche de
solutions économiques profitables pour l’entreprise, les managers de l’entreprise
sont initiés à la compréhension des modes de fonctionnement des partenaires
sociaux en suivant une formation : «Instance représentative- rôle de la Direction».
En effet, l’entreprise et la direction des relations sociales sont convaincues qu’il ne
faut pas dénier la représentativité du délégué syndical (DS) et qu’au contraire, il
est utile de le considérer comme partenaire. En effet, le DS a pour rôle de
convaincre les salariés du bien fondé du nouvel accord. Il a donc la capacité de
pérenniser ses clauses. Carrefour est tout à fait conscient que sans les partenaires
sociaux, il n’aurait pas été possible de gérer la flexibilité (modulation,
rémunération) et d’obtenir une Convention Collective la plus attractive pour les
salariés de l’entreprise.
23
Ibid. n°18
87
IV A 3.
Comparatif de négociation de la flexibilité en Europe dans le
secteur de la grande distribution
Le système de régulation sociale change afin de répondre aux commandes
d’économies fondées sur le développement des services, l’exigence de rapidité et
flux tendu. Suivant BRUHNES (1997)24, les nouveaux entrepreneurs qui opèrent
dans les industries ou entreprises tertiaires
ne peuvent pas construire leur
activité sur des règles de fonctionnement sociales bâties en d’autres temps et
inscrites dans des lois, des conventions et des accords qui éprouvent des
difficultés à évoluer (parallèle avec les anciennes classification de Carrefour qui
sont des classifications de type Parodi et qui ne reflétaient plus la réalité des
métiers et l’évolution du secteur).
L’auteur a entrepris une étude portant sur l’évolution des organisations syndicales,
des négociations face aux mutations du travail et de l’emploi caractérisées par la
fragilité de la relation contractuelle d’emploi, la flexibilité dans l’usage des
compétences. Dans cette enquête les questions de flexibilité (interne et externe
pour l’auteur) se combinent de plus en plus pour redéfinir un nouveau modèle de
l’emploi et de la relation salariale et servent de révélateur de phénomènes plus
larges tel que le niveau pertinent de la négociation et ses acteurs.
Les sujets qui sont abordés dans le cadre de cette enquête sont :
–
la gestion concrète de l’emploi,
–
la flexibilité et l’organisation du travail,
–
l’aménagement et la réduction du temps de travail,
–
le développement de la polyvalence
C’est de plus en plus au niveau de l’entreprise que l’on négocie, que l’on expérimente,
que se mobilisent les salariés d’où la nécessité de renforcer le dialogue social dans
l’entreprise.
24
BRUNHES Bernard, « Négocier la flexibilité », éditions d’organisations, 1997
88
Une étude du ministère du travail met en évidence que les entreprises souhaitent
mettre au point des formules qui leur sont propres et qui éventuellement
correspondent aux souhaits des salariés en matière d’organisation du travail, de la
durée du travail et de son aménagement. La flexibilité de l’organisation et de
l’aménagement du temps de travail est un sujet de négociation à plusieurs
dimensions
plus
complexes
qu’une
augmentation
de
salaire.
Ce
caractère
multidimensionnel implique que les sujets de négociation se situent avec des acteurs
près du terrain. En Allemagne, par exemple, une chaîne commerciale conduit les
négociations portant sur le temps de travail au niveau du magasin dans le cadre de
la convention collective et des accords de groupe (50 magasins ont déjà mis en
place un accord d’annualisation) ; ce qui n’empêche pas ce groupe du secteur de la
grande distribution de se déclarer en faveur du maintien de la négociation de
branche. En ce qui concerne l’emploi, cette même chaîne commerciale en Allemagne
a signé grâce au syndicat « DAG » un « Pacte » portant sur les heures
supplémentaires, les qualifications et les conditions de licenciement.
D’autre part, nous observons à propos des sujets comme la flexibilité du temps de
travail ou les conditions d’un plan social qu’il ne suffit pas d’un accord appliqué
mécaniquement mais qu’il s’agit en quelque sorte d’une « négociation continue »,
quasi permanente, exigeant donc une présence sur le terrain.
En outre, en matière sociale, l’initiative est aujourd’hui du côté des employeurs, pas
du côté des salariés. En effet, dans la mesure où les revendications d’employeurs
sont en généralement contraignantes pour les salariés, ces nouvelles dispositions
appellent des contreparties telles que :
•
garantie de maintien de l’emploi, embauches,
•
l’aménagement du temps de travail qui répond à certaines demandes des
salariés (temps libre sous forme de journées, travail compressés, formes
horaires atypiques),
89
•
la rémunération : les syndicats allemands comme les syndicats suédois
continuent de considérer sur le plan national que la flexibilité acceptée
par
les
salariés
doit
leur
être
payée
(sur-paiement
heures
supplémentaires, prime de flexibilité. Une étude du CEREQ25 précise que
l’individualisation des salaires est devenue un sujet de négociation :
« l’individualisation des rémunérations ou des carrières » tend à se
développer. Cela peut se faire en dehors de tout cadre ou, au contraire,
les entreprises peuvent être amenées à faire de l’individualisation des
carrières et des compétences un thème de la négociation collective, un
moyen de mettre en place des « garde-fous » qui garantissent la
transparence des procédures et la permanence du dialogue social ». Le
vecteur de changement est en fait soit le développement des outils
d’évaluations (Entretien individuel, Bilan de compétence, portefeuilles de
compétences…) soit une politique de gestion des ressources humaines.
Cette transformation dans les pratiques interpelle fortement les organisations
syndicales car c’est une évolution majeure des pratiques syndicales recouvrant un
glissement de la défense de l’intérêt collectif vers l’encadrement de l’intérêt
individuel. Les syndicats anglais ont largement sauté le pas et définissent
aujourd’hui leur rôle, davantage par rapport à l’encadrement de l’intérêt individuel
et aux techniques de la gestion des Ressources Humaines, que par rapport aux
notions collectives. Ils définissent leur rôle comme celui de conseil en matière de
carrière, de reconversion. Ainsi la concertation/négociation avec les trade-unions
britanniques portent fréquemment sur les méthodes d’entretien individuel
d’évaluation ; l’intéressement aux résultats de l’entreprise est discuté ainsi que les
critères, les méthodes et règles du jeu des pratiques de gestion individualisée des
ressources humaines et des salaires.
25
CEREQ : centre d’études et de recherches sur les qualifications
90
Nous sommes loin de la problématique allemande encore très collective malgré les
souhaits des employeurs.
IV A 3.1
La durée du travail, l’aménagement, la flexibilité du temps
La durée du travail, l’aménagement, la flexibilité du temps et des horaires sont des
sujets de négociation qui se développent dans l’ensemble des pays européens. Les
mêmes sujets de discussion reviennent : l’annualisation, flexibilité et neutralité des
heures supplémentaires, rémunérations, temps libre et emploi.
La réduction générale du temps de travail, facteur de création d’emplois et
d’amélioration de vie des salariés n’a plus le vent en poupe pour les employeurs. En
revanche, la réorganisation de temps de travail est à l’ordre du jour partout : dans
le sens d’une plus grande flexibilité pour l’entreprise avec des contreparties
(réduction et aménagement sur mesure) pour les salariés.
IV A 3.2
La polyvalence et l’organisation du travail
La formation initiale ou continue dans les pays comme la France, l’Allemagne,
l’Espagne, la Grande-Bretagne fonctionne comme un ciment des relations
professionnelles.
Deux observations sont faites par rapport à la formation comme sujet permanent
de la négociation sociale :
•
Les syndicats y apparaissent sous la forme institutionnelle car ils sont
très présents dans la gestion de l’assurance-chômage, sécurité sociale,
fonds de formation et ils sont moins présents sur les lieux de travail.
L’implication forte des syndicats dans les questions de formation, de
gestion de certaines institutions sociales n’entraînent pas les salariés à se
syndiquer.
•
La formation fait plus facilement l’objet de négociation que le
développement de nouvelles organisations du travail qui favorisent la
91
polyvalence et la mobilité. Or, avec la flexibilité, le développement du
temps partiel, les salariés sont de plus en plus sollicités pour
« remplacer » des collègues, occuper différents postes de travail. En
somme une « polyvalence de fait » se développe ; elle est encore peu
reconnue, peu valorisée du point de vue salarial, mais elle est souvent
considérée comme indispensable pour garder son emploi.
IV A 3.3
Le déclin du syndicalisme adhérent
Taux de syndicalisation
Pays
Suède
Italie
Grande Bretagne
Allemagne
Espagne
France
Secteur Privé
85 %
40 %
39 %
33 %
20 %
9%
A l’exception de l’Italie et de l’Espagne où l’on observe une augmentation récente du
nombre de syndiqués, l’ensemble des syndicats connaît une baisse de ses effectifs.
Le taux de syndicalisation en France n’est que de 5 % dans le secteur privé (idem
chez Carrefour).
IV B
L’accord de MARS 99 Carrefour ou refonte de la nouvelle
Convention Collective
(comment concilier à la fois les aspirations des salariés et les objectifs
économiques de l’entreprise ?)
Le dernier accord de Mars 1999, signé par les partenaires sociaux, a répondu aux
aspirations des salariés (unicité des statuts) et de l’entreprise en préservant les
capacités de compétitivité et de développement.
92
Le contenu et objectif de cet accord sont :
-
les nouvelles classifications afin de favoriser le développement du
personnel et faciliter l’évolution des structures de l’entreprise en
privilégiant les promotions internes,
-
la réduction du temps de travail pour avoir plus de souplesse à travers les
horaires pour l’organisation en associant largement le personnel
-
l’embauche de 1000 personnes sur un an et 250 emplois handicapés
l’amélioration des conditions de recours à l’utilisation du travail à temps
partiel
-
l’unification des statuts collectifs de l’ensemble du groupe (même base de
référence de salaires, participation de groupe)
IV B 1.
1ER point fort de l’accord - Les Nouvelles Classifications de
l’entreprise
IV B 1.1
Apport théorique et historique sur les classifications
IV B 1.1.1
IV B 1.1.1.1
Des classifications PARODI aux critères classants
Les classifications PARODI
La source la plus connue et la plus courante jusque dans les années 1980 est celle
des arrêtés Parodi-Croizat. Ces arrêtés ont servi de base à la plupart des avenants
des classifications des Conventions Collectives des industries privées. Les
classifications Parodi reposent sur une conception très traditionnelle du métier et
la qualification ouvrière. Il s’agit de listes d’emplois simplement énoncées selon des
applications génériques. Ici l’énumération des dénominations suffit à la description
et à la définition des classes de postes (la description des emplois est
exceptionnelle). Les salaires ou les coefficients salariaux sont simplement énoncés
sans autre forme de justification ou d’exploitation, les principes ne sont pas
explicites, et ce, tant en matière de définition de postes qu’en matière d’évaluation
93
des salaires. Les classifications PARODI sont catégorielles (ouvriers et employés,
techniciens et agents de maîtrise et cadre).
La référence aux diplômes est quasi inexistante.
Des classifications de type « PARODI amélioré » apparaissent dans les branches
dans les années 60. En effet, les classifications issues des arrêtés Parodi sont
progressivement complétées dans le sens où les appellations ou les définitions
sommaires des arrêtés Parodi sont explicitées et précisées, adaptées à la
transformation technique ou issues de l’organisation du travail. L’évolution rapide
des métiers et de l’organisation du travail mettent à jour que les classifications
PARODI se révèlent rapidement incapables d’appréhender ces changements car
elles se présentent sous la forme d’une simple énumération exhaustive des
dénominations des postes ou d’une description détaillée des emplois (Parodi
amélioré). Ces grilles sont caractérisées par leur rigidité : toutes les entreprises
de la branche sont assujetties à un modèle identique d’organisation du travail, elles
deviennent très vite inadaptées dès lors qu’un optimum de qualité et de service
conduisent les entreprises à passer d’une logique de poste à une logique de fonction.
Progressivement, donc, les classifications vont être définies avec des critères
classants.
IV B 1.1.1.2
Les classifications par « critères classants »
L’innovation est venue de la métallurgie qui, dès 1975, se dote d’une grille inspirée
des techniques de « job évaluation » comportant des niveaux et des échelons en
nombre réduit communs à l’ensemble du personnel (hormis les ingénieurs et cadres)
et déterminés à partir d’une batterie de critères « classants ». La technique de
« job évaluation » est une des méthodes utilisées pour évaluer les emplois
(CARREFOUR a choisi une technique qui s’y est proche)
94
Tableau des principales méthodes utilisées pour évaluer les emplois :
Méthodes
Méthode Hay
Méthode Job Evaluation
Méthode par « lecture
(proche de la méthode job)
Objectif
Principaux critères
L’évaluation du salarié est exprimée en •finalité du poste
points
•initiative créatrice et problèmes à
résoudre
•compétence et exigence du poste
Une grille de critères avec des degrés •connaissances souhaitées
•qualités requises
dans chacun des critères
•responsabilités assumées
•obligations subies
•et aussi effort physique, habilité
manuelle, risque
directe » Un nombre de points est attribué à •compétences nécessaires
l’aide des critères retenus
•initiatives demandées
•responsabilités économiques
•combativité exigée
etc.…
Les grilles à critères classants reposent sur la définition des niveaux de
qualification à partir d’une série de critères prédéterminés identiques pour chaque
niveau. Les grilles à critères classants détachent les diplômes de l’individu et les
utilisent comme l’un des critères de classement des postes (critère de
connaissance). Ces grilles ont été critiquées par les organisations syndicales qui
reprochaient une trop grande souplesse laissant la porte ouverte à l’arbitraire
« patronal » dans la mise en œuvre des grilles. Le reproche venait de l’absence de
directives sur l’évaluation, l’appréciation des critères et leur pondération.
Les années 80 seront marquées par un encadrement de ces grilles. Des dispositions
sont édictées pour limiter la souplesse des grilles, garantir aux salariés des
possibilités de recours au moment de leur mise en œuvre ou faciliter les
déroulements de carrière. Ces dernières dispositions peuvent être regroupées en
quelques principes :
•
expliciter les conditions de mise en œuvre de la grille en donnant une
méthodologie et des exemples repères
•
faciliter les déroulements de carrière
•
clarification et gratification de la polyvalence
•
contrôler la mise en œuvre dans l’entreprise
95
IV B 1.1.1.3
classification
Les
critères
retenus
dans
les
grilles
de
Il existe de nombreuses classifications qui font appel à différents critères.
Tableau des principaux critères retenus dans les conventions collectives et
Carrefour
Nombres de
critères
Métallurgie
(Accord 75)
Commerce de gros
1
Autonomie
2
Responsabilité
Compétences
requises
Autonomie
nécessaire
3
Type d’activité
Responsabilité
assurée
Relations
4
Connaissances
requises
Expérience
acquise
Responsabilité
5
Formation
reconnue par
diplômes
Autonomie
6
Poly Aptitude
IV B 1.1.2
Commerce
alimentaire et
entrepôt
(Accord de
Branche 1997)
Connaissances
Aptitude
Carrefour
(accord Mars 99 équivalence des critères de
la branche
Connaissances
Créer :
-Développer/ contrôler
- Produire
Influencer :
- communiquer
- Négocier
Engager les moyens :
- Gérer les ressources
- Gérer les équipes
Définir les priorité :
- Comprendre l’environnement
- Organiser
La Classification : au carrefour de quatre types
d’interaction
Les classifications demeurent l’une des préoccupations majeures de l’entreprise car
il existe autour de ce thème de puissants enjeux tant du côté des salariés que du
côté de l’entreprise.
96
En premier lieu, il y a l’enjeu de la rémunération mais il n’est pas le seul.
Les questions de classification sont au carrefour de divers aspects de la vie
économique et sociale et du fonctionnement de l’entreprise.
Schéma qui met en évidence les quatre types d’interaction :
L’organisation de l’entreprise :
les choix d’organisation, la structure,
l’importance des délégations de
responsabilité et de pouvoir => conditionne
le contenu des classifications
Le corps social interne :
Réalisation d’une
hiérarchie des positions
sociales (statuts, coef.,
rémunération) estimée
équitable par le corps
social
IV B 1.1.3
Classification
Qualification
L’environnement
économique :
ajustement du marché
=> rémunération
Le système de gestion des Ressources
humaines :
Classification et qualification impliquent
d’être en cohérence avec l’ensemble des
pratiques de gestion des RH et notamment
en matière de mobilité
L’évolution des systèmes de classification : nouvelles
logiques, nouvelles cohérences
Le référentiel de classification représente un référentiel majeur pour les décisions
en matière de gestion des ressources humaines. Or, les entreprises éprouvent des
difficultés depuis quelques années dans l’utilisation des systèmes existants (la
référence au poste de travail est remise en cause, un glissement de la classification
des postes vers la qualification de la personne s’opère).
97
Les exigences d’un dialogue social dont les objets se sont diversifiés (formation,
emploi) rencontrent des difficultés lorsque les classifications ne correspondent
plus à la réalité de l’organisation et du mode de fonctionnement de l’entreprise.
Les classifications vont devoir évoluer et ceci apparaît comme une opportunité pour
les entreprises pour redonner de la cohérence à l’ensemble des processus de
gestion des ressources humaines.
Une revendication forte s’exprime dans la formule très présente dans les esprits :
« à travail égal, salaire égal » (cette revendication était très présente dans
l’entreprise
Carrefour avant l’accord du mars 1999). Or, on sait déterminer
l’égalité du salaire, mais qu’est-ce qui caractérise l’égalité du travail ? C’est une des
questions posées par les systèmes de classification.
Le fort développement pour les populations « cadre » de l’utilisation des méthodes
critérielles par points pour lesquelles la référence au poste de travail reste un
principe de base ne doit pas être oubliée ; toutefois, s’agit-il du même « poste » que
dans les classifications surtout opérantes pour des populations non-cadres ?
Dans les classifications, le poste est pris dans son sens organisationnel : il décrit
les tâches qui déterminent la classification.
Dans les méthodes d’évaluation utilisées pour les cadres, le poste est décrit de
façon très individualisée, en termes de missions à remplir : c’est à dire la raison
d’être du poste en tant que contributeur au résultat de l’entreprise.
Le premier (salarié non cadre) s’inscrit dans une logique de la tâche, le second
(salarié cadre) dans une logique du résultat mise en œuvre par la Direction par
objectif.
L’entreprise cherche à assurer sa sécurité de fonctionnement en imposant un
prescrit à ses salariés : prescription des tâches pour les uns (employés de
carrefour), prescription des résultats pour les autres.
L’émergence d’une logique de compétence déplace la garantie de la sécurité du
fonctionnement de l’entreprise vers un prescrit de la compétence.
98
La prise en compte des compétences dans les systèmes de classification est
toujours en corrélation avec l’évolution des organisations. En effet, les entreprises
se préoccupent de la capacité de réactivité des salariés, c’est à dire leurs
compétences. Elles cherchent à regagner ce qu’elles ont perdu en sécurité en
renonçant à la prescription des tâches. Toutefois, « attention à ne pas passer d’une
prescription des tâches à une prescription des compétences » même si l’entreprise
ne peut en aucun cas ignorer sa sécurité de fonctionnement.
•
une nécessaire cohérence des enjeux :
Les entreprises prennent conscience que la mobilité professionnelle, la flexibilité
organisationnelle, l’adaptation des qualifications, l’implication des salariés sont les
enjeux majeurs de la gestion des ressources humaines. Par conséquent, il est
impératif de ne plus continuer à administrer le contrat de travail sur la base de
notions complètement différentes tel que le poste de travail traditionnel à travers
une approche purement productiviste et hiérarchique.
De plus, une nouvelle approche de l’identité professionnelle doit être installée (le
poste est remplacé par les métiers).
Il est évident que les systèmes de classifications se situent sur le lieu d’équilibre
entre les besoins économiques de l’entreprise (exprimés en termes de prescriptions
d’organisation ou de résultats, voire de compétences) et les réponses du corps
social. Les changements dans le mode de fonctionnement des entreprises rendent
souvent obsolètes les référentiels actuels et c’est leur nouvelle définition qui
représente l’enjeu du renouvellement des systèmes de classification.
•
les évolutions des systèmes de classification à travers les différentes
logiques (résultat, tâche, compétence) :
99
-
Logique de résultat :
Les méthodes d’origine anglo-saxonne qui relèvent de la logique de résultats
s’étendent. Les entreprises, qui répondent à cette logique, sont en générales
engagées sur un marché concurrentiel et ont une dimension internationale (comme
Carrefour). Engagée dans une compétition économique difficile et mondiale,
Carrefour doit motiver ses salariés et particulièrement ses cadres à contribuer au
résultat de l’entreprise en augmentant les performances individuelles. C’était
jusqu’à présent l’outil de base de Carrefour pour la rémunération, la gestion des
carrières, le mode de management et d’organisation de l’entreprise ; aujourd’hui s’y
ajoute une logique de compétence. De plus, ces méthodes permettent des
comparaisons de rémunérations avec la concurrence (Méthode Hay).
-
Logique de tâche :
Les emplois –repères qui sont la base de presque la totalité des systèmes existants
(Carrefour parle de fonctions-repères) ne sont pas des postes réels, mais des
« construits » qui se rapprochent suffisamment de la réalité pour rencontrer un
certain consensus. C’est en donnant de la souplesse et de la capacité d’adaptation à
la notion rigide de poste que l’entreprise se donnent des capacités d’adaptation.
L’entreprise passe du poste à l’emploi (ou la fonction) : il s’agit d’aboutir à des
ensembles plus vastes. Cette pratique est construite sur une description détaillée
et exhaustive de l’ensemble des postes qui sont regroupés par proximité d’activité.
Dans l’entreprise Carrefour, des « fonctions-repères » ont été décrites en termes
d’activité et regroupées ensuite dans des filières (vente, administratifs…).
-
une logique de compétence :
la réalité de l’activité n’est plus exprimé par « faire » mais par « savoir-faire ».
Lorsque Carrefour élabore son référentiel de compétence pour les cadres, elle
commence par la phrase suivante : « être capable de ». La valeur ajoutée est dans
le fait d’identifier des compétences transversales (génériques pour carrefour) plus
indépendante de l’emploi tenu.
100
IV B 1.2
Les classifications de Carrefour et de la Branche
IV B 1.2.1
Historique des classifications Carrefour
Les classifications de Carrefour étaient basées sur les classifications de la branche
de 69. Elles n’ont été modifiées dans le temps que très légèrement : soit par des
nouvelles fonctions, soit par la suppression de fonctions inutiles (ex : pompiste),
soit par la modification de l’appellation de certaines fonctions (ex : ouvrier
professionnel en remplacement de boucher) et par un avenant de 78 qui revalorisait
les classifications Ouvriers et employés et en même temps qui créait les horaires
courts (20 h à 30 h). Les classifications étaient du type Parodi. Un accord de
branche en mars 1997 a permis de modifier les classifications et les redéfinir à
l’aide de critères classants. Les entreprises de la branche qui le souhaitent,
bénéficient d’un délai de 18 mois pour adapter cet accord à leurs spécificités.
L’entreprise Carrefour a choisi de bénéficier de cette possibilité. Ce qui signifie
que quoiqu’il arrive, la classification Parodi devait disparaître au profit des
classifications par niveau.
IV B 1.2.2
Avenants des classifications dans le secteur de la
grande distribution (accord de mars 97)
Un avenant relatif aux classifications des salariés des Conventions Collectives du
commerce à prédominance alimentaire et des entrepôts d’alimentation a été signé
le 30 mai 97.
IV B 1.2.2.1
L’objet et finalité de cet avenant
Avec la révision des classifications professionnelles, les parties signataires ont mis
en place un système de gestion des RH et des qualifications qui :
•
repose sur la nature des fonctions réellement exercées
•
est flexible et qui permet de prendre en compte les évolutions rapides
des métiers et des organisations
101
•
est commun aux entreprises de commerce.
Cette méthode et ces règles permettront aux entreprises d’élaborer leur propre
classification adaptée à leurs spécificités et besoins. Elle est illustrée par une liste
de fonctions-repères qui permettent aux entreprises selon leur structure de :
•
soit l’utiliser telle quelle,
•
soit l’adapter à leur propre situation : dans ce cas, le cadre général de
l’adaptation fera l’objet d’un examen par une commission paritaire
d’application constituée au sein de l’entreprise
L’entreprise Carrefour a choisi cette deuxième solution.
Avant toute application, chaque salarié se verra notifier par écrit :
•
l’appellation de sa fonction,
•
le niveau dans lequel elle est classée,
•
si besoin est, la durée de la période d’accueil prévue :
-
6 mois pour les fonctions classées dans les niveaux I et II
-
1 an pour les fonctions classées dans le niveau III
-
2 ans pour les fonctions classées dans le niveau IV
Il dispose d’un délai d’un mois pour demander à son employeur des explications sur
son nouveau classement, et éventuellement saisir la commission paritaire
d’application de l’entreprise. La mise en œuvre de ces classifications ne peut en
aucun cas conduire à une diminution du salaire antérieur.
Carrefour a appliqué ces règles à la lettre.
102
IV B 1.2.2.2
Le principe de l’accord de branche de la FCD
Le principe de l’Accord de branche de Mars 97 de la FCD est la classification par
niveau en remplacement de système Parodi et selon les principes suivants :
3 NIVEAUX
CADRES
2 NIVEAUX
AGENTS DE MAITRISE
ET TECHNICIENS
4 NIVEAUX
EMPLOYES
•
La répartition se fait à l’aide de 5 critères :
Connaissances
Aptitudes
Relations
Responsabilité
Autonomie
•
décrits en 6 degrés d’exigence (notés de 1 à 6)
IV B 1.2.2.2.1
Les critères de classifications
Les classifications de chaque fonction se fondent sur la technique des critères
classants par la mise en œuvre de cinq critères qui se cumulent et se conjuguent :
•
critère 1 : Connaissances
Définition : ce critère mesure des connaissances nécessaires au titulaire pour
exercer sa fonction et en avoir la maîtrise (formation générale, professionnelle et
expérience).
6 niveaux de degré d’exigences sont déclinés et définis :
Exemple niveaux 1 et 2
103
- Niveau 1 : définition
Les tâches rencontrées dans cette fonction sont simples. Elles demandent un
apprentissage d’instructions primaires le plus souvent de très courte durée
(quelques jours). Elles ne demandent pas de connaissances préalables.
- Niveau 2 : définition
Les tâches rencontrées sont spécifiques à la fonction. Elles demandent une
formation spécifique, le plus souvent de courte durée (quelques semaines).
Elles demandent d’acquérir un savoir-faire particulier et supposent une bonne
connaissance pratique des procédures de routines peu compliquées et
standardisées.
Etc…
•
critère 2 : Aptitudes
Définition : L’aptitude mesure la capacité à réagir et à agir face aux situations
rencontrées dans l’exercice de la fonction. Les actions à entreprendre nécessitent
selon le cas plus ou moins de capacité à analyser et interpréter les situations ainsi
qu’à imaginer et concevoir des solutions ou au contraire à appliquer des procédures.
6 niveaux de degré d’exigences sont déclinés et définis
•
critère 3 : Relations
Définition : Exigence de contacts avec les acteurs internes de l’entreprise (c’est à
dire le personnel de l’établissement, du magasin, du supermarché, de l’hypermarché,
de l’entrepôt,… ou des représentants du personnel) ou les acteurs externes à celleci (clients, fournisseurs, organismes extérieurs, collectivités locales, pouvoirs
publics, etc…)
6 niveaux de degré d’exigences sont déclinés et définis
•
critère 4 : Responsabilité
Définition : On entend par responsabilité le fait d’apporter dans l’exercice de la
fonction une contribution aux performances de l’entreprise, que ce soit par des
actions internes dans l’entreprise ou des actions vis-à-vis des clients.
104
6 niveaux de degré d’exigences sont déclinés et définis
•
critère 5 : Autonomie
Définition : On entend par autonomie la faculté d’effectuer des choix sur les
actions et les moyens à mettre en œuvre pour exercer les activités de la fonction
et réaliser les objectifs.
6 niveaux de degré d’exigences sont déclinés et définis
IV B 1.2.2.2.2
La grille de cotation
La grille d’évaluation à utiliser attribue à chaque degré de chaque critère un
nombre de points en fonction de la pondération des critères (cette grille élaborée
par la FCD (Fédération patronale du commerce) a été utilisée par Carrefour pour
classer ses fonctions repères mais uniquement pour les employés, nous verrons plus
loin qu’un autre système de classement a été élaboré pour les cadres de carrefour).
Pondérati
on
Contribuer à la
performance économique
1
adapter
2
Optimiser
3
Concevoir
4
Piloter
5
Transfor
mer
25
C2
25
25
25
C5
25
50
50
50
50
100
100
100
200
200
400
400
C1
25 % Economique
•
Développer la satisfaction
client
Comprendre et agir sur son
environnement
25
S’investir dans la
réussite des
collaborateurs
C7
C8
C9
25
25
25
C10
25
C11
25
C12
25
50
50
50
50
50
50
50
50
100
100
100
100
100
100
100
100
100
200
200
200
200
200
200
200
200
200
200
400
400
400
400
400
400
400
400
400
400
C3
C4
25 % Clients
C6
25 % Collaborateurs
25 % Environnement
IV B 1.2.2.2.3
Les 9 Niveaux
L’évaluation d’une fonction consiste à définir le degré de chaque critère
qui correspond aux exigences de la fonction. La somme des points obtenus
pour chaque critère donne un nombre de points compris entre 100 et 600
qui permet de positionner la fonction dans un des 9 niveaux.
105
•
Chacun des 9 niveaux regroupe des fonctions dont l’évaluation donne un
résultat comparable quel que soit le métier exercé (commerce, logistique,
administration…), dans une fourchette homogène de 55 points.
4 NIVEAUX
EMPLOYES
Niveau 1 : moins de 156 points
Niveau 2 : de 156 à 210 points
Niveau 3 : de 211 à 266 points
Niveau 4 : de 267 à 322 points
2 NIVEAUX
AGENTS DE MAITRISE
ET TECHNICIENS
Niveau 5 : de 323 à 378 points
Niveau 6 : de 379 à 434 points
3 NIVEAUX
CADRES
Niveau 7 : de 434 à 490 points
Niveau 8 : de 491 à 546 points
Niveau 9 : plus de 546 points
Exemple
•
définition du poste (détail des activités), la cotation fait apparaître les
résultats suivants :
Connaissances : 3
Aptitude
:2
Relations
:4
Responsabilité : 2
Autonomie
:2
106
•
L’application de la grille d’évaluation conduit à attribuer à ce poste le
nombre de points suivants :
Connaissances : 37.5 pts
Aptitude
: 25
pts
Relations
: 100 pts
Responsabilité : 50
pts
Autonomie
pts
: 50
Soit un total de 262.5 pts
•
Ce montant est compris entre 211 et 266 points
Le poste appartient donc au NIVEAU 3
IV B 1.3
Quelle finalité ou pour quoi des classifications spécifiques à
l’entreprise
Cette nouvelle classification Carrefour a été élaborée pour répondre à l’évolution
des métiers s’inscrivant ainsi en continuité de l’accord de branche et en tenant
compte des spécificités de Carrefour. Elle est adaptable dans le temps et
favorable au développement des salariés mais aussi tournée vers les clients et
ouverte à la promotion interne.
Les enjeux de la refonte des classifications sont :
•
avant tout d’élaborer un consensus social à travers le dialogue pour
préserver les intérêts économiques de l’entreprise et les intérêts des
salariés
•
la gestion des salariés avec des règles adaptées à la réalité du travail de
l’entreprise
107
•
d’éviter le décalage entre les situations de travail et la reconnaissance
des qualifications
•
améliorer la performance actuelle et future
•
basés entre une logique de marché et d’équité sociale
•
sur le double rôle des classifications qui vont jouer un rôle d’ajustement
social et économique
•
de formaliser la manière dont les divers acteurs sociaux vont articuler les
exigences du marché du travail et celles de l’équité sociale
•
articulés sur un équilibre complexe entre les forces du marché, les
syndicats et l’entreprise
IV B 1.3.1
Comment ont-elles été élaborées ?
L’accord Carrefour est basé sur les mêmes critères, les mêmes degrés, la même
grille d’évaluation et les mêmes niveaux que l’accord de la FCD de mars 97. Ce choix
évite des distorsions vis à vis du reste de la profession.
Chaque organisation syndicale a été représentée aux réunions de travail par une
délégation composée de 4 personnes.
Chaque réunion s’est déroulée selon le mode de fonctionnement suivant :
1/ un travail d’analyse et d’adaptation des définitions et de la cotation des emplois
repères recensés dans l’accord FCD a permis à l’ensemble des participants de se
familiariser avec le système de classifications. Il présente en outre l’avantage
d’aborder rapidement les principaux métiers existants et de fixer un cadre de
travail pour la suite du processus.
2/ la 2ème phase se déroule par « filières » ou secteurs (caisses, PFT, Non
alimentaire, administratif…) L’ensemble des participants a procédé au recensement
et à la définition de tous les emplois de chaque filière : emplois existants et
nouveaux emplois. Ce travail permet de prendre en compte l’évolution des anciens
métiers et l’apparition des nouveaux métiers.
108
3/ La cotation réalisée à travers des votes des représentants syndicaux de
l’ensemble des postes a permis de tenir compte du niveau d’exigence de l’entreprise
qui s’est exprimé dans les définitions précédemment élaborées.
4/ L’aboutissement du processus réside dans la négociation finale d’un accord
complet comportant l’ensemble des définitions des emplois et leur classement au
sein de 9 niveaux.
L’analyse de tous les emplois a permis de mettre en évidence un certain nombre
d’activités communes à l’ensemble des salariés de Carrefour qui ont été validées
par les partenaires sociaux :
•
Carrefour, avec son activité qui est commerciale, est au service de ses
clients.
•
Chaque salarié, par sa compétence, son attention, son amabilité et sa
réactivité apportent le meilleur service possible
•
Il informe, renseigne et dirige efficacement ses interlocuteurs
•
Professionnel, il respecte l’ensemble des normes, procédures et règles du
métier qui lui ont été communiquées
•
Accueillant, il conseille et informe le nouveau salarié dans ses premiers
pas dans l’entreprise
•
Respectueux de l’image de l’entreprise et de la collectivité, il assure la
propreté, le rangement, l’entretien courant du matériel et de l’espace de
travail qu’il est amené à utiliser
•
Acteur il participe à la lutte contre la démarque et à l’inventaire
•
Attentif aux attentes et aux suggestions des clients, il informe sa
hiérarchie et lui signale les éventuels dysfonctionnements.
•
Positif, il peut exceptionnellement être amené à mettre des produits en
rayon ou aider le client lors de son passage en caisse (si cela ne constitue
pas son activité principale)
109
La rigueur dans le processus de collecte des données a été le fil conducteur
de la démarche afin de permettre de bien identifier les activités réalisées
par les collaborateurs et faciliter l’interprétation des critères de branches.
La clarté des descriptions de fonction a été soignées à travers la qualité
rédactionnelle (simplicité, convivialité) afin de fournir par la suite une aide au
développement personnel et à la mobilité.
La transparence des décisions de cotation s’est établie par la justification
par écrit des choix des groupes de travail, la validation collégiale des
cotations, l’apport des explications complémentaires à l’accord de branche et
l’élaboration d’une convention des règles de réactualisation (fréquence,
implication).
La collecte des données s’est réalisée suivant 3 grands principes :
•
la compréhension des termes utilisés dans l’entreprise en ayant une vision
simple des éléments donnant sa valeur au travail et définissant les termes
utilisés. Pour les employés :
-
activité : un ensemble de tâches qui produisent un résultat mesurable
(volume, qualité, délai, coût…) pour un client interne ou externe
-
Résultat : un bien ou service produit par une activité et qui a une valeur
pour un client interne ou externe
-
Connaissance : un ensemble homogène de concepts ou de théories
définissant un même domaine de technique ou scientifique
-
Savoir-faire : un ensemble homogène d’activités démontrant la capacité à
produire un résultat associé à un même domaine technique ou scientifique
-
Comportement : un ensemble homogène d’activités qui traduisent une
même motivation
110
-
Critères d’exigence : un ensemble homogène de connaissances, de savoirfaire ou de comportements qui donnent au travail une valeur reconnue par
l’entreprise
L’identification des activités à véritable valeur ajoutée est évaluée pour
détecter l’importance de chacune à travers un support.
Le choix des fonctions et des titulaires est réalisé à l’aide d’une nomenclature
adaptée des titres de fonction et l’implication des collaborateurs motivés par
le projet
Afin de collecter correctement les données, il est rappelé la logique
d’ensemble des éléments qui donnent leur valeur au travail :
Savoir-faire
N
O
N
O
B
S
E
R
V
A
B
L
E
Ex : rédiger une proposition client
Ex : gestion commerciale
CONNAISSANCES
ACTIVITE
OBSERVABLE
RESULTAT
OBJECTIF
MESURABLE
MOTIVATION
COMPORTEMENT
Ex : anticiper un besoin non exprimé
Chaque activité a été regroupée au sein d’une même famille qui ainsi a aidé à
vérifier que toutes les contributions sont prises en compte et à mieux
interpréter chaque critère de la branche (connaissances, aptitudes,
relations, responsabilité, autonomie).
111
Pour l’entreprise Carrefour, ces 5 critères ont été traduits dans le tableau
de correspondance suivant :
Critères de branche
•
Connaissance
Correspondance carrefour par domaine
Créer
•
Aptitude
•
Relations
•
Responsabilité
•
•
Développer/contrôler
Produire
Influencer
•
•
Communiquer
Négocier
Engager les moyens
•
•
Gérer les ressources
Gérer les équipes
Définir les priorités
•
•
•
Autonomie
Comprendre l’environnement
Organiser
L’entreprise va identifier ses propres fonctions repères en les décrivant de
manière à renseigner les collaborateurs sur :
•
les activités à exercer en termes de production et des moyens et
méthodes utilisés
•
les connaissances demandées pour accéder à la fonction en formation de
base, expérience, langues et maîtrise de technologies très spécialisées ou
nouvelles
Les groupes de réflexion responsables de coordonner et de valider les
cotations utilisent donc un support commun.
IV B 1.3.2
Exemple de l’élaboration d’une
fonction repère :
Assistante administrative
Lors de chaque réunion des groupes de réflexion composés de quatre représentants
par organisation syndicale, des fonctions, qui avaient été étudiées parallèlement
112
avec les cinq groupes de travail interne, sont soumises à discussion et échanges
avec d’éventuelles retouches des descriptions de fonction.
Une diffusion des fonctions retouchées est adressée à chaque partenaire pour
dernières observations. Lors de la réunion suivante, les fonctions analysées lors de
la réunion précédente sont validées par les partenaires syndicaux.
Le processus reprend avec l’étude de nouvelles fonctions.
Processus de validation des partenaires
syndicaux des fonctions et activités
réalisées en interne :
REUNION J+1 :
•
LISTE DES
FONCTIONS A
ETUDIER ET
PROPOSITIONS
DECARREFOUR
•
DISCUSSION,
ECHANGES,
RETOUCHES
EVENTUELLES
AVEC LES
PARTENAIRES DES
DESCRIPTIONS DE
FONCTION
COMPTE RENDU REUNION J+1 :
•
DIFFUSION DES FONCTIONS
RETOUCHEES POUR DERNIERES
OBSERVATIONS EVENTUELLES
ORDRE DU JOUR REUNION J+2 :
•
VALIDATION DES FONCTIONS
ETUDIEES LORS DE LA REUNION J+1 ET
ETUDES NOUVELLES FONCTION
•
DISCUSSION, ECHANGES, RETOUCHES
EVENTUELLES AVEC LES PARTENAIRES
DES DESCRIPTIONS DE FONCTION
REUNION J+1 :
•
LISTE DES
FONCTIONS A
ETUDIER ET
PROPOSITIONS
DECARREFOUR
•
DISCUSSION,
ECHANGES,
RETOUCHES
EVENTUELLES
AVEC LES
PARTENAIRES DES
DESCRIPTIONS DE
FONCTION
Chaque fonction a été étudiée sur le terrain, par des travaux d’experts selon la
méthode d’analyse suivante :
•
Critères de carrefour en correspondance des critères de la branche :
produire, contrôler, communiquer, négocier, gérer les ressources, gérer les
-
équipes, étudier l’environnement, organiser
•
le type d’activité
•
Que doit-il en sortir (sortant) ?
•
qui bénéficie du sortant (client) ?
•
évaluation du temps passé
•
l’impact : Exécuter (E) – Conseiller (C) – Décision (D)
113
Exemple du contenu de la fonction « Assistant Administratif et comptable » réalisé
par le groupe de travail interne :
Titre de la fonction :
ASSISTANT ADM.& COMPTABLE
Domaine
Activité
Produire
•
réceptionner et trier des
documents (dossiers,
factures, commandes
•
Saisir des données
exactes/vérifiées dans le
système d’information
•
Classer ou transmettre les
documents selon les
procédures
•
Effectuer des
rapprochements (par
exemple entre des bons de
livraison, de transport, de
reconnaissance avec les
factures pro forma)
•
Archiver les documents
Statut :
Réunion Paritaire
Sortant
• documents triés
• informations fiables
• documents
classés/transmis
•
•
•
•
•
Contrôler
•
•
•
répondre aux demandes et
traiter le dossier en utilisant
les moyens de communication
adaptés
traduire en comptabilité les
opérations commerciales et
financières, les rapprocher,
les ventiler
•
détecter et traiter les
•
écarts constatés lors des
rapprochements et régler les
litiges s’il y a lieu, sous le
contrôle de sa hiérarchie
vérifier la fiabilité des
•
enregistrements saisis
justifier le solde des
comptes des opérations
•
comptables et financières
(banque, TVA, organismes
sociaux…)
rapprochement
effectués
documents
archivés
rédaction
courrier/fax/
appel téléphonique
documents
comptables à jour
Client
• Collaborateurs
magasins
Date :
J+1
Temps Impact
5%
E
• Collaborateurs
magasins
15 %
E
• Collaborateurs
magasins
5%
E
• Collaborateurs
magasins
15 %
E
5%
E
10 %
C
20 %
C
• Collaborateurs
magasins
• Clients,
fournisseurs,
personnel
• Collaborateurs
magasins
règlement des
écarts et des
litiges
•
hiérarchie,
collaborateurs
magasins
5%
C
enregistrement
fiables/comptes
justifiés
rapprochements
comptables et
financiers
effectués
•
collaborateurs
magasins
10 %
C
•
collaborateurs
magasins
10 %
C
Communiquer
Négocier
Gérer les
ressources
Gérer les équipes
Etudier
l’environnement
Organiser
E= Exécution, C=Conseil, D=Décision
114
En réponse au statut de la réunion paritaire de réflexion J+1 , cette fonction « assistante administratif et
comptable » est devenue :
Effectue diverses tâches administratives et comptables
Activités (qui ressemblent plus à des tâches ) :
•
réceptionne et trie des documents (dossiers, commandes, factures), les classe ou les transmet et
les archive
•
saisit des données exactes / vérifiées dans le système d’information
•
effectue des rapprochements et détecte des écarts
•
rédige les correspondances liées aux dossiers traités
•
traduit en comptabilité les opérations commerciales et financières, les rapprochements, les ventile
•
justifie le solde des comptes des opérations comptables et financières (clients, fournisseurs,
banque, TVA)
Toutes les descriptions de poste figurent aujourd’hui dans la nouvelle Convention
Collective.
Par la suite à l’aide de la grille de cotation réalisée par l’accord de la branche de
mars 97, chaque représentant syndical a noté et justifié sa réponse.
Par exemple :
Fonction : Conseiller administratif et comptable
Effectue les tâches administratives et comptables
Activités (qui soit dit en passant ressemblent plus à des tâches ) :
• traduit en comptabilité les opérations commerciales et financières, les rapproches et les ventile
• justifie le solde des comptes des opérations comptables et financières dont il a la charge
• réceptionne, trie, classe, transmet et archive les documents
• saisit des données vérifiées dans le système d’information
• contrôle la fiabilité des enregistrements saisis
• effectue des rapprochements, détecte et justifie les écarts. Règle les litiges
• rédige les correspondances liées aux dossiers traités
CRITERES
COTATION
DEGRE
POINT
JUSTIFICATION
Connaissance
3
37,5
Aptitude
3
37,5
Relations
Responsabilité
Autonomie
3
2
2
75
50
50
Les tâches rencontrées requiert l’apprentissage d’un
métier. Elles demandent une aptitude à utiliser un
savoir, un équipement ou un savoir-faire spécialisé.
Les tâches ne nécessitent pas de maîtriser des
équipements ou des équipements relativement
compliqués
Les problèmes font l’objet d’une première
investigation. Leurs solutions demandent des
recherches et des analyses d’information. Leurs
solutions ne requièrent pas la collecte d’une masse
importante d’informations
Etc…
Total
Niveau
250
3
115
Commentaire [b1] : En
fonction de la grille de cotation de
l’accord de branche
A partir de la définition du poste, la cotation fait apparaître les résultats suivants :
Un total de 250, ce qui nous positionne par rapport aux niveaux de la branche à :
Employés – ouvriers : niveau 3 (entre 211 à 266 points).
Chaque représentant syndical de la réunion de réflexion va ainsi noter et justifier
les notes.
Un tableau final de synthèse a permis de positionner définitivement la fonction de
conseiller administratif :
Extrait :
Filières
Poste
Administration
Assistant administratif
Conseiller adm&comptable
Conseiller de vente
Vente
Niveau attribué par les Syndicats
CAT
2
3
3
CFDT
2
3
3
CFTC
2
3
3
CGC
2
3
2
CGT
2
3
4
FO
2
3
3
Décision
Finale
(majorité)
Niveau
2
3
3
Les fonctions, ci-dessus, se sont vues attribuées les niveaux établis dans la
décision finale et figurent donc dans la nouvelle Convention Collective de Carrefour.
Une commission paritaire va suivre la mise en place de l’accord afin de répondre aux
revendications des salariés sur leur changement de classement.
IV B 1.4
Les classifications des cadres
Contrairement aux employés, les partenaires sociaux ne se sont pas préoccupés des
classifications des cadres, leur seul impératif a été que les chefs de rayon se
situent au niveau 7.
Je serais moins exhaustive que pour les employés. En effet, la démarche est restée
confidentielle et contrairement aux employés, les partenaires sociaux n’ont pas
participé à la détermination des fonctions-repères cadres et le classement dans les
différents niveaux.
116
En parallèle, un chantier a été entrepris afin de remettre à plat toutes les
appellations diverses et variées des emplois du siège social. L’objectif était de
simplifier et réduire le nombre de fonctions dont les appellations avaient été
formalisées par rapport au détenteur de l’emploi.
Exemple : Tableau de simplification des fonctions repères de Carrefour Siège
Groupe
Fonction repère
Déclinaison
Responsable
Responsable Achats
Responsable
Titre de la fonction actuelle
Achats
(par Acheteur 1er prix PGC
métiers)
Responsable Rayon 1er prix
Responsable Achats Douane
Responsable Ristourne
Responsable Achats Gestion Responsable Administratif et ristournes
des ristournes
Responsable administratif Bazar
Responsable Centralisation des ristournes
Responsable des achats parapharmacie
Responsable de Collection Bazar
Responsable Collection
Responsable Produits Carrefour
Responsable Approvisionnement
Responsable Cotation Import
Chef de secteur Transit Import
Responsable douane
Responsable Import Secteur
Responsable Import Secteur
….
Un autre objectif a été d’aligner la rémunération à celle de la concurrence. Pour ce
faire, l’entreprise s’est basée sur des indices de salaire calculées en fonction du
marché du travail transmises par le cabinet Hay.
IV B 1.4.1
Les critères de classification des emplois cadres
Les critères des classifications Cadres sont déclinées en 12 compétences clés qui
recouvrent 4 domaines d’activité de l’entreprise à valeur ajoutée distinctive.
117
Ces 12 compétences clés sont assorties de 5 degrés d’exigence
qui ont été
déterminés en fonction de l’emploi. Une définition des différents degré d’exigence
est déclinée par compétences clés.
Tableau des 12 compétences clés classer par domaine d’activité clé de l’entreprise :
Domaine de
compétences
CONTRIBUER à la PERFORMANCE ECONOMIQUE
C1 : Gérer les flux et les risques « argent »
pour mesurer et gérer les flux financiers de l’entreprise
C2 : Concentrer les ressources sur les objectifs prioritaires
pour allouer les ressources aux actions et projets critiques pour le succès de Carrefour
C3 : Identifier et exploiter les opportunités rentables
pour repérer et exploiter des sources de revenus ou d’économies supplémentaires
DEVELOPPER la SATISFACTION CLIENT
C4 : Créer une valeur ajoutée distinctive
pour développer des produits et des services qui apportent une valeur distinctive aux clients et partenaires
de Carrefour
C5 : Manager la logique client/fournisseur
pour garantir l’efficacité des relations et des méthodes client/fournisseur à l’intérieur et à l’extérieur de
l’entreprise
C6 : Obtenir l’adhésion nécessaire au respect des engagements
pour satisfaire les clients et les partenaires de Carrefour à travers l’adhésion de tous aux engagements pris
S’INVESTIR dans la REUSSITE des COLLABORATEURS
C7 : Repérer, développer et valoriser les compétences
pour identifier, développer ou reconnaître les compétences
C8 : Créer un environnement propice au développement
pour encourager et aider les autres à connaître et à faire connaître leurs compétences au sein de l’entreprise
C9 : Manager par l’exemplarité
pour agir en accord avec les systèmes de valeurs de l’entreprise et de la profession
COMPRENDRE et AGIR sur son ENVIRONNEMENT
C10 : Rechercher et promouvoir des processus performants
pour créer et maintenir des processus permettant à Carrefour de développer son leadership
C11 : Initier et conduire le changement
pour inciter les autres à s’approprier et à mettre en œuvre les changements requis par l’environnement
interne ou externe
C12 : Travailler en réseau
Pour obtenir l’appui ou la coopération nécessaire à l’exercice de ses responsabilités
Compétence clé
118
Ces compétences sont notées suivant 5 degrés d’exigence :
-
1 adapter
-
2 optimiser
-
3 concevoir
-
4 piloter
-
5 transformer
IV B 1.4.2
La grille de cotation :
La grille de cotation a été élaborée en interne avec des cadres de l’entreprise.
Pondération
1
adapter
2
Optimiser
3
Concevoir
4
Piloter
5
Transform
er
Contribuer à la
performance
économique
C1
C2
C3
25
25
25
Développer la
satisfaction client
Comprendre et agir sur
son environnement
C6
25
S’investir dans la
réussite des
collaborateurs
C7
C8
C9
25
25
25
C4
25
C5
25
C10
25
C11
25
C12
25
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
50
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
100
200
200
200
200
200
200
200
200
200
200
200
200
400
400
400
400
400
400
400
400
400
400
400
400
25 % Economique
Légende :
25 % Clients
25 % Collaborateurs
25 % Environnement
C1 = compétence clé n°1 = gérer les flux et les risques d’argent
C2 = concentrer les ressources sur les objectifs prioritaires
Etc
Un groupe de travail a déterminé pour chaque fonction-repère le niveau de cotation
exigé par compétence clé.
Degré d’exigence
Compétence clé
A titre d’exemple :
Emploi Type
Fonction repère
Directeur National
Directeur National
Responsable com.
Responsable RH
Responsable RH
ETC
Directeur National Métier
Directeur Informatique
Responsable com interne
Responsable Rem. Et AS
Expert Relations Sociales
Nivea
u
HCC
HCB
9A
9A
8C
Total
Moy.
C1
3800
3400
1500
1500
1400
4,58
4,42
3,25
3 ,25
3,17
4
4
4
3
3
C2 C3 C4 C5 C6 C7 C8 C9 C1
0
5
4
5 5 5
5 4
4
4
5
4
5 5 4
4 4
4
4
3
4
3 3 3
3 3
3
3
3
3
4 3 3
3 3
3
4
3
3
3 3 3
4 3
3
3
HCC = hors convention collective niveau C (développé)
A = acquis – B = Maîtrise – C= Développé
119
C1
1
5
4
3
3
3
C1
2
5
5
4
4
4
IV B 1.4.3
Les niveaux
Niveau 7 : de 434 à 490 points
Niveau 8 : de 491 à 546 points
Niveau 9 : plus de 546 points
CADRES
Les niveaux cadres sont décomposés en 3 niveaux :
A = acquis – B = Maîtrise – C = développé
A m p le u r d e s n iv e a u x C a d r e s
3800
HCC
3600
3400
3200
3000
2800
HCB
2600
2400
HCA
2200
2000
9C
1800
9B
1600
9A
1400
8C
1200
8B
1000
8A
800
7C
600
400
7B
7A
200
0
7A
7B
7C
8A
8B
8C
9A
9B
9C
HCA
HCB
HCC
Commentaire : L’ampleur des niveaux (A à C) permet à l’entreprise de s’aligner par
rapport au marché salarial (l’on peut remarquer que les Managers métiers
débutants (A) ont un niveau de points inférieur au niveau 7).
IV B 1.5
Conséquence des nouvelles classifications Carrefour - refonte
du
système
d’évaluation des
cadres
(introduction
des
compétences)
Face à une concurrence de plus en plus âpre entraînant le tassement des marges et
des profits, l’entreprise doit avoir des systèmes de gestion plus objectifs et plus
précis. La gestion individualisée des salaires et des rémunérations cherche à
120
satisfaire cette exigence et permet de conserver les enjeux crédibles d’évolution
de salaire et de rémunération.
Pour mettre en œuvre une telle politique de gestion individuelle, Carrefour se dote
d’un outil qui lui permet d’évaluer les prestations de chacun des salariés et sa
contribution au développement de l’entreprise.
Dans la perspective d’une « saine » gestion des Ressources Humaines, Carrefour
doit organiser son système d’évaluation pour aboutir à un processus qui réponde aux
besoins de l’entreprise comme aux attentes des salariés.
Ce qui signifie que le système d’évaluation doit impérativement :
•
présenter des garanties d’objectivité suffisante et de ce fait ne renforce
pas le poids des structures hiérarchiques
•
offrir des enjeux crédibles de progression de rémunération et de carrière
•
faciliter les fonctionnements de l’organisation en atténuant les difficultés de
coordination entre services, fonctions….
•
favoriser le développement en prenant en compte ce qui est prévu mais aussi
les actions spontanées (rétribution de l’initiative).
IV B 1.5.1
Identification de l’objet de l’évaluation : on va évaluer
quoi ?
•
la prestation du salarié : ce que le salarié sait faire : cette évaluation s’appuie
sur un constat
•
la compétence du salarié : ce que le salarié peut faire : cette évaluation s’appuie
sur un diagnostic
121
•
le potentiel du salarié : ce que le salarié pourra faire : cette évaluation s’appuie
sur un pronostic
Chez Carrefour les objets de l’évaluation sont :
•
la performance à travers la définition d’objectif (résultats)
•
les compétences
Il n’est pas aisé d’évaluer à la fois des résultats et des compétences…… ! ! !
IV B 1.5.2
Pourquoi évaluer et à qui sert l’évaluation :
Pour comprendre l’évaluation de l’entreprise, je me suis posée la question « à
quoi ça sert ? Quel objectif vise l’entreprise à travers son système
d’évaluation ? ».
En effet, le processus global d’évaluation est souvent associé à une multitude
de finalités :
•
réaliser un bilan formel des activités accomplies et des résultats obtenus sur
une période donnée
•
définir de nouveaux objectifs négociés et des plans d’actions, faire adopter une
stratégie
•
gérer les ressources humaines en situant plus précisément les personnes en
terme de compétences, de potentiel, de désir d’évolution
•
facilité l’évolution des métiers (gestion prévisionnelle des emplois)
•
faire évoluer les collaborateurs (gestion prévisionnelle des compétences)
•
renforcer l’adhésion, développer les motivations
•
faire prendre en charge des responsabilités de management à chaque niveau
hiérarchique
•
accroître la cohérence entre les orientations individuelles et collectives
122
•
instaurer
une
dynamique
d’amélioration
permanente
de
la
qualité
des
contributions rendues à l’intérieur de l’entreprise
•
développer la clarté des relations interprofessionnelles et la transparence de la
société
•
créer, enrichir un dialogue qui parte des faits et débouche sur l’action
….
L’examen de quelques supports d’évaluation montrent que les entreprises
prescrivent à la fois d’évaluer des résultats, des comportements et un potentiel
tout en recueillant des éléments nécessaires à l’élaboration du plan de formation.
Alors qu’il n’est pas sur qu’un même outil ou qu’une même démarche puisse répondre
à tant d’objectifs à la fois !
Quel est l’objectif du système d’évaluation pour l’entreprise ?
•
reconnaître ce que l’on attend des salariés par rapport aux critères d’exigence
de l’entreprise
•
accroître le professionnalisme de chacun en développant les compétences (plan
de développement)
•
prendre en compte les souhaits professionnels
•
anticiper les besoins de l’entreprise avec la détection des potentiels
•
renforcer la cohérence de la gestion des ressources humaines ( lien entre la
formation, la gestion de carrière, mobilité et potentiel, recrutement)
•
déterminer la rémunération individuelle à travers les objectifs
•
déterminer la partie fixe de la rémunération à travers les compétences
IV B 1.5.3
Conditions d’adhésion
Pour répondre aux attentes des salariés et de l’entreprise, l’évaluation doit
satisfaire à deux conditions :
•
présenter des garanties d’objectivité suffisantes et ne laisser place qu’à une
subjectivité limitée
123
afin de légitimer l’évaluation mais pour satisfaire cette condition il ne faut pas
confondre :
•
l’évaluation de la prestation (résultat), l’évaluation de la compétence et
l’évaluation du potentiel
car elles relèvent d’opérations mentales différentes :
constat – diagnostic – pronostic, d’où la nécessité de les séparer et de bien
maîtriser le rôle joué par chacune d’elles dans le processus d’évaluation globale.
Le système d’évaluation doit reposer sur des critères connus de tous et permettre
un lien entre l’évaluation réalisée et les perspectives d’évolution de carrière et de
rémunération offerte. Les règles du jeu doivent être clairement annoncées pour
que les managers s’approprient la démarche. En effet, combien d’évaluations sont
réalisées « parce qu’il faut les faire » ! ! !
Ce qu’il implique une visibilité de la connexion et de la cohérence entre les
entretiens d’évaluation et les décisions en matière RH (rémunérations, formation,
promotion, gestion de carrière).
Dans ce contexte, l’évaluation a alors des chances d’être normée, concertée,
transparente et de satisfaire aux conditions d’objectivité suffisante et de
subjectivité.
quoi ça
q surtout
Simple
ouià mais
A quoi ça sert ? finalité ? but ?
•
•
Clair
et
Transparent
•
pour l’ensemble des
salariés
•
Pourquoi l’évaluation ?
Quel
est
l’objet
de
l’évaluation ?
Visibilité de la connexion et
de la cohérence entre les
entretiens individuels et les
décisions RH (rémunérations,
formation, promotion, gestion
des carrières…)
Pour qui, par qui et avec qui ?
Appropriation de la
démarche d’évaluation
par les salariés
développement
du
professionnalisme et
de la performance
de l’entreprise
124
IV B 1.5.4
IV B 1.5.4.1
Détail des objets de l’évaluation
Objectifs
Au cours de l’entretien d’évaluation, le responsable fixe de nouveaux objectifs à
son collaborateur et les inscrits sur le support.
•
rappel :
qu’est-ce qu’un objectif ?
C’est un résultat à atteindre par une personne ou une équipe dans un délai donné.
L’énoncé de l’objectif comprend au moins six informations pour qu’il soit
appréciable :
-
il nomme la personne responsable de la réalisation de l’objectif,
-
il désigne la ou les actions principales à l’aide de verbe d’actions,
-
il précise le résultat attendu de l’action entreprise, le plus souvent par un
complément d’objet,
-
il précise à l’aide d’indicateurs ou de critères, le niveau de performance ou de
seuil à partir duquel la performance sera considérée comme acceptable
-
il indique le délai de réalisation et les mesures d’accompagnement qui peuvent
être négociables.
deux sortes d’objectifs :
-
les objectifs quantitatifs : ils sont tangibles, quantifiables, mesurables (ex :
marges, diminution de la casse…)
-
les objectifs qualitatifs : ils sont non directement quantifiables mais la
réalisation
peut
contribuer
à
l’amélioration
du
fonctionnement
de
l’entreprise (ex : amélioration de la satisfaction client).
Le support de synthèse, dûment rempli l’année précédente, servira ensuite de
référence dans l’appréciation des résultats lors de l’entretien d’évaluation annuel.
125
Une analyse des écarts sera effectuée avec une mise en place éventuelle de mesure
corrective à travers le plan de développement.
IV B 1.5.4.2
Compétences
IV B 1.5.4.2.1
Apport théorique
L’entreprise s’est inspirée des écrits de LEBOTERF (1998)26. L’auteur fait
apparaître la nécessité de raisonner non seulement en terme de compétences mais
aussi en terme de professionnalisme. Le marché du travail demande des
professionnels engageant leur subjectivité. Ce que recherche les salariés, c’est une
nouvelle identité professionnelle qui donne un sens aux savoirs et aux compétences
et qui augmentent leurs chances d’employabilité.
Le professionnel reconnu comme compétent est celui qui sait construire des
compétences pertinentes pour agir. Il faut distinguer l’équipement des ressources
pour produire les compétences, cet équipement est double :
•
l’équipement incorporé à la personne (savoir, savoir-faire, qualités, expériences)
•
l’équipement
de
l’environnement
(moyens,
réseaux
relationnels,
réseaux
informationnels…)
Le professionnel construit ses compétences avec l’aide de son environnement.
D’autre part, l’auteur insiste sur l’approche combinatoire. La compétence du
professionnel est dans le savoir combinatoire. Chaque compétence est le produit
d’une combinaison de ressources. C’est dans le savoir combiner que résident la
richesse du professionnel et son autonomie.
26
LE BOTERF Guy, « De la compétence, essai sur un attracteur étrange », les éditions d’organisations, 1995
126
Le savoir combinatoire est au cœur de toutes les compétences LEBOTERF (1998)27
La compétence clé de l’entreprise est la résultante de la combinaison des compétences et
individus, de leur professionnalisme et des compétences collectives des unités et des équipes
La compétence collective d’une équipe émerge de la combinaison des compétences et du
professionnalisme de ses membres
Le professionnalisme se reconnaît à une combinaison singulière de compétences
Une compétence est une combinaison de ressources (savoir, savoir-faire, aptitudes,
expériences….)
C’est de la réussite de la combinaison que dépend l’émergence d’une compétence à un autre niveau
La perspective d’une gestion de la professionnalisation en termes de navigation
professionnelle est un des défis majeurs. L’entreprise doit impérativement savoir
conjuguer ses projets et ses contraintes avec les projets professionnels des
salariés.
Dans des contextes d’instabilité, cette conjugaison ne peut relever de la
programmation, la gestion des carrières n’a pas fait long feu, la formation continue
a montré son importance mais aussi ses limites, la professionnalisation ne se réduit
pas seulement à la formation.
L’entreprise doit donc inventer de nouveaux espaces de professionnalisation,
chacun doit devenir entrepreneur de sa professionnalisation.
La pertinence d’un nouveau type de management s’impose, il faut piloter et non plus
contrôler. Le management de la professionnalisation est un management qui donne
du sens et agit par influence. Aider à fixer un cap communément accepté et créer
des conditions propices aux parcours et dynamiques de la professionnalisation tel
est le management qui doit s’inventer et s’exprimer.
La priorité à accorder au traitement de la compétence collective émerge de
l’articulation et de la synergie entre les compétences individuelles et des réseaux
hybrides de compétences (personnes, équipement, signes…). Là encore c’est dans le
savoir ou l’art combinatoire que réside la véritable valeur de l’entreprise.
27
Ibid. n°25
127
L’entreprise Carrefour distingue la gestion collective et la gestion individuelle qui
rendent possible la réalisation du constat de l’état des ressources humaines de
l’entreprise.
IV B 1.5.4.2.2
La gestion collective chez Carrefour
La gestion collective détermine le classement des fonctions (emplois) repères. Par
rapport aux degrés d’exigence de l’entreprise, en fonction de l’emploi et pour
chaque compétences clés, il est attribué un nombre de points. L’addition de ces
points permet de situer l’emploi. Il me semble important de rappeler la structure
des compétences clés, génériques pour l’entreprise :
Domaine de
compétences
CONTRIBUER à la PERFORMANCE ECONOMIQUE
C1 : Gérer les flux et les risques « argent »
C2 : Concentrer les ressources sur les objectifs prioritaires
C3 : Identifier et exploiter les opportunités rentables
DEVELOPPER la SATISFACTION CLIENT
C4 : Créer une valeur ajoutée distinctive
C5 : Manager la logique client/fournisseur
C6 : Obtenir l’adhésion nécessaire au respect des engagements
S’INVESTIR dans la REUSSITE des COLLABORATEURS
C7 : Repérer, développer et valoriser les compétences
C8 : Créer un environnement propice au développement
pour encourager et aider les autres à connaître et à faire connaître leurs compétences au sein de l’entreprise
C9 : Manager par l’exemplarité
COMPRENDRE et AGIR sur son ENVIRONNEMENT
C10 : Rechercher et promouvoir des processus performants
C11 : Initier et conduire le changement
C12 : Travailler en réseau
Compétence clé
128
•
A titre d’exemple
Fonction Manager métier
Degré
d’exigence
Compétences clés
Créer un environnement propice au développement
3
pour encourager et aider les autres à connaître et à
faire connaître leurs compétences au sein de
l’entreprise
Points
100
Ces compétences sont notées suivant 5 degrés d’exigence :
-
1 adapter
-
2 optimiser
-
3 concevoir
-
4 piloter
-
5 transformer
Les emplois sont ainsi pesés et classés dans les niveaux respectifs des nouvelles
classifications.
IV B 1.5.4.2.3
La gestion individuelle chez Carrefour
La gestion individuelle permet l’appréciation des compétences mobilisées par
chacun. A travers les compétences génériques par emploi, elle est définie par des
compétences plus précises (dites fines) et des « indicateurs de réussite » afin de
rendre l’évaluation la plus objective possible.
Pour ce faire, nous avons organisé des groupes de travail soit avec des Chefs de
Rayon ou bien des Responsables Transversaux et nous nous sommes déplacés dans
un magasin (Villabé) pour interviewer des salariés afin qu’ils nous parlent de leur
métier. Le but du jeu était de laisser le groupe ou l’individu s’exprimer sur ce qui lui
paraissait important avec l’aide des questions clés28 suivantes :
Q1 : Qu’est-ce que les personnes concernées doivent mobiliser comme ressources
personnelles pour atteindre le résultat attendu ?
28
Guide de Christine TREGOUET –Quaternaire – « La formulation des Compétences : les étapes de la formulation
vers un référentiel de compétences »
129
Q2 : Quels sont les écueils possibles et quelles compétences faut-il manifester
pour y faire face ?
Q3 : Qu’est-ce qui vous permet de dire qu’une personne est compétente pour
réaliser ce travail ? quelle est sa valeur ajoutée ? Qu’est-ce qui vous fait dire
qu’une équipe est compétente ?
Q4 : Qu’est-ce qui vous ferait dire qu'une personne n’est pas compétente ? que
manquerait-il ?
Ensuite, nous avons travaillé sur la formulation des compétences fines en
retravaillant en termes de compétences ce que le groupe avait exprimé.
Pour pouvoir évaluer les compétences plus facilement, les compétences fines ont
donc été précisées par des indicateurs de réussite.
Exemple : Fonction Responsable Ressources Humaines
Domaine de compétence :
Comprendre et agir sur son environnement
Indicateurs de réussite
Compétences spécifiques fines (être capable de ) :
•
Conseiller les équipes et cadres sur le respect de la •
législation
•
•
agit auprès des cadres pour éviter les risques de
contentieux
met en œuvre en concertation avec l’encadrement une
procédure d’accueil et d’information des employés.
Organise la traçabilité interne des procédures de
gestion RH : temps de travail, rémunération, Convention
Collective
Grâce à la définition et formulation des compétences fines, l’évaluation se fera sur
les compétences techniques, les aptitudes et les comportements en situation de
travail.
En effet, pour l’entreprise, la définition des compétences est la suivante :
« Une compétence est la combinaison de savoir, savoir-faire et savoir être
s’exerçant dans un contexte précis. Elle se constate lors de sa mise en œuvre en
situation professionnelle par rapport à un objectif donné ».
Cette définition a un mérite considérable, la compétence est celle d’un individu (et
non la qualification d’un emploi) et elle se manifeste et s’apprécie lors de sa mise en
130
œuvre en situation professionnelle (la relation pratique de l’individu à la situation et
la manière dont il l’affronte est au cœur de la compétence). La compétence ne se
manifestant que dans l’activité pratique, c’est de l’activité que pourra découler
l’évaluation des compétences mise en œuvre à cette occasion.
Toutefois, cette définition possède de nombreuses limites comme le précise
ZARIPHIAN (1999)29 :
•
elle est muette sur les enjeux de mutations de travail et des organisations. Une
telle définition peut être appliquée à n’importe quelle époque de l’historique et
dans n’importe quelle organisation du travail.
•
cette définition comporte implicitement un côté néo-artisanal. L’exemple le plus
parfait pour l’illustrer serait celui du boulanger réalisant lui-même son pain. On
pourrait constater, lors de la mise en œuvre de la préparation et cuisson du
pain, et dans le résultat (le bon pain), la compétence du boulanger et la valider in
situ. Cette vision néo-artisanale fait complètement l’impasse sur ce que sont les
conditions sur les réseaux de travail qui concourent à préparer, entourer,
soutenir l’activité professionnelle, sur la dimension collective, sur l’évaluation
par les performances économiques d’une organisation.
•
enfin, l’auteur constate que l’insistance mise sur la validation des compétences
des acteurs de l’entreprise, oublie que ces compétences s’appuient sur des
connaissances (sur des corps de savoirs) et en alimentent la dynamique de
renouvellement. Or ces connaissances se forment socialement, la réussite des
actions doit renvoyer à une dialectique d’interdépendance forte entre
compétences et connaissances, qui mobilisent des sources et acteurs différents.
L’évaluation des compétences est aussi celle du processus qui autorise son
développement réussi (et pas seulement l’évaluation de l’individu qui l’exerce).
L’auteur propose des définitions qui me semblent intéressantes car elles intègrent
plusieurs dimensions :
29
ZARIPHIAN Philippe, « Objectif compétence », éditions liaisons, 1999
131
•
La compétence est la prise d’initiative et de responsabilité de l’individu sur des
situations professionnelles auxquelles il est confronté.
Cette première formulation insiste sur le changement des organisations du travail :
le recul de la prescription des tâches, l’ouverture d’espace d’autonomie de l’individu.
•
la compétence est une intelligence pratique des situations qui s’appuie sur des
connaissances acquises et les transforment avec d’autant plus de force que la
diversité des situations augmentent.
Cette second approche insiste sur la dynamique d’apprentissage qui est essentielle
dans la démarche compétence. Encore faut-il maintenir un équilibre, entre d’une
part, le temps et les approfondissements nécessaires pour acquérir pleinement
l’intelligence d’une situation, constituer des acquis, d’autre part, l’affrontement à
des situations nouvelles, pour éviter les effet d’encroûtement et exercer ses
facultés d’apprentissage. Cet équilibre n’est pas purement personnel, il est posé
comme question à l’organisation du travail et peut servir à inspirer les stratégies de
mobilités professionnelles.
•
la compétence est la faculté à mobiliser des réseaux d’acteurs autour des
mêmes situations, à partager des enjeux, à assumer des domaines de
coresponsabilité.
Cette dimension est particulièrement important lorsque l’entreprise développe des
organisations de travail transverses ou par projet. En effet, elle suppose à la fois
que chaque individu apprenne à faire appel à des compétences qu’il ne possède pas
afin que les compétences d’un réseau puissent converger et s’associer en vue d’une
résolution d’un même objectif.
C’est à partir de la combinaison de ces trois approches de la compétence, dont
l’étroite complémentarité est importante, que la compétence pourra être saisie et
mobilisée consciemment.
132
IV B 1.5.4.2.4
Description du processus d’évaluation
L’objectif de l’évaluation d’un collaborateur est de permettre à l’entreprise de
vérifier si la performance de la personne est conforme à ce que l’entreprise attend.
La logique compétence mise en place va contribuer à améliorer la performance, une
personne compétente est forcément performante…
Le processus d’évaluation
30
des compétences se présente à travers un cycle continu
annuel ( :
Information régulière des équipes
sur
l’état
d’avancement
du
processus
Organisation
des
évaluations
périodiques
Accord sur les compétences à
évaluer en priorité
Préparation des évaluations par
évaluateurs (recueil) et évalués
(auto-évaluation)
Mise en œuvre et suivi du plan de
développement
Analyse des données recueillies
Entretien de synthèse
30
Schéma de Béatrice LABOUREUR – Responsable des Compétences à la DRH Carrefour
133
Le contenu de l’entretien de synthèse est le suivant :
•
Etablir le bilan des objectifs de l’année écoulée, analyser les écarts,
définir un plan d’accompagnement…
•
Définir les objectifs de l’année n+1
•
Evaluer les compétences, analyser les écarts, établir un plan de
développement (formation, coaching, projet…)
•
Identifier les potentiels des collaborateurs
Afin de ne pas mélanger les objets de l’évaluation qui repose sur des démarches
différentes, je préconise le planning d’évaluation suivant :
Planning
d’EVALUATION
Constat/Programmation
Diagnostic
Objectifs
Compétences
Janv/fev
Avril/mai/Juin
Pronostic
Potentiels
Septembre/Octobre
134
Dans un contexte de concurrence exacerbée, de rationalisation des coûts, les
compétences doivent être gérées pour rapporter de la valeur à l’entreprise. Ce qui
signifie que la manière d’évaluer (le process) doit être complètement remis à plat
pour aboutir à une évaluation objective. Si l’on veut disposer des compétences
utiles, nécessaires, clés pour l’entreprise, il est impératif que le système
d’évaluation soit fabriqué pour rendre l’évaluation non subjective et qu’un lien
cohérent soit établi entre la gestion collective des emplois et la gestion
individuelle. Ainsi, l’entreprise disposera et rémunérera les compétences conformes
à ses niveaux d’exigence.
Le changement de logique qui s’opère dans l’entreprise (d’une logique de statut à
une logique de compétence), la démarche de valorisation des compétences que met
en place la DRH devraient œuvrer dans ce sens.
IV B 2.
2ème points fort de l’accord
IV B 2.1
Réduction et aménagement du Temps de travail - Descriptif
et comparatif de l’accord d’entreprise sur les 35 heures et du
projet de loi
ci-dessous :
-
le projet de loi des 35 heures est en grisé
-
l’accord carrefour est en italique
IV B 2.1.1
La durée légale à 35 heures :
La loi du 13 juin a abaissé la durée du travail.
L’accord de carrefour prévoit un horaire moyen de référence hebdomadaire du
temps de travail effectif des employés à temps complet est réduit à 35 heures
sans diminution de salaire
135
La possibilité de passage aux 35 heures sous forme de jours de repos est
maintenue.
L’accord de Carrefour prévoit une RTT en jours sous la forme d’une semaine de
repos supplémentaires.
IV B 2.1.2
Les heures supplémentaires
Une application mécaniste et unilatérale du projet de loi des 35 heures au 1er
janvier 2000, avec la majoration de 25 % et le contingent de 130 heures appliquées
au-delà des 35 heures risquerait de faire courir le double risque d’une baisse des
salaires et d’une limitation de la production. De telles décisions unilatérales se
retourneraient ainsi contre les salariés et contre l’emploi.
Les heures supplémentaires seront majorées de 10% entre la 36ème et les 39ème
heures jusqu’au 31 décembre 2000 et versées aux salariés si l’entreprise a signé un
accord RTT. Dans le cas contraire versement de cette majoration à un fonds pour
l’emploi.
Au 1er janvier 2001 la majoration pour heures supplémentaires passera à 25% : sous
forme de repos ou payée au salarié si un accord collectif a été signé.
Le Contingent annuel de 130 heures, qui détermine le seuil maximum à partir duquel
toute heure supplémentaire donne lieu à un repos compensateur – et qui peut être
abaissé par accord collectif – s’applique dorénavant non plus à 39 heures mais
s’appliquera, pour les entreprises de plus de 20 salariés, au-delà de 37 heures en
2000, au de-là de 36 heures en 2001, et, à partir de 2002, au de-là de 35 heures.
Avec l’accord de Branche, le contingent annuel de carrefour est actuellement fixé
à 90 h.
136
IV B 2.1.3
La Modulation
L’existence de trois régimes juridiques pour des dispositifs concourant à des
objets très voisins rend ces règles peu lisibles et difficilement applicables et
contrôlables. Il apparaît donc nécessaire de simplifier les mécanismes de
modulation du temps de travail tout en définissant certaines garanties.
La modulation est donc simplifiée, une seule modulation est proposée fondée sur
une durée annuelle de référence de 35 heures en moyenne de l’année et ne pouvant
en tout état de cause excéder 1600 heures, qui est l’équivalent moyen annuel des
35 heures, après prise en compte du repos hebdomadaire, des 5 semaines de
congés et des 11 jours fériés légaux quand ils ne coïncident pas avec un jour de
repos hebdomadaire. Cet avant-projet de loi encadre la modulation de type III, et
en y ajoutant l’obligation pour l’accord de déterminer les droits à rémunération et à
repos compensateur. Des garanties nouvelles pour les salariés sont apportées sur le
calendrier prévisionnel et sur le délai de prévenance qui est fixé, à défaut d’accord
d’entreprise, à au moins 7 jours.
L’accord de modulation de Carrefour prévoit :
-
une variation horaire dans une plage de + ou – 6 heures par rapport à l’horaire
moyen de référence
-
un lissage des rémunérations : la rémunération mensuelle correspond à l’horaire
moyen de référence qui est lissée sur la période annuelle de décompte.
-
Les heures excédentaires dans la limite du contingent annuel (90 heures) sont
au choix du salarié soit payées, soit remplacées par un repos compensateur.
-
Les heures effectuées qui viendraient à dépasser le contingent annuel d’heures
supplémentaires (90 heures) sont obligatoirement remplacées par un Repos
Compensateur de Remplacement. ; l’accord prévoit un délai de prévenance de 15
jours et le plan de modulation est individualisé.
137
IV B 2.1.4
Temps de travail des cadres
Des modalités particulières doivent être trouvées pour que les cadres, qui
aujourd’hui représentent une proportion importante des salariés et qui aspirent à
une réduction de la durée du travail, puissent en bénéficier dans des conditions
compatibles avec leurs missions.
Une proposition soumise à consultation : une nouvelle section au sein du code du
travail est créée précisant les dispositions applicables aux cadres et reprenant la
distinction faite par les accords :
- Cadres dirigeants : conformément à la jurisprudence, non soumis à la
réglementation sur la durée du travail ;
- Cadres intégrés dans une équipe de travail : ils sont soumis aux règles applicables
à l’ensemble des salariés ;
- Les autres cadres : ils doivent bénéficier de la réduction du temps du sous forme
de jours de repos ou par diminution de leur durée hebdomadaire de travail. Si la
réduction est organisée sous forme de jours, elle doit être prévue par accord de
branche, dans la limite de 222 jours par an ou, à condition que le salarié dispose
d'au moins 5 jours supplémentaires de repos (celui-ci prévoit une durée de 217
jours travaillés par an maximum).
L’accord Carrefour prévoit également :
-
pour les cadres des niveaux 8 (chefs de secteur) et 9 (Directeurs) de la
classification des emplois disposent d’une large autonomie dans l’organisation de
leur travail. Compte tenu de leurs responsabilités, aucun décompte du temps de
travail n’est possible. Toutefois, ces cadres bénéficient, en sus de leur repos
hebdomadaire, et leurs congés payés, de 14 jours ouvrables de repos
-
pour les cadres niveaux 6 et 7 de la classification des emplois, un décompte du
temps de travail en jours sur la base de 214 jours par an. Leur réduction du
temps de travail s’effectue par l’octroi de 6 jours de repos supplémentaires
138
auxquels s’ajoutent les 8 jours acquis depuis 1982 (soit au total 14 jours de
repos supplémentaires par an).
IV B 2.1.5
Temps partiel
La définition du temps partiel est adaptée à la directive européenne : il est
considéré comme salarié à temps partiel celui dont la durée hebdomadaire de
travail est inférieure à la durée légale ou conventionnelle (abandon de la règle du
1/5ème).
L’accord de Carrefour a intégré cette disposition.
L’accord de mars 99 de Carrefour prévoit une revalorisation du contrat horaire des
temps partiels de 3 heures si le salarié accepte la modulation (plus ou moins 6
heures).
IV B 2.1.6
Compte épargne temps (CET)
Le cadre actuel du CET ne permet pas de prendre en compte certaines situations
souhaitées par les salariés et les entreprises.
Les sources d’alimentation sont enrichies : les heures correspondant au repos
compensateur obligatoire ainsi qu’une partie des jours issus de la réduction du
temps de travail peuvent y être versés.
Il sera dorénavant géré en heures et non en jours, pourra favoriser
l’accomplissement
d’obligations
familiales.
Il
pourra
également
financer
partiellement ou intégralement un passage à temps partiel. Enfin, le CET pourra
être utilisés pour des actions de formation en dehors du temps de travail ou, pour
les salariés de plus de 50 ans, pour le financement du cessation volontaire
d’activité.
L’Accord de mars 99 de Carrefour prévoit la gestion du Compte Epargne Temps
pour les cadres. Sous réserve d’une ancienneté d’au moins 2 ans, tous les cadres
139
peuvent sur la base du strict volontariat ouvrir un CET. Les jours excédentaires
constatés en fin de période de décompte annuel peuvent être crédités en jours
ouvrables. Le total de jour ne peut excéder 12 jours ouvrables par an, toutefois,
pour les cadres qui souhaiteraient prendre un congé en fin de carrière, cette limite
est portée à 18 jours à partir de l’âge de 50 ans.
IV B 2.1.7
Préretraite progressive
Les salariés âgés de 55 ans au moins, dont le contrat est au minimum à 33 heures,
peuvent réduire de moitié leur base contrat tout en conservant 85 à 90% de leur
salaire antérieur. En compensation, l’entreprise doit verser une contribution
financière à la DDTE et embaucher - à concurrence du volume d’heures dégagé des demandeurs d’emploi issus des catégories prioritaires.
La synthèse des départs de Carrefour prévus dans le cadre de la convention de PRP
1999/2000 est de 323 salariés.
La convention de P.R.P. 1999/2000 concernait 922 salariés.
323 se sont inscrits pour en bénéficier, soit 35%.
La préretraite concerne ou va concerner de plus en plus de salariés (813 salariés
depuis 1993, + de 1100 à la fin de la convention 1999/2000).
On le voit notamment avec l’augmentation du nombre de partants d’année en année :
1993/1994 : 180 départs.
1995/1996 : 194 départs.
1996/1997 : 202 départs.
1998
: 237 départs.
1999/2000 : 323 départs prévus.
L’ouverture à la population cadre cette année, si elle est bien gérée devrait
contribuer à cette augmentation ( 19 départs prévus pour 99/2000).
140
Une contribution de l’ordre de 45% du coût total des départs prévus est à verser à
la DDTE dont dépend le magasin. Cette contribution est due même si le départ des
salariés n’intervient pas. Il est évident que dans le cadre de la mise en place de la
nouvelle
convention
l’intégration
de
nouveaux
salariés
en
remplacement
« d’anciens » est intéressante (rajeunissement des effectifs, abaissement du taux
horaire moyen).
Comme le précise Jean Trintignant31, le coût total des départs peut augmenter
dans les années à venir, pour plusieurs raisons : l’accord ne pouvant être conclu pour
une durée supérieure à un an les conditions financières sont susceptibles d’évoluer
à chaque conclusion de convention.
A ce jour, l’état a du retard dans le financement du complément de points de
retraite. Il doit près de 50 milliards de francs aux organismes de retraite. (l’Etat
s’était engagé à compenser la perte de points du salarié). Il est donc possible que
des changements interviennent sur le fonctionnement (et le financement) futur du
système de préretraite.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que si l’état ne respecte pas sa dette, les
préretraités pourraient (comme le demandent certaines organisations syndicales)
attaquer devant les tribunaux leurs ex-entreprises pour qu’elles soient condamnées
à se substituer aux défaillances de l’état.
IV B 2.1.8
La retraite anticipée (A.R.P.E.)
Un salarié totalisant 160 trimestres au moins de cotisations au régime de base
d’assurance vieillesse, mais n’ayant pas encore 60 ans, peut anticiper de quelques
années son départ à la retraite. L’entreprise doit compenser le volume d’heures
dégagé par l’embauche en CDI temps complet et verser une contribution financière
au Fonds paritaire d’intervention en faveur de l’emploi.
31
Responsable Relations Sociales à la Direction des Relations Sociales Carrefour
141
Il est très difficile de pouvoir faire des prévisions de départ en retraite anticipée
type ARPE. En effet les conditions requises pour envisager un départ dépendent
d’éléments qui ne sont pas à notre disposition dans les fichiers paye, notamment : le
nombre de trimestres de cotisation d’assurance vieillesse, l’âge auquel le salarié a
commencé à travailler.
Il conviendrait donc si l’on souhaite faire une étude sur les potentiels théoriques de
départ en retraite anticipée (ARPE) de faire un sondage auprès des neuf cents
salariés Carrefour (environ) ayant au moins 55 ans, afin de déterminer ceux
remplissant les conditions de départ.
Le coût du départ du salarié en retraite anticipée est de 20% de la rémunération
brute des 12 derniers mois civils du salarié. Il est donc difficile d’évaluer le
« risque financier »32
théorique, celui-ci pouvant varier suivant le type d’emploi
occupé par le salarié.
Il semble important de bien évaluer le « gain » du départ en retraite anticipée. Si
le salarié peut partir à la retraite à court terme est-il bien nécessaire de générer
un surcoût pour « gagner » quelques mois sur son départ ?
Ce coût sera en partie compensé par l’embauche compensatrice selon les nouvelles
conditions de l’accord du 31 mai 1999.
La cessation anticipée d’activité génère systématiquement un coût. Aujourd’hui ce
dernier est intégralement à la charge des magasins, qui doit en plus réaliser des
embauches compensatrices sur des salariés demandeurs d’emploi de catégorie
prioritaires. Tous ces éléments représentent un frein, notamment pour des
magasins difficiles en termes de résultats qui ne peuvent pas toujours avoir une
vision à long terme. La prise en charge de ce coût par le siège devrait permettre de
limiter ces freins, les magasins pouvant envisager des départs sans forcément
pénaliser leurs résultats à court terme, leur permettant ainsi de rajeunir leurs
effectifs et d’abaisser leur taux horaire moyen.
32
Ibid. n°31
142
Toutefois, il convient de ne pas « déresponsabiliser » totalement le magasin :
Les surcoûts générés par la provision d’un départ non réalisé devant rester à la
charge du magasin.
L’avance doit être faite par le magasin, en effet les règlements sont à effectuer
auprès des DDTE dont dépendent les magasins.
Toutes les sanctions financières notamment en cas de non-respect des
engagements d’embauches compensatrices doivent rester à la charge des magasins.
Pour les départs type ARPE prévoir un accord préalable de prise en charge avec
étude de « rentabilité » de l’opération.
Enfin, il serait prudent, au vu des incertitudes régnant sur le financement des
préretraites, de prévoir des procédures limitées dans le temps.
IV B 2.1.9
Formation
Le mouvement de réduction du temps de travail offre une opportunité d’utiliser une
partie du temps libéré à des actions de formation permettant le développement
personnel ou professionnel des salariés, à l’exclusion des actions de formation
destinées à adapter, actualiser ou compléter les compétences requises par le poste
de travail occupé par le salarié.
L’avant projet de la loi ouvre la possibilité d’utiliser, par accord du salarié, une
partie des jours libérés par la RTT à des actions de formations destinées au
développement personnel et professionnel du salarié à l’exclusion des actions
destinées à adapter, actualiser ou compléter les compétences requises par les
activités exercées par le salarié. Il s’agit de profiter de la RTT pour développer
des formations permettant au salarié de mieux préparer l’avenir. Le thème de
l’employabilité est sous jacent. Ce dispositif serait mis en place soit par accord
collectif au niveau national ou de branche ou d’entreprise. l’entreprise prendrait en
charge les coûts de formation engagés dans ce cadre.
143
L’accord de mars 99 de Carrefour prévoit un projet global de formation dont le
thème est retenu pour la réunion annuelle de réflexion. De plus, un livret individuel
de suivi de la formation sera l’un des thèmes des réunions de réflexion.
Le co-investissement formation dont l’entreprise prend en charge tout ou partie du
coût de la formation et le salarié acceptant pour sa part de suivre la formation
totalement ou partiellement en dehors de son temps de travail. Le coinvestissement formation est utilisé quand : la formation apporte un réel
développement personnel et augment les chances de réussite de mobilité
professionnel dans et hors de l’entreprise (de nouveau thème sous-jacent de
l’employabilité). Le co-investissement formation constituera l’un des thèmes des
réunions de réflexion de 99.
IV B 2.1.9.1
L’employabilité – nouvelle responsabilité de la GRH ?
Il me semble intéressant de rebondir sur le thème de l’employabilité en apportant
les éclaircissements suivants :
•
Employabilité et chômage :
Les économistes désigne par employabilité, la capacité d’un chômeur à retrouver un
emploi : espérance objective ou la probabilité plus ou moins élevée que peut avoir
une personne à la recherche d’un emploi d’en trouver un.
Aujourd’hui, le retour véritable à l’emploi durable apparaissant comme un horizon
incertain, l’accent est mis sur le rôle des chômeurs renvoyés sur des démarches
d’amélioration et de dynamisation personnelles.
Mais l’employabilité n’est pas un simple attribut de la personne. Elle est une
construction opérée par les employeurs car selon les modes de gestion des RH
élaborés par l’entreprise, ses salariés peuvent contribuer à développer ou non leur
employabilité.
144
•
La notion d’employabilité en GRH :
Le concept d’employabilité peut être défini donc de la manière suivant :
-
capacité d’un individu à se maintenir en état de trouver un autre emploi que le
sien, dans ou hors de son métier actuel.
L’employabilité se construit donc dans la durée sur quatre facteurs principaux :
- des savoir-faire validés et exercés
- l’apprentissage d’un changement
- la capacité à identifier et anticiper un projet professionnel
- un niveau de rémunération et d’avantages sociaux acceptables.
Cette approche va mettre en lumière la responsabilité individuelle et la
responsabilité de l’entreprise dans la constitution et le développement de
l’employabilité.
Il s’agit d’encourager une démarche conjointe des salariés et de l’entreprise dans le
but précis de maintenir et si possible de développer l’employabilité des salariés.
Parmi les facteurs d’inemployabilité, on trouve des éléments qui renvoient :
•
du coté de l’entreprise :
-
insuffisance de la formation continue,
-
obsolescence rapide des compétences,
-
absence ou refus de mobilité professionnelle
•
du coté du salarié :
-
culture de non-changement,
-
incompréhension de la gestion anticipée
La mobilité est considérée comme l’un des points clés dans la construction de
l’employabilité.
145
L’entreprise doit donc s’efforcer de développer la mobilité, non pas sur « le stress
à partir de la peur de perdre son emploi », mais en la valorisant concrètement à
travers l’ensemble des politiques sociales, rémunération et promotion en particulier.
Les partenaires sociaux et l’état sont également concernés par l’employabilité.
L’état, actuellement, en collaboration avec les partenaires sociaux réfléchit pour
mettre en place un nouveau dispositif de formation professionnel continue afin
créer un nouveau droit individuel, transférable, garanti collectivement et
développer la validation des acquis professionnels.
Le nouveau droit individuel à la formation serait ouvert aux salariés et aux
demandeurs d’emploi afin de faire de la formation professionnelle un véritable
élément de consolidation du parcours professionnel et personnel tout au long de la
vie avec une réelle transférabilité des droits à la formation d’une entreprise et
d’une branche à une autre.
Pour le secrétaire d’Etat à la formation professionnelle (Nicole PERY), les périodes
de chômage ne devraient plus être subies mais comme des périodes d’activité grâce
à un travail sur la qualification de chacun.
•
Prise en charge des dépenses :
Les partenaires sociaux doivent définir les contours de ce nouveau droit (organiser
la prise en charge des dépenses de fonctionnement des actions de formation ainsi
que la rémunération des bénéficiaires lorsqu’il s’agit d’actions effectuées sur le
temps de travail ou par des demandeurs d’emploi).
146
La simplification du système de formation professionnelle est indispensable, elle
passe par le décloisonnement des financements (modification du rôle des acteurs et
des circuits de financement).
Les partenaires sociaux doivent rechercher un système de répartition sans faire
obstacle à la mise en place de dispositifs complémentaires de capitalisation(cette
formation lié à la RTT par ex.). Ces dispositifs complémentaires pourront être
encouragés mais ils ne constitueront qu’un complément au droit individuel à mettre
en place.
•
Validation des acquis professionnels :
Autre grande orientation souhaitée par les pouvoirs publics : la reconnaissance et la
validation des acquis professionnels.
Les premiers chantiers viseront à développer l’accès à tous les diplômes et titres
professionnels par la validation des acquis et articuler diplômes et titres d’état
avec les autres certificats de qualification et de compétences en favorisant la
prise en compte de ceux-ci par l’octroi d’un titre ou d’un diplôme.
•
Logique compétences :
Le secrétaire d’état à la formation professionnelle s’est montrée plus que réservée
à l’égard de certains discours du MEDEF sur la logique compétence : si celle-ci se
substitue à la formation, à la certification et au diplôme, ce n’est pas acceptable.
•
Calendrier des négociations :
Des rencontres bilatérales avec les organisations syndicales et patronales se
poursuivent dans les prochaines semaines, la balle est dans le camp des partenaires
sociaux.
Le MEDEF réaffirmait que la formation doit pouvoir s’effectuer toute ou en partie
hors du temps de travail.
147
Du côté syndical, les premiers commentaires sont plutôt positifs.
Le fait d’avoir recours aujourd’hui au concept d’employabilité marque l’évolution des
entreprises vers des pratiques de prévention. L’employabilité s’inscrit dans un
processus qui vise à encourager les salariés à se préparer à faire face à
d’éventuelles transformations en matière d’emploi.
Il s’agit de veiller à ce que les compétences individuelles restent utilisables et
recherchées dans un avenir proche mais par définition inconnu.
En cela, l’employabilité s’oppose à la carrière.
Les pratiques émergentes accordent toutes une place de choix à l’individu dans la
construction de son propre devenir, au sein de l’entreprise mais aussi de plus en
plus en devoir de l’entreprise, voire vers d’autres formes d’activité.
Par contre, elles butent sur des conceptualisations souvent inachevées et sur des
dispositifs légaux qui lorsqu’ils existent sont encore peu satisfaisants.
En conclusion, j’attirerai l’attention sur le fait que lorsque l’entreprise a un objectif
de rationalisation économique, la logique de marché s’impose. En revanche, quand il
s’agit de la politique humaine de l’entreprise (du mode d’allocation optimal des
ressources humaines – pour reprendre le langage économique libéral),
le
raisonnement est fait par analogie, l’argumentaire tend à prendre une tournure
idéologique et le thème de l’employabilité en constitue le vecteur principal.
L’école néoclassique pense que la notion d’employabilité est un contresens puisque le
marché de l’emploi est théoriquement parfaitement régulé par les salaires, le
chômage ne tient qu’à un certain nombre de rigidités (salaires minima, niveau des
prélèvements obligatoires, allocations chômage…) qui empêchent le plein emploi. La
principale cause de l’explosion du chômage se révèle être la croissance rapide des
coûts du travail et les politiques interventionnistes de l’état. D’autres rigidités
148
(apparues déjà en Amérique dans les années 30) relèvent plutôt du social et de la
microéconomie tels que les pouvoirs de syndicats, l’information imparfaite, et
disparité entre « insiders – salariés dans l’entreprise » et « outsiders – salariés
candidats
à
l’embauche ».
Les
politiques
RH
pourraient
donc
améliorer
l’employabilité en réduisant l’influence des partenaires sociaux, en améliorant
l’information et en remettant en concurrence les salariés avec les candidats à
l’embauche. Ceci démontre que libéralisme et politique RH peuvent converger sur le
thème de l’employabilité en expliquant les problèmes de l’emploi par une
insuffisante flexibilité des individus.
Etre en relation avec le marché, nécessite de se mobiliser pour rester compétitif,
pour être compétitif, il faut réagir à court terme, la planification par la GAEC
(gestion anticipée de l'emplois et compétences) n’est donc plus un remède efficace
pour la gestion des RH car elle est trop loin du marché.
L’employabilité va trouver des concordances avec le marché, la compétence se
mesure à la valeur marchande. On invente donc un marché des compétences
analogue au marché des biens et des services. Cependant, la compétence n’est pas
la monnaie, elle n’existe qu’en fonction d’un but et dans un contexte donné. L’emploi
n’est plus garantie, le concept de l’employabilité s’y substitue.
Un risque de dérive existe à travers le glissement du curseur de la responsabilité
de l’employabilité des entreprises aux salariés. Il ne faudrait pas que la notion
d’employabilité tend à justifier l’abandon de la gestion…..
•
Des pistes à creuser :
Gérer les individus dans la durée comme caractéristique favorisant la capacité au
retour à l’emploi. C’est en terme de mobilité interne que l’on doit raisonner, avec
l’aide d’outils tels que les « livrets de salarié » retraçant son parcours et ses
compétences acquises.
149
Pour terminer sur ce thème, je le ferai d’une manière humoristique en reprenant
un :
EXTRAIT des guignols de l’info de CANAL + du 14 juin 96
PPDA : Monsieur Chirac, vous vous êtes récemment exprimé sur l’employabilité. Estce que l’employabilité ça veut dire l’emploi pour tous ?
JC
: Non, non, c’est bien plus précis que ça. C’est une nouvelle notion que j’ai.
L’employabilité, c’est le potentiel qu’a tout un chacun d’être employable.
PPDA : Oui, donc à être embauché !
JC
: Non, non, ça c’est l’emploi. L’employable, c’est un gars qui n’a pas de boulot
mais qui pourrait en avoir…Notre but est de faire passer la société d’un
état de « chomatisation » au dynamisme de l’employabilité (…) ça va être le
premier axe de ma politique. Le second sera bien sûr « l’embauchisation ».
PPDA : Ah, Inciter les chefs d’entreprise à embaucher ?
JC
: Non, non. « L’embauchisation », c’est le potentialité à être embaucher ; et
mon rêve, c’est de rapprocher l’employabilité de « l’embauchisation ». C’est
à dire mettre face à face un patron qui pourrait proposer du travail s’il en
avait, et un ouvrier qui pourrait avoir du boulot s’il en trouvait.
En résumé mettre en adéquature la « demandation » et « l’offriture ».
150
IV B 2.2
Emploi
IV B 2.2.1.1
Création d’emploi :
La réduction du temps de travail va permettre de créer 1000 emplois d’ici l’an 2000
(par recrutement ou par revalorisation des contrats de travail)
IV B 2.2.1.2
Emploi en faveur des handicapés :
250 emplois en faveur des handicapés vont être crées afin, d’une part, de
participer en qualité d’entreprise citoyenne à l’évolution des mentalités et d’autre
part, à réduire la contribution (12,8 mf en 99). Pour ce faire une démarche est mise
en place
Les enjeux sont d’ordre social mais aussi d’ordre économique.
En effet, il est intéressant de voir que Carrefour met en application ses valeurs
(entreprise citoyenne) en réalisant de telle démarche en faveur des handicapés.
Le dialogue social avec les partenaires sociaux a permis d’élaborer une Convention
Collective la plus favorable du secteur pour les salariés de l’entreprise. Nous
pouvons donc affirmer qu’un véritable contrat social est négocié. La notion de
contrat social s’explique de part le fait que l’entreprise et les partenaires sociaux
n’ont pas les mêmes enjeux et défendent des intérêts et des objectifs
contradictoires.
En effet, l’entreprise doit introduire :
-
de la flexibilité
-
maîtriser l’évolution de la masse salariale
-
améliorer la compétitivité et la rentabilité
les syndicats doivent :
-
préserver l’emploi
-
garantir le niveau de salaires
151
redistribuer les gains de rentabilité, de compétitivité
-
Entre les deux, une zone de négociation s’établit avec pour aboutissement un
contrat social.
Carrefour négocie :
l’unicité des statuts en contrepartie de la suppression des primes
-
d’ancienneté
la revalorisation des contrats à temps partiel (+ 3 heures) si les salariés
-
acceptent l’annualisation du temps de travail
…
-
Il semblerait que la Direction des Relations Sociales (DRS) conçoive la négociation
collective comme un instrument de gestion au service de l’entreprise mais au aussi
au service des salariés (recherche permanente d’un compromis social).
L’un des principaux objectifs de la DRS est de réaliser l’équilibre entre le besoin de
l’entreprise et les aspirations des salariés (la nécessité d’une organisation plus
souple du travail doit répondre tant aux souhaits des salariés qu’aux exigences de
la demande). L’entreprise trouve donc des solutions pour concilier les intérêts des
deux parties, notamment autour de deux enjeux :
•
Premier enjeu :
La flexibilité est associée, pour les salariés à des contreparties significatives
(unicité des statuts, revalorisation des contrats à temps partiel, aides aux
handicapés, formation…). Ainsi, la flexibilité des horaires ou des contrats est
négociée avec un volet relatif à l’accroissement des compétences, à la réduction de
la précarité, à l’égalité pour l’ensemble des salariés, aux aides aux personnes
défavorisées…
152
•
Second enjeu :
L’entreprise concilie flexibilité et sécurité, une certaine garantie de l’emploi est
réalisée.
Ce qui implique que le renouvellement de l’organisation du travail ne peut être
réalisé par l’entreprise que s’il existe un véritable dialogue social.
La reconnaissance de l’importance du dialogue social dans la gestion de l’entreprise
est un enjeu déterminant. En effet, l’impératif de souplesse, de qualité, de
mobilisation des hommes que requiert, de plus en plus, l’efficacité de l’entreprise
impose d’intégrer dans le quotidien une culture participative. Toutefois, ces règles
du jeu social nécessitent une grande transparence dans la gestion et une
information complète, précoce et continue des représentants du personnel.
Il faut rappeler que les entreprises doivent répondre à des clients de plus en plus
exigeants, « zappeurs » en s’organisant pour faire face aux des variations
d’activité. La financiarisation de l’économie qui conditionne chaque décision, qu’elle
soit sociale, économique ou politique ne doit pas faire oublier que les hommes sont
les ressources de l’entreprise et ont des ressources qu’il faut cultiver, motiver,
mobiliser, développer afin qu’ensemble ils progressent et s’enrichissent.
Dans l’entreprise, toute démarche, toute proposition, toute décision s’appuie sur
des éléments financiers. Ainsi les salariés sont souvent analysés plus en termes de
masse salariale qu’en termes de compétences. Or, il est clair qu’il ne peut y avoir
d’économique sans social et inversement ! La question est de déterminer où doit se
trouver l’équilibre. Le dialogue social doit bien évidemment tenir compte de toutes
ces évolutions. Il devient alors un paramètre essentiel des changements
nécessaires pour les entreprises. Le dialogue a dès lors pour objet d’organiser la
production de services ou de biens et de réguler le social.
Comme l’indique François Perroux : « il s’agit de la recherche en commun, par deux
interlocuteurs qui acceptent des critères compatibles, de vérité et de justice ».
153
L’entreprise de demain accentuera de manière créative des structures nécessaires
au dialogue social…
154
155
V.
Conclusion
Le rapprochement de Carrefour et Promodès en une OPE amicale qui se déroule
actuellement nous rappelle que nous nous trouvons dans une économie mondiale où la
globalisation devient impérative à la survie et réussite de l’entreprise. Les acteurs
économiques et sociaux se trouvent donc confrontés à une globalisation accrue du
processus de création et de distribution de valeurs. La fusion s’explique par au
moins quatre raisons :
•
pour satisfaire les actionnaires (rationalisation des coûts, regroupement
des achats, une puissance mondiale…)
•
parce que cela ne coûte pas cher (Carrefour offre 6 actions contre une
de Promodès)
•
parce que les autres le font (« manger ou être mangé)
•
pour avoir une taille critique
Le poids du nouvel ensemble est le suivant :
Les différents formats de magasins
Carrefour amplifie la stratégie de différenciation
5% 5%
Chiffres d'Affaires en Mlds de frcs
767
WAL-MART (USA)
27%
341
CARREFOUR + PROMODES
60%
302
METRO (Allem agne)
3%
243
KROGER (USA)
230
INTERMARCHE (France)
Picard et Distribution professionnelle
Maxi discount (hard : ED, Dia…3600 mag.
203
AHOLD (Pays Bas)
Supermarchés : champion, Stoc, shopi - 2600 mag.
0
100
200
300
400
500
600
700
800
Commerces proximités :
Hypermarchés : Carrefour, Continent - 680 mag
Carrefour se différencie en ayant dorénavant plusieurs formats de magasin pour
s’adapter à la demande des clients.
Le rapprochement de ces deux entreprises va entraîner des conséquences en
matière de gestion des RH (unicité des statuts, redéploiement vers des métiers
156
cibles, mise en place d’un processus de mobilité inter-formats de magasin,
organisation du travail…).
Compte tenu de la concurrence du secteur et de la grande maturité du
consommateur, l’entreprise veut développer et proposer aux clients le produit qu’il
souhaite acheter et des services innovants qui l’accompagnent.
Comme le résume Daniel Bernard :
« La seule façon de gagner consiste donc à s’affirmer comme les meilleurs
commerçants du monde ! »33
Dans un contexte de concurrence exacerbée, le désir de coller au marché, de
satisfaire le client en réduisant les délais conduit
Carrefour à développer sa
flexibilité et sa réactivité (rappel des enjeux de cette flexibilité : optimisation des
coûts et meilleur service aux clients).
En revanche, les domaines de flexibilité sont nombreux et l’analyse des besoins
conduit l’entreprise à un choix d’objectifs :
-
l’aménagement du temps de travail individuel et/ou collectif qui permet
d’adapter la capacité de travail aux flux des clients. Ces variations ont des
conséquences sur le niveau de formation et les formes contractuelles
(temps partiel, CDD…)
-
les politiques de rémunération (collectives variables et individualisées
variables) et l’ensemble de la rémunération périphérique, dont les montants
sont globalisés pour être mieux ajustés.
-
Les politiques de gestion prévisionnelle des emplois qui intègrent la mobilité
fonctionnelle et géographique comme variable d’ajustement et tendent à
réduire l’incertitude en augmentant les niveaux de polyvalence.
La flexibilité semble donc un investissement nécessaire à l’entreprise. En revanche,
le choix de la flexibilité est déterminant. En effet, si l’on veut produire de la
33
Citation de Daniel BERNARD PDG Carrefour
157
motivation et par conséquent, satisfaire les clients (« salariés heureux, clients
heureux »), il faut privilégier la flexibilité du travail. C’est elle qui valorise les
ressources par l’augmentation et l’élargissement des compétences (diversité des
métiers), elle va aussi produire de la sécurité, de l’autonomie, de l’identité, du sens
au travail…
Par rapport aux contraintes de l’entreprise, il est tout en fait possible de favoriser
la flexibilité du travail.
Tableau des outils de la flexibilité34 :
Changement prévisible
•
•
•
•
•
•
•
Modulation des temps de travail
Heures supplémentaires/chômage partiel
Travail temporaire
Contrats à durée déterminée/stages
Polyvalence
Sous-traitance
…
•
•
•
•
•
•
•
Modulation
CDD en alternance / saisonniers
Embauches en CDI/Licenciement
Formation, polyvalence
Rémunération variable
Préretraites progressives/retraites anticipées
Essaimage
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Modulation
Travail temporaire
CDD/Stages
CDD en alternance
Embauche en CDI/Licenciements
Formation
Rémunération variable
Sous-traitance
…
Flexibilité immédiate
•
•
•
•
Heures complémentaires/chômage partiel
Travail temporaire
Sous-traitance
…
Adaptation à long terme
Evénement aléatoire
En revanche, il y a un postulat35 qui est nouveau, selon lequel plus que la ressource
humaine en tant que telle, c’est la flexibilité de cette ressource qui est stratégique
et déterminante : plutôt que d’affirmer « il n’est de richesse que d’hommes », il
paraît plus juste de constater que, dans les discours des années quatre-vingt-dix
« il n’est de richesse humaine que flexible »…
Cependant, la flexibilité du travail est cohérente et conciliable avec la gestion des
Ressources Humaines si l’on considère que le rôle de la GRH est bien de pouvoir
34
35
PERRETI Jean-Marie, « Tous DRH », les éditions des Organisations, 1997
voir CADIN Loïc : « La flexibilité des Ressources Humaines » Dunod 1997
158
répondre aux objectifs économiques stratégiques de l’entreprise en permettant à
l’homme de se construire et produire ainsi de la valeur.
En conséquence, la flexibilité du travail redonne une nouvelle légitimité à la Gestion
des Ressources Humaines car elle est aujourd’hui lue comme un facteur stratégique
engageant le succès ou la survie de l’entreprise.
Comme le souligne YF LIVIAN36 :
« la flexibilité du travail offre une perspective majeure à la GRH en ce qu’elle
invite à une approche positive de l’investissement humain… »
36
Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III
159
Bibliographie
Ouvrages :
BRUCKNER Pascal, la tension de l’innocence, Grasset, 1995
CHETOCHINE Georges, Quelle distribution pour 2020 ?, Editions Liaison, 1998, 191 pages
SAINSAULIEU Renaud, « Les Mondes sociaux de l’entreprise », Desclée de Brouwer,1995
MINTZBERG Henry, le Management, voyage au centre des organisation, les éditions
d’organisations, 1989, 560 pages
CADIN Loïc, GUERIN Francis, PIGEYRE Frédérique, Gestion des Ressources Humaines,
pratique et éléments de théorie, édition Dunod, 1997
BRUNHES Bernard, « Négocier la flexibilité », éditions d’organisations, 1997, 237 pages
LE BOTERF Guy, « De la compétence, essai sur un attracteur étrange », les éditions
d’organisations, 1995, 175 pages
ZARIPHIAN Philippe, « Objectif compétence », éditions liaisons, 1999, 229 pages
COURVILLE Léon, « Piloter dans la tempête, comment faire face aux défis de la nouvelle
économie », les éditions de l’Homme, 1996, 150 pages
PERRETI Jean-Marie, « Tous DRH », les éditions des Organisations, 1997,356 pages
BRABET Julienne « Repensez la GRH ? », édition Gestion économica, Mars 96
Articles :
DRUCKER Peter, « Les nouvelles lois du management selon Peter Drucker », article Capital
dec.98
HADDAD Dominique, HALIMI, « Flexibilité du travail ou flexibilité de l’emploi », revue
Personnel Mai 1999
GUELAUD François, « Les diverses formes de gestion de la flexibilité dans les
hypermarchés », Formation et emploi n°35, Juillet Septembre 95
160
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