Synthèse J Pharm Clin 2012 ; 31 (4) : 191-202 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Outils et facteurs prédictifs de toxicité en cancérologie : interactions médicamenteuses Predictive factors and practical tools for cancer treatment toxicity: drug-drug interactions Jean-Baptiste Rey Département de pharmacie, Institut Jean Godinot, CLCC de Reims, France <[email protected]> Résumé. En cancérologie, la polymédication est fréquente en raison de l’association des traitements anticancéreux, mais aussi des traitements de soins oncologiques de support et des traitements habituels des patients. Cette polymédication constitue un facteur de risque d’effets iatrogènes en raison des interactions médicamenteuses potentielles qui peuvent survenir. Ce travail consiste en un état des lieux pour les médicaments utilisés en sénologie, et permet de définir des niveaux de risque de survenue d’interactions médicamenteuses, cytochrome P450 dépendantes. Mots clés : médicaments, interactions médicamenteuses, cytochrome P450, cancer du sein Abstract. In cancer care, polypharmacy is common because of the association of cancer treatment, supportive care and patients’ usual treatments. This polypharmacy is a risk factor for drug-induced adverse effects due drug-drug interactions that may occur. This work consists of an inventory for drugs used in breast cancer therapy, and to define levels of risk of occurrence of cytochrome P450 dependent drug-drug interactions. Key words: drugs, drug-drug interactions, cytochrome P450, breast cancer L es patients traités pour un cancer reçoivent des traitements médicamenteux oncologiques spécifiques (chimiothérapie anticancéreuse avec des protocoles associant des cytotoxiques et/ou des thérapies ciblées), des traitements oncologiques du support (facteurs de croissance hématopoïétiques, agents stimulants de l’érythropoïèse, antiémétiques, antalgiques, biphosphonates, médicaments agissant sur le système nerveux central, corticoïdes, pour n’en citer que quelques-uns), mais aussi leur traitement habituel dans le cadre de la prise en charge des comorbidités éventuelles (hypertension artérielle, diabète, asthme. . .). Il en découle que les patients sont de facto exposés à une polymédication chronique, avec la prescription de nombreux médicaments. Le risque d’interactions médicamenteuses est déjà clairement établi dans cette population [1, 2]. Cela doit être mis en rapport avec les données très parcellaires (car sous-déclarées et sous-identifiées) Tirés à part : J.-B. Rey concernant les accidents thérapeutiques qui seraient responsables de 130 000 hospitalisations (1 % des admissions) et de 18 000 décès (3 % des décès) annuels. Tous n’ont pas directement une origine iatrogène, et ne sont pas dus à des interactions médicamenteuses, rassuronsnous. . . Quoi qu’il en soit, il est communément admis que les associations médicamenteuses deviennent pharmacologiquement imprévisibles, voire incontrôlables, dès lors que le nombre de 3 à 5 médicaments associés est atteint. Il n’est pas rare que les patients atteints de cancer reçoivent plus de 5 médicaments ; Jankel et al. ont montré, en gériatrie, que des prescriptions de plus de 5 médicaments en moyenne, exposaient 60 % des patients à des interactions médicamenteuses [3]. Pour des patients atteints de cancer, une étude a montré dans une cohorte de plus de 700 patients que 4 % des décès avaient une cause médicamenteuse [4]. En outre, une revue de la littérature de plusieurs études a montré, pour 300 cas d’hospitalisations en urgence en cancérologie, que plus de 10 % des patients étaient admis pour un événement Pour citer cet article : Rey JB. Outils et facteurs prédictifs de toxicité en cancérologie. J Pharm Clin 2012 ; 31(4) : 191-202 doi:10.1684/jpc.2012.0229 191 J.-B. Rey Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. iatrogène et que 2 % l’étaient en raison d’une interaction médicamenteuse. Par ailleurs, l’incidence des interactions médicamenteuses pouvait varier d’environ 10 % à plus de 60 % chez les patients atteints de cancer, selon la localisation tumorale et que le patient était pris en charge en ambulatoire ou en hospitalisation [5]. Le but de ce travail consiste en 1) un état des lieux des interactions médicamenteuses auxquelles les patients sont potentiellement exposées et 2) la mise à disposition d’un outil prédictif de survenue de ces interactions médicamenteuses pour en limiter les risques. Interactions médicamenteuses Une interaction médicamenteuse consiste en la modification des effets d’un médicament lorsqu’il est associé à un autre ou qu’il est administré avec de la nourriture. Ce travail se limite aux interactions qui surviennent entre deux ou plusieurs médicaments, tous les autres facteurs n’étant pas ici abordés, même si certaines données pourront être abordées de façon parcellaire. Les interactions médicamenteuses constituent un risque important de surdosage ou, a contrario, de sous-dosage et donc de toxicité ou d’inefficacité. Ici, le propos va consister à identifier les facteurs de risque de survenue des interactions médicamenteuses pour permettre au clinicien d’éviter les effets négatifs de ces associations. Il convient, en pharmacologie, de distinguer 2 grandes catégories d’interactions médicamenteuses, les interactions pharmacodynamiques (pour mémoire, la pharmacodynamie est l’étude de l’effet du médicament sur l’organisme) et les interactions pharmacocinétiques (la pharmacocinétique, au contraire, étudie l’effet de l’organisme sur le médicament). Ce sont ces dernières qui seront développées ici, notamment celles qui font intervenir le cytochrome P450 au niveau hépatique dans la phase de biotransformation des médicaments (communément appelé métabolisme). Interactions pharmacodynamiques Les interactions pharmacodynamiques sont les plus simples à prévoir et à gérer ; elles découlent du mécanisme d’action pharmacologique des médicaments concernés. Elles peuvent être classées en deux grandes sous-catégories, synergie et antagonisme. La synergie se définit comme l’action concomitante de deux (ou plusieurs) médicaments, se traduisant par des effets additifs ou renforcés ; à titre d’exemple, il est courant, dans le cadre de la prise en charge de la douleur d’associer plusieurs antalgiques pour atteindre les objectifs de soulagement des symptômes douloureux (antalgiques de pallier II et de pallier III). L’antagonisme consiste, au contraire, en l’association de deux (ou plusieurs) médicaments dont les effets sont opposés ; pour reprendre 192 l’exemple des antalgiques, en cas d’intoxication morphinique avec somnolence et détresse respiratoire, les effets des opioïdes sont-ils antagonisés avec la naloxone qui provoque le « réveil » du patient, mais aussi de la douleur. Interactions pharmacocinétiques Les interactions pharmacocinétiques sont beaucoup plus insidieuses car non « visibles » et non prévisibles, notamment en raison des grandes variations interindividuelles qui peuvent exister pour certains paramètres. Les interactions pharmacocinétiques peuvent survenir à toutes les phases de la « vie » d’un médicament dans l’organisme ; ainsi les phases d’absorption, de distribution, de métabolisme et d’excrétion (ADME) sont-elles concernées. Si les interactions avec le cytochrome P450 provoquent la plus grande inquiétude, il faut garder à l’esprit que ce n’est pas la seule voie de biotransformation des médicaments, mais aussi que toutes les autres phases pharmacocinétiques peuvent être à l’origine d’interactions. De façon très succincte, il faut savoir qu’il peut se produire des événements pendant les phases : – d’absorption, avec un ralentissement de l’absorption (coadministration de fer oral et de topiques gastriques, par exemple), provoquant un retard dans la survenue du pic plasmatique (Tmax) ou une diminution des concentrations plasmatiques (Cmax) attendues (chélation entre le fer et le phosphore, par exemple). Outre ces interactions d’ordre physico-chimique entre deux substances, l’alimentation peut également jouer un rôle de dérèglement dans cette phase d’absorption ; ainsi, il est connu que la capécitabine doit être administrée à distance des repas, pour prévenir une diminution des taux d’absorption digestive. D’autres mécanismes sont également en jeu à ce niveau ; en effet, les modifications du pH gastrique (par d’autres médicaments ou des perturbations hydro-électrolytiques liées à une insuffisance rénale par exemple) peuvent modifier la solubilité des médicaments, le ralentissement de la vidange gastrique ou de la motilité intestinale peuvent avoir une influence sur l’absorption digestive ; – de distribution, en relation avec la liaison aux protéines plasmatiques qui assurent le transport des médicaments, notamment l’albumine. Dans ce cas, les interactions aboutissent à des modifications du rapport « forme libre »/« forme liée » (i.e. « forme active » vs. « forme inactive ») du médicament, conditionnées par l’affinité des médicaments pour les protéines de transport. La compétition qui en résulte pour la liaison aux protéines plasmatique aboutit au déplacement d’un médicament par un autre et à l’augmentation de la « forme libre » du médicament déplacé ; l’un des exemples le plus connu pour ce type d’interaction est le déplacement des anti-vitamine K (AVK) de leur site de liaison à l’albumine par les antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS) aboutissant à une J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Interactions médicamenteuses augmentation du risque hémorragique. Par ailleurs, les situations de dénutrition, fréquentes en cancérologie et signées notamment par une hypo-albuminémie, peuvent également être à l’origine d’effets délétères ; par exemple, le taux de « forme libre » de docétaxel qui est fortement lié à l’albumine (de l’ordre de 90 à 95 %) est potentiellement augmenté dans les situations d’hypo-albuminémie avec un risque accru de toxicité, en particulier au niveau médullaire avec un risque plus important de neutropénies sévères et des neutropénies fébriles ; – d’élimination, en particulier l’élimination rénale des médicaments qui peut être affectée par une altération de la fonction rénale, le débit de filtration glomérulaire (DFG) étant évalué par le calcul de la clairance de la créatinine [6, 7] et non pas par la seule créatininémie. Ces dysfonctionnements rénaux peuvent avoir plusieurs origines, fonctionnelles (âge, notamment avec la diminution physiologique du DFG) ou organiques (obstacle des voies urinaires ou néphrotoxicité des médicaments). La phase d’élimination peut également être affectée par les médicaments eux-mêmes ; ainsi, alors que le furosémide provoque une fuite urinaire de potassium, la spironolactone (un autre diurétique épargneur potassique) provoque une « rétention » du potassium (l’association de sels de potassium et de spironolactone est d’ailleurs largement utilisée en clinique pour normaliser une hypokaliémie). Interactions médicamenteuses et cytochrome P450 Les interactions médicamenteuses peuvent survenir dans les phases d’absorption digestive de distribution plasmatique et/ou d’élimination ; les interactions les plus complexes ont lieu dans la phase de métabolisme et, en particulier, au cours des biotransformations catalysées par les cytochromes P450 [8, 9]. Il existe une cinquantaine d’isoformes de cytochromes P450 chez l’homme ; seule une dizaine, voire une quinzaine, est clairement impliquée dans le métabolisme des médicaments [9-11]. De plus, leur « répartition » au niveau hépatique est extrêmement variable d’un isoforme à l’autre, allant d’environ 30 % pour le CYP3A4 à 1-2 % pour le CYP2D6. D’un point de vue fonctionnel, ce premier est responsable d’environ 50 % du métabolisme des médicaments et ce second d’environ 30 %. Le CYP2C9 participe quant à lui à environ 10 % du métabolisme des médicaments dont les AINS et certains anticoagulants oraux. Enfin d’autres isoformes jouent un rôle non négligeable pour certaines classes thérapeutiques ; ce sont les isoformes CYP1A2, CYP2B6, CYP2C19 et CYP2E1 [12]. L’activité des isoformes du cytochrome P450 peut être modifiée par certains médicaments à l’origine J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 d’interactions avec les autres médicaments qui leur sont associés, substrats des différents isoenzymes ; il faut distinguer l’augmentation d’activité par les inducteurs enzymatiques de la diminution par les inhibiteurs enzymatiques. L’inhibition enzymatique consiste en une compétition en le substrat et l’inhibiteur pour un site de fixation identique sur l’isoenzyme du cytochrome P450 (à l’image de ce qui se passe pour la liaison aux protéines plasmatiques). Il en résulte une accumulation du substrat qui ne peut pas subir la biotransformation attendue et, dans la plupart des cas, un surdosage et les effets indésirables qui en découlent ; cela est d’autant plus d’importance que la marge thérapeutique du médicament dont le métabolisme est inhibé est étroite. Les inhibiteurs enzymatiques peuvent affecter un ou plusieurs isoformes du cytochrome P450, à des degrés divers. La survenue de cette inhibition dépend de l’affinité du médicament inhibiteur pour l’isoenzyme et de sa vitesse d’élimination. L’induction enzymatique procède d’un mécanisme différent et ses effets sont inverses à ceux de l’inhibition. Les inducteurs enzymatiques provoquent une synthèse accrue des isoformes du cytochrome par activation de récepteurs nucléaires ; le délai de survenue de l’induction enzymatique et de ses effets est donc plus long que ceux de l’inhibition, dans la mesure où elle nécessite la synthèse des isoenzymes par les cellules et ne consiste pas simplement en une liaison d’un médicament à un récepteur. L’induction enzymatique provoque une dégradation accélérée du médicament dont le métabolisme est induit et donc un possible sous-dosage et une inefficacité ; elle peut également être à l’origine d’une augmentation de la toxicité des médicaments, si leurs métabolites sont toxiques et qu’ils s’accumulent [13, 14]. Par ailleurs, il existe une forte variabilité interindividuelle dans l’expression des isoformes du cytochrome P450, même en l’absence d’inhibiteurs ou d’inducteurs enzymatiques. Ainsi, certains isoenzymes font l’objet d’un polymorphisme génétique ; des individus sont naturellement déficients en CYP2D6 et métabolisent donc lentement les substrats de ces enzymes. À l’opposé, en raison d’une amplification génétique, d’autres individus sont qualifiés de métaboliseurs ultrarapides. Les premiers se caractérisent donc par une accumulation potentielle du substrat de l’isoenzyme et les autres par une dégradation plus rapide [13, 15]. Un outil pratique au quotidien pour évaluer le risque Pour résumer, les interactions médicamenteuses liées au cytochrome P450 sont dues à la coadministration d’un médicament métabolisé par un isoenzyme et d’un autre qui emprunte la même voie métabolique. Cette interaction 193 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. J.-B. Rey provoque soit une induction du métabolisme du premier médicament par le second, soit une inhibition. L’un des moyens de prévenir ces interactions est : – d’identifier, pour chaque médicament (ou substance), les isoenzymes qui interviennent dans son métabolisme ; – de connaître son potentiel inducteur ou inhibiteur envers les principaux isoenzymes du cytochrome P450. Seule la connaissance de la relation entre un médicament et les isoenzymes du cytochrome P450 peut permettre d’anticiper les interactions médicamenteuses, potentiellement dangereuses. Les substrats, les inhibiteurs et les inducteurs des isoenzymes du cytochrome P450 sont regroupés dans les tableaux 1 à 5. Construits sur le modèle des travaux des Hôpitaux universitaires de Genève [12], ces tableaux, dédiés à la cancérologie exclusivement, regroupent : – les médicaments utilisés en onco-sénologie, i.e. les cytotoxiques et les thérapies « ciblées » disponibles sur le marché en 2010 ; – les médicaments de soins de support (antiémétiques, corticoïdes, antalgiques, antiulcéreux, anticoagulants, médicaments du système nerveux central). Les facteurs de croissance hématopoïétiques (EPO et G-CSF) ainsi que les biphosphonates ne figurent volontairement pas dans ces tableaux puisqu’ils ne sont pas métabolisés par la voie du cytochrome P450 [16] ; – certains produits d’automédication y sont également présents, connus pour être utilisés par les patientes ; – des aliments connus pour être à l’origine d’interactions médicamenteuses et des plantes. Les tableaux 1 à 4 sont construits en fonction des données pharmacocinétiques des dossiers d’Autorisation de mise sur le marché ; ces données ont été retrouvées dans la version web Manuel Merck® [16]. En aucun cas, ils ne doivent être considérés comme exhaustifs ; ils constituent une aide synthétique, pratique, destinée à l’élaboration de facteurs prédictifs de survenue des interactions médicamenteuses par le clinicien au moment de sa prescription. Ce risque de survenue ne préjuge pas d’un risque de toxicité ou d’inefficacité, ni du niveau de risque de gravité de l’interaction. Cet outil peut aider le praticien à modifier sa prescription ou, plus simplement, à entreprendre un suivi plus poussé et, certainement à donner des conseils aux patientes pour le bon usage de leur traitement. À tout moment, le prescripteur (et le pharmacien, au moment de la validation pharmaceutique des prescriptions) doit garder toute la prudence nécessaire, compte tenu des variabilités interindividuelles importantes de ces voies métaboliques (métaboliseurs lents et métaboliseurs rapides - cf. supra). 194 Le tableau 1 indique les voies métaboliques majoritaires (cases foncées) et minoritaires (cases plus claires) de ces médicaments. Le tableau 2 indique si ces mêmes médicaments sont inhibiteurs enzymatiques d’un ou plusieurs isoenzyme du cytochrome P450 et le tableau 3, s’ils sont inducteurs enzymatiques de ces isoenzymes. Enfin les tableaux 4 et 5 constituent une synthèse de ces 3 premiers tableaux ; le tableau 4 indique le risque de survenue d’une interaction médicamenteuse, à type d’inhibition enzymatique lorsqu’un médicament A est associé à un médicament B, et inversement et le tableau 5, de la même façon évalue le risque de survenue d’une interaction à type d’induction enzymatique. Dans les tableaux 4 et 5, le risque de survenue est évalué selon 4 niveaux, i.e. risque « fort », « moyen », « faible » ou « nul » représentés respectivement par des cases noires, grises, vertes et blanches. Le tableau 4 évalue le risque d’inhibition enzymatique et le tableau 5 celui d’induction enzymatique. La lecture du tableau, et donc l’évaluation du risque de survenue d’interaction, se fait en choisissant, dans la colonne de gauche, un médicament A ; lorsque celui-ci doit être associé à un médicament B, choisi dans la ligne supérieure, le niveau de risque d’interaction de cette association apparaît dans la case qui constitue l’intersection entre la ligne du médicament A et la colonne du médicament B. D Conclusion La survenue d’interactions médicamenteuses est fréquente en cancérologie. Toutes les associations ne sont pas néfastes, heureusement ; certaines d’entre elles sont mêmes bénéfiques. Alors que les interactions d’ordre pharmacologique sont prévisibles et gérables en routine, les interactions pharmacocinétiques requièrent une attention toute particulière. Le manque de données relatives à l’impact clinique réel de ces interactions mériterait de conduire des études de cohorte prospectives. Par ailleurs, l’apport reconnu des professionnels du médicament dans la gestion et la prévention de ces événements iatrogènes n’est plus à démontrer. En outre, le développement des réseaux ville-hôpital pharmaceutiques, en plein essor aujourd’hui, devrait permettre une collaboration encore plus poussée à l’avenir. N’hésitez pas à demander conseil à votre pharmacien ! À terme, ces tableaux « papier » seront substitués par des applications électroniques, disponibles via les médias modernes de communication ; les applications iPhone® /iPad® sont en cours de développement. Conflits d’intérêts : aucun. J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 Interactions médicamenteuses Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Antinéoplasiques Paracétamol 5-fluorouracile Sufentanil Anastrozole Tramadol Bevacizumab Anticoagulants Capécitabine Acénocoumarol Carboplatine Warfarine Cisplatine Antiulcéreux Cyclophosphamide Cimétidine Dexrazoxane Esoméprazole Docétaxel Lansoprazole Doxorubicine Omeprazole Epirubicine Pantoprazole Exemestane Ranitidine Fulvestrant Médicaments du SNC Gemcitabine Acide valproïque Lapatinib Alprazolam Letrozole Carbamazépine Méthotrexate Chlorpromazine Mitoxantrone Clonazépam Paclitaxel Diazépam Tamoxifène Flunitrazépam Trastuzumab Fluoxétine Vincristine Fluvoxamine Vinorelbine Gabapentine Antiémétiques Halopéridol Aprépitant Midazolam Dompéridone Paroxétine Granisétron Phénobarbital Métoclopramide Phénytoïne Ondansétron Sertraline Palonosétron Zolpidem Tropisétron Zoplicone Corticoïdes Alimentation et plantes Dexaméthasone Choux, brocolis Méthylprednisolone Ethanol Prednisolone Jus de pamplemousse Prednisone Millepertuis Antalgiques Sauge Buprénorphine Tabac Codéine THC Fentanyl Hydromorphone Morphine 3A4 2E1 2D6 2C19 2C9 2B6 Isoenzyme CYP 1A2 3A4 2E1 2D6 2C19 2C9 2B6 Isoenzyme CYP 1A2 Tableau 1. Substrats des isoenzymes du cytochrome P450. Voie métabolique majeure Voie métabolique mineure Oxycodone J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 195 J.-B. Rey Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Antinéoplasiques Paracétamol 5-fluorouracile Sufentanil Anastrozole Tramadol Bevacizumab Anticoagulants Capécitabine Acénocoumarol Carboplatine Warfarine Cisplatine Antiulcéreux Cyclophosphamide Cimétidine Dexrazoxane Esoméprazole Docétaxel Lansoprazole Doxorubicine Omeprazole Epirubicine Pantoprazole Exemestane Ranitidine Fulvestrant Médicaments du SNC Gemcitabine Acide valproïque Lapatinib Alprazolam Letrozole Carbamazépine Méthotrexate Chlorpromazine Mitoxantrone Clonazépam Paclitaxel Diazépam Tamoxifène Flunitrazépam Trastuzumab Fluoxétine Vincristine Fluvoxamine Vinorelbine Gabapentine Antiémétiques Halopéridol Aprépitant Midazolam Dompéridone Paroxétine Granisétron Phénobarbital Métoclopramide Phénytoïne Ondansétron Sertraline Palonosétron Zolpidem Tropisétron Zoplicone Corticoïdes Alimentation et plantes Dexaméthasone Choux, brocolis Méthylprednisolone Ethanol Prednisolone Jus de pamplemousse Prednisone Millepertuis Antalgiques Sauge Buprénorphine Tabac Codéine THC Fentanyl Hydromorphone 3A4 2E1 2D6 2C19 2C9 Isoenzyme CYP 2B6 1A2 3A4 2E1 2D6 2C9 2C19 2B6 Isoenzyme CYP 1A2 Tableau 2. Inhibiteurs enzymatiques des isoenzymes du cytochrome P450. Inhibiteur puissant Inhibiteur modéré Morphine Oxycodone 196 J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 Interactions médicamenteuses Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Antinéoplasiques Paracétamol 5-fluorouracile Sufentanil Anastrozole Tramadol Bevacizumab Anticoagulants Capécitabine Acénocoumarol Carboplatine Warfarine Cisplatine Antiulcéreux Cyclophosphamide Cimétidine Dexrazoxane Esoméprazole Docétaxel Lansoprazole Doxorubicine Omeprazole Epirubicine Pantoprazole Exemestane Ranitidine Fulvestrant Médicaments du SNC Gemcitabine Acide valproïque Lapatinib Alprazolam Letrozole Carbamazépine Méthotrexate Chlorpromazine Mitoxantrone Clonazépam Paclitaxel Diazépam Tamoxifène Flunitrazépam Trastuzumab Fluoxétine Vincristine Fluvoxamine Vinorelbine Gabapentine Antiémétiques Halopéridol Aprépitant Midazolam Dompéridone Oxcarbazépine Granisétron Paroxétine Métoclopramide Phénobarbital Ondansétron Phénytoïne Palonosétron Sertraline Tropisétron Topiramate Corticoïdes Zolpidem Dexaméthasone Zoplicone Méthylprednisolone Alimentation et plantes Prednisolone Choux, brocolis Prednisone Ethanol Antalgiques Jus de pamplemousse Buprénorphine Millepertuis Codéine Sauge Fentanyl Tabac (goudrons) Hydromorphone THC Morphine Oxycodone J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 3A4 2E1 2D6 2C19 2B6 2C9 Isoenzyme CYP 1A2 3A4 2E1 2D6 2C19 2B6 2C9 Isoenzyme CYP 1A2 Tableau 3. Inducteurs enzymatiques des isoenzymes du cytochrome P450. Induction puissante Induction modérée 197 Risque fort Risque moyen Risque faible Pas de risque 1 inhibition du métabolisme de : Antinéoplasiques 5-fluoro-uracile Anastrozole Bevacizumab Capécitabine Carboplatine Cisplatine Cyclophosphamide Dexrazoxane Docétaxel Doxorubicine Epirubicine Exemestane Fulvestrant Gemcitabine Lapatinib Letrozole Méthotrexate Mitoxantrone Paclitaxel Tamoxifène Trastuzumab Vincristine Vinorelbine Anti-émétiques Aprépitant Dompéridone Granisétron Métoclopramide Ondansétron Palonosétron Tropisétron Corticoïdes Dexaméthasone Méthylprednisolone Prednisolone Prednisone Antalgiques Buprénorphine Codéine Fentanyl Hydromorphone Morphine Oxycodone Paracétamol Sufentanil Tramadol Anticoagulants Acénocoumarol Warfarine Anti-ulcéreux Cimétidine Esoméprazole Lansoprazole Omeprazole Pantoprazole Ranitidine Médicaments du SNC Acide valproïque Alprazolam Carbamazépine Chlorpromazine Clonazépam Diazépam Flunitrazépam Fluoxétine Fluvoxamine Gabapentine Halopéridol Midazolam Paroxétine Phénobarbital Phénytoïne Sertraline Zolpidem Zoplicone Alimentation et plantes Choux, brocolis Ethanol Jus de pamplemousse Millepertuis Sauge Tabac (goudrons) THC 2 quand'il est associé à : Prednisolone Déxaméthasone Tropisétron Corticoïdes Palonosétron Ondansétron Métoclopramide Granisétron Dompéridone Aprépitant Vincristine Anti-émétiques Vinorelbine Tamoxifène Trastuzumab Mitoxantrone Méthotrexate Paclitaxel Gemcitabine Letrozole Lapatinib Fulvestrant Exemestane Epirubicine Doxorubicine Cyclophosphamide Docétaxel Cisplatine Dexrazoxane Carboplatine Capécitabine 5-fluoro-uracile Bevacizumab Anastrozole Antinéoplasiques 198 Méthylprednisolone Tableau 4. Niveau de risque de survenue d’interactions médicamenteuses. Inhibition enzymatique. Clonazépam Chlorpromazine Diazépam Alprazolam Carbamazépine Ranitidine Acide valproïque Pantoprazole Médicaments du SNC Lansoprazole Esoméprazole Omeprazole Cimétidine Anti-ulcéreux Warfarine Acénocoumarol Anticoagulants Tramadol Oxycodone Sufentanil Morphine Paracétamol Hydromorphone Codéine Buprénorphine Fentanyl Antalgiques Prednisone Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. J.-B. Rey J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 THC Tabac (goudrons) Jus de pamplemousse Sauge Millepertuis Ethanol Choux, brocolis Alimentation et plantes Zoplicone Phénytoïne Zolpidem Sertraline Midazolam Phénobarbital Paroxétine Gabapentine Halopéridol Flunitrazépam Fluvoxamine Fluoxétine J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 Risque fort Risque moyen Risque faible Pas de risque 1 induction du métabolisme de : Antinéoplasiques 5-fluoro-uracile Anastrozole Bevacizumab Capécitabine Carboplatine Cisplatine Cyclophosphamide Dexrazoxane Docétaxel Doxorubicine Epirubicine Exemestane Fulvestrant Gemcitabine Lapatinib Letrozole Méthotrexate Mitoxantrone Paclitaxel Tamoxifène Trastuzumab Vincristine Vinorelbine Anti-émétiques Aprépitant Dompéridone Granisétron Métoclopramide Ondansétron Palonosétron Tropisétron Corticoïdes Dexaméthasone Méthylprednisolone Prednisolone Prednisone Antalgiques Buprénorphine Codéine Fentanyl Hydromorphone Morphine Néfopam Oxycodone Paracétamol Sufentanil Tramadol Anticoagulants Acénocoumarol Warfarine Anti-ulcéreux Cimétidine Esoméprazole Lansoprazole Omeprazole Pantoprazole Ranitidine Médicaments du SNC Acide valproïque Alprazolam Carbamazépine Chlorpromazine Clonazépam Diazépam Flunitrazépam Fluoxétine Fluvoxamine Gabapentine Halopéridol Midazolam Oxcarbazépine Paroxétine Phénobarbital Phénytoïne Sertraline Topiramate Zolpidem Zoplicone Alimentation et plantes Choux, brocolis Ethanol Jus de pamplemousse Millepertuis Saugee Tabac (goudrons) THC 2 quand'il est associé à : Prednisone Prednisolone Méthylprednisolone Déxaméthasone Palonosétron Corticoïdes Ondansétron Tropisétron Métoclopramide Granisétron Dompéridone Aprépitant Anti-émétiques Trastuzumab Vinorelbine Vincristine Tamoxifène Mitoxantrone Méthotrexate Paclitaxel Letrozole Gemcitabine Lapatinib Fulvestrant Doxorubicine Exemestane Docétaxel Epirubicine Dexrazoxane Cisplatine Carboplatine Cyclophosphamide Capécitabine Bevacizumab Anastrozole Antinéoplasiques 5-fluoro-uracile Tableau 5. Niveau de risque de survenue d’interactions médicamenteuses. Induction enzymatique. Clonazépam Flunitrazépam Diazépam Chlorpromazine Carbamazépine Médicaments du SNC Alprazolam Acide valproïque Ranitidine Pantoprazole Omeprazole Esoméprazole Cimétidine Lansoprazole Acénocoumarol Anti-ulcéreux Warfarine Sufentanil Anticoagulants Paracétamol Tramadol Oxycodone Morphine Hydromorphone Néfopam Codéine Buprénorphine Fentanyl Antalgiques Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Interactions médicamenteuses 199 THC Tabac (goudrons) Sauge Jus de pamplemousse Ethanol Millepertuis Choux, brocolis Alimentation et plantes Zoplicone Zolpidem Phénytoïne Topiramate Phénobarbital Sertraline Midazolam Paroxétine Halopéridol Oxcarbazépine Fluvoxamine Gabapentine Fluoxétine J.-B. Rey 3A4 2E1 2D6 2C19 2C9 2B6 DCI 1A2 Encadré. Exemple d’utilisation des tableaux Substrat Paclitaxel Inhibiteurs Cimétidine Sertraline Inducteur Dexaméthasone Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Millepertuis Dans cet exemple, pour le paclitaxel (poison du fuseau utilisé, notamment, dans le traitement du cancer du sein), la voie majoritaire du métabolisme dépend du CYP3A4 [16, 17]. La cimétidine est un antagoniste des récepteurs H2, prescrit dans le traitement des ulcères duodénaux, gastriques. . . C’est un inhibiteur puissant de la voie du CYP3A4. L’association de ces deux médicaments se traduit par une réduction marquée du métabolisme du cytotoxique dont les doses devront être réduites, sous peine d’atteindre rapidement des taux plasmatiques toxiques, notamment au niveau médullaire. En revanche, la sertraline, médicament antidépresseur, provoque une inhibition modérée des isoenzymes 1A2 et 2D6 qui n’interviennent pas dans le métabolisme du paclitaxel ; cette association sera donc, a priori, sans conséquence sur le métabolisme du paclitaxel [16]. Contrairement à la cimétidine, la dexaméthasone, corticoïde largement utilisé en cancérologie, est un inducteur puissant des voies du CYP2C9 et du CYP3A4 ; cette première voie sera sans conséquence sur le métabolisme du paclitaxel, alors que la seconde provoquera une métabolisation accrue, ce qui nécessitera éventuellement des doses plus importantes pour atteindre les concentrations plasmatiques efficaces [16]. De même, le millepertuis, utilisé largement en automédication par certains patients pour le traitement des états dépressifs légers à modérés est un inducteur puissant du CYP3A4 ; c’est l’hyperforine, l’un des principes actifs du millepertuis qui possède l’activité antidépressive qui régule l’expression du CYP3A4 en provoquant une induction de l’activité enzymatique. Dans ce cas, il conviendra d’alerter les patientes des conséquences potentielles de l’automédication, même si dans l’imaginaire collectif « les plantes ne peuvent pas faire de mal ». Références 1. Loadman PM, Bibby MC. Pharmacokinetic drug interactions with anticancer drugs. Clin Pharmacokin 1994 ; 26 : 486-500. 2. Kivitö KT, Kroemer HK, Eichelbaum M. The role of human cytochrome P450 enzymes in the metabolism of anticancer agents : implications for drug interactions. Br J Clin Pharmacol 1995 ; 40 : 52330. 3. Jankel CA, Fitterman LK. Epidemiology of drug-drug interactions as a cause of hospital admissions. Drug Saf 1993 ; 9 : 51-9. 4. Buajordet I, Ebbesen J, Erikssen J, et al. Fatal adverse drug events : the paradox of drug treatment. J Intern Med 2001 ; 250 : 327-41. 5. Riechelmann RP, Del Giglio A. Drug interactions in oncology : how common are they ? Ann Oncol 2009 ; 20 : 1907-12. 6. Cockcroft DW, Gault MH. Prediction of creatinine clearance from serum creatinine. Neprhon 1976 ; 16 : 31-41. 7. Levey AS, Bosch JP, Lewis JB, et al. A more accurate method to estimate glomerular filtration rate from serum creatinine : a new prediction equation. Modification of Diet in Renal Disease Study Group. Ann Intern Med 1999 ; 130 : 461-70. 8. Omura T, Sato R. The carbon monoxyde-binding pigment of liver microsomes. Evidence for its hemoprotein nature. J Biol Chem 1964 ; 239 : 2370-8. 200 9. Nelson DR, Koymans L, Kamataki T, et al. P450 superfamily : update on new sequences, gene mapping, accession numbers and nomenclature. Pharmacogenetics 1996 ; 6 : 1-42. 10. Guengerich FP. In : Ortiz de Montellano, ed. Cytochrome P450 structure, mechanism and biochemistry. New York : Plenum Press, 1995. 11. Guengerich FP. Cytochrome P-450 3A4 : regulation and role in drug metabolism. Annu Rev Pharmacol Toxicol 1999 ; 39 : 1-17. 12. Hôpitaux Universitaires de Genève. Pharma-Flash 2002 ; 29 : 1-4. 13. Belpaire FM, Bogaert MG. Cytochrome P450 : genetic polymorphism and drug interactions. Acta Clin Belg 1996 ; 51 : 254-60. 14. Evans WE, Relling MV. Clinical pharmacokineticspharmacodynamics of anticancer drugs. Clin Pharmacokin 1989 ; 16 : 327-36. 15. Hôpitaux Universitaires de Genève. Pharma-Flash 2005 ; 32 : 1-4. 16. Merck Manual Professional 2010. http://www.merckmanuals. com/professional/lexicomp consulté en décembre 2010. 17. Harris JW, Rahman A, Kim BR, et al. Metabolism of taxol by human hepatic microsomes and livers slices : participation of cytochrome P450 3A4 and an unknown P450 enzyme. Cancer Res 1994 ; 54 : 4026-35. 18. Mille F, Schwartz C, Brion F, et al. Analysis of overridden alerts in a drug-drug interaction detection system. Int J Qual Health Care 2008 ; 20 : 400-5. J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 Interactions médicamenteuses Annexe. Recommandations Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 1- Interrogatoire du patient – ACCORD D’EXPERTS Lors de l’interrogatoire des patients, en début d’hospitalisation ou à l’occasion des consultations récurrentes, l’historique médicamenteux des patients, les prescriptions « annexes » d’autres spécialistes (e.g. cardiologue, psychiatre. . .), mais aussi l’automédication, très sous-estimée car « cachée » par les patients doivent être recherchés. La mise en place progressive des réseaux « ville-hôpital » pharmaceutiques devrait aider à la recherche de l’anamnèse médicamenteuse des patients. Il faut cependant se méfier de certains aspects : – le patient peut refuser que tout ou partie de ses traitements soient renseignés dans son Dossier pharmaceutique ; – certains patients ne déclarent pas tous les produits d’automédication, considérant que ce ne sont pas de « vrais médicaments » ; – certains produits, achetés en pharmacie ou via d’autres réseaux, ne sont pas considérés comme des médicaments par les patients, notamment les produits à base de plantes. L’interrogatoire est cependant un élément primordial auquel il faut prêter une attention toute particulière. 2- « Faire le ménage » dans les prescriptions – ACCORD D’EXPERTS Les outils de prescription informatisée disponibles aujourd’hui dans les établissements hospitaliers offrent quasiment tous des modules d’analyse des interactions médicamenteuses ; cependant, ces logiciels diffusent des alertes plus ou moins pertinentes [18] et celle-ci sont, de facto, consultées plus ou moins attentivement par les prescripteurs. Par ailleurs, il est courant de constater, sur les écrans de prescriptions, que les lignes « s’empilent » les unes sur les autres au fil du temps, de la même façon que l’on rajoute des lignes sur une feuille de prescription manuscrite. Avec des séjours d’hospitalisation qui se prolongent, il n’est pas rare que les prescriptions de certains patients comportent une dizaine ou une quinzaine de lignes de médicaments (figure 1). Il convient donc de faire régulièrement le point sur les traitements prescrits, de conserver les médicaments indispensables et d’arrêter les traitements non indispensables, voire inutiles. Figure 1. Exemple d’ordonnance informatisée pour un patient hospitalisé (16 lignes de prescriptions médicamenteuses). J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012 201 J.-B. Rey Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 3- Connaître les médicaments prescrits – NIVEAU 1 – GRADE A Il ressort des tableaux que les médicaments de la même classe thérapeutique ne sont pas obligatoirement les substrats des mêmes isoenzymes du cytochrome P450. Un « effet classe » n’est donc pas systématique, même s’il est très fréquent, et un médicament d’une classe n’est pas à l’origine des mêmes interactions médicamenteuses qu’un autre médicament de la même classe [16]. Exemple : la voie métabolique majeure du granisétron est le CYP3A4 ; celles de l’ondansétron sont les voies CYP1A2 et le CYP3A4 (le CYP2D6 est une voie mineure) et celle du tropisétron est le CYP2D6 (le CYP3A4 est une voie mineure). Le maniement des médicaments de la même classe impose donc une grande prudence. Par ailleurs certains médicaments sont des prodrogues inactives ; c’est le métabolite de ces médicaments qui possède l’activité thérapeutique. Dans ce cas, la coadministration d’un inhibiteur du métabolisme empêche la biotransformation en produit actif et réduit par conséquent l’activité thérapeutique, contrairement aux autres médicaments pour lesquels l’inhibition du métabolisme provoque une accumulation et une toxicité potentielle. C’est le cas, par exemple, du tamoxifène, transformé en 4-hyrdoxytamoxifène qui serait la forme active de la molécule, produite par l’intermédiaire du CYP2D6 ; une inhibition du CYP2D6 (par la sauge par exemple) est à l’origine d’une diminution de la formation du métabolite et donc de l’activité du médicament. 4- Évaluer le risque – ACCORD D’EXPERTS Lors de la prescription de nouveaux traitements, l’une des premières démarches, après l’examen clinique et la décision thérapeutique, doit consister en l’évaluation du risque de survenue d’interactions médicamenteuses ; pour cela, l’outil proposé peut constituer une aide. En outre, la collaboration avec les pharmaciens de l’établissement peut s’avérer utile ; en effet, les trinômes médecin/infirmier/pharmacien constituent une association (bénéfique) d’un « professionnel des pathologies », d’un « professionnel des soins » et d’un « professionnel du médicament », chacun pouvant apporter sa compétence à l’optimisation de la prise en charge des patients. Rappelons toutefois que ces tableaux n’ont qu’une valeur indicative et ne peuvent, à eux seuls, prédire de la pharmacocinétique d’un médicament lorsqu’il est associé à un autre, notamment en raison des variabilités interindividuelles et du manque d’exhaustivité des données publiées pour certains produits. Ces tableaux ne constituent que des éléments prédictifs des événements pouvant se produire, qu’il s’agisse de toxicité par surdosage ou d’inefficacité par sous-dosage, d’origine pharmacocinétique. Cependant, cet outil n’évalue que le risque de survenue de l’interaction et ne prédit en rien son effet d’un point de vue clinique ; même si des interactions se produisent, il n’est pas du tout certain qu’elles aient un impact clinique significatif. Il appartient au prescripteur de réévaluer régulièrement le rapport bénéfice/risque des traitements qu’il met en place. 202 J Pharm Clin, vol. 31 n◦ 4, décembre 2012