Un mauvais antibiotique reconverti en bon antidépresseur : l'histoire de ces médicaments qui changent de carrière
De nombreux médicaments trouvent au cours de leur vie un usage totalement différent de celui pour lequel ils ont été
créés et commercialisés.
Dans le cas de la tuberculose par exemple, un antibiotique utilisé dans les années 50 pour la soigner entrainait un
certain nombre d'effets indésirables comme de l'excitation et des insomnies. On a donc découvert par hasard, grâce
à cette observation, un nouveau traitement efficace pour les patients dépressifs.
Certains scientifiques estiment que ces "heureux hasards", même s'ils sont peu fréquents, sont un moyen utile de
découvrir de nouveaux traitements. Le terme de "sérendipidité" (anglicisme) est utilisé pour désigner en sciences ce
phénomène qui consiste à découvrir fortuitement une chose, alors qu'on en cherchait une autre (par exemple l'étude
des ondes radar qui aboutit à l'invention du four à micro-ondes).
Voici quelques exemples de médicaments qui ont changé de voie au cours de leur existence, du fait du hasard ou
de la constatation d'effets imprévus (Bant TA, 2006) :
• Le bromure de potassium, calmant qui a été largement utilisé ; son action sédative a été identifiée 30 ans
après sa découverte, il était auparavant utilisé comme un substitut de l'iode dans diverses affections, sans grand
succès.
• Le lithium est un métal découvert en 1817. Comme on a découvert que le lithium dissolvait les cristaux d'acide
urique, il fut d'abord utilisé pour traiter la goutte. La goutte étant une maladie apparaissant et disparaissant par
crises, des médecins on eut l'idée de tester aussi le lithium dans certains troubles de l'humeur apparaissant et
disparaissant périodiquement. Et cela a marché.
• L'iproniazide a été synthétisé en 1951 pour le traitement de la tuberculose. Rapidement on a constaté, chez
certains patients traités, l'apparition d'une certaine agitation avec euphorie. On a ensuite découvert que
l'iproniazide était un puissant inhibiteur d'une enzyme, la monoamine oxydase, responsable du métabolisme des
neurotransmetteurs. Ces deux constatations ont été à l'origine de travaux de recherche et de la découverte
d'une classe importante de médicament antidépresseurs, les IMAO (Inhibiteurs de la MonoAmine Oxydase).
• Le sildenafil est un médicament qui a été développé à l'origine pour traiter certaines maladies cardiaques en
raison de sa capacité à dilater les vaisseaux. Le médicament fut plutôt décevant pour les médecins, mais
certains patients masculins purent apprécier une certaine dilatation avantageuse de leur mâle anatomie sous
l'effet de ce médicament. Le Viagra était né.
• Le minoxidil est un antihypertenseur avec pas mal d'effets secondaires. Parmi ces effets, une tendance à faire
pousser poils et cheveux, ce qui n'est pas forcément agréable chez les femmes qui doivent le prendre, mais qui
a donné des idées pour développer un autre usage de ce médicament : utilisé en lotion capillaire, le minoxidil est
aujourd'hui indiqué en cas de chute de cheveux modérée (alopécie androgénétique) de l'adulte, homme ou
femme. Il favorise la pousse des cheveux et stabilise le phénomène de chute.
Enfin, l'efficacité clinique d'un antipaludéen (traitement du paludisme) pour lutter contre l'infection par le terrible virus
Ebola a été découverte presque fortuitement, lorsque le centre de soins de Foya au Liberia s'est trouvé en rupture de
stock d'artemether-lumefantrine. Pendant deux semaines, les patients ont donc été traités avec une autre
association antipaludéene, l'artesunate-amodiaquine, et les médecins ont constaté une réduction de la mortalité des
patients infectés par Ebola (Gignoux E 2016).
Même les médicaments les plus modernes et high-tech, sensés agir de façon précise et pointue, font parfois l'objet
de découverte d'effets non prévus : des médicaments "anticytokines", utilisés dans le traitement de maladies
inflammatoires chroniques (rhumatismes ou maladies intestinales par exemple) ont vu leur propriété antidépressive
révélée par une méta-analyse de 2016 (Kappelmann N et coll.). En analysant les données de vingt études sur les
anticytokines, ces chercheurs britanniques ont constaté un effet antidépresseur significatif chez les patients souffrant
de dépression, indépendamment de l'effet du médicament sur leur maladie inflammatoire.
D'une façon générale, il y a peut être déjà dans nos armoires à pharmacie les traitements de demain pour des
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