IMMUNOHISTOCHIMIE ET TUMEURS ENDOCRINES Jean-Yves Scoazec Service d’Anatomie et Cytologie Pathologiques Hôpital Edouard Herriot, Hospices Civils de Lyon INSERM UMR865, IFR62 Lyon Tumeurs endocrines • Tumeurs formées de cellules néoplasiques présentant des caractéristiques structurales, phénotypiques et fonctionnelles rappelant celles des cellules endocrines normales Tumeurs endocrines • Tumeurs formées de cellules néoplasiques présentant des caractéristiques structurales, phénotypiques et fonctionnelles Marqueurs diagnostiques: rappelant celles des cellules mettre en évidence ou endocrines confirmer normalesla différenciation endocrine des cellules tumorales Tumeurs endocrines • Tumeurs formées de cellules néoplasiques présentant des caractéristiques structurales, phénotypiques et fonctionnelles Marqueurs diagnostiques: rappelant celles des cellules mettre en évidence ou endocrines confirmer normalesla différenciation endocrine des cellules tumorales Tumeurs endocrines: un groupe hétérogène • Hétérogénéité structurale et fonctionnelle: – Tumeurs formées de cellules sécrétant des hormones peptidiques (ou des dérivés d’aminoacides) – Tumeurs formées de cellules sécrétant des Marqueurs diagnostiques: hormones stéroïdes Révéler des profils phénotypiques • Hétérogénéité histogénétique: différents pour contribuer à la – Tumeurs d’origine épithéliale T classification des tumeurs – Tumeurs d’origine neuro-ectodermique endocrines • Hétérogénéité topographique • Hétérogénéité génétique Tumeurs endocrines: les questions clés • Evaluer le risque de malignité et prédire l’évolution • Guider le traitement Marqueurs pronostiques: aider à la prédiction du risque évolutif et au choix du traitement Les tumeurs «endocrines» • Thyréocytes • Tumeurs thyroïdiennes (vésiculaires, papillaires, …) • Cellules endocrines productrices de peptides ou d’amines • Tumeurs endocrines • Cellules endocrines productrices de stéroïdes • Tumeurs endocrines de la corticosurrénale et des gonades – d’origine épithéliale: tumeurs (neuro)endocrines – d’origine neuroectodermique: carcinome médullaire de la thyroïde, paragangliomes, phéochromocytomes Les outils du diagnostic immunohistochimique Une gamme étendue • Marqueurs généraux de différenciation: – Marqueurs endocrines et neuro-endocrines • Marqueurs spécifiques de lignées endocrines: – Hormones – Protéines liées à la synthèse et à la sécrétion d’hormones et d’amines biogènes – Facteurs de transcription Cellules endocrines secrétant des peptides Marqueurs endocrines : chromogranines A et B autres granines Expression de la chromogranine A dans le pancréas endocrine grains de sécrétion Large dense core granules Marqueurs neuroendocrines : NCAM CD57 petites vésicules Small synaptic vesicles Marqueurs neuro-endocrines : synaptophysine membrane cytosol Marqueurs neuro-endocrines : NSE PGP9.5 Expression de la synaptophysine dans l’intestin grêle Cellules endocrines secrétant des peptides Hormones peptidiques et amines biogènes grains de sécrétion Large dense core granules Profil hormonal Localisation et type Hormones principales Hypophyse ACTH, PRL, GH, TSH, FSH/ LH Parathyroïde Parathormone Carcinome médullaire de la thyroïde Calcitonine Thymus ACTH Poumons Sérotonine, calcitonine, bombésine Estomac Histamine, sérotonine, gastrine Duodénum Sérotonine, gastrine, somatostatine Jéjunum et iléon Sérotonine, substance P Appendice Sérotonine, substance P Côlon et rectum a/ Sérotonine, substance P b/ Entéroglucagon, PP/PYY Pancréas Insuline, glucagon, somatostatine, polypeptide pancréatique, VIP, gastrine, calcitonine Paragangliomes : Tête et cou Système sympathique Dopamine, noradrénaline Sérotonine, dopamine, noradrénaline Phéochromocytome (médullo-surrénale) Adrénaline, noradrénaline Cortico-surrénale Hormones stéroïdes Cellules endocrines secrétant des stéroïdes Pas de grains de stockage hormonal Marqueurs neuroendocrines : NCAM (glomérulée) reticulum endoplasmique lisse petites vésicules Small synaptic vesicles membrane cytosol Indétectables à l’état normal (sauf zone glomérulée?) Détectables en cas d’hyperplasie ou de néoplasie Marqueurs neuro-endocrines : NSE (glomérulée) Marqueurs neuro-endocrines : synaptophysine Les tumeurs endocrines Type Marqueurs généraux Chromogranine A Synaptophysine Tumeurs thyroïdiennes - - Tumeurs (neuro)endocrines, carcinome médullaire de la thyroïde, paragangliomes, phéochromocytome + + Tumeurs endocrines à stéroïdes - +/- Cellules endocrines secrétant des stéroïdes Hormones lipidiques, non directement détectables par IHC Cible IHC: enzymes impllquées dans la buiosynthèse des hormones stéroïdes (exemple: 17alpha-hydroxylase) reticulum endoplasmique lisse petites vésicules Small synaptic vesicles Facteurs de différenciation et de transcription • Cellules endocrines peptidergiques – Origine épithéliale – Dérivent des mêmes précurseurs que les autres types de cellules épithéliales du segment anatomique dans lequel elles sont localisées Rôle de l’immunohistochimie dans la démarche diagnostique Marqueurs diagnostiques • Intérêt pour le diagnostic positif • Intérêt pour le diagnostic différentiel • Intérêt dans des problèmes particuliers Les arguments du diagnostic positif • Arguments morphologiques • Arguments histochimiques • Arguments immunohistochimiques Aspects morphologiques Tumeur bien différenciée Tumeur peu différenciée Aspects morphologiques Tumeur bien différenciée Arguments histochimiques Coloration de Grimélius Cellules endocrines secrétant des peptides Arguments immunohistochimiques – Démonstration du phénotype endocrine • Un marqueur endocrine – Chromogranine A • Un ou plusieurs marqueurs neuroendocrines – Synaptophysine – NCAM (CD56) Sensibilité des marqueurs de différenciation 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 CgA Syn CD57 PGP9.5 Tumeurs endocrines digestives (n=121) NCAM Facteurs influençant la sensibilité des marqueurs de différenciation • Propriétés biologiques du marqueur • Contraintes techniques – Qualités de l’anticorps utilisé – Techniques de mise en évidence Sensibilité des marqueurs de différenciation • Chromogranine A: des limites de sensibilité – Propriétés biologiques – Qualité des anticorps Spécificité des marqueurs de différenciation • Chromogranine A • Synaptophysine • PGP9.5, Leu 7 • NCAM • NSE Démonstration du phénotype endocrine – Toujours fait en pratique – Peu utile si la tumeur est bien différenciée et morphologiquement typique : chromogranine A • CGA + SYN ± autre mq NE synaptophysine – Très utile si la tumeur est peu différenciée • SYN + autres mq NE ± CGA Phénotype en fonction du degré de différenciation Tumeurs bien différenciées Tumeurs peu différenciées Chromogranine A +++ +/- Synaptophysine +++ +++ +/- + NCAM Démonstration du phénotype endocrine • Intérêt majeur dans les tumeurs endocrines de présentation atypique – «Carcinoïdes» à cellules claires – «Carcinoïdes» à cellules caliciformes (adénocarcinoïdes) Particularités immunohistochimiques en fonction du type de tumeur • Mise en évidence de populations cellulaires additionnelles – Cellules sus-tentaculaires: • Paragangliomes • Tumeurs endocrines de l’appendice – Cellules gliales et ganglionnaires • Paragangliome gangliocytique • Expression de marqueurs inattendus – ACE dans les carcinomes médullaires de la thyroïde Cellules sus-tentaculaires Paragangliome, protéine S100 Cellules sus-tentaculaires • Tumeur endocrine bien différenciée de l’appendice Localisation et type Marqueurs généraux Marqueurs spécifiques Chromogranine A Synaptophysine Hypophyse + + Parathyroïde + + Carcinome médullaire de la thyroïde + + Thymus + + Poumons + + Estomac + + Duodénum + + Jéjunum et iléon + + Appendice + + Côlon + + Rectum - + Pancréas + + Paragangliomes : Tête et cou Système sympathique + + + + S100 Phéochromocytome (médullo-surrénale) + + S100 Cortico-surrénale, gonades - +/- ACE S100, CK20 Chromogranine B PLAP Diagnostic différentiel • Tumeur endocrine bien différenciée: formes rares de tumeurs épithéliales de morphologie «endocrinoïde» • Tumeur endocrine peu différenciée: autres formes de tumeurs morphologiquement peu différenciées (lymphomes, PNET, carcinome de Merkel …) Tumeurs bien différenciées Vimentine Tumeur pseudopapillaire et solide du pancréas Tumeurs peu différenciées synaptophysine cytokératine 20 Carcinome de Merkel Classification morphofonctionnelle Profil hormonal Localisation et type Hormones principales Hypophyse ACTH, PRL, GH, TSH, FSH/ LH Parathyroïde Parathormone Carcinome médullaire de la thyroïde Calcitonine Thymus ACTH Poumons Sérotonine, calcitonine, bombésine Estomac Histamine, sérotonine Duodénum Sérotonine, gastrine, somatostatine Jéjunum et iléon Sérotonine, substance P Appendice Sérotonine, substance P Côlon et rectum a/ Sérotonine, substance P b/ Entéroglucagon, PP/PYY Pancréas Insuline, glucagon, somatostatine, polypeptide pancréatique, VIP, gastrine, calcitonine Paragangliomes : Tête et cou Système sympathique Dopamine, noradrénaline Sérotonine, dopamine, noradrénaline Phéochromocytome (médullo-surrénale) Adrénaline, noradrénaline Cortico-surrénale Hormones stéroïdes Sérotonine Carcinome endocrine bien différencié de l’iléon Glucagon Tumeur endocrine bien différenciée du pancréas Plusieurs situations • Détection d’une ou plusieurs hormones – Expression d’une seule hormone – Expression de plusieurs hormones dans des populations différentes (exceptionnellement dans la même population) – Sécrétions eutopiques ou ectopiques • Pas d’hormone détectée – Absence de synthèse – Synthèse en quantité insuffisante – Synthèse de formes anormales (gastrine) Phénotype en fonction du degré de différenciation Tumeurs bien différenciées Tumeurs peu différenciées Chromogranine A +++ +/- Synaptophysine +++ +++ NCAM +/- + Hormones +/- - + ++ Neuropeptides Un point de terminologie • Notion de tumeur fonctionnelle: – Tumeurs associées à, ou révélées par, des symptômes cliniques traduisant une hypersécrétion hormonale – Exemple: • «insulinome»: tumeur endocrine associée à des crises d’hypoglycémie Profil hormonal • Faut-il toujours le faire ? – NON • Faut-il ne jamais le faire ? – NON – Applications: • classification morpho-fonctionnelle (hypophyse, pancréas) • aide à l’identification du site primitif devant une métastase révélatrice (hormone comme marqueur spécifique de tissu) • aide au contrôle de la qualité du traitement (tumeurs multiples) • aide pour la prise en charge ultérieure du malade (hormone comme marqueur tumoral) Problèmes diagnostiques particuliers Identification du site primitif d’une métastase révélatrice • Arguments morphologiques • Profil hormonal • Marqueurs spécifiques de tissu – Exemples: • VMAT2 (estomac) • NSP55 (pancréas) • Cdx2 (intestin) • TTF1 (thorax) Facteurs de transcription Cdx2 TTF1 Sensibilité et spécificité • CDX2: – Sensibilité: pas meilleure que celle de la détection de la sérotonine • TTF1: – Sensibilité: controversée – Spécificité: pas spécifique des lésions d’origine thoracique Phénotype en fonction du degré de différenciation Tumeurs bien différenciées Tumeurs peu différenciées Chromogranine A +++ +/- Synaptophysine +++ +++ NCAM +/- + Hormones +/- - Neuropeptides + ++ Facteurs de transcription + - (sauf TTF1) Identification d’un syndrome de prédisposition génétique • MEN1: MEN-1, ménine; hypophyse, parathyroïdes, thorax, intestin antérieur • MEN2: RET; carcinome médullaire de la thyroïde, paraganglions • VHL: VHL; pancréas, surrénale, paraganglions • TSC: TSC1 ou TSC2; pancréas • NF1: NF1; ampoule de Vater, surrénale, paraganglions • PGL (1, 3 et 4): SDHD, C, B; surrénales, paraganglions Identification d’un syndrome de prédisposition génétique • Arguments morphologiques inconstants – Exemple : hyperplasie endocrinienne dans le tissu cible (MEN1, MEN2) • Arguments immunohistochimiques – – – – MEN1: ménine MEN2: protéine RET TSC: hamartine et tubérine VHL: protéines HIF • Arguments génétiques Evaluation du risque de malignité et prédiction de l’évolution: quels marqueurs pronostiques ? Un problème d’importance variable selon la localisation • Incidence de tumeurs malignes en fonction du site: – Hypophyse, parathyroïdes: exceptionnelle – Bronches: 20% – Tube digestif: 60% – Surrénales: rare Quatre questions • Comment identifier une tumeur d’emblée maligne ? • Comment identifier une tumeur susceptible de se comporter à terme comme une tumeur maligne ? • En cas de tumeur maligne, comment prédire la vitesse d’évolution ? • Peut-on orienter le choix d’un traitement et/ou prédire la réponse à un traitement ? Définition de la malignité • Signes objectifs: – Différenciation morphologique – Evidence d’une dissémination métastatique – Evidence d’une invasion locale • Signes prédictifs: – Facteurs histopronostiques En l’absence de signe objectif de malignité: quels signes prédictifs ? • Facteurs histopronostiques validés – Taille – Nécrose – Indices de prolifération • Index mitotique • Index Ki67 Mieux évaluer le risque évolutif des carcinomes endocrines digestifs bien différenciés • Proposition de grade histologique (ENETS, 2006) Carcinomes bien différenciés Carcinomes peu différenciés Mieux évaluer le risque évolutif des carcinomes bien différenciés • Proposition de grade histologique (ENETS, 2006) Carcinomes bien différenciés Quel traitement ? Quelle surveillance ? Quelles sont les limites des paramètres histopronostiques «validés» ? • Techniques de mesure ou d’évaluation • Reproductibilité • Définition des seuils Justification d’études et de travaux complémentaires pour améliorer les techniques d’évaluation et l’interprétation des paramètres histopronostiques «validés» Aide à l’identification des formes agressives • Exemple: p53 – Expression nucléaire caractéristique des formes peu différenciées Phénotype en fonction du degré de différenciation Tumeurs bien différenciées Tumeurs peu différenciées Chromogranine A +++ +/- Synaptophysine +++ +++ NCAM +/- + Hormones +/- - Neuropeptides + ++ Facteurs de transcription + - (sauf TTF1) Ki67 <20% >20% p53 - ++ Un besoin de marqueurs complémentaires • Affiner l’évaluation du pronostic • Aider à la prise en charge thérapeutique : – guider le choix de la stratégie thérapeutique – prédire la réponse au traitement – monitorer les effets du traitement Affiner l’évaluation du pronostic Plusieurs stratégies • Approche «traditionnelle» : choix de marqueurs a priori et validation à travers une étude anatomoclinique – Quelques exemples: • beta-HCG • cytokératine 19 • densité vasculaire intra-tumorale – Beaucoup d’appelés … peu d’élus • Justification biologique ? • Validation clinique ? • Faisabilité et reproductibilité ? DVIT>300 DVIT<300 De nouvelles stratégies • Approche «moléculariste»: analyse globale par techniques à haut débit, identification de marqueurs potentiels, validation anatomoclinique et transfert vers le diagnostic – Cibles: • • • • • Génome (exemple: LOH 3q, chromosome X) Transcriptome Méthylation des promoteurs Profil des miRNA Protéome – Etat des lieux: • Un petit nombre d’études • Des résultats variables • Une validation clinique et un transfert vers le diagnostic à faire Aider à la prise en charge thérapeutique Plusieurs exemples • Identification de cibles de biothérapies – mTOR – Récepteurs de la somatostatine – Récepteurs tyrosine kinase • Identification de facteurs de réponse au traitement – MGMT (témozolomide) sst2 MGMT Conclusion • Des marqueurs diagnostiques bien établis, validés, utiles au diagnostic positif et différentiel • Des marqueurs pronostiques difficiles à valider techniquement et cliniquement