La consultation d`oncologie génétique : qui, pourquoi, comment ?

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Comment prendre en compte le risque génétique ?
La consultation d’oncologie génétique :
qui, pourquoi, comment ?
Cancer genetics clinics: what for?
Mots-clés : Oncogénétique – BRCA1/2 – Cancer du sein – Cancer de l’ovaire –
Dépistage – Chirurgie prophylactique.
Keywords: Cancer genetics clinics – BRCA1/2 – Breast cancer – Ovary cancer –
Screening – Prophylactic surgery.
C. Noguès*
T
enir compte de l’histoire familiale des cancers pour estimer le risque pour
une femme de développer un cancer du sein n’est pas toujours aisé. Certaines
histoires familiales sont dues à l’existence d’une anomalie génétique constitutionnelle prédisposant au cancer du sein (dite majeure). Néanmoins agrégation
familiale et prédisposition génétique héritée ne sont pas synonymes. Lorsqu’il s’agit
de pathologies aussi fréquentes que le cancer du sein et, dans une moindre mesure,
de l’ovaire (respectivement près de 50 000 et 4 400 nouveaux cas par an en France),
il peut s’agir d’une accumulation fortuite de cas de cancers, de l’existence de facteurs
environnementaux ou de facteurs génétiques mineurs (susceptibilité).
On considère qu’environ 5 % des cancers du sein et de l’ovaire se développent
chez des personnes ayant une prédisposition génétique de transmission autosomique
dominante (d’origine aussi bien maternelle que paternelle).
L’orientation vers une consultation d’oncogénétique se fait devant une histoire
individuelle ou familiale inhabituelle, afin d’évaluer la probabilité de l’existence d’une
prédisposition héréditaire que les tests génétiques peuvent permettre d’objectiver et,
d’autre part, afin d’évaluer les risques de cancer et d’adapter la prise en charge.
* Service d’épidémiologie clinique, oncogénétique, Inserm U735, centre René-Huguenin,
Saint-Cloud.
30 es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008
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C. Noguès
État des lieux
Le syndrome sein-ovaire (BRCA1/2)
Il y a une dizaine d’années, l’identification des gènes BRCA1 et BRCA2, respectivement situés sur les chromosomes 17(q21) et 13(q12-13) et codant pour des
protéines impliquées dans la réparation des lésions de l’ADN, a constitué une
avancée majeure. La recherche de mutation constitutionnelle (MC) de BRCA1/2 est
maintenant de pratique médicale courante (dans le cadre d’un dispositif légal bien
codifié).
Les risques principaux de cancers associés à une MC de BRCA1/2 concernent la
survenue d’un cancer du sein et/ou des ovaires [1-4]. Les estimations du risque cumulé
(pénétrance) de cancer pour les femmes ayant une MC de BRCA1/2 sont de l’ordre
de 40 à 85 % de développer un cancer du sein à 70 ans pour BRCA1 et BRCA2 contre
8 % dans la population générale, et de 20 à 60 % pour le cancer de l’ovaire pour
BRCA1 et de 6 à 27 % pour BRCA2 contre 1 % dans la population générale. Le risque
ovarien lié à BRCA1 est nettement plus élevé avant 50 ans que celui associé à BRCA2.
Le risque de développer un cancer du sein précocement (avant l’âge de 45 ans) est
de 25 % en cas d’implication du gène BRCA1, et de 7 % pour le gène BRCA2.
Il n’est pas possible aujourd’hui d’établir de lien entre telle mutation et la survenue
de tel type de cancer (sein, ovaire...), ni d’estimer les risques en fonction de la lourdeur
de l’histoire familiale, notamment par rapport à l’âge de survenue.
Le risque relatif d’autres cancers que ceux du sein et de l’ovaire est faible, hormis
le cancer de la trompe. Il est très probable qu’il existe un excès modéré de risque de
cancer de la prostate chez les hommes porteurs d’une mutation. Par ailleurs, pour
un homme porteur d’une mutation BRCA2, le risque cumulé de cancer du sein à
70 ans a été estimé à 5 %.
Les MC BRCA1 et BRCA2 n’expliquent pas l’ensemble des familles où une prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire est évoquée. Il doit donc exister d’autres
gènes majeurs responsables des cas familiaux, mais, en dépit de nombreuses recherches, ils n’ont pas encore été identifiés, sans doute en raison de l’hétérogénéité des
familles étudiées, chaque gène ne pouvant expliquer qu’une très faible proportion de
familles. Aucun nouveau gène BRCAx n’a été retenu. De nouvelles analyses de ségrégation sont plutôt en faveur d’un modèle récessif ou polygénique, rendant plus difficile l’identification des gènes responsables.
Autres syndromes héréditaires connus
D’autres syndromes héréditaires, tous de transmission autosomique dominante,
comportent un excès de risque de cancer du sein mais sont exceptionnels : syndrome
de Li-Fraumeni et mutation du gène TP53, maladie de Cowden et mutation du gène
PTEN, syndrome de Peutz-Jeghers et mutation du gène STK11.
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30 es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008
La consultation d’oncologie génétique : qui, pourquoi, comment ?
Les indications pour une consultation d’oncogénétique
Dans l’immense majorité des cas, l’indication d’une consultation d’oncogénétique
repose sur l’identification des formes familiales de cancer du sein et des ovaires.
Il n’y a pas de caractéristique individuelle ou tumorale spécifique des cancers du
sein survenant dans un cadre de prédisposition. En pratique, on retient seulement
des éléments d’orientation à une prédisposition : l’âge jeune au diagnostic, l’atteinte
bilatérale, l’association à un cancer de l’ovaire (ou à une carcinose péritonéale primitive), la présence d’un cancer très rare comme un cancer de la trompe ou un cancer
du sein chez un homme. Le type médullaire de cancer du sein est rencontré dix fois
plus souvent dans un contexte BRCA1 que dans un contexte sporadique. Des tumeurs
de grade SBR III, négatives pour les récepteurs hormonaux, sans amplification de
HER2, voire avec un profil basal, sont également fréquentes dans ce cadre.
La reconstitution de l’histoire familiale est donc primordiale, impliquant la
connaissance précise des diagnostics des tumeurs des apparentés, tant dans la branche
paternelle que maternelle. Des critères de sélection de recherche de MC ont été proposés en France par l’expertise collective INSERM-FNLCC en 1998 [1], revus en 2004
[2]. Ils sont toujours d’actualité en 2008. Une analyse moléculaire BRCA1/2 est proposée si la probabilité de prédisposition héréditaire est de 25 %, ce qui correspond à
un taux de détection d’une mutation de 10 à 15 %, d’où les exemples de situations
familiales évocatrices décrits dans le tableau I.
L’établissement d’un score familial peut permettre de poser l’indication d’une
consultation sur des critères volontairement simples pour être facilement utilisables
en pratique (tableau II). Il peut également servir de base à l’indication d’une
recherche de mutation.
TABLEAU I. Exemples de situations familiales avec probabilité de détection d’une mutation d’au moins
10 %.
Au moins trois cas de cancer du sein ou de l’ovaire appartenant à la même branche parentale et
survenant chez des personnes apparentées au premier ou au second degré, si transmission par
un homme.
Deux cas de cancer du sein chez des apparentées du premier degré dont l’âge au diagnostic d’au
moins un cas est inférieur ou égal à 40 ans.
Deux cas de cancer du sein chez des apparentés du premier degré dont au moins un cas est
masculin.
Deux cas chez des apparentées du premier degré dont au moins un cas est un cancer de l’ovaire.
Association d’un cancer du sein et d’un cancer primitif de l’ovaire.
Cancer du sein chez un homme.
Cancer du sein diagnostiqué à moins de 35 ans.
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C. Noguès
TABLEAU II. Indications de consultation de génétique.
Mutation de BRCA1/2 identifiée dans la famille
5
Cancer du sein chez une femme avant 30 ans
4
Cancer du sein chez une femme entre 30 et 39 ans
3
Cancer du sein chez une femme entre 40 et 49 ans
2
Cancer du sein chez une femme entre 50 et 70 ans
1
Cancer du sein chez un homme
4
Cancer de l’ovaire
3
Additionner chaque cas de la même branche parentale : 5 = excellente indication ; 4 ou 3 = indication possible ; 2
ou 1 = utilité médicale faible.
Pour le calculer, il faut additionner les poids respectifs de chaque situation envisagée dans le tableau, en séparant bien chaque branche familiale (par exemple, on
ne comptabilise pas dans le même score un cas de cancer du sein chez une tante
paternelle et chez une tante maternelle) et en ne retenant que des personnes ayant
des gènes en commun. Si une personne est atteinte de plusieurs cancers différents
(sein + ovaire), les poids de chaque situation s’ajoutent, en tenant compte de l’âge
de survenue. S’il existe des cas de cancers du sein et des ovaires dans les deux branches
familiales, le score le plus élevé sera retenu. Selon le score familial obtenu, l’indication
d’une consultation d’oncogénétique est considérée comme excellente, possible, ou
d’utilité médicale faible.
Il faut néanmoins souligner que les indications retenues par le calcul de ce score
ne correspondront pas toutes à une prédisposition héréditaire et, à l’inverse, que de
bonnes indications peuvent ne pas être repérées par ce mode de calcul. Ce score n’a
pas fait l’objet d’études de sensibilité.
Déroulement de la consultation d’oncogénétique
Déroulement de base d’un test génétique :
• Consultation(s) – temps 1 – : motif de la démarche et attentes, reconstitution de l’histoire familiale,
+/– indication test, information individuelle/familiale, support écrit.
• Période de réflexion, accompagnement psychologique proposé.
• Consultation – temps 2 – : information bis, consentement.
• Analyse laboratoire : 7 mois cas index, 1 mois test ciblé.
• Consultation(s) – temps 3 – : résultat, organisation du suivi éventuel, RCP, accompagnement psychologique, diffusion familiale de l’information.
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30 es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008
La consultation d’oncologie génétique : qui, pourquoi, comment ?
L’évaluation du risque familial
Toutes les personnes concernées en raison de leur histoire familiale de cancer
peuvent prendre rendez-vous elles-mêmes ou, mieux, par l’intermédiaire de leur
médecin traitant. Le délai d’attente varie d’un centre d’oncogénétique à l’autre et peut
être long pour un premier contact avec la famille (plusieurs mois), mais il y a rarement
de caractère d’urgence. Il s’agit d’une démarche qui nécessite un délai de réflexion.
La demande de la personne doit être considérée en premier lieu, aussi bien dans
une indication un peu limite et si la demande est nettement formulée que, a contrario,
si la consultante est réticente vis-à-vis de cette démarche, même si le risque familial
est très élevé.
Qui vient à la consultation d’oncogénétique ?
Il n’est pas nécessaire, dans un premier temps, que plusieurs membres de la famille
se rendent à la consultation. La personne qui vient devra en revanche avoir collecté
le maximum d’informations pour permettre d’évaluer son risque familial de cancer.
Si des tests génétiques sont indiqués, il sera souhaitable de voir en consultation
une personne de la famille atteinte d’un cancer du sein ou de l’ovaire. Ces consultations peuvent avoir lieu dans des villes différentes pour les membres d’une même
famille : le réseau national le permet.
Que fait-on lors d’une consultation d’oncogénétique ?
La première entrevue est une consultation d’information collectant les données
de l’histoire familiale. Un arbre généalogique est dessiné. Ces éléments permettent
d’évaluer le risque de cancer et d’adapter la surveillance (ou la prise en charge médicale). La réalisation des tests génétiques sera indiquée uniquement chez les personnes
présentant un risque élevé. En général, aucune analyse ou prélèvement n’est réalisé
au cours de la première consultation, le consentement éclairé écrit de la patiente
étant requis. Une période de réflexion est recommandée avant de les réaliser et la
personne pourra rencontrer un psychologue dans ce laps de temps.
La réalisation du test génétique
Les analyses moléculaires sont actuellement proposées lorsque l’histoire d’une
famille est compatible avec la transmission autosomique dominante d’un gène de
prédisposition.
Chez qui est réalisé le test génétique ?
Il concernera une personne atteinte si possible parmi celles atteintes à l’âge le plus
jeune, dans la mesure où elles ont la probabilité la plus élevée d’être porteuse d’une
anomalie génétique constitutionnelle. Dans les familles où aucune personne atteinte
n’est accessible, il peut être envisagé chez d’autres membres de la famille, après évaluation oncogénétique.
30 es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008
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C. Noguès
Comment le test est-il réalisé ?
Ces examens sont généralement pratiqués à partir d’un prélèvement sanguin par
l’étude de l’ADN génomique lymphocytaire. Deux prélèvements indépendants sont
nécessaires pour s’assurer du résultat en cas de mutation prouvée.
Délai de réponse
Il va dépendre de la situation familiale : soit on suspecte une mutation, soit la
mutation est déjà identifiée dans la famille. Dans la première situation, le test génétique consiste à rechercher une mutation sur l’un des deux gènes actuellement
connus : BRCA1 et BRCA2. Il existe de nombreuses mutations différentes réparties
sur l’ensemble de ces deux gènes. Il faut donc effectuer une recherche complète,
chaque famille ayant en quelque sorte sa mutation. Le délai d’obtention des résultats
est encore à l’heure actuelle de 7 mois en moyenne (source INCa). Dans la seconde
situation (anomalie identifiée dans la famille), la recherche de cette anomalie est
proposée aux apparentés et la réponse sera plus rapide (en moyenne 4 semaines), car
le test est ciblé uniquement sur l’altération connue dans la famille.
Les résultats
Quels que soient les résultats, ils seront rendus à la personne qui a fait l’objet des
prélèvements, lors d’un entretien personnel au cours d’une nouvelle consultation
d’oncogénétique. La confidentialité des informations doit être respectée : les résultats
ne peuvent être transmis à qui que ce soit sans l’autorisation de l’intéressé. On incitera
la personne à diffuser cette information dans sa famille (l’équipe d’oncogénétique
aide l’interéssé dans cette démarche).
Si une mutation génétique est diagnostiquée pour la première fois dans la famille,
on dispose alors d’un test biologique facile à mettre en œuvre chez les membres
majeurs de la famille qui en font la demande auprès d’un oncogénéticien. Ne pas
retrouver cette mutation chez la personne testée signifie qu’elle n’a pas hérité de
l’anomalie familiale et qu’elle ne pourra donc pas la transmettre. Ce test permet de
rassurer et d’écarter de la surveillance intensive les femmes qui ne présentent pas la
mutation identifiée dans leur famille (leur risque est celui de la population générale)
et de proposer aux autres femmes une prise en charge optimale.
Si aucune mutation n’est retrouvée, il n’est pas possible d’éliminer pour autant
l’existence d’une prédisposition héréditaire, soit en raison du manque de sensibilité
des techniques utilisées, soit par implication de gènes qui ne seraient pas encore
identifiés. Le risque qui persiste est alors évalué en fonction du poids de l’histoire
familiale.
Au final, le parcours médical en vue de dépister et de détecter si besoin une
mutation génétique à l’origine d’une histoire familiale de cancer du sein et/ou de
l’ovaire est long et se fait par étapes : élaboration de l’arbre généalogique, collecte des
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30 es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008
La consultation d’oncologie génétique : qui, pourquoi, comment ?
informations médicales des personnes atteintes, indication et réalisation de tests génétiques, résultats dans un délai de plusieurs mois pour une première analyse dans la
famille, recommandations des mesures de dépistage et de prévention appropriées.
Le poids du vécu d’une histoire familiale et la nécessité dans certains cas de devoir
mobiliser plusieurs membres de la famille rendent toutes ces étapes parfois difficiles.
Les hésitations sont fréquentes dans les familles, les réactions divergent d’une personne à l’autre et les avis des uns et des autres peuvent changer avec le temps. Le
respect du choix de chaque personne est important [5]. Tout au long de ce parcours,
l’équipe d’oncogénétique est là non seulement pour l’aspect médical technique, mais
aussi pour aider la personne concernée dans son parcours personnel et familial.
Prise en charge individuelle envisageable en 2008
La connaissance du risque héréditaire modifie la prise en charge médicale des
membres d’une famille à risque.
Les mesures qui permettent de prendre en charge de façon optimale les risques de
cancer sont largement discutées. À l’échelle nationale, des recommandations de bonnes
pratiques professionnelles à la demande du ministre de la Santé sur les différentes
options possibles existent. Les décisions (en particulier de chirurgie prophylactique)
sont prises dans le cadre d’une démarche pluridisciplinaire concertée et partagée.
Chez les femmes asymptomatiques porteuses d’une mutation BRCA1/2, la mise
en place d’une surveillance précoce clinique (dès 20 ans 2 à 3 fois par an) et mammographique (dès 30 ans une fois par an, avec au moins deux incidences par sein et
double lecture comparative des clichés) est recommandée. L’échographie est couplée
à la mammographie. L’efficacité du dépistage par imagerie du sein est probable et
bénéficie de la valeur ajoutée de protocoles fondés sur l’IRM annuelle des seins,
couplée à la séquence mammographie/échographie. Six études prospectives publiées
depuis 2004 vont dans ce sens [6] ; le rendement global de l’IRM semble être aussi
bon, voire meilleur, que la mammographie, mais sa place dans la stratégie de dépistage
reste à préciser. Afin d’assurer une prise en charge optimale, le recours à des équipes
ou centres spécialisés en imagerie du sein (assurant les trois types de techniques) et
pouvant prendre en charge les prélèvements à effectuer si besoin paraît essentiel.
La chirurgie prophylactique (mastectomie bilatérale prophylactique complète)
peut être envisagée, en respectant une liste de critères définis et sous réserve d’une
qualité de vie postintervention compatible avec le niveau de protection attendue. Une
reconstruction mammaire immédiate doit être systématiquement proposée. Cette chirurgie prévient efficacement (au moins à 90 %) la survenue de cancer du sein chez
les porteuses de MC BRCA1/2.
En France, le suivi épidémiologique de plus de 1 500 porteurs d’une altération
génétique de BRCA1/2 (recul moyen de 3 ans) montre que ces interventions sont
encore très peu réalisées puisqu’elles concernent seulement 5 % des 702 femmes non
atteintes de cette cohorte (cohorte nationale Genepso, données non publiées).
30 es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008
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C. Noguès
Le risque de cancer de l’ovaire des femmes prédisposées pose le problème de la
prise en charge spécifique à proposer, compte tenu de l’efficacité médiocre des
mesures existantes de surveillance clinique et échographique et de la gravité de cette
maladie. Le suivi ovarien annuel par échographie pelvienne endovaginale débute à
l’âge de 35 ans, mais l’impact du dépistage ovarien est discutable. L’efficacité de la
chirurgie prophylactique (annexectomie bilatérale) a été confirmée et quantifiée. Cette
intervention généralement sous cœlioscopie est recommandée à partir de l’âge de
40 ans et au terme du projet parental, l’âge pouvant être modulé selon le gène en
cause et selon l’histoire familiale. La réduction de fréquence du cancer du sein en cas
d’ovariectomie (de l’ordre de 50 %) augmente encore l’impact de cette intervention.
Cette réduction de risque a été systématiquement retrouvée dans toutes les études
publiées [7].
Dans le cadre de la cohorte Genepso (données non publiées), l’annexectomie préventive est beaucoup plus diffusée (50 % après 40 ans, 58 % après 50 ans).
La question de l’hormonoprévention des cancers du sein liés aux gènes BRCA1/2
mérite d’être posée car elle constitue à l’heure actuelle la seule alternative préventive
à la mastectomie. La réduction de risque liée à l’ovariectomie, mais aussi la grande
spécificité tissulaire mammaire et ovarienne des cancers imputables à BRCA1/2 ainsi
que la faible pénétrance du cancer du sein chez l’homme porteur montrent que la
cancérogenèse BRCA1/2 est sensible aux œstrogènes, malgré la faible expression des
RE dans les tumeurs BRCA1 avérées. L’utilisation du tamoxifène, comme celle du
raloxifène, pour la prévention des cancers du sein chez les femmes à risque reste
controversée. Quoiqu’il en soit, ces molécules n’ont reçu aucune AMM en France
dans cette situation. D’autres composés tels que les antiaromatases sont également
testés en chimioprévention. En France, un protocole de phase III (essai LIBER)
comparant l’efficacité préventive du létrozole par rapport au placebo chez la femme
ovariectomisée ou ménopausée porteuse d’une MC BRCA1/2 vient d’être ouvert aux
inclusions en 2008.
Organisation de l’oncogénétique en France
Les consultations d’oncogénétique se sont développées dès le début des années
1990 pour répondre aux attentes des familles. L’identification des gènes de prédisposition au cancer du sein (BRCA1 en 1994 et BRCA2 en 1995) a permis l’introduction de tests biologiques chez les personnes à haut risque.
Ces consultations se sont structurées avec les laboratoires et avec tous les intervenants concernés autour du groupe Génétique et Cancer de la Fédération nationale
des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC) créé en 1991 (www.fnclcc.fr).
Toutes les étapes de cette prise en charge sont encadrées par la législation française
(notamment par les lois Bioéthique du 29 juillet 1994, complétées par la loi du
4 février 1995, puis par le décret du 23 juin 2000 et ses arrêtés) : “Chez une personne
asymptomatique mais présentant des antécédents familiaux, la prescription d’un examen
190
30 es journées de la SFSPM, La Baule, novembre 2008
La consultation d’oncologie génétique : qui, pourquoi, comment ?
des caractéristiques génétiques ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation
médicale individuelle effectuée par un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire rassemblant des compétences cliniques et génétiques. Cette équipe doit se doter
d’un protocole de prise en charge et être déclarée au ministre chargé de la Santé. La
personne doit être informée des caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens de
la détecter, des possibilités de prévention et de traitement.”
Le dispositif a bénéficié du plan Cancer dès 2002, avec plusieurs soutiens financiers
successifs (www.e-cancer.fr) permettant aujourd’hui un large accès dans un cadre
garantissant éthique, confidentialité, qualité et gratuité des tests. Différents documents faisant le point sur l’évolution et l’actualité de la discipline sont disponibles
sur le site.
À l’heure actuelle, au niveau national, 90 sites de consultations d’oncogénétique
sont répartis sur tout le territoire dans 63 villes. Toutes les régions sont couvertes.
La liste des consultations est disponible sur les sites précédemment cités ainsi que
sur les sites d’Orphanet (www.orpha.net, site des maladies rares), de la Ligue nationale
contre le cancer, et de différentes associations de patients.
L’accès aux tests de prédisposition génétique des cancers repose sur la consultation
d’oncogénétique où ces tests sont prescrits, selon le risque évalué par l’oncogénéticien.
Ces tests sont réalisés par un réseau de laboratoires référents.
Sur la période 2003-2006 (source INCa), près de 4 000 nouvelles femmes ont été
identifiées comme porteuses d’une MC BRCA1/2, la moitié d’entre elles ayant déjà
eu un premier cancer. Mais, pour près de 10 000 cas index, l’analyse BRCA1/2 n’a
pas permis d’identifier de mutation délétère ; on considère que pour au moins la
moitié d’entre eux, le risque résiduel familial reste très élevé et justifie une prise en
charge familiale proche de celle des femmes porteuses d’une MC. Ces chiffres soulignent l’importance des enjeux de l’organisation de la prise en charge du risque familial
en termes de qualité et d’accessibilité.
Références bibliographiques
[1] Expertise collective FNCLCC-INSERM. Risques héréditaires de cancers du sein et de l’ovaire :
quelle prise en charge ? Expertise collective INSERM, Fédération nationale des centres de lutte contre
le cancer. Éd. INSERM, Paris, 1998 (635 p.).
[2] Eisinger F, Bressac B, Castaigne D et al. Identification et prise en charge des prédispositions
héréditaires aux cancers du sein et de l’ovaire (mise à jour 2004). Bull Cancer 2004;91:219-37.
[3] Antoniou A, Pharoah PD, Narod S et al. Average risks of breast and ovarian cancer associated
with BRCA1 or BRCA2 mutations detected in case series unselected for family history: a combined
analysis of 22 studies. AM J Hum Genet 2003;72:1117-30.
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[5] Julian-Reynier C, Pierret J, Eisinger F. Prédisposition génétique aux cancers: questions psychologiques et débats de société. Ed. John Libbey, Paris, 2005 (116 p.).
[6] Dent R, Warner E. Screening for hereditary breast cancer. Semin Oncol 2007;34:392-400.
[7] Kauff ND, Barakat RR. Risk-reducing salpingo-oophorectomy in patients with germline mutations in BRCA1 or BRCA2. J Clin Oncol 2007;25:2921-7.
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