Croissance américaine : récession ou simple ralentissement ?

Croissance américaine :
récession ou simple ralentissement ?
LAZARD FRERES GESTION S.A.S au capital de 14.487.500- 352 213 599 RCS Paris
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1er mars 2016
1/5
1. LA BAISSE DE LINDICE ISM MANUFACTURIER
SOUS LES 50 NEST PAS SYNONYME DE
RÉCESSION
Il ne faut pas se reposer sur le faible poids du secteur
manufacturier dans l’économie pour écarter d’un
revers de main les signaux envoyés par ce secteur. En
effet, bien que son poids ne dépasse pas les 15%du
PIB, il contribue à presque 30%de la volatilité de la
croissance économique (voir graphique 1). C’est donc
un des secteurs les plus importants à suivre et c’est
pourquoi l’ISM manufacturier est un indice important.
Pour autant, l’histoire montre qu’il faut voir l’ISM
manufacturier, et tout particulièrement la composante
des nouvelles commandes, atteindre des niveaux
beaucoup plus bas pour qu’il signale une récession
avec une forte probabilité. Ce n’est qu’en dessous de
45 que la probabilité commence à devenir importante
(voir graphique 2).
Au-delà du niveau des indicateurs, c’est souvent leur
variation qu’il faut prendre en compte mais une forte
baisse de l’indice ISM manufacturier n’est pas
systématiquement suivie d’une récession. En effet, la
durée des cycles du secteur manufacturier est souvent
plus courte que celle de l’ensemble de l’économie
La résurgence des craintes d’une entrée en récession des États-Unis fait partie des motifs qui ont pesé sur les marchés financiers
ces derniers mois (voir notre note « Les quatre peurs du marché »).Les premières données d’activité disponibles pour le mois de
janvier (ventes au détail hors éléments volatils en hausse de 0,6%, production manufacturière en hausse de 0,5% et rebond
marqué des commandes de biens d’investissement) semblent éloigner ce risque àcourt terme, mais avec la publication d’indices
PMI avancés décevants pour le mois de février, la question restera sans doute dans l’esprit d’un grand nombre d’investisseurs.
L’économie américaine est-elle en passe de traverser une nouvelle récession ?Quels en sont les facteurs annonciateurs ?
Graphique 1
Contributions au PIB et àla volatilité
Période 1990-2014,données annuelles
Sources : Lazard, BEA
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de mars 2016 et est susceptible de changer.
GRAPHIQUES CLÉS
Graphique 2
Probabilité d’être dans un trimestre de croissance négative en
fonction du niveau de l’indice ISM manufacturier
Sur la base des données de la période 1948-2015
Sources : Lazard, Factset
-5%
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
Secteur
manufacturier
Commerce
de gros
Activités financières
et immobilières
Construction
Commerce
de détail
Services aux
entreprises
Loisirs
Information
Transports
et stockage
Autres services
Services aux
collectivités
Agriculture
Gouvernement
Education
et santé
Activités minières
Contribution à la volatilité Poids dans le PIB
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
27,5-30
30-32,5
32,5-35
35-37,5
37,5-40
40-42,5
42,5-45
45-47,5
47,5-50
50-52,5
52,5-55
55-57,5
57,5-60
60-62,5
62,5-65
65-67,5
67,5-70
70-72,5
72,5-75
75-77,5
77,5-80
Niveau actuel
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(voir graphique 3) et l’on peut observer plusieurs
corrections dans une expansion économique.
Aujourd’hui,la faiblesse du secteur manufacturier
s’explique principalement par deux choses :
1. la correction d’un niveau élevé de stockage dans
un certain nombre de secteurs ;
2. les conséquences de la baisse du prix du pétrole
sur l’investissement dans les secteurs extractifs,
c’est-à-dire en grande partie les exploitations de
pétrole de schiste (voir graphique 4).
Concernant ces deux éléments, il est probable que
nous soyons plus proches de la fin de la correction que
du début.
2. QUELS SONT LES FACTEURS ANNONCIATEURS DUNE
RÉCESSION ?
Les arguments évoqués pour annoncer l’arrivée d’une
récession aux États-Unis sont de plusieurs natures :
1. La durée de la phase d’expansion actuelle. Cet
argument repose sur l’idée qu’une expansion
économique ne peut durer éternellement et que
l’expansion actuelle ayant déjà dépassé
largement la durée moyenne d’une phase de
croissance, la récession est pour bientôt.
Appliquant la même méthodologie que celle
sous-jacente aux tables de mortalité, Glenn
Rudebush démontre dans une étude(1) que
depuis la deuxième guerre mondiale, la
probabilité que l’économie américaine entre en
récession dans les prochains mois n’augmente
pas particulièrement avec la durée de
l’expansion économique, à l’inverse de ce qui se
passait auparavant. Ceci s’explique notamment
par le développement entre les deux périodes
des services, beaucoup moins volatils et du rôle
du gouvernement dans la gestion du cycle
économique, souvent contracyclique.
2. La baisse du taux de profit. En réalité, dans les
phases d’expansion relativement longues
(années 60,90), ce taux de profit commence à
baisser en milieu de cycle, plusieurs années
avant une entrée en récession (voir graphique
6).
Si les phases d’expansion ne s’interrompent pas du
seul fait de leur durée et d’une baisse du taux de
profits, quelles sont les causes des récessions ? Il n’y
malheureusement pas d’explication simple et évidente
du phénomène et les économistes continuent d’en
débattre. Chocs exogènes sur la productivité, chocs
financiers, résultats des rigidités d’une économie,
Graphique 4
Investissement dans les industries extractives
En volume
Graphique 3
Etats-Unis : Indice ISM Manufacturier
Période 1980-2016
Source : Factset
Source : Factset
(1) FRBSF ECONOMIC LETTER, 2016-03, February 8, 2016, will the Economic Recovery Die of Old Age?
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de mars 2016 et est susceptible de changer.
Graphique 5
Caractéristiques des phases d’expansion
Source : Facstet
Une forte baisse de l’indice ISM manufacturier n’est
pas systématiquement suivie d’une récession.
20
30
40
50
60
70
80
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
2006
2008
2010
2012
2014
2016
Réces
Pas de
récession Pas de
récession Pas de
récession
Pas de
récession Pas de
récession
Pas de
récession Pas de
récession
Pas de
Récession ?
0%
1%
2%
3%
4%
5%
6%
7%
8%
9%
0
2
4
6
8
10
12
1949 1954 1958 1961 1970 1975 1980 1982 1991 2001 2009
Durée en années, échelle de gauche Croissance annuelle moyenne, échelle de droite
Années
50
100
150
200
250
300
1976
1979
1982
1985
1988
1991
1994
1997
2000
2003
2006
2009
2012
2015
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chocs pétroliers, modification des anticipations et des
préférences des agents économiques pour des raisons
extrinsèquesde très nombreux concepts ont été
mobilisés pour tenter d’expliquer la cyclicité de
l’économie sans qu’aucun ne s’impose sur un plan
théorique.
C’est pourquoi une approche empirique est peut-être à
privilégier pour pouvoir anticiper les récessions. Une
analyse des contributions à la volatilité du cycle
économique montre le rôle prépondérant de quatre
postes de la demande dans les variations du PIB :
la consommation de biens durables ;
l’investissement résidentiel ;
l’investissement des entreprises ;
le stockage des entreprises.
Bien que contribuant seulement au quart de l’activité
économique, ces composantes « cycliques »
représentent 80%de la volatilité de
l’activité économique et expliquent toutes les chutes en
récession. Réciproquement, quasiment toutes les
chutes d’activité dans les secteurs cycliques
débouchent sur une récession (voir graphique 7).
Àl’exception de la récession de 1953-1954, expliquée
par la baisse des dépenses de fense après la guerre
de Corée l’époque, les dépenses de fense
représentent 15%du PIB), la totalité des récessions
est précédée par un pic du poids des composantes
cycliques. Ce pic est atteint avec plus ou moins
d’avance sur l’entrée en cession, mais il est toujours
atteint en amont (voir graphique 8).
Plus précisément, c’est l’investissement résidentiel qui
semble jouer un rôle important dans les récessions.
Les travaux d’Edward Leamer(2) montrent qu’un
ralentissement de celui-ci a toujours été observé en
amont des récessions. Dans le sens inverse, tous les
retournements du secteur résidentiel se sont
accompagnés d’une récession à l’exception de ceux
de 1951-52 et 1966-67, mais dans ces deux cas, la
dépense publique avait fortement augmenté, du fait
des guerres de Corée et du Vietnam, ce qui avait
permis d’absorber le choc. Les autres composantes
« cycliques » ont plutôt tendance à produire leurs
effets dans un second temps, une fois que l’économie
a basculé en récession.
(2) Edward E. Leamer, 2007. "Housing is the business cycle," Proceedings - Economic Policy Symposium - Jackson Hole, Federal Reserve Bank of Kansas City, pages 149-233.
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de mars 2016 et est susceptible de changer.
Graphique 8
Poids dans le PIB des composantes cycliques
Stockage, investissement, consommation de biens durables
Graphique 7
Contribution à la croissance sur un an des composantes
cycliques et non cycliques
Sources : Lazard, Factset
Graphique 6
Profits après impôts
En pourcentage du PIB
Source : Factset
Bien que contribuant seulement au quart de l’activité
économique, ces composantes « cycliques » représentent
80% de la volatilité de l’activité économique et
expliquent toutes les chutes en récession.
Source : Factset
0%
2%
4%
6%
8%
10%
1945
1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
2015
-6%
-4%
-2%
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
1950
1955
1960
1965
1970
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2010
2015
Composantes non cycliques Composantes cycliques
Récessions
Récessions
Récessions
Soft landing
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Le point commun de ces secteurs est d’être
relativement sensible aux taux d’intérêts.On observe
d’ailleurs que la plupart des récessions sont précédées
d’un durcissement de la politique monétaire (voir
graphique 9) mais les délais d’action de la politique
monétaire étant « longs et variables », selon
l’expression consacrée des banquiers centraux, ce
durcissement peut mettre plus ou moins de temps à
causer un basculement de la croissance.
Il est peu probable que le durcissement actuel des
conditions financières suffise à lui-seul à causer une
récession, tout d’abord parce que les taux sont encore
très en dessous de la croissance nominale de
l’économie américaine, mais aussi parce que l’histoire
montre que l’on peut observer un durcissement de
celles-ci sans pour autant causer une récession,
comme en 1987 ou en 1998 (voir graphique 10). À
partir de 1998, les banques avaient durci
progressivement leurs conditions d’octroi de crédit aux
entreprises mais maintenaient celles pour les prêts
hypothécaires à des niveaux avantageux. Il a fallu
attendre 2001 pour que l’économie entre en récession
et celle-ci aété très légère. Le durcissement des
conditions d’octroi de prêts aux ménages semble avoir
un impact plus rapidement (voir graphique 11).
Alors que faut-il en penser ? L’histoire montre qu’il est
difficile d’énoncer une théorie des récessions qui
permettrait d’annoncer à coup sûr le basculement de
l’économie américaine en récession. Le secteur
résidentiel semble jouer un rôle important dans ce
mécanisme, notamment du fait de sa dépendance aux
conditions de financement. Mais la récession de 2001
montre que l’on peut également connaître des
récessions à cause d’autres segments de l’économie,
l’investissement des entreprises en l’occurrence. Quoi
qu’il en soit, elles font presque toujours suite à un
durcissement de la politique monétaire dans un
contexte les activités cycliques ont atteint un pic.
Aujourd’hui, le poids de ces activités cycliques est
relativement faible, ce qui pourrait permettre à la
réserve fédérale d’obtenir un « soft landing », c’est à
dire un ralentissement de l’activité suffisant pour
réduire les pressions inflationnistes sans basculer en
récession, comme en 1994.C’est sans doute ce que la
Fed cherchera à obtenir mais il est trop tôt pour dire si
elle réussira ou non.
Graphique 11
Enquête sur les conditions d’octroi de crédit
Source : Factset
Graphique 10
Indice des conditions financières de la Fed de Chicago
Source : Factset
Graphique 9
Taux sur les Fed Funds et récessions
Source : Factset
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
14%
16%
18%
20%
1955 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015
Récessions
Tension des conditions financières
-3
-2
-1
0
1
2
3
4
5
6
1972
1975
1978
1981
1984
1987
1990
1993
1996
1999
2002
2005
2008
2011
2014
>0: durcissement net <0: assouplissement net
-40
-20
0
20
40
60
80
100
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016
Prêts aux entreprises Prêts immobiliers (total)
Prêts immobiliers (prime) Prêts immobiliers (non-traditionnels)
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de mars 2016 et est susceptible de changer.
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Comme nous l’avons vu, l’ISM manufacturier est un
bon signal d’alerte sur l’économie américaine, mais il
ne suffit pas à lui seul à envoyer un signal clair. C’est
pourquoi il nous semble important de le coupler à
l’analyse d’autres indicateurs. Les inscriptions
hebdomadaires au chômage constituent selon nous
un autre indicateur fiable de la conjoncture aux
États-Unis et celles-ci sont très rassurantes. Le
chômage a tendance à augmenter, lorsque
l’économie commence à approcher une récession
(voir graphique 12).
Julien-Pierre Nouen, économiste-stratégiste
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de mars 2016 et est susceptible de changer.
Graphique 12
Inscriptions hebdomadaires au chômage en %de la
population active
Source : Factset
Ace jour et compte tenu des éléments évoqués dans cette note, nous ne validons pas le risque d’entrée en
récession de l’économie américaine. Les indicateurs susceptibles de remettre en cause notre scénario sont les
suivants :
Un net affaiblissement de certaines composantes cycliques de l’économie au travers d’indicateurs comme
les ventes de voitures, les ventes de maisons neuves ;
Un passage de la composante « nouvelles commandes » de l’ISM sous les 44 ;
Des inscriptions hebdomadaires au chômage qui s’inscrivent à la hausse.
Du fait de chocs externes ou d’éléments endogènes, l’économie peut connaitre des ralentissements temporaires
sans pour autant basculer en récession. Notre analyse de l’économie américaine nous amène à penser que nous
sommes davantage dans le cas d’un ralentissement de milieu de cycle qu’à l’orée d’une nouvelle récession. Le
cycle de la croissance américaine devrait se poursuivre en 2016 selon nous.
CONCLUSION
0
1
2
3
4
5
6
7
1968
1971
1974
1977
1980
1983
1986
1989
1992
1995
1998
2001
2004
2007
2010
2013
2016
Récessions
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