Marc Glady, MCF sociologie, Université Paris-Dauphine
Irisso, UMR 7170
marc.glady@dauphine.fr
Affaiblissement ou réaffirmation du programme biographique ? Le cas des entretiens
d’accompagnement des chômeurs.
Proposition pour le Colloque du Réseau International de Sociologie Clinique
(ESCP, 8-10 avril 2015)
Les parcours professionnels et plus globalement les trajectoires de vie sont marqués par les
aléas, les bifurcations, les ruptures, les réorientations (Bessin, Bidart & Grossetti, 2010).
Mobilité, changement d’activité, de statut, de secteur, de métier… rythment de plus en plus la
trajectoire des acteurs, selon une logique qui échappe largement à la prévision, à la maîtrise
ou à l’anticipation des carrières. Ces événements biographiques sont repris, traités et travaillés
aujourd’hui grâce à de nombreux dispositifs d’accompagnement, dont une des caractéristiques
essentielles est qu’ils reposent sur des formes d’interaction avec les sujets pour tenter de
dépasser ces accidents et maîtriser les transitions. Notre propos cherche à rendre compte du
fait que le langage est constitutif de ces « situations de service » (Demazière & Glady, 2011),
et que ces dernières incorporent toujours une dimension biographique (Delory-Momberger,
2010 ; Astier & Duvoux, 2007).
Dire du langage qu’il est constitutif de l’accompagnement, c’est rendre compte de pratiques
rendues protéiformes par la diversité des intervenants, des référentiels, des dispositifs, mais
qui, toutes, supposent un « colloque singulier » avec un bénéficiaire. Or cette situation a la
particularité d’articuler des éléments largement codés par les contraintes qui pèsent sur les
conseillers-emplois et en même temps d’impliquer une nécessaire ouverture à l’écoute de
l’individualité des destins, des profils et des personnalités.
Insister sur la dimension biographique de ces échanges, c’est rendre compte du fait
qu’aujourd’hui le sujet est sommé de se produire comme acteur performatif. « L’injonction
biographique » de notre société contemporaine, qui promeut un individualisme réflexif,
impose au salarié en transition ou au chômeur de construire une parole sur lui-même, dont on
attend qu’elle contribue à maintenir la continuité de son expérience et la cohérence de sa
trajectoire. Mais aussi qu’elle assure le succès argumentatif des formes de présentation de soi
induites par les actes de candidature.
C’est la valeur de ces pratiques discursives du point de vue d’une clinique biographique qu’il
s’agira d’examiner dans cette communication. Si le propre du langage est d’être un
assemblage dialogique de plusieurs voix tantôt désigné comme son hétérogénéité constitutive,
tantôt sous le terme « d’interdiscursivité », comment cette dimension dialogique organise-t-
elle le travail d’énonciation biographique ? S’agit-il d’une mobilisation de ressources de sens
qui puisse faire étayage pour les acteurs sociaux en fragilité ? Ou d’une façon de rabattre
l’accompagnement sur la dimension conformante des normes et injonctions pesant sur cette
activité ?
En choisissant des moments-clés de discours de bénéficiaires et de conseillers-emplois
produits en entretiens mais aussi lors d’interactions professionnelles enregistrées, nous
montrerons que le langage est précisément un opérateur des processus dialectiques liant
domination et émancipation (Glady, 2015, à paraître). Si les interactions sont traversées de
préconstructions sociales et discursives qui versent trop souvent du côté de la répétition des